Ecusson de la République et du canton de Genève


REPUBLIQUE
ET CANTON
DE GENEVE

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17. Renonciation à la bourgeoisie (1763)

A Genève, les individus se répartissent en plusieurs ordres juridiques. Un citoyen est le fils d’un citoyen ou d’un bourgeois né en ville. Le bourgeois achète les lettres de bourgeoisie qu’octroie le Petit Conseil. Les citoyens et bourgeois jouissent de tous les droits politiques et économiques. Ils siègent dans le Conseil général où réside la souveraineté de l’Etat républicain.

Les autres se divisent en habitants, natifs et sujets de la campagne soumis au droit féodal jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Les habitants sont des étrangers qui ont le droit d’habiter, de travailler, d’acquérir des biens et de se marier en ville. Les natifs sont les enfants des habitants. Natifs et habitants sont exclus de la vie politique. Des normes fiscales et économiques limitent leur activité en bloquant, par exemple, l’accès aux professions libérales.
 

AEG, Bibliothèque, Girod 180/2
Texte du serment prêté par les bourgeois contenu dans les Edits de la République de 1735 (AEG, Bibliothèque, Girod 180/2)


Le jeudi 12 mai 1763, dans une lettre de trois paragraphes qu’il adresse depuis son exil de Môtiers (principauté de Neuchâtel) au premier syndic Jacob Favre, Jean-Jacques Rousseau «abdique à perpétuité» son «droit de bourgeoisie et de cité dans la ville et République de Genève».

Imputant ce choix à la haine de ses adversaires, il aurait rempli au mieux les «devoirs attachés à ce titre sans jouir d’aucun de ses avantages». La censure de ses ouvrages par le Petit Conseil (18 juin 1762) et les conséquences juridiques de cette interdiction l’ont plongé dans un «long étonnement» et motivent ce renoncement civique. Guidé par l’«honneur» et la «raison», l’auteur controversé du Contrat social quitterait sans remords l’Etat républicain. Pourtant, chérissant sa cité natale, son déchirement patriotique est aigu:

J’ai tâché d’honorer le nom Genevois; j’ai tendrement aimé mes compatriotes; je n’ai rien oublié pour me faire aimer d’eux: on ne saurait plus mal réussir. Je veux leur complaire jusques dans leur haine: le dernier sacrifice qui me reste à leur faire est celui d’un nom qui me fut cher […] ma Patrie en me devenant étrangère ne peut me devenir indifférente; je lui reste attaché par un tendre souvenir, et je n’oublie d’elle que ses outrages. Puisse-t-elle prospérer toujours et voir augmenter sa gloire: puisse-t-elle abonder en Citoyens meilleurs et plus heureux que moi.
 

AEG, P.H. 4870
Lettre de Rousseau au syndic Jacob Favre annonçant sa décision de renoncer à la bourgeoisie de Genève. 12 mai 1763 (AEG, P.H. 4870)


Si dans sa correspondance Rousseau fait le «serment solennel de ne jamais rentrer à Genève», il espère bénéficier d’une réhabilitation. Depuis 1762, il affirme être la victime d’une cruelle injustice et d’une sentence illégale.

Une lettre du 24 mars 1768, parmi les cent soixante adressées à son ami marchand toilier et bourgeois de Genève dès 1748 François d’Ivernois (1722-1778), déplore l’iniquité du décret «absurde» et «ridicule» qui le frappe. Ce ressentiment moral envers ses «ennemis» habitera Rousseau jusqu’à sa mort, comme en témoignent les Confessions et les Dialogues.1

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1 Nous remercions Michel PORRET, auteur de ce texte.

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