Sous l’Ancien Régime, la détention (prisons d’Etat, maisons de force et de correction, hôpitaux généraux, dépôts de mendicité) est essentiellement préventive. Elle consiste alors principalement en la prise de corps d’un suspect en attente de jugement; en une mesure de sûreté, et non une peine prononcée par un juge. Parfois, la prison peut faire office de peine: ainsi, dès le XVIe siècle, les femmes qu’on ne peut envoyer aux galères sont enfermées dans des maisons de force. Débiteurs insolvables, criminels infirmes, déments et mendiants sont également incarcérés.
A Genève, l’Hôpital général abrite une Maison de Discipline dès 1631, laquelle contient des ateliers de travail pour les femmes (filature de laine) et pour les hommes (passementerie, cardage, cordonnerie). Transférée à Saint-Antoine en 1713, la Discipline renferme toujours moins d’indigents au cours du siècle, tandis que le nombre d’internements consécutifs à un jugement augmente considérablement. S’ajoute à cette forme naissante de détention pénale, l’usage, croissant au XVIIIe siècle, de la «prison domestique». Conjuguant peine corrective et contrôle social du condamné, cette condamnation infligée pour des petits délits contre les biens ou les mœurs oblige le condamné à rester enfermé dans son logis. Enfin, une prison «classique» – dite de l’Evêché – existe aussi à Genève: située dans l’ancien palais de l’Evêque, elle est comparable aux prisons de l’ensemble des villes européennes.
Projet de construction d’une maison pénitentiaire sur l’emplacement de la prison de l’Evêché, vers 1820
En 1820, le Conseil d’Etat propose un prix de 1200 florins à l’auteur du meilleur projet de maison de force pénitentiaire adapté à un bâtiment déjà existant, tel l’Evêché. Les autorités optent cependant pour une construction entièrement neuve – la Tour Maîtresse (1825-1862) – inspirée par le principe du panoptisme de J. Bentham.
AEG, Travaux B 2/11.1
Registre d’écrou, 1738-1754
Consigné dans les registres d’écrou, le mouvement des prisonniers détenus à l’Evêché témoigne d’un taux d’occupation quotidien relativement faible (entre 5 et 15 personnes). Au-delà des incarcérations en effigies et des quelques longues détentions, les individus qui peuplent cette prison sont pour l’essentiel des débiteurs qui quittent leur geôle après avoir donné des cautions suffisantes.
AEG, Jur. Pen. H 4.14
Règlement sur l’office de geôlier 3 août 1784
Grabelé (évalué) tous les trois ans par les Petit et Grand Conseils, le geôlier est tenu de faire en sorte que «l’humanité soit respectée autant que les égards qu’elle prescrit pourront se concilier avec le soin de garder sûrement les prisonniers». Afin d’endiguer l’arbitraire du geôlier, le tarif fixant les émoluments qu’il reçoit de chaque prisonnier est affiché aux prisons.
AEG, Placard 5/575