Depuis l’Antiquité, le droit de punir pacifie les sociétés avec «quatre grandes formes de tactique punitive». Le bannissement ou exil du condamné; l’amende financière; le supplice public qui violente le corps jusqu’à la mort; l’enfermement carcéral comme peine graduée de privation de liberté dans l’héritage conventuel et hospitalier.
A Genève, le régime pénal se décline ainsi: peine capitale, galères perpétuelles ou à temps, bannissement perpétuel ou à temps (entre 1755 et 1791: 50% des 245 peines prononcées en grand criminel), fouet, amende honorable. Existent d’autres usages de contrainte, repentance disciplinaire, de moralisation, et d’infamie: génuflexion d’un paillard, amende honorable d’un violeur, «censure» d’un voleur, tonte capillaire d’une prostituée. Au XVIIIe siècle, le régime pénal s’adoucit. A la disparition des mutilations corporelles, s’ajoutent l’abandon du supplice de la roue et la croissance lente de la détention dès 1750. Le régime pénal vise la repentance du criminel et l’édification du public selon l’usage de l’amende honorable (confession publique du crime) prononcée 170 fois par un condamné agenouillé en tribunal ou sur les lieux du délit entre 1755 et 1791.
Mitre des maquerelles peinte par Pierre Favre (vers 1527-1567) à la suite de la condamnation d'Antoine Chatelain, en 1546
Au XVIe siècle, la pénalité moraliste est publique et infamante contre les auteurs d'un crime de sang ou d'un délit contre les mœurs. La peine veut prévenir le crime. Pilori, carrefour et rues de la cité: l'exhibition du délinquant est dramatisée par un rituel public d'édification du peuple auquel participe la mitre infamante de la maquerelle et du putassier. Coiffés d'une mitre infamante, la maquerelle et le maquereau condamnés en justice font amende honorable.
MAH, Ville de Genève, polychromie sur les deux faces, 30x25 cm, inv. n° F 25 (photo Jean-Marc Yersin)
Sentence criminelle infligeant le fouet public «par tous les carrefours de la ville» et le bannissement perpétuel
Avant la généralisation à l’aube du XIXe siècle de la prison pénitentiaire comme peine de neutralisation corrective, le régime pénal violente le corps du justiciable. Les juges visent surtout la flétrissure corporelle et l’élimination sociale des condamnés, comme ici lorsqu’ils infligent le fouet public et le bannissement sous peine de vie.
AEG, P.C. 1re série 12692 («vols divers»), 1775, folio 103
Dessin anonyme d’une main clouée à la potence
Avant le XVIIIe siècle, les mutilations pénales, pièce centrale du spectacle de la douleur, visaient à établir une analogie effrayante entre le crime et la peine. Langue téméraire arrachée au blasphémateur, main coupable tranchée à l’incendiaire ou au bouteur de peste, corps écartelé du régicide en France: la sévérité corporelle du supplice expiatoire évoque dans la souffrance du condamné l’atrocité du passage à l ’acte que tous doivent haïr.
AEG, P.C. 1re série 408 («incendiaire, propagateur de peste»), 1545
Mitre des maquereaux, milieu du XVIe siècle
MAH, Ville de Genève, polychromie sur les deux faces, 30x25 cm, inv. n° F 26 (photo Jean-Marc Yersin)
Livre des sentences et procès criminels
Fustigation, bannissement, peine capitale: motivées en Grand criminel dans des procès pour des délits qualifiés en aggravation par leurs circonstances, les peines afflictives éliminent le condamné en en violentant le corps parfois jusqu’à la mort. Mis en scène par le bourreau, le spectacle de la douleur est une pédagogie de l’effroi censée intimider les criminels potentiels de la société.
AEG, Jur. Pen. A 8 (1755-1791)