Lorsqu'en septembre 1914 les derniers détenus de la prison de l'Evêché sont transférés dans les pénitenciers bernois de Thorberg, puis de Witzwil, l'avenir du bâtiment genevois est remis en question. Que faire en effet de ce puissant et solide édifice, construit entre 1840 et 1842 par l'architecte Schaeck?
En 1915, les Archives d'Etat connaissent un criant besoin de locaux pour assurer la conservation des archives du 19e siècle. Le conseiller d'Etat James Fazy préconise la construction d'un immeuble isolé, en ville, «bâtiment en quelque sorte blindé qui échappe à l'incendie»… Quelques «habitués des Archives» reconnaissent dans cette description d'un «bâtiment coffre-fort» la prison récemment évacuée et demandent au Conseil d'Etat d'étudier la transformation de l'édifice.
L'année suivante, sous l'impulsion de Waldemar Deonna, le projet s'étoffe en Musée de la Vieille Genève. Il s'agit de regrouper à l'Evêché les Archives d'Etat et plusieurs collections genevoises dont la consultation et l'étude seraient ainsi facilitées: celles du Vieux-Genève, le musée épigraphique de la Bibliothèque publique, les objets et fragments architecturaux des dépôts du Musée d'art et d'histoire et le Musée de la cathédrale. Plusieurs architectes, parmi lesquels Léon Bovy et Antoine Leclerc, proposent des solutions d'aménagement.
Mais, née en 1915 déjà, une autre idée fait son chemin, celle de l'artiste peintre Albert Trachsel, qui est relayée et défendue par l'architecte Henry Baudin. Selon eux, il est nécessaire de détruire l'Evêché, ce «prototype de laideur et de mauvais goût». A sa place, les deux hommes proposent de créer une terrasse ombragée d'arbres et offrant une vue dégagée à la fois sur la ville et sur le chevet de Saint-Pierre, pour autant que l'on démolisse les maisons de la rue Toutes-Ames (ce qui sera fait en 1938).
La prison de l'Evêché est démolie en 1940, la terrasse Agrippa d'Aubigné construite par le Service d'urbanisme et l'architecte Adolphe Guyonnet entre 1940 et 1941.
1 et 2. Projet de transformation par l'architecte cantonal F. Martin en 1918: les étages sont réservés aux Archives d'Etat, le rez-de-chaussée au Musée du Vieux-Genève (AEG, Travaux BB 17/10)
3 et 4. L'Evêché et les projets de l'architecte Leclerc (Heimatschutz no 3, déc. 1940, et La Question de l'Evêché, 1917). [Non reproduit]
Mis à part le projet du début des années 1980, jamais les Archives d'Etat ne sont passées aussi près de l'établissement d'un Hôtel des Archives qu'en 1918. Il est du reste assez étonnant de constater que les cinq principaux arguments en faveur de la transformation de l'Evêché en siège des Archives d'Etat, en 1918, sont toujours d'actualité, même si les standards ont changé.
En effet, aujourd'hui comme hier, ce service cherche toujours son hôtel des Archives, soit un bâtiment assurant à tous ses précieux documents: a) une protection contre le feu et l'humidité, b) une protection contre les dégâts des nombreux déménagements, c) une surveillance aisée des dépôts et des lecteurs, d) un espace de travail suffisant pour le traitement méthodique des fonds et enfin e) une importante possibilité de stockage pour les nombreux versements attendus.
5. Projet pour un hôtel des Archives de l'Etat, publication du DIA, Genève 1981. [Non reproduit]