Dans le ressort souverain de la République, la sanction est adoptée dans le secret du Petit Conseil. En deux tours et à huis clos, les juges fixent la nature de la peine, les modalités et la date de son exécution. Comme le prescrit en France l’Ordonnance criminelle de 1670 (titre XXV, art. 21), la sentence est prononcée au condamné le jour de l’exécution. Secrète durant toute la phase de l’instruction, la chaîne du pénal d’Ancien Régime devient publique avec le prononcé du jugement.
Pour toute sentence de mort, de condamnation au fouet public ou à l’amende honorable par la ville, les juges se rendent sur un Tribunal orné de tapisserie et élevé devant l’Hôtel de ville, face au public. Le spectacle de la sentence criminelle préfigure celui des peines publiques qu’endure le condamné. La population est préalablement invitée par le crieur public à se rendre à l’Hôtel de ville pour y entendre la lecture d’une sentence criminelle. Sous l’autorité des magistrats, un secrétaire d’Etat lit solennellement le «sommaire du procès» puis la sentence définitive qu’il adresse aussi bien au condamné agenouillé et tête nue qu’à la foule silencieuse. Avant d’être remis au bourreau, le condamné peut «recourir à la grâce» du Conseil des CC pour qu’il modère la sentence, si celle-ci réclame une peine corporelle.
«Règlement sur la manière de prononcer et de faire exécuter les jugements du Conseil militaire»
Entre 1783 et 1788, se pratique dans la République un rituel judiciaire militaire inédit qui copie le cérémonial en usage dans les troupes suisses au service de France. Conformément à l’Edit de 1782, le Conseil militaire poursuit les délits commis par les soldats de la garnison. Sur le boulevard du bastion de Saint-Antoine, au milieu d’un carré formé par plusieurs centaines de soldats, le tribunal militaire rend la justice au son des tambours qui battent au champ, avant de remettre au bourreau le soldat condamné.
AEG, Militaire A 1, 5 mai 1783, folios 117r°/v°-118 (montage)
«Sommaire» du procès intenté contre Jean Lorin
Résumant le procès et les circonstances du délit qualifié pour en motiver la peine, le sommaire du procès est méticuleusement rédigé par le Petit Conseil avant d’être lu au condamné le jour de l’exécution de la peine.
AEG, P.C. 1re série 5217 («banqueroute frauduleuse»), 1698, non folioté
«Sentence criminelle» contre Jean Clavel, condamné pour un attentat à la pudeur sur une enfant de 4 ans et demi
Ordonnant au nom du «Père, du Fils et du Saint-Esprit» l’exécution de la peine, la sentence criminelle – qui n’est pas imprimée dans la République – est lue devant la Maison de ville pour toute sentence de mort, de condamnation au fouet public ou d’amende honorable. La lecture publique de la sentence procède d’une «cérémonie de l’information» qui vise à édifier la foule et à renforcer l’autorité pénale du Petit Conseil.
AEG, P.C. 1re série 15351 («viol d’enfant»), 1787, folio 35