Dès le XVIe siècle, le monopole pénal croissant de l’Etat instaure l’obligation répressive du parquet. A Genève, l’institution du procureur général remonte à 1534 après un litige avec l’Evêque. D’abord nommé par le Petit Conseil et ratifié en CC, le procureur général est élu en Conseil général (Edits de 1568). Le procureur général sera incorruptible. Il veille aux ordonnances et assiste à la cour du lieutenant. Il est «instant» pour la «conservation de l’Etat public de la Ville», ainsi qu’aux «causes criminelles» qui en résultent. Après 1713, son rôle pénal accru ressort du Règlement de l’Illustre Médiation (1738): «Le Procureur général sera et demeurera Partie publique dans tous les procès criminels, jusqu’à sentence définitive et les conclusions qu’il donnera ne seront point communiquées à l’accusé».
Dans la chaîne du pénal, le rôle du parquet est crucial. L’instruction judiciaire de l’auditeur lui revient via le Petit Conseil. Nourri à la jurisprudence locale et universelle, aux rares sources de la loi genevoise et étrangère ainsi qu’à la doctrine pénale, le réquisitoire («Conclusions») du procureur général qualifie le crime selon les circonstances et motive la peine réclamée au Petit Conseil. Rares avant 1738, sommaires mais plus nombreux jusqu’aux années 1750, de plus grande envergure pénale dès la magistrature éclairée du procureur général Jean-Robert Tronchin (1760-1767), les réquisitoires se multiplient jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Ils assurent l’équité de la poursuite pénale.
Portrait de Jean-Robert Tronchin (1710-1793), vers 1760, auteur inconnu
Elève de Jean-Jacques Burlamaqui (1694-1748) à l’Académie, avocat réputé en causes matrimoniales, Jean-Robert Tronchin est élu procureur général de la République en 1760. Lors de son investiture, il salue le libéralisme et la modération de Montesquieu dans son Discours sur la justice criminelle. Ami de Voltaire, Tronchin occupe le parquet en appliquant une politique pénale digne des Lumières à lire le millier de folios de ses réquisitoires pétris d’équité et d’utilitarisme pénal.
Musée d’art et d’histoire, Ville de Genève, plume, lavis d’encre de Chine sur papier, 14.1x14.1 cm,
inv. no 1980-270 (photo Jean-Marc Yersin)
«Conclusions» du procureur général Jean-Robert Tronchin
En grand criminel, lorsque l’instruction bouclée lui est communiquée par le Petit Conseil, le procureur général rédige un réquisitoire («Conclusions») dans lequel il qualifie le crime selon les circonstances et motive la peine qu’il réclame. De cette manière, le procureur général limite l’arbitraire des treize conseillers en charge de la justice pénale. Magistrat éclairé, Jean-Robert Tronchin réclame ici la fustigation publique et le bannissement perpétuel d’un voleur nocturne récidiviste.
AEG, P.C. 1re série 11090 («recel»), 1769, folio 79
Tableau des «Charges et délits dont il est fait mention dans la procédure instruite contre [le bandit] François Rosay»
Ordonner l’arbitraire pour mieux qualifier le crime selon sa nature et motiver la peine: le procureur général François-André Naville (1752-1794) rédige un tableau qui résume les objets de ses conclusions contre le brigand François Rosay contre lequel il réclamera et obtiendra la pendaison en réparation des 34 délits commis («excès», «vols» et «assassinats») dans de multiples lieux avec une douzaine de complices.
AEG, P.C. 1re série 15313 («vols, violences et assassinats»), 1787