Dès le XVIe siècle en Europe, la répression des crimes (contre la religion, l’Etat, les individus, les biens et les mœurs) devient le monopole régalien de l’Etat moderne au même titre que la levée de l’impôt, le droit de faire la guerre ou celui de battre monnaie. Toujours public, le glaive de justice s’oppose à la vindicte privée. Arbitraire avant la période de la légalité des délits et des peines (Code pénal, 1791), la justice pénale est encadrée par les vestiges du droit romain, la coutume, la jurisprudence et la loi (édits, ordonnances, etc.). Délit, enquête, procès, sentence, incarcération, marque au fer chaud des récidivistes, exécution de la peine capitale ou corporelle: la chaîne du pénal représente le mécanisme judiciaire de la répression mis en œuvre à Genève comme ailleurs en Europe.
L’archive judiciaire est la mémoire institutionnelle de maintes vies fragiles comme en témoignent les «testaments de mort» dictés à un greffier sur le seuil de l’échafaud par des condamnés à la peine capitale. Des existences précaires qu’évoquent la violence du crime, son cortège de souffrances physique et morale, selon les milliers de pages de plaintes individuelles, de témoignages assermentés et de rapports médico-légaux. S’y ajoute la sévérité du châtiment, corporel ou d’élimination sociale comme la peine capitale et le bannissement. Les existences et les voix du passé sont tirées de l’oubli des temps… par la chaîne du pénal.
Samuel de RAMERU, Allégorie de la justice, vers 1652
Près de la Halle aux grains (devenue plus tard Arsenal, puis Archives d’Etat) et de la Maison de ville dont on aperçoit le tribunal, la justice distributive en majesté – les yeux ouverts – brandit de la main droite le glaive de la chaîne du pénal pour la punition des méchants et tient de la main gauche la balance avec la pesante règle de l’équité. Les «fruits de la justice» – abondance, richesse, harmonie sociale, paix – iront aux «bons».
Musée d’art et d’histoire, Ville de Genève, huile sur toile, 131.5×193 cm, inv. n° N 501 (photo Yves Siza)