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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1183/2009

DCSO/285/2009 du 25.06.2009 ( DISCIP ) , ADMIS

Descripteurs : Enquête disciplinaire; Liquidateur; Concordat par abandon d'actif.
Normes : LP.14.2; LP.320.3
Résumé : Réprimande infligée au liquidateur d'un concordat qui a prêté des fonds de la masse dans le cadre d'un protocole d'accord pour financer un procès d'une masse tierce, retardant de plusieurs années la liquidation de ce concordat.
En fait
En droit

 

DÉCISION

DE LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

DES OFFICES DES POURSUITES ET DES FAILLITES

SIÉGEANT EN PLENUM

DU JEUDI 25 JUIN 2009

Cause A/1183/2009, 14 LP, procédure disciplinaire ouverte à l'encontre de M. Z______, élisant domicile en l'étude de Me Serge FASEL, avocat, à Genève.

 

Décision communiquée à :

- M. Z______

domicile élu : Etude de Me Serge FASEL, avocat
Rue du XXX1 Décembre 47

1207 Genève

 

 

- Tribunal de première instance

(L______ SA en liquidation concordataire ; cause C/9xxx/1998)


 

EN FAIT

A.a. L______ SA (anciennement M______ SA) est une société dont M. M______ était l'administrateur unique. Le 25 juillet 1996, L______ SA a avisé le juge de son surendettement, sollicitant un ajournement de faillite que le Tribunal de première instance lui a accordé jusqu'au 28 février 1997. M. Z______ a été désigné en tant que curateur.

Dans son rapport du 10 février 1997 au Tribunal de première instance, M. Z______ constatait que L______ SA n'avait plus d'activités, que l'assainissement total de la société n'était pas possible et que le dividende ne devrait pas dépasser 10% pour les créanciers de 3ème classe.

Par jugement du 26 mars 1997, L______ SA a obtenu un sursis concordataire de six mois jusqu'au 26 septembre 1997, M. Z______ étant désigné commissaire au sursis. Ce délai a été prolongé par le Tribunal pour quatre mois, soit jusqu'au 26 janvier 1998.

Une assemblée des créanciers s'est tenue le 26 novembre 1997. A cette occasion, M. H______, liquidateur de M______ & Cie en liquidation et Mme Q______ représentant la CIAM, Caisse Interprofessionnelle d'AVS de la FRSP, ont été élus membres de la commission de surveillance.

Le 22 janvier 1998, M. Z______ a remis son rapport de commissaire au Tribunal, décrivant son activité, les états financiers et les créances admises, dont celle de M______ & Cie à concurrence de 1'008'555 fr. 15. Il indiquait que Me B______, avocat et conseil de L______ SA, a remis, par lettre-circulaire du 18 novembre 1997, une proposition concordataire prévoyant la récupération des actifs en 36 mois pour un montant net, après couverture des frais de masse, de 250'000 fr., impliquant un dividende prévisible d'environ 15% pour les créanciers de 3ème classe et des premiers versements dans un délai de 4 à 6 mois.

Par jugement du 24 juillet 1998, le Tribunal de première instance a homologué le concordat présenté par L______ SA à ses créanciers, nommé M. Z______ en qualité de liquidateur, et désigné une commission des créanciers composée de M. H______ et Mme Q______.

Dans le cadre de ses activités de liquidation, L______ SA en liquidation concordataire (ci-après : L_____) a procédé au recouvrement de ses débiteurs, mandatant pour ce faire, Me B______, avocat.

A.b. M______ & Cie est une société en commandite dont l'associé indéfiniment responsable était M. M______. Cette société a été mise au bénéfice d'un sursis concordataire en mars 1997, révoqué à la demande du commissaire au sursis par le Tribunal de première instance. Finalement, la société a été mise en faillite par jugement du 2 septembre 1997 et sa liquidation confiée à une administration spéciale. M. H______ en est l'administrateur spécial.

A.c. Dans le cadre de la liquidation de M______ & Cie, il est apparu que M. M______, alors qu'il connaissait parfaitement l'insuffisance d'actifs de sa société, avait confié à la Fiduciaire X______, depuis 1998, tout ou partie de sa fortune personnelle, sous le couvert de la société C______ Ltd, avec pour mandat de gérer ses actifs. A la suite d'opérations malheureuses, Fiduciaire X______ et M. M______ ont signé une convention par laquelle Fiduciaire X______ et ses administrateurs, M. Y______ et M. F______, se sont engagés à indemniser selon certaines quote-parts entre eux, M. M______ à concurrence de 540'000 USD plus intérêts, par mensualités de 7'000 fr.

L______ et M______ & Cie ont tout mis en œuvre pour tenter de recouvrer les montants dissimulés par M. M______. Ayant consulté un avocat de la place dans cet objectif, ils sont arrivés au constat que L______ avait des liquidités suffisantes pour diligenter une procédure contre M. M______ mais pas la légitimation active, alors que M______ & Cie n'avait pas les liquidités nécessaires disponibles mais la légitimation active pour faire séquestrer les biens soustraits. Ainsi, L______ s'est engagée à prêter la somme de 15'000 fr. à M______ & Cie pour financer ce procès, moyennant quoi elle recevrait en contrepartie 25% du "produit" net du procès. En cas d'insuccès de la procédure, chaque masse supporterait par parts égales les frais du procès. Cet accord a été formalisé par un "protocole d'accord" signé le 29 avril 2005 par M. Z______ pour L______ et M. H______ pour M______ & Cie, étant rappelé que ce dernier est également membre de la commission des créanciers de L______.

La procédure de séquestre contre M. M______ a été confiée à Me J______, avocat et s'est terminée par l'arrêt de la Cour de justice ACJC/6xx/06 du 15 juin 2006, rejetant la demande de M______ & Cie, du fait qu'elle n'avait pas démontré à satisfaction l'intention frauduleuse de M. M______ (art. 271 al. 1 ch. 2 LP). Me J______ a ainsi fait parvenir sa note de frais et honoraires à M______ & Cie une année après la fin de la procédure, soit le 4 juillet 2007, pour un montant total de 20'380 fr.

A.d. Le 30 novembre 2006, une séance entre M. Z______ et la Commission de surveillance des créanciers s'est déroulée. M. A______, juriste, assistait à cette réunion. Il est noté au point 2 du procès-verbal, dont la commission de céans n'aura connaissance que courant mars 2008, que la procédure d'exécution du concordat est terminée et que la liquidation finale peut intervenir. Les participants à cette séance ont également relevé que la Caisse AVS a produit dans le concordat une créance de 148'629 fr. 25 et qu'elle est au bénéfice d'un arrêt du Tribunal fédéral des assurances condamnant M. M______ à lui payer la somme de 71'789 fr. 95 et qu'elle pourrait ainsi directement agir contre M. M______. Mme Q______ a indiqué qu'elle va tenir au courant le concordat de l'état d'avancement des démarches de la Caisse AVS qu'elle représente. Ainsi, "…dans le cadre du versement des dividendes par L______ SA, il est décidé d'attendre fin mars 2007 afin d'être fixé sur l'état d'avancement de la procédure AVS telle que précitée. Si cette procédure n'a pas abouti, la décision est prise de verser un dividende intermédiaire, le cas échéant à consigner s'agissant de l'AVS".

B. Le 30 janvier 2007, la commission de céans, dans le cadre de son activité de surveillance, a réclamé à M. Z______ une copie intégrale et actualisée du procès-verbal du concordat. Ces documents n'ont été transmis que le 30 mars 2007. M. Z______ relevait dans son courrier d'accompagnement que "Enfin, nous relèverons que depuis l'arrêt de la cour de justice du 15 juin 2006 et la séance avec la commission des créanciers du 30 novembre 2006, on peut considérer que la procédure d'exécution du concordat est terminée et que la liquidation finale peut intervenir. Le tableau de distribution est en cours d'élaboration". A cet envoi n'était pas joint le procès-verbal de la séance du 30 novembre 2006.

Le 3 mars 2008, la commission de céans a interpellé M. Z______ pour relever qu'une année plus tard, la liquidation n'était toujours pas terminée, la société étant encore inscrite au Registre du commerce. Elle lui demandait toutes explications utiles à ce sujet.

M. Z______ s'est déterminé par courrier du 19 mars 2008. Il a transmis à cette occasion le procès-verbal de la séance du 30 novembre 2006. Il expliquait avoir dû attendre l'issue de la procédure intentée par la Caisse AVS contre M. M______ et n'avoir appris que le 17 décembre 2007 que celle-ci avait perçu 71'789 fr. 95, lui permettant ainsi de réduire sa production à 76'839 fr. 30. M. Z______ indique que le tableau de distribution définitif allait pouvoir être rectifié puis déposé, permettant ensuite la liquidation de ce concordat.

Le 10 juillet 2008, la commission de céans a à nouveau interpellé M. Z______. Elle relevait qu'au regard des états financiers au 31 décembre 2002, la problématique des débiteurs était réglée à cette époque déjà et par voie de conséquence, le but du concordat était atteint. Elle constatait en sus que depuis 2003, les honoraires et frais juridiques se sont élevés à environ 75'000 fr. sans qu'aucune distribution de dividende n'ait eu lieu, l'activité principale du concordat portant sur la procédure intentée par M______ & Cie contre M. M______ qui ne la concernait en définitive pas. La commission de céans demandait toutes explications utiles sur les raisons de l'absence de distribution de dividende, les raisons pour lesquelles l'activité déployée en faveur de M______ & Cie a été comptabilisée sous la forme de charge pour le concordat (au lieu d'un prêt ou d'une avance de dividende) et quelles compensations étaient prévues pour les créanciers suite à la rétention de leur dividende.

Le 22 août 2008, M. Z______ s'est déterminé. En substance, il indique que la décision d'intenter une procédure contre M. M______ a été prise de concert avec la commission des créanciers, "avec l'aide d'un mandataire expert en la matière, Maître J______, avocat, et après examen attentif du dossier juridique mettant en exergue des chances réelles d'aboutir de manière satisfaisante". Il précisait qu'au 31 décembre 2002, la liquidation des débiteurs n'était pas achevée, "la question du recouvrement des débiteurs n'était, et de loin, pas totalement résolue, de nombreuses procédures étant encore en cours", voulant pour preuve que le dernier versement reçu est intervenu en 2006. Quant à l'absence de distribution provisoire, M. Z______ indiquait qu'il considérait que celle-ci ne se justifiait pas, la liquidation finale étant proche et les coûts excessifs en pareilles circonstances. S'il avait décidé de ne pas comptabiliser les coûts liés à la procédure sous forme d'un prêt ou d'une avance sur dividende, c'était pour respecter le principe de prudence dans l'attente du résultat de la procédure. Il a joint à son envoi les procès-verbaux des séances tenues avec la commission des créanciers des 24 mai 2000, 19 août 2005 et 16 janvier 2006.

Le 25 septembre 2008, la commission de céans a écrit à nouveau à M. Z______ pour relever n'avoir pas trouvé le décompte final du partenariat entre L______ et M______ & Cie pour financer la procédure contre M. M______ et pour obtenir toutes explications utiles quant au fait que M______ & Cie n'aurait prétendument pas eu les liquidités nécessaires pour financer un tel procès alors que cette administration spéciale avait plus de 400'000 fr. de liquidités selon sa comptabilité.

M. Z______ a indiqué par courrier du 17 octobre 2008 qu'"il ne nous semble pas qu'il appartienne au liquidateur de L______ SA, en liquidation concordataire de se déterminer sur les actifs de M______ & CIE, en faillite qui nous sont évidemment inconnus, respectivement sur les motifs, assurément pleinement fondés, ayant poussé son Administrateur spécial à convenir d'un tel accord". Il a fourni différents documents à cette occasion.

Par courrier du 17 novembre 2008 à M. Z______, la commission de céans lui a indiqué ne pas pouvoir se satisfaire de ses réponses quant à la situation financière de M______ & Cie, sachant que M. H______, son administrateur spécial, était également membre de la commission des créanciers de L______. La Commission de céans attirait son attention sur le fait que ce protocole d'accord causait un dommage aux créanciers, tout en favorisant un autre créancier (M______ & Cie). S'agissant des débiteurs, elle notait que ceux-ci avaient été amortis au 31 décembre 2002, seule une somme de 48 fr. 69 ayant été encaissée depuis lors.

Interpellé le 17 novembre 2008 quant aux états financiers de M______ & Cie, M. H______ a répondu le 4 décembre 2008, pour indiquer que "il paraissait dès lors normal que deux entités ayant le même principal acteur unissent leurs efforts pour tenter de récupérer des biens cachés que des circonstances particulières avaient permis de détecter. C'est cette démarche qui a été entreprise et ce partenariat n'avait d'autre but que de réunir nos efforts et partager les risques". Il confirmait avoir environ 300'000 fr. dans ses états financiers mais que cette somme n'était pas disponible.

Le 12 décembre 2008, M. Z______ a répondu à la commission de céans, considérant qu'"il ne nous paraît pas qu'il y ait quelque chose d'illogique et d'illégal, bien au contraire, à ce que deux masses du même débiteur en finalité poursuivent ce débiteur en commun". Il indiquait qu'il va communiquer prochainement le décompte du protocole du 29 avril 2005. Il a joint à son envoi un exemplaire complet du courrier de Me B______ du 21 novembre 2003, chargé du recouvrement des débiteurs ainsi qu'un nouveau tableau des débiteurs, exempts d'erreurs de plume. Il réfutait le fait que le versement de 15'000 fr. en faveur de la procédure diligentée par M______ & Cie puisse être considéré comme une faveur, puisque cette somme n'était qu'une avance sur dividende.

Après que la commission de céans ait relancé par courriers des 13 janvier 2009 et 11 février 2009 M. Z______ du fait que le décompte du protocole du 29 avril 2005 ne lui était toujours pas parvenu, celui-ci a finalement adressé ce document, précisant que le courrier du 13 janvier 2009 ne lui était jamais parvenu. Ce décompte du 2 décembre 2008 prévoit que L______ reprend la somme de 15'000 fr. qu'elle a payée et qui est portée en déduction du dividende qui sera versé à M______ & Cie.

Par courrier du 5 mars 2009, la commission de céans a fait remarquer à M. Z______ que la clé de répartition de la convention du 29 avril 2005 avait été modifiée, relevant que la somme de 15'000 fr. n'était pas la seule charge assumée par L______ dans le cadre de ce partenariat au regard de la note d'honoraires de 45'700 fr. produite par M. Z______ pour son activité déployée entre le 1er janvier 2003 et le 31 janvier 2008 et qui portait principalement sur le suivi des procédures diligentées contre M. M______.

M. Z______ a répondu le 19 mars 2009 pour indiquer notamment que la modification de la clé de répartition avait fait l'objet d'un accord entre lui-même et M. H______, avalisé par Mme Q______, membre de la commission des créanciers. Il a persisté pour le surplus dans ses explications antérieures.

Lors de son plénum du 26 mars 2009, la Commission de céans a décidé d'ouvrir une enquête disciplinaire à l'encontre de M. Z______.

Les faits qui lui sont reprochés sont les suivants:

"-d'avoir laissé ouvert ce concordat, homologué en 1998, alors que le but du concordat, soit de recouvrer des actifs réalisables dans un délai maximum de trente-six mois, était atteint au plus tard en 2002,

-de n'avoir néanmoins jamais procédé à aucune distribution de dividende aux créanciers, alors que c'était possible,

-d'avoir disposé d'actifs du concordat en signant une convention le 29 avril 2005 avec M______ & Cie en faillite, pour financer le procès de cette dernière société contre M. M______".

D.a. M. Z______ a été convoqué pour une audience de comparution personnelle le 29 avril 2009, lors de laquelle ont été entendus, à titre de renseignement, M. H______ et Mme Q______.

M. Z______ a expliqué en substance qu'il ne partageait pas l'optimisme de Me B______ quant au dividende prévisible, si l'on se réfère à son rapport pour le Tribunal du 10 février 1997 dans lequel il faisait état d'un dividende prévisible de 10%. Quant à la durée escomptée de 36 mois, elle s'est avérée impossible à respecter vu la difficulté pour recouvrer certaines créances. M. Z______ a précisé qu' "à partir du moment où le problème avec l'AVS était réglé et que Me B______ a cessé son activité à l'automne 2003, dans mon esprit nous pouvions procéder aux démarches de liquidation finale de ce concordat. Je précise que le problème de la collocation AVS n'a été réglé qu'au milieu de l'année 2004".

M. Z______ a expliqué avoir eu dès le début de son mandat des doutes quant à la crédibilité de la situation financière officiellement péjorée de M. M______, peu en adéquation avec son train de vie dispendieux. Il a noté que L______ était débitrice de M______ & Cie pour environ 1 million de francs alors que M______ & Cie était créancière de son côté de M. M______ pour environ 2, 5 millions de francs. M. Z______ relève que "c'est alors qu'en début 2004, nous avons été contactés par MM. F______ et C______ qui étaient tenus de rembourser 7'000 fr. mensuellement à M. M______ et qui "préféraient" que cette somme revienne au concordat. Le total dû était de l'ordre de 700'000 fr.". Il s'est alors interrogé de concert avec M. H______ sur la manière de procéder, précisant "sur le plan économique, j'estimais qu'une partie des fonds devait revenir à L______ même s'il est clair que juridiquement, L______ ne pouvait pas agir en recouvrement". Il a indiqué que Me J______, son conseil ainsi que Messieurs H______ et S______ lui auraient néanmoins conseillé d'agir, faute de quoi il engagerait sa responsabilité. L'origine du protocole d'accord du 29 avril 2005 a fait suite à plusieurs rendez-vous entre lui-même, M. A______, Me J______, M. F______, M. C______ et Me W______. "Nous étions conscients que M. M______ nous "baladait" et la question que nous nous sommes posée avec M. H______ à ce moment là était de savoir comment récupérer ce montant et comment le répartir. Nous avons demandé conseil à M. A______ de nous proposer une convention à soumettre à la Commission de surveillance. Nous avons pesé les risques et les profits que nous pourrions tirer de cette situation en fonction des éléments du dossier et de nos responsabilités. Je précise que ce partenariat se faisait en bonne entente avec M. H______ et sous les conseils avisés de Me J______". M. Z______ a reconnu qu'il aurait pu établir plus vite le décompte final de ce partenariat et que l'issue défavorable de cette procédure a poussé les parties à convenir que chacune des entités reprendrait les sommes qu'elle avait engagées.

D.b. M. H______ a été entendu à titre de renseignement, comme administrateur de M______ & Cie et comme membre de la commission des créanciers de L______. M. H______ a indiqué que "s'il n'y avait pas eu ce rebondissement de la découverte de fonds déposés par M. M______ auprès de F______ SA, je pense, sous réserve du recouvrement de certains débiteurs que nous aurions pu clore ce concordat". Il a indiqué que leur action contre M. M______ l'a été sur les conseils de Mes J______ et W______. Il a expliqué, s'agissant du manque de liquidités de M______ & Cie, que "tous les objets de valeur et les créances étaient gagés en faveur de la BCGe sur la base d'une cession générale des débiteurs. De ce fait la masse en faillite ne disposait en réalité d'aucune liquidité disponible, étant donné que les quelques liquidités que j'ai pu distraire de la BCGe ne pouvaient être utilisées tant (sic: sans) que celle-ci ait donné son accord à l'état de collocation". C'est sur ce constat d'absence de fonds disponibles et au vu des liens entre les deux sociétés, que l'idée de ce partenariat est née.

Quant au décompte final du 16 décembre 2008, M. H______ a précisé avoir bien senti une désapprobation de la commission de céans, qui les a conduits à modifier la répartition initialement prévue dans le protocole du 29 avril 2005. C'est pour cela que chacune des parties a repris les montants qu'elles avaient avancés.

D.c. Pour sa part, Mme Q______ a indiqué que les réunions de la commission des créanciers se déroulaient chaque année, voire tous les deux ans et que la majorité de leurs contacts se faisaient par téléphone ou courrier. Elle a indiqué n'avoir pas participé à l'élaboration du protocole d'accord du 29 avril 2005, ni l'avoir signé, mais en avoir eu connaissance quelques mois plus tard, en août 2005 et l'avoir approuvé à ce moment là. Elle a indiqué que sans les indications de M. Z______ quant aux avoirs dissimulés par M. M______, qui se disait indigent, sa caisse AVS n'aurait probablement rien récupéré.

S'agissant du décompte final du protocole d'accord du 16 décembre 2008, c'est sur proposition de M. H______ que chacune des parties a repris les montants qu'elles avaient avancés.

E. A l'issue de l'audience du 29 avril 2009, la commission de céans a imparti un délai au 13 mai 2009 à M. Z______ pour produire son résumé d'activité dans le cadre du concordat de 2000 à 2008 ainsi que pour indiquer s'il sollicitait des actes d'instruction complémentaire. M. Z______ a fourni certaines pièces complémentaires par chargé du 11 mai 2009 (pièces 29 à 38), comprenant l'état des travaux établi par ses soins de juillet 1998 à décembre 2008 (pièces 29 à 37) ainsi qu'une note du 12 août 2004 de M. A______, relative à la collocation de la créance de l'AVS en 3ème classe (pièce 38). Il n'a fait parvenir aucune observation complémentaire ni sollicité d'acte d'instruction complémentaire.

 

EN DROIT

1. La Commission de céans est compétente pour prononcer les mesures disciplinaires prévues à l'art. 14 al. 2 LP, notamment à l'encontre d'employés de l'Office des poursuites. Elle siège en plénum pour statuer en la matière (art. 10 et 11 LaLP ; art. 56 R al. 2 LOJ ; art. 1 al. 4 let. g du Règlement interne de la CSO).

2. La loi confère à l'autorité cantonale de surveillance l'exercice, sur plainte ou même d'office, du pouvoir disciplinaire sur les fonctionnaires des offices des poursuites et des faillites, quel que soit leur rang dans la hiérarchie administrative. La même compétence disciplinaire lui revient quant à la gestion des liquidateurs dans le cadre d'un concordat (par renvoi de l'art. 320 al. 3 LP).

Il s'ensuit que la Commission de céans doit exercer le pouvoir disciplinaire prévu à l'art. 14 al. 2 LP pour assurer la bonne application du droit de l'exécution forcée; elle est ainsi amenée à sanctionner disciplinairement, s'il y a lieu, des violations des devoirs que le droit de la poursuite et de la faillite impose aux organes de l'exécution forcée (art. 14 al. 1 LaLP).

3.a. Les faits constitutifs d'une infraction disciplinaire peuvent ne pas être prévus dans la loi de manière précise en raison du caractère très général des devoirs des personnes soumises au régime disciplinaire. Il n'y a pas de typicité de l'infraction disciplinaire, en raison du caractère très général des devoirs de fonction des agents publics cantonaux chargés de l'exécution forcée. En revanche, la liste des sanctions est précise et exhaustive. Il en découle qu'est passible d'une sanction disciplinaire toute violation des devoirs de fonction en général, qu'elle ait été commise pendant les heures de travail ou de repos, ce qui implique les délits de droit commun perpétrés en dehors du service, de même que toute violation des devoirs particuliers que requiert une saine application du droit de l'exécution forcée (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 14 n° 16 et 32).

3.b. En l'espèce, il est reproché à M. Z______ de n'avoir pas clos ce concordat alors que le but du concordat, soit de recouvrer des créances, était atteint au plus tard en 2002, de n'avoir néanmoins procédé à aucune distribution de dividende et d'avoir disposé d'actifs du concordat pour financer le procès de M______ & Cie contre M. M_______. Tous les faits reprochés à M. Z______ ont été démontrés lors des enquêtes.

Ainsi, M. Z______ a reconnu en audience que la problématique des débiteurs était réglée au plus tard en 2003, avec la fin du mandat de Me B______. A l'examen des pièces 33 à 37 produites par M. Z______, la commission de céans constate que l'activité du concordat s'est focalisée sur la procédure judiciaire M______ & Cie contre M. M______ depuis cette date, sauf en ce qui concerne la problématique de la collocation de la créance de la Caisse AVS qui a été réglée courant 2004 (pièce 38). Sans cela, il va sans dire que ce concordat aurait été clos depuis quatre ans au moins.

Les enquêtes ont permis de démontrer également que M. Z______ savait que L______ n'avait pas la légitimation active pour agir contre M. M_______. La Commission de céans ne s'explique par contre pas en quoi M. Z______ aurait pu engager sa responsabilité en cas d'inaction, comme il tente de se justifier aujourd'hui. Même si à sa décharge, M. Z______ a pu considérer comme une injustice que M. M______ n'ait pas à rendre l'argent qu'il a dissimulé, il n'empêche que le protocole d'accord du 29 avril 2005 signé par M. Z______ et M. H______ sort clairement de la mission assignée au liquidateur d'un concordat, ce que le mis en cause ne pouvait ignorer. Ce qui est reproché à M. Z______ n'est pas le résultat malheureux de cette procédure, mais le principe de ce protocole, hors du but du concordat. Prêter de la sorte de l'argent à un tiers pour financer sa procédure avec à la clé un pourcentage du produit net du procès, n'est en définitive qu'une pure opération financière hasardeuse, décidée de surcroît sans consultation par voie de circulaire des créanciers et donc sans leur accord, ce que la commission de céans ne saurait tolérer.

Pour terminer, en conséquence des deux précédents griefs, il découle que le concordat n'a pas été en mesure de procéder à une distribution provisoire, voire définitive de dividende durant six années, lésant en cela les créanciers. L'inaction des créanciers pour réclamer leurs dus, ne saurait constituer une excuse, même si la proposition concordataire du 16 novembre 1997 faisait état d'une première distribution probable de dividende dans les 4 à 6 mois et que 10 années plus tard, tel n'a toujours pas été le cas.

4.a. Le prononcé d'une sanction disciplinaire selon l'art. 14 al. 2 LP suppose que l'infraction commise l'ait été fautivement, c'est-à-dire intentionnellement ou par négligence (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 14 n° 14 ; Frank Emmel, in SchKG I, ad art. 14 n° 8 ; Franco Lorandi, Betreibungsrechtliche Beschwerde und Nichtigkeit, ad art. 13-30 SchKG, Bâle-Genève-Munich 2000, ad 14 n° 33 ; Louis Dallèves, in CR-LP, ad art. 14 n° 4 ; DCSO/736/2006 du 16 novembre 2006 ; DCSO du 26 mai 2005 dans la cause A/1330/2001 consid. 8.b ; DCSO du 28 août 2003 dans la cause A/939/2003 ; DCSO/57/2009 du 29 janvier 2009 dans la cause A/154/2008).

M. Z_______ est un expert-comptable expérimenté, à la tête d'une importante fiduciaire de la place et à qui de nombreuses missions de liquidation concordataire sont confiées ou des administrations spéciales depuis de nombreuses années. A ce titre, M. Z______ connait le mandat qui est confié au liquidateur, soit de recouvrer les créances puis d'immédiatement prendre toutes dispositions utiles pour procéder à une distribution de dividende. Il n'a rempli ses obligations que jusqu'en 2003 et la fin du recouvrement des débiteurs. M. Z______ s'est ensuite égaré en engageant des actifs du concordat dans un protocole d'accord de financement d'une procédure ne concernant pas le concordat, le faisant ainsi faillir à son obligation de procéder à une distribution de dividendes, provisoire ou définitive, à laquelle il était tenu de par son mandat. Son comportement doit dès lors être considéré comme fautif.

4.b. L'art. 14 al. 2 LP prévoit quatre peines disciplinaires : la réprimande, l'amende jusqu'à 1'000 fr., la suspension pour six mois au plus et la destitution. S'agissant d'un liquidateur, la sanction de la destitution prévue pour des employés de l'Office des poursuites et faillites est remplacée par celle de la révocation (art. 320 al. 3 LP, ATF 114 III 120-121, rés. JdT 1990 II 190 ; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire ad art. 320 n° 9).

Le choix de la sanction à prononcer est soumis au principe de la proportionnalité et ne dépend pas seulement des circonstances subjectives de la violation incriminée ou de la prévention générale, mais aussi de l'intérêt objectif à la restauration dans l'esprit du public du rapport de confiance qui a été compromis par la violation du devoir de fonction (Pierre-Robert Gilliéron, op. cit. ad art. 14 n° 17). La gravité de la sanction disciplinaire est ainsi fonction de la nature des intérêts administratifs violés, éléments objectifs, et de la mesure de la faute, critère subjectif. A cette fin, l'autorité de surveillance est limitée par le genre de sanctions prévues par l'art. 14 al. 2 LP, tout en étant libre d'infliger celle qui lui paraît la plus appropriée compte tenu de l'ensemble des circonstances (Franco Lorandi, op.cit. ad. art. 14 n° 40 et 42). L'autorité de surveillance jouit en la matière d'un large pouvoir d'appréciation (Commentaire Romand ad art. 14 al. 2 n° 4).

La commission retiendra dans la fixation de la sanction l'absence d'antécédents disciplinaires connus de M. Z______ en tant que liquidateur et de la gravité de la faute qui n'est pas telle qu'elle justifierait la suspension, voire la révocation de l'intéressé. La commission de céans décide de prononcer une réprimande à l'encontre de M. Z______.

La présente décision sera communiquée au Tribunal de première instance, afin qu'il en soit tenu compte dans le cadre de la fixation des honoraires de M. Z______ conformément à l'art. 55 al. 1 et 3 OELP.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,

LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

SIÉGEANT EN PLENUM :

Inflige une réprimande à M. Z______, liquidateur de L______ SA en liquidation concordataire (art. 14 al. 2 ch. 1 LP).

Transmet la présente décision au Tribunal de première instance.

 

 

 

Siégeant : Mme Ariane WEYENETH, présidente ; M. Philippe GUNTZ, juge, Mmes Florence CASTELLA, Valérie CARERA, MM. Christian CHAVAZ, Philipp GANZONI, juges assesseurs, Mme Françoise SAPIN et MM. Pascal JUNOD et Manuel BOLIVAR, juges assesseur(e)s suppléant(e)s.

 

Au nom de la Commission de surveillance :

 

Paulette DORMAN Philippe GUNTZ
Greffière : Juge :

 

 

 

 

 

La présente décision est communiquée par courrier A à l’Office concerné et par courrier recommandé aux autres parties par la greffière le