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Décisions | Chambre de surveillance

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C/5340/2008

DAS/6/2021 du 11.01.2021 sur DTAE/4527/2020 ( PAE ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5340/2008-CS DAS/6/2021

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 11 JANVIER 2021

 

Recours (C/5340/2008-CS) formé en date du 17 septembre 2020 par Madame A______, domiciliée ______, comparant par Me Philippe GIROD, avocat, en l'Etude duquel elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 14 janvier 2021 à :

- MadameA______
c/o Me Philippe GIROD, avocat
Boulevard Georges-Favon 24, 1204 Genève.

- MonsieurB______
c/o Monsieur C______
______, ______.

- Madame D______
Monsieur E______
SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Case postale 75, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A.           a. Par jugement du 10 juin 2010, le Tribunal de première instance a dissous par le divorce le mariage contracté par B______ et A______, née ______ [nom de jeune fille], a attribué à la mère l'autorité parentale et la garde sur l'enfant F______, né le ______ 2004, et réservé au père un très large droit de visite devant s'exercer, à défaut d'accord contraire entre les parents, à raison d'un week-end sur deux du vendredi soir à la sortie de l'école jusqu'au lundi matin retour en classe, ainsi que durant la moitié des vacances scolaires.

b. Par jugement du 25 avril 2019, le Tribunal de première instance a notamment modifié le droit de visite dont B______ bénéficiait sur son fils F______ et l'a fixé comme suit: au minimum chaque mercredi, dès la sortie de l'école jusqu'à 20h30, ainsi qu'un week-end sur deux du vendredi dès la sortie de l'école jusqu'au lundi matin retour en classe, les vacances étant réparties selon des modalités précisées dans le jugement; le Tribunal de première instance a par ailleurs exhorté les deux parents à entreprendre et à poursuivre un travail de coparentalité auprès [du centre] G______ et a instauré un droit de regard et d'information en application de l'art. 307 al. 3 CC.

Il ressort des considérants de ce jugement que le travail de coparentalité devait avoir pour but d'aider les parties à améliorer leur communication et leur cohérence parentale, dans le but d'aider leur fils à sortir de son conflit de loyauté. F______ était un adolescent intelligent et sociable, mais sa situation demeurait très inquiétante en raison du conflit de loyauté dont il souffrait et qui engendrait des crises d'angoisse et du stress ayant nécessité, en octobre 2018, un internement au sein de l'unité psychiatrique pour adolescents. Le mineur était par ailleurs dépendant des jeux vidéo et suivi par une psychologue à raison d'une fois par semaine.

B.            a. Par courrier du 11 octobre 2019, A______ (anciennement [A______]) a sollicité du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après: le Tribunal de protection) qu'il suspende le droit de visite de B______. En substance, il ressort des explications de A______ que le mineur F______, alors qu'il se trouvait sous la garde de son père, avait utilisé la carte de crédit de ses grands-parents paternels, à leur insu, pour acheter un nouveau téléphone portable et des jeux vidéo, pour un montant de l'ordre de 5'000 fr. Ces faits avaient engendré une situation conflictuelle au sein de la famille [de F______]. Les conflits entre B______ et F______ étaient devenus très violents, tant sur le plan verbal que physique et le premier avait chassé le second du domicile de ses grands-parents et l'avait renvoyé sans aucun préavis chez sa mère.

b. Dans ses observations du 4 novembre 2019, B______ a indiqué que A______ n'acceptait pas le travail de coparentalité, ce qu'il regrettait; il aurait souhaité que ledit travail, qui donnait de bons résultats, se poursuive, afin d'éviter que F______ n'utilise les conflits pour manipuler ses parents et de permettre de mieux gérer l'adolescent. Pour le surplus, il était important que F______ prenne conscience de la gravité de ses actes. B______ était opposé à la suspension de son droit de visite et souhaitait que le jugement du 25 avril 2019 soit appliqué.

c. Dans son rapport d'évaluation sociale du 10 mars 2020, le Service de protection des mineurs a relevé que la relation entre B______ et son fils s'était dégradée suite à des vols commis par l'adolescent. Le père souhaitait toutefois pouvoir continuer à voir son fils. De l'avis de la mère, F______ allait mieux depuis qu'il voyait beaucoup moins son père. Les deux parents s'adressaient par ailleurs des reproches mutuels sur la manière de prendre en charge leur enfant. Selon la thérapeute [du centre] G______, l'évolution du travail de coparentalité avait été positive, jusqu'à l'abus de carte de crédit commis par le mineur F______ au détriment de ses grands-parents. La thérapeute avait ensuite revu chacun des parents individuellement. Alors même que le travail de coparentalité avait eu un sens par le passé, il ne s'agissait plus d'une priorité au vu de la situation actuelle du mineur. Selon la thérapeute, B______ aurait pu profiter d'une guidance parentale au travers d'une thérapie père-fils; G______ aurait pu assurer un tel suivi. Pour le surplus, la situation de F______ était inquiétante. Il faisait encore des crises d'angoisse, avait des idées noires et disait souffrir d'hallucinations auditives. Il avait déjà connu de tels épisodes en 2018; aucun trouble psychiatrique n'avait alors été diagnostiqué et les problèmes qu'il connaissait avaient été mis en relation avec le conflit de loyauté dû à la dynamique parentale très conflictuelle. Au terme de son rapport, le Service de protection des mineurs préconisait de modifier les modalités du droit de visite et de fixer les relations personnelles père-fils à raison d'une demi-journée par semaine, sauf accord contraire des deux intéressés; lesdites relations personnelles pourraient être élargies par la suite, à condition que la situation le permette. Il convenait en outre d'ordonner un travail thérapeutique parents-enfant auprès [du centre] G______ et de maintenir le droit de regard et d'information.

A réception de ce rapport, le Tribunal de protection a fixé aux deux parents un délai pour prendre position.

d. B______ a déclaré être d'accord de "laisser un peu de temps" avant que le droit de visite reprenne comme précédemment. Il souhaitait par ailleurs que la médiation chez G______ reprenne. Si cela n'était pas possible, il acceptait des séances père-fils et sollicitait que la mesure de droit de regard "soit effective".

 

A______ pour sa part a indiqué être globalement d'accord avec la teneur du rapport du 10 mars 2020 et ses conclusions, sous réserve du travail thérapeutique parents-enfant auprès [du centre] G______. Elle ne souhaitait en effet plus être confrontée à B______ par le biais de G______ ou de toute autre institution, n'en voyant plus l'utilité.

e. Le Tribunal de protection a tenu une audience le 6 août 2020, au cours de laquelle la représentante du Service de protection des mineurs a confirmé la teneur de son rapport du 10 mars 2020.

A______ a expliqué qu'au cours des derniers mois F______ et son père s'étaient revus à raison d'une ou deux fois par semaine, en journée, à l'occasion d'un repas ou de sorties; l'adolescent s'y rendait avec plaisir. L'Office médico-pédagogique avait diagnostiqué une schizophrénie chez F______ et celui-ci prenait désormais des médicaments.

Selon B______, les avis médicaux n'étaient pas tous convergents s'agissant d'une éventuelle schizophrénie, de sorte qu'il convenait que F______ soit vu par une autre praticien.

Au terme de l'audience, les deux parties ont déclaré accepter l'instauration d'une curatelle d'assistance éducative. Le droit de visite devait par ailleurs se dérouler désormais d'accord entre le père et l'adolescent, mais au moins à raison d'une fois par semaine. La cause a été mise en délibération.

C.           Par ordonnance DTAE/4527/2020 du 10 août 2020, le Tribunal de protection a modifié les modalités du droit de visite de B______ sur son fils F______, telles que fixées par jugement JTPI/5935/2019 du Tribunal de première instance du 25 avril 2019 (chiffre 1 du dispositif), dit que ledit droit de visite devrait s'organiser d'entente entre l'adolescent et son père, mais au minimum à raison d'une visite par semaine, à charge pour le père d'informer la mère en cas d'imprévu (ch. 2), ordonné la reprise, par les deux parents, d'un suivi thérapeutique de coparentalité auprès [du centre] G______ et ce de façon investie et régulière (ch. 3), ordonné la poursuite du suivi thérapeutique du mineur F______ (ch. 4), instauré une curatelle d'assistance éducative (ch. 5), désigné deux intervenants en protection de l'enfant aux fonctions de curateurs (ch. 6), invité les curateurs à saisir sans délai le Tribunal de protection si, selon leurs constats, l'évolution de la situation et le bien du mineur devaient requérir des mesures de protection, "respectivement des modalités de visite existantes" (sic) (ch. 7), dit que la décision était immédiatement exécutoire (ch. 8) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 9).

En ce qui concerne le chiffre 3 du dispositif de cette ordonnance, le Tribunal de protection a considéré que le bien de l'adolescent commandait que les parents soient exhortés à reprendre un travail thérapeutique de coparentalité auprès de G______. En effet, "une telle prise en charge des père et mère, effectuée dans un esprit de respect mutuel, était primordiale, en vue de remédier en profondeur aux causes du conflit sous-jacent qui les opposait depuis longtemps et, plus largement, pour les conduire progressivement à un apaisement durable du climat familial, ainsi qu'à une collaboration parentale indispensable, afin de permettre au mineur de surmonter ses propres difficultés et de se consacrer désormais pleinement à son développement personnel, ainsi qu'à sa vie scolaire et sociale".

D.           a. Le 17 septembre 2020, A______ a formé recours contre l'ordonnance du 10 août 2020, reçue le 18 août 2020, concluant à l'annulation du chiffre 3 de son dispositif.

Elle a allégué qu'un travail de coparentalité avait été fait auprès de G______ jusqu'en juin 2019. Toutefois, la séparation datait de treize ans, les litiges avaient été nombreux et le désaccord permanent, sa personnalité et celle de B______ étant différentes sur à peu près tous les points. Tout en soulignant qu'elle demeurait entièrement vouée à la mise en oeuvre de tout ce qui pouvait être fait pour son fils F______, lequel était atteint dans sa santé, la recourante a précisé qu'elle était remariée, avait eu deux autres enfants et allait adopter les deux enfants de sa soeur jumelle, décédée en Côte-d'Ivoire, lesquels étaient âgés respectivement de 3 ans et de 5 mois et qui étaient déjà financièrement à sa charge. Une nouvelle thérapie de couple parental allait impliquer, dans ces circonstances, un investissement en temps, en argent et en efforts psychologiques, qui paraissait disproportionné. Il était par ailleurs probable qu'en raison du temps écoulé et de l'évolution de chacun, une thérapie auprès [du centre] G______ soit dépourvue de sens. Dans l'idéal, une collaboration parentale était certes indispensable; mais dans la réalité, une telle approche n'était plus objectivement réalisable.

b. Le Tribunal de protection a persisté dans les termes de l'ordonnance litigieuse.

c. Ni B______ ni le Service de protection des mineurs ne se sont exprimés sur le recours.

d. Par avis du greffe de la Chambre de surveillance du 12 novembre 2020, les parties et les intervenants ont été informés de ce que la cause serait mise en délibération dans un délai de dix jours.

 


 

EN DROIT

1. 1.1 Les dispositions de la procédure devant l'autorité de protection de l'adulte sont applicables par analogie pour les mesures de protection de l'enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (450 al. 1 CC; art. 53 al. 1 LaCC; art. 126 al. let. b LOJ). Ont qualité pour recourir les personnes parties à la procédure (art. 450 al. 2 ch. 1 CC). Le délai de recours est de trente jours à compter de la notification de la décision (art. 450b al. 1 CC; art. 53 al. 2 LaCC).

En l'espèce, le recours a été formé par la mère de l'enfant en cause, directement visée par la mesure contestée, dans le délai utile. Le recours est dès lors recevable.

1.2 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a CC). Elle établit les faits d'office et n'est pas liée par les conclusions des parties (art. 446 al. 1 et 3 CC).

2. 2.1 Selon l'art. 307 al. 3 CC, l'autorité de protection peut en particulier rappeler les père et mère, les parents nourriciers ou l'enfant à leur devoir, donner des indications ou instructions relatives aux soins, à l'éducation et à la formation de l'enfant et désigner une personne ou un office qualifié qui aurait un droit de regard et d'information.

2.2 En l'espèce, le Tribunal de protection a ordonné aux parties de reprendre un suivi thérapeutique de coparentalité auprès [du centre] G______, de façon investie et régulière. Il serait certes souhaitable que les parents, compte tenu des difficultés rencontrées par leur fils et de ses problèmes de santé, parviennent à collaborer afin d'assurer une prise en charge optimale du mineur. Il convient toutefois de ne pas perdre de vue le fait que la séparation est intervenue il y a plus de dix ans et que depuis lors un travail de coparentalité a déjà été effectué, pendant plusieurs mois, au sein de G______, ce qui n'a pas permis d'éviter pour autant une nouvelle procédure judiciaire ayant abouti au prononcé de l'ordonnance objet de la présente procédure de recours. Or, il ressort du rapport du Service de protection des mineurs du 10 mars 2020 que, selon la thérapeute de G______, le travail de coparentalité n'était plus une priorité, ladite thérapeute ayant plutôt préconisé une guidance parentale au travers d'une thérapie père-fils. Or, pour une raison indéterminée, le Service de protection des mineurs n'a pas suivi cet avis, mais a recommandé un travail thérapeutique parents-enfant auprès de G______, le Tribunal de protection ayant, pour sa part, ordonné aux parties de reprendre un travail de coparentalité, ce qui contredit l'avis de la thérapeute [du centre] G______, sans doute la mieux placée pour évaluer l'utilité d'un tel travail.

Il résulte en outre de la dernière audience qui s'est tenue devant le Tribunal de protection que les visites père-fils avaient pu reprendre et se déroulaient bien, l'adolescent s'y rendant avec plaisir selon sa mère. La situation semblant s'être apaisée et avoir retrouvé un certain équilibre, il pourrait être contreproductif de contraindre à nouveau les parties, si tant est qu'une telle contrainte puisse leur être imposée, ce qui paraît douteux, à effectuer un travail de coparentalité non souhaité à tout le moins par l'une d'elles.

Au vu de ce qui précède, la mesure ordonnée n'apparaît pas adéquate, de sorte que le chiffre 3 du dispositif de l'ordonnance attaquée sera annulé.

3. La procédure de recours est gratuite, puisqu'elle concerne une mesure de protection d'un mineur (art. 81 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé par A______ contre l'ordonnance DTAE/4527/2020 rendue le 10 août 2020 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/5340/2008.

Au fond :

Annule le chiffre 3 du dispositif de l'ordonnance attaquée.

Confirme pour le surplus ladite ordonnance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.