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Décisions | Chambre de surveillance

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C/2591/2020

DAS/140/2020 du 25.08.2020 ( ARC ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

 

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2591/2020-CS DAS/140/2020

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU MARDI 25 AOÛT 2020

 

Recours (C/2591/2020-CS) formé en date du 7 février 2020 par la société A______ SA, ayant son siège social sis c/o Monsieur B______, ______ [GE], comparant par Me Vincent LATAPIE, avocat, en l'Etude duquel elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier du 14 septembre 2020 à :

 

- A______ SA
c/o Me Vincent LATAPIE, avocat
Boulevard Helvétique 4, 1205 Genève.

- REGISTRE DU COMMERCE
Case postale 3597, 1211 Genève 3.

- DEPARTEMENT FEDERAL DE JUSTICE ET POLICE
Office fédéral de la justice, 3003 Berne.

 


EN FAIT

A. La société A______ SA a été inscrite au Registre du commerce de Genève le ______ 2017. Elle a pour but de réaliser dans tous pays, pour la société ou pour le compte de tiers, ou en participation avec des tiers, toutes opérations ou affaires, notamment développement de produits, production et commerce, y compris importation et exportation, gérer ou constituer toutes entreprises commerciales, financières ou industrielles, même immobilières (concernant des immeubles à affectation exclusivement commerciale en Suisse), ayant un rapport avec la fabrication ou la vente de produits pharmaceutiques, sanitaires, cosmétiques, alimentaires ou destinées d'une manière ou d'une autre au domaine de la santé et du bien-être comprenant notamment des substituts de tabac, le développement et la mise sur le marché de produits thérapeutiques ou à vocation de relaxation musculaire; recherche en génétique végétale et développement de plantes de tous types en vue d'extraction pharmaceutique.

B______ en est administrateur président avec signature collective à deux. C______ est administrateur avec signature collective à deux.

B. A la demande de D______ [compagnie d'assurances], le Tribunal de première instance a cité A______ SA à comparaître à son audience du ______ août 2019, à 8h30, dans le cadre d'une requête en faillite déposée par la première nommée suite à la commination de faillite notifiée le 7 mai 2019 dans la poursuite n° 1______.

En date du 7 août 2019, l'Office des poursuites a délivré à A______ SA une quittance pour solde relative à la créance de D______ visée par la poursuite citée, quittance déposée au greffe du Tribunal antérieurement à l'audience du ______ août par la société.

C. a) Par jugement JTPI/11456/2019 du ______ août 2019, le Tribunal a néanmoins déclaré A______ SA en état de faillite dès le jour même, suite à la commination de faillite notifiée dans le cadre de la poursuite en question.

b) Par jugement JTPI/11824/2019 du 26 août 2019, le Tribunal, relevant que A______ SA avait déposé à son greffe, préalablement à l'audience, la quittance pour solde remise par l'Office des poursuites dans la poursuite en question, a "ordonné la rectification du dispositif" de son jugement antérieur du ______ août 2019, constaté que la créance objet de la poursuite avait été acquittée en capital, intérêts et frais, constaté que la poursuite était éteinte et que la requête de faillite était devenue sans objet.

c) Préalablement au prononcé de ce second jugement et suite à la communication du premier au Registre du commerce le 20 août 2019, ce dernier avait inscrit sous référence n° 2______ (inscription 3______) de la fiche de la société, la mention "la société est dissoute par suite de faillite prononcée par jugement du Tribunal de première instance du ______ août 2019 avec effet à partir du ______ août 2019 à 8h30". Le Registre du commerce a procédé simultanément à l'inscription de la raison sociale "A______ SA, en liquidation".

d) Suite à la communication par le Tribunal de son nouveau jugement du 26 août 2019, le Registre du commerce a inscrit dans son registre, sous référence n° 4______, inscription 5______, ce qui suit : "par jugement du 26 août 2019, le Tribunal de première instance a annulé le jugement déclaratif de faillite rendu le ______ août 2019. De ce fait la dissolution de la société est révoquée". Il a simultanément radié la référence n° 2______. Celle-ci est toutefois conservée mais barrée sur le registre. L'inscription référence n° 4______ indiquait que la raison sociale A______ SA était rétablie, la mention "en liquidation" étant radiée; elle apparaît barrée sur l'extrait du registre.

e) La société a requis le 20 novembre 2019 du Registre du commerce de supprimer purement et simplement la référence n° 2______ (inscription 3______) figurant au registre, dans la mesure où celle-ci était sensée ne jamais avoir existé, ainsi que la référence n° 4______ (inscription 5______).

f) En date du 9 décembre 2019, le Registre du commerce a répondu qu'il ne lui était pas possible d'accueillir la requête, mais a proposé que la nouvelle inscription référence n° 4______ (inscription 5______) soit complétée, de manière à exposer que le jugement initial avait été prononcé à tort. La proposition du Registre avait la teneur suivante : "le jugement de faillite du Tribunal de première instance du ______ août 2019 a été rendu à tort puisque la créance objet de la poursuite a été acquittée en capital, intérêts et frais préalablement au prononcé de la faillite, ce qui a été constaté et rectifié par jugement du Tribunal de première instance du 26 août 2019. C'est pour ce motif que l'inscription 3______ du 22 août 2019 a été radiée (et non par suite d'annulation ou de révocation de la faillite). L'inscription 5______ du 29 août 2019 (référence n° 4______) est rectifiée en ce sens".

g) Suite à l'opposition de la société à la proposition du Registre du commerce, une décision formelle a été rendue par ce dernier le 8 janvier 2020, rejetant la requête visant l'effacement pur et simple de la référence n° 2______, ainsi que de la référence n° 4______, c'est-à-dire les inscriptions n° 3______ du 22 août 2019 et 5______ du 29 août 2019.

D. a) Contre cette décision, A______ SA a formé recours le 7 février 2020 assignant le Registre du commerce et le Département fédéral de justice et police.

La recourante conclut à l'annulation de la décision du Registre du commerce du 8 janvier 2020 et à ce qu'il soit procédé à la rectification de l'extrait dudit registre relatif à elle-même. Elle conclut à l'effacement pur et simple de l'extrait du Registre du commerce de la société de la mention radiée n° 2______, inscrite le 22 août 2019, soit : A______ SA, EN LIQUIDATION, à l'effacement de l'extrait du Registre du commerce relatif à la société, la mention radiée n° 2______, inscrite le 22 août 2019, soit : "la société dissoute par suite de faillite prononcée par jugement du Tribunal de première instance le ______ août 2019, avec effet à partir du ______ août 2019, à 8h30", et à l'effacement pur et simple de l'extrait du Registre du commerce relatif à ladite société, de la mention n° 4______ inscrite le 29 août 2019, soit : "par jugement du 26 août 2019, le Tribunal de première instance a annulé le jugement déclaratif de faillite rendu le ______ août 2019. De ce fait la dissolution de la société est révoquée", les frais devant être laissés à la charge de l'Etat. En substance, elle expose que les mentions même corrigées sont susceptibles de lui causer un dommage commercial dans ses relations avec les tiers et notamment ses clients.

b) Par observations adressées le 11 mai 2020 au greffe de la Cour de justice, le Registre du commerce conclut à la confirmation de sa décision et au rejet du recours exposant qu'une inscription, même initialement fausse, ne pouvait pas être effacée purement et simplement du registre.

L'Office fédéral de la justice, invité à se déterminer, n'a pas pris position.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions du Registre du commerce peuvent faire l'objet d'un recours auprès de l'autorité de surveillance dudit registre, qui dans le canton de Genève est la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 4 al. 3 et 165 al. 1 et 4 ORC; 126 al. 1 let. d LOJ).

Ont qualité pour recourir les personnes et les entités juridiques dont la réquisition a été rejetée ou qui sont directement visées par une inscription d'office (art. 165 al. 3 ORC).

La loi genevoise sur la procédure administrative (LPA; E 5 10) s'applique à la prise de décision par les autorités administratives et les juridictions administratives (art. 1 LPA). Sont réputées juridictions administratives, les autorités que le droit fédéral ou cantonal charge du contentieux administratif en les désignant comme autorité de recours (art. 6 al. 1 let. e LPA). Tel est le cas de la Cour de justice lorsqu'elle fonctionne sur recours comme Autorité de surveillance du Registre du commerce.

La forme du recours est régie par les art. 64 et 65 LPA : elle doit être formée par écrit et contenir la désignation de la décision attaquée, exposer les motifs, l'indication des moyens de preuve et les conclusions du recourant. Les pièces dont dispose celui-ci doivent être jointes. L'autorité est liée par les conclusions des parties (art. 69 al. 1 LPA).

1.2 Déposé dans les forme et délai prévus par la loi par une entité visée par une inscription d'office, le recours est dès lors recevable.

2. La recourante se plaint d'une violation des art. 937 CO et 26 ORC du fait que le Registre du commerce aurait dû effacer purement et simplement les inscriptions n° 3______ du 22 août 2019 et 5______ du 29 août 2019 dans la mesure où la faillite de la société n'a jamais été prononcée, le seul jugement existant étant celui du 26 août 2009 qui constate que la requête en faillite est sans objet.

2.1 Selon l'art. 26 ORC, toutes les inscriptions au registre du commerce doivent être conformes à la vérité et ne rien contenir qui soit de nature à induire en erreur ou contraire à un intérêt public. Selon l'art. 937 CO repris par l'art. 27 ORC, toute modification de faits inscrits sur le registre du commerce doit également être inscrite.

La recourante voit une violation desdites dispositions dans la mesure où les mentions, certes radiées, comme quoi la faillite a été prononcée et sa raison sociale modifiée par l'ajout "en liquidation" sont contraires à la vérité, puisque la société n'est jamais entrée en liquidation, dans la mesure où la faillite n'a jamais été prononcée.

Sur ce point, le Registre du commerce estime avoir offert de rectifier les inscriptions litigieuses de manière à restituer le caractère erroné des inscriptions effectuées résultant du premier jugement prononcé par le Tribunal. Il expose cependant qu'il n'existe pas de base légale pour effacer purement et simplement une information fausse, mais qu'au contraire la radiation d'une telle information par biffage s'applique tant à une information fausse initialement qu'à une information dont la fausseté est subséquente.

2.2 Il s'agit en premier lieu de se pencher sur les décisions du Tribunal ayant conduit aux inscriptions litigieuses, dans la mesure où la recourante soutient que la faillite n'a jamais existé et que dès lors, c'est contrairement au principe de véracité que l'inscription de cette faillite a été portée au registre.

Si le premier jugement rendu par le Tribunal, communiqué au Registre du commerce et dont la teneur a été inscrite à celui-ci n'est pas nul, l'inscription effectuée, même fausse initialement, peut être radiée (modifiée), mais non effacée le cas échéant.

Ce n'est que dans l'hypothèse où la première décision n'a jamais existé qu'une inscription effectuée au Registre du commerce pourrait le cas échéant être supprimée, sans qu'il soit besoin de résoudre définitivement la question pour les motifs qui vont suivre.

2.2.1 Conformément à la jurisprudence, des décisions entachées d'erreur sont nulles si le vice qui les affecte est particulièrement grave, s'il est manifeste ou du moins facilement décelable et si, de surcroît, la sécurité du droit n'est pas mise sérieusement en danger par l'admission de la nullité. Des vices de fond d'une décision n'entraînent qu'exceptionnellement sa nullité. Entrent avant tout en considération comme motif de nullité l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi qu'une erreur manifeste de procédure (ATF 129 I 361 consid. 2.1). Une décision frappée de nullité absolue n'a jamais existé. Une décision annulée, qui n'entre pas en force, a existé étant simplement dépourvue d'effet.

2.2.2 En l'occurrence, le jugement rendu par le Tribunal le ______ août 2019 est un jugement erroné sur le fond puisqu'il prononce la faillite alors que les conditions de celle-ci n'étaient pas réalisées. Cette décision, fausse, n'est pas nulle, les conditions mentionnées plus haut pour qu'une nullité soit admise n'étant pas réalisées.

Cette décision, erronée initialement, a été communiquée conformément à la loi au Registre du commerce qui l'a inscrite. Ce faisant, le Registre du commerce a inscrit un fait, certes erroné, mais existant. De même, il a inscrit par la suite la radiation de ce fait erroné et le rétablissement de la situation antérieure.

Cela étant, la pratique du Registre du commerce s'agissant des inscriptions et de leur rectification par le biffage de l'inscription précédente et l'ajout d'une nouvelle inscription, est conforme au droit. Une modification d'une inscription fausse au Registre du commerce se fait par l'ajout d'une nouvelle information, l'ancienne inscription étant radiée par biffage, que la fausseté de l'information radiée soit apparue postérieurement (subséquente) ou qu'elle ait été fausse initialement (cf. notamment Vianin CR-CO 2 ad. art. 937 n° 1, 2 et 11).

Selon l'art. 8 al. 1 ORC, tous les faits à inscrire au Registre du commerce sont portés au registre journalier. Les inscriptions au registre journalier sont numérotées de manière continue ne pouvant être modifiées postérieurement et devant être conservées sans limite de temps (al. 4 et 5). Il en est de même des inscriptions portées au registre principal qui ne peuvent être modifiées postérieurement et qui doivent être conservées sans limite de temps, sous réserve des modifications de nature purement typographique sans influence sur le contenu matériel (art. 9 al. 4 ORC).

Dans la mesure où selon l'art. 9 al. 1 ORC, les inscriptions au registre journalier sont reportées dans le registre principal une fois approuvées par l'OFRC et que, dans le cas d'espèce la communication du jugement prononçant la faillite a été effectuée par le Tribunal au Registre du commerce, de sorte que la pièce constituée par ce jugement figure dans son dossier, l'inscription des faits constatés par ledit jugement devait être opérée. De même, la radiation de ladite inscription devait être opérée conformément à la pratique rappelée ci-dessus à réception par le Registre du commerce du second jugement modifiant le premier.

L'effacement n'étant pas prévu par la loi, le biffage (radiation) est la seule manière de procéder à la modification d'une inscription erronée du registre.

Enfin, et dans le cas présent, le Registre du commerce a proposé à la recourante, afin de clarifier les causes de l'inscription radiée, d'ajouter sur le feuillet la concernant, le fait que le jugement de faillite du Tribunal du ______ août 2019 avait été rendu à tort, la créance objet de la poursuite ayant été acquittée en capital, intérêts et frais préalablement au prononcé de la faillite, ce qui a été constaté et rectifié par jugement du même Tribunal du 26 août 2019. Il a même proposé d'ajouter à cela la phrase suivante : "c'est pour ce motif que l'inscription 3______ du 22 août 2019 a été radiée et non par la suite d'annulation ou de révocation de la faillite". Cette façon de procéder est conforme au droit, de sorte que le recours doit être rejeté.

3. La recourante succombe. Elle supportera les frais (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 500 fr., compensés en totalité par l'avance de frais versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 7 février 2020 par la société A______ SA contre la décision rendue le 8 janvier 2020 par le Registre du commerce.

Au fond :

Le rejette.

Sur les frais :

Arrête les frais à 500 fr., les met à la charge de la société A______ SA et les compense avec l'avance de frais de même montant, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.