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Décisions | Chambre de surveillance

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C/3800/2017

DAS/103/2020 du 18.06.2020 sur DTAE/7233/2019 ( PAE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3800/2017-CS DAS/103/2020

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 18 JUIN 2020

 

Recours (C/3800/2017-CS) formé en date du 20 décembre 2019 par Madame A______, domiciliée ______, comparant par Me Elena HAMMER, avocate, en l'Etude de laquelle elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 26 juin 2020 à :

- MadameA______
c/o Me Elena HAMMER, avocate,

Route de Chêne 30, case postale 615, 1211 Genève 6.

- MadameB______
c/o Me Sidonie MORVAN, avocate,

Place de Longemalle 1, 1204 Genève.

- Mesdames C______ et D______
SERVICE DE PROTECTION DE L'ADULTE
Case postale 5011, 1211 Genève 11.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. a) Par ordonnance du 19 septembre 2019 (DTAE/7233/2019), notifiée le 28 novembre 2019 à la personne concernée, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a institué une curatelle de représentation et de gestion en faveur de A______, née le ______ 1978, de nationalité portugaise (ch. 1 du dispositif), désigné deux intervenantes du Service de protection de l'adulte (SPAd) aux fonctions de curatrices et dit qu'elles pouvaient se substituer l'une à l'autre dans l'exercice de leur mandat, chacune avec les pleins pouvoirs de représentation (ch. 2), confié aux curatrices les tâches de représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d'affaires administratives et juridiques, gérer les revenus et biens de la personne concernée et administrer ses affaires courantes, veiller au bien-être social de cette dernière et la représenter pour les actes nécessaires dans ce cadre, veiller à son état de santé, mettre en place les soins nécessaires et, en cas d'incapacité de discernement, la représenter dans le domaine médical (ch. 3), limité l'exercice des droits civils de la personne concernée en matière contractuelle (ch. 4), privé la personne concernée et tout tiers, à l'exception de ses curateurs, de l'accès à toute relation bancaire ou à tout coffre-fort, en son nom ou dont elle est ayant-droit économique, notamment auprès de E______, sous réserve de montants appropriés laissés régulièrement à sa libre disposition par ses curatrices (ch. 5), autorisé les curatrices à prendre connaissance de la correspondance de la personne concernée, dans les limites du mandat et, si nécessaire, à pénétrer dans son logement (ch. 6) et laissé les frais judiciaires à la charge de l'Etat (ch. 7).

En substance, le Tribunal de protection a retenu qu'il était médicalement établi que A______ présentait un trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline, constitutif d'un trouble psychique et qu'en raison de ce trouble, elle ne parvenait pas à gérer adéquatement ses affaires administratives et financières, ce qui était notamment démontré par les nouvelles poursuites qui continuaient à s'accumuler à son encontre. Elle avait également conclu des engagements au nom de ses proches et n'avait pas honoré les obligations de paiement y relatives, mettant ces derniers dans une situation délicate. Sur le plan personnel, elle pouvait gérer ses affaires administratives et les finances de son ménage grâce à l'assistance de son compagnon avec lequel elle cohabitait depuis octobre 2018. Le paiement de son loyer ne semblait toutefois plus assuré par le Service des prestations complémentaires (ci-après : SPC). Les mesures qu'elle avait prises n'étaient donc pas suffisantes pour palier son incapacité de gestion. La labilité émotionnelle dont elle faisait preuve et sa tendance à s'isoler lorsqu'elle n'allait pas bien ne lui permettaient pas d'assurer en tout temps la sauvegarde de ses intérêts, tant en matière patrimoniale que s'agissant de son assistance personnelle, de sorte que son besoin de protection était global. Il apparaissait ainsi approprié et nécessaire, au regard du principe de la proportionnalité, d'instituer en faveur de cette dernière une curatelle de représentation et de gestion qui couvrirait également son assistance personnelle. Par ailleurs, la protection de l'intéressée et de ses proches, en raison de ses grandes difficultés à contrôler ses dépenses, ainsi que la nécessité de la protéger, au vu de sa vulnérabilité émotionnelle, face à d'éventuelles sollicitations abusives de proches ou de tiers, justifiaient de limiter l'exercice de ses droits civils en matière contractuelle, afin qu'elle ne puisse pas conclure seule des contrats, et de la priver de l'accès à tous ses comptes et dépôts bancaires, de manière à ce que d'éventuels tiers malveillants ne puissent pas lui extorquer de l'argent sous réserve des montants appropriés que les curateurs laisseront à sa disposition.

B. a) Par acte adressé à la Chambre de surveillance le 20 décembre 2019, A______ a formé recours contre cette ordonnance dont elle a sollicité l'annulation et cela fait, a conclu à ce que l'ordonnance soit réformée et la procédure classée. Subsidiairement, elle a sollicité le renvoi de la cause au Tribunal de protection pour nouvelle décision dans le sens des considérants et, en tout état, que les frais judiciaires et les dépens soient laissés à la charge de l'Etat.

En substance, elle considère que le Tribunal de protection a fait une mauvaise appréciation des faits et a violé le droit en instituant une curatelle de représentation et de gestion, de même qu'une curatelle concernant son bien-être social et son état de santé, avec limitation de l'exercice de ses droits civils. Bien que connaissant quelques problèmes de santé, elle est suivie par un médecin, qu'elle a consulté elle-même, et connaît depuis une année une situation financière stable, bénéficiant de l'aide de son compagnon, F______, qui lui apporte le soutien nécessaire dans la gestion de ses affaires. L'arrivée de ce dernier au sein de son foyer coïncide avec l'amélioration de sa situation. C'est également à tort que le Tribunal de protection a considéré qu'elle faisait l'objet de poursuites nouvelles et que son loyer n'était plus honoré par le SPC, ce qui n'est pas le cas.

Elle a produit un chargé de pièces, dont certaines nouvelles, soit notamment un extrait de ses poursuites au 17 décembre 2019, des courriers du SPC et un échange de SMS avec sa fille aînée.

b) Par courrier du 27 février 2020, le Tribunal de protection a indiqué qu'il n'entendait pas faire usage des facultés prévues par l'art. 450d CC.

c) Par courrier du 2 mars 2020, B______, fille de la recourante, s'est référée aux déclarations qu'elle avait tenues devant le Tribunal de protection, lors de l'audience du 19 septembre 2019, ainsi qu'au courrier qu'elle avait adressé à ce dernier le 31 janvier 2019. Elle s'en est rapportée à justice, s'agissant du prononcé d'une curatelle en faveur de sa mère et de son étendue.

 

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a) A______, née le ______ 1978, est divorcée depuis le 2 février 2005. Elle est la mère de B______, née le ______ 1998, dont le père est décédé, et de G______, née le ______ 2002, issue de son union dissoute.

b) Le 22 février 2017, A______, qui avait consulté de sa propre initiative un conseil, a adressé au Tribunal de protection par l'intermédiaire de son avocat, une requête visant au prononcé d'une mesure de curatelle en sa faveur, indiquant qu'elle n'arrivait plus à gérer ses affaires administratives et financières et qu'elle se trouvait dans une situation précaire. Elle n'était notamment pas en mesure de s'acquitter de son loyer, avait été évacuée de son logement et avait deux enfants à charge. Elle accumulait en outre des dettes importantes depuis plusieurs années et n'arrivait pas à sortir de cette situation délicate. Son médecin, la Dre H______, psychiatre, attestait qu'elle souffrait d'une maladie psychiatrique chronique qui l'empêchait de gérer ses affaires administratives et financières et sollicitait, dans la mesure où une relation de confiance s'était instaurée avec sa mandante, être nommée curatrice de cette dernière.

L'Hospice général, par courrier du 27 février 2017, a indiqué au Tribunal de protection se préoccuper de la situation de la personne concernée.

A cette époque, A______ faisait l'objet de nombreuses poursuites et de divers actes de défaut de biens pour un montant supérieur à 120'000 fr.

Entendue lors de l'audience du 23 mars 2017 par le Tribunal de protection, la Dre H______ a indiqué que sa patiente souffrait d'un trouble bipolaire et bénéficiait d'une médication adaptée, qu'elle avait pu récupérer son appartement, grâce à une intervention de la Fondation I______ et que, même si l'état psychique de sa patiente devait prochainement se stabiliser, il était nécessaire qu'elle puisse bénéficier d'une mesure de protection, sa maladie étant chronique, de sorte que des rechutes étaient toujours possibles. Le conseil de la personne concernée a confirmé qu'elle avait pu reprendre possession de son appartement et que des paiements automatiques avaient été mis en place pour les factures les plus importantes, tel que le loyer. A______ ne dépensait pas plus que ce qu'elle recevait mais elle risquait de ne pas prioriser certaines factures, au profit d'autres dépenses moins nécessaires.

Entendue le 18 mai 2017, A______ a précisé que ses factures principales étaient réglées directement par le SPC et qu'elle devait s'acquitter personnellement uniquement des factures des SIG, ainsi que de 25 fr. d'impôts annuels. Son téléphone portable était à prépaiement. Elle considérait qu'elle n'avait pas besoin d'une mesure de curatelle, son médecin était à disposition pour l'aider à gérer son budget si besoin. Ses deux filles, qui vivaient avec elle, faisaient des études et elle percevait une pension via le SCARPA du père de sa seconde fille.

Le Tribunal de protection a classé la procédure à l'issue de l'audience du 18 mai 2017.

c) Par courrier du 31 janvier 2019, B______ a sollicité du Tribunal de protection le prononcé d'une mesure de curatelle en faveur de sa mère, indiquant que la situation dégénérait de jour en jour. Elle a rappelé les faits qui avaient conduit la famille à être évacuée de l'appartement qu'elle occupait et comment celui-ci avait pu être récupéré grâce à l'aide du médecin et de son avocate de sa mère. Cette dernière ne s'occupait plus d'elle et de sa soeur et elle avait dû prendre un travail de répétitrice pour pouvoir subvenir à leurs besoins. Au mois de juin 2018, elle avait appris que sa mère ne payait plus son assurance-maladie, ni les factures de ses médecins, depuis qu'elle avait atteint sa majorité, de sorte qu'elle s'était vue notifier des poursuites. Elle a ainsi demandé à l'OCAS de pouvoir percevoir directement sa rente d'orpheline, ainsi que les allocations familiales et la rente AI complémentaire enfant la concernant. Elle avait pu solder ses dettes grâce à l'aide du service social de J______ [GE], ainsi que de l'association K______, ayant obtenu des fonds de la Fondation I______ en décembre 2018. Elle avait également appris que sa mère avait contracté un abonnement téléphonique à son nom sans son accord, ce pourquoi elle avait porté plainte. Elle recevait encore des avis de poursuite à ce sujet. Sa mère l'avait mise à la rue, ainsi que sa soeur, en octobre 2019, mais elles avaient cependant conclu un accord avec la concernée pour pouvoir rester dans le logement familial, le temps de trouver un appartement. Elle se disait inquiète que sa mère ne gère plus ses affaires et augmente toujours plus ses dettes et craignait qu'elle conclue de nouveaux contrats en son nom ou au nom de sa soeur.

d) Par courrier du 13 mai 2019 adressé au Tribunal de protection, la Dre H______ a indiqué qu'elle voyait depuis le 21 février 2017 A______ une à quatre fois par mois selon ses besoins. Sa patiente ne présentait pas de troubles cognitifs à proprement parler mais souffrait d'un trouble de la personnalité qui avait pour conséquence une mauvaise gestion de ses émotions et une grande labilité d'humeur. Ceci pouvait l'amener à prendre de mauvaises décisions concernant notamment les priorités financières qu'elle devait assumer. Consciente de ce fait, elle avait mis elle-même en place des garde-fous, soit notamment le règlement direct par le SPC de son loyer, de ses frais médicaux et d'assurance-maladie. Elle faisait appel à des aides si besoin, notamment pour remplir sa déclaration fiscale. Elle était également capable d'accomplir elle-même de nombreuses démarches administratives et se faisait accompagner par son compagnon. Elle gérait personnellement ses factures courantes, les frais des Services industriels, les frais de téléphonie, etc.

Elle pouvait être vulnérable émotionnellement face à sa famille, particulièrement ses parents et ses filles. Lorsque ces dernières avaient exigé de recevoir toutes les aides que leur mère recevait pour les élever (pension alimentaire, pension AI, allocations familiales), elle leur avait versé chaque mois les montants correspondants et ce, à son détriment, puisqu'elle bénéficiait dorénavant de très peu d'argent pour vivre, alors que ses filles habitaient chez elle. Elle n'avait aucun problème par rapport à son assistance personnelle, dès lors qu'elle assumait la plupart du ménage de l'appartement et qu'elle travaillait à temps partiel dans une entreprise de nettoyage. Elle cuisinait volontiers, mais avait parfois de la peine à s'alimenter, toujours pour des raisons émotionnelles.

S'agissant du suivi médical, sa patiente avait pris contact avec elle en lui demandant la mise en place d'un suivi psychiatrique et un traitement médicamenteux, qu'elle prenait régulièrement. La mauvaise gestion de ses émotions et de ses priorités pourrait la conduire à faire des achats inconsidérés, essentiellement pour sa famille, mais elle avait mis des garde-fous d'ores et déjà cités, et lorsqu'elle avait de la peine à gérer ses dépenses, elle confiait sa carte bancaire à son compagnon, qui était une personne de confiance qu'elle connaissait de longue date. Elle n'adoptait pas de comportement la mettant elle-même en danger ou des tiers. Elle était tout-à-fait capable d'exercer ses droits politiques. Elle ne présentait pas d'incapacité à proprement parler, sinon occasionnellement dans des moments de grande tension émotionnelle. Elle collaborait à son suivi psychiatrique instauré à sa demande. Elle pouvait être entendue par le Tribunal de protection, avait d'ores et déjà été entendue au printemps 2017 et il n'y avait pas eu de modifications majeures depuis lors, ni s'agissant de la personne concernée, ni de la situation extérieure, si ce n'est l'argent demandé par ses filles. Les seuls besoins de protection de l'intéressée seraient éventuellement une aide à la gestion administrative et financière, mais les systèmes de protection mis en place par la personne elle-même paraissaient suffisants.

e) Le 15 juillet 2019, le curateur d'office de A______, L______, avocat, nommé le 8 mai 2019 par le Tribunal de protection, a déposé des déterminations desquelles il ressortait que l'institution d'une curatelle de représentation pour les actes concernant sa protégée n'était pas nécessaire, une série de mesures ayant déjà été instaurées, tel que le paiement direct du loyer, des frais médicaux et de l'assurance-maladie. Cependant, compte tenu des inquiétudes des filles de sa protégée, et notamment de la minorité de l'une d'entre elles, une mesure de curatelle limitée au mois de janvier 2020, soit jusqu'à la majorité de G______, pourrait répondre d'une part aux craintes des enfants ayant dénoncé leur mère et d'autre part aux exigences d'opportunité et de proportionnalité que toute mesure de curatelle exige. Cette mesure serait acceptée par sa protégée, à l'exclusion de toute autre.

A______ vivait avec ses deux filles et son compagnon. Les relations étaient tendues entre les membres de la famille, les deux filles ne partageant pas les repas avec leur mère et son compagnon. L'aînée souhaitait emménager avec sa soeur cadette dans son propre appartement, lorsque la dette concernant l'abonnement téléphonique serait payée et la poursuite y relative radiée du registre des poursuites. La seule question qui restait à élucider était de savoir si l'abonnement téléphonique pris au nom de B______, dont s'était servi sa mère, l'avait été sans l'accord de sa fille, ce sur quoi les deux protagonistes divergeaient. A______ reconnaissait toutefois devoir le montant réclamé et versait 200 fr. par mois sur le compte de sa fille G______, qui avait avancé l'argent à sa soeur B______, afin de payer la dette y relative.

A______ percevait des revenus de 4'098 fr. par mois (rente AI : 1'185 fr., salaire pour travail complémentaire : 978 fr., prestation complémentaire fédérale: 1'399 fr., prestation complémentaire cantonale: 536 fr.). Ses charges s'élevaient à 3'010 fr. par mois environ (loyer : 1'925 fr., box : 180 fr., assurance-maladie : 586 fr., SI : 115 fr., téléphonie mobile: 140 fr., télévision et internet : 119 fr. et impôts : 25 fr.). Les montants perçus pour B______ et G______ étaient dorénavant versés directement à ces dernières.

f) Le Tribunal de protection a tenu une audience le 19 septembre 2019.

A______ a indiqué que le SPC déduisait des prestations qu'elle recevait le montant de son loyer et de sa prime d'assurance-maladie. Elle était actuellement à l'AI à 50%, mais son psychiatre envisageait de faire une demande pour une rente entière. Elle souffrait d'une polyarthrite depuis le mois de juin 2019 qui l'empêchait dorénavant de travailler en qualité de ______ et était en arrêt maladie. Elle avait fait une cession de créance à la pharmacie. Le SPC payait les 10% du prix des médicaments qui n'étaient pas remboursés. Elle devait donc s'acquitter uniquement des factures courantes telles que les SIG (120 fr. environ) et ses frais de téléphone (39 fr. environ), de même que des courses alimentaires. Elle prenait en charge les courses un mois sur deux tandis que son compagnon s'acquittait des SIG et de la téléphonie, puis inversement. Ses filles, qui demeuraient toujours auprès d'elle, faisaient leurs propres courses. Elle avait été diagnostiquée borderline et prenait régulièrement son traitement. Lorsqu'elle n'allait pas bien, elle avait tendance à s'isoler et non à faire des achats inconsidérés. Elle estimait qu'une mesure de protection n'était pas nécessaire dès lors qu'avec l'aide de son compagnon, elle réunissait toutes ses factures et parvenait à gérer son administratif. Ils se rendaient ensemble à la poste et faisaient les paiements. Celui-ci avait emménagé avec elle au mois d'octobre 2018, mais ses filles ne l'avaient jamais accepté. A la majorité de B______, elle lui avait versé une somme de 650 fr. par mois, cette dernière étant censée payer sa prime d'assurance-maladie avec cette somme. S'agissant de l'idée de remplacer le canapé, ce que sa fille lui reprochait, c'est son compagnon qui allait le financer, tandis que l'achat du sèche-linge qu'elle envisageait le serait dès qu'elle aurait l'argent nécessaire dès lors qu'elle ne voulait pas faire d'achat à crédit.

Le curateur d'office de A______ a persisté dans ses conclusions du 15 juillet 2019.

B______ a contesté que sa mère lui ait indiqué devoir payer ses primes d'assurance-maladie à sa majorité. Elle avait eu à affronter des poursuites importantes en lien avec lesdites primes, ainsi qu'en lien avec un abonnement téléphonique pris à son nom par cette dernière. Elle considérait que sa mère faisait des achats inutiles pour la maison (rideaux, canapé, sèche-linge). Elle craignait que sa mère utilise son nom et celui de sa soeur pour s'en sortir financièrement. Elle avait le projet de louer un appartement, avec sa soeur G______, ce qui était toutefois difficile, raison pour laquelle elle demeurait encore dans le logement familial.

g) Le Tribunal de protection a, le 19 septembre 2019, rendu l'ordonnance contestée.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant sont susceptibles de faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice dans un délai de trente jours à compter de leur notification (art. 450 al. 1 et 450b al. 1 CC, 53 al. 1 et 2 LaCC, 126 al. 3 LOJ).

Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit (art. 450 al. 3 CC). Disposent notamment de la qualité pour recourir les personnes parties à la procédure (art. 450 al. 2 ch. 1 CC).

1.2 En l'espèce, interjeté auprès de l'autorité compétente dans le délai utile de trente jours et selon la forme prescrite par la loi, par une personne partie à la procédure, le recours est recevable.

1.3 La Chambre de surveillance examine la cause librement, en fait, en droit, et sous l'angle de l'opportunité (art. 450a al. 1 CC).

Les maximes inquisitoires et illimitées d'office sont applicables (art. 446 CC).

2. La recourante reproche au Tribunal de protection d'avoir prononcé une mesure de curatelle de représentation et de gestion à son égard, étendue au domaine médical, avec limitation de l'exercice de ses droits civils et privation de l'accès à ses comptes bancaires, mesure qu'elle estime disproportionnée à sa situation.

2.1 L'autorité de protection de l'adulte institue une curatelle lorsqu'une personne majeure est partiellement ou totalement empêchée d'assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison d'une déficience mentale, de troubles psychiques ou d'un autre état de faiblesse qui affecte sa condition personnelle (art. 390 al. 1 ch. 1 CC).

Lorsque la personne qui a besoin d'aide ne peut accomplir certains actes relevant de l'assistance personnelle, de la gestion de son patrimoine ou des rapports juridiques avec les tiers et qu'elle doit, de ce fait, être représentée, l'autorité de protection de l'adulte institue une curatelle de représentation (art. 394 al. 1 CC) et définit, en fonction de ses besoins, les tâches à accomplir par le curateur (art. 391 al. 1 et 2 CC).

L'autorité de protection peut limiter l'exercice des droits civils de la personne concernée (art. 394 al. 2 CC). Cette limitation se justifie notamment s'il est à craindre que la personne concernée mette systématiquement en échec les actes du curateur, qu'elle agisse délibérément à l'encontre de ses intérêts ou qu'elle soit amenée à les léser sous l'influence d'un tiers mal intentionné (MEIER, CommFam: Protection de l'adulte, 2013, art. 394 CC n. 11).

Une mesure de curatelle ne peut être ordonnée que si elle est nécessaire et appropriée, ce qui signifie en particulier que l'appui fourni à la personne concernée par ses proches ou par des services privés ou publics ne suffit pas ou semble a priori insuffisant (art. 389 CC).

2.2.1 En l'espèce, il ressort de l'instruction de la cause que la recourante souffre de troubles psychiques, soit d'un trouble de la personnalité émotionnellement labile de type borderline qui occasionne des difficultés dans la gestion de ses affaires financières, notamment dans la priorisation du paiement de certaines de ses factures et qui l'a conduite à accumuler un nombre important de poursuites au fil des années, ce qu'elle ne conteste pas.

Sur le plan financier, si certes la recourante a pris certaines mesures comme le paiement direct de son loyer et de son assurance maladie par le Service des prestations complémentaires, et a mis en place une cession de créances en faveur de son pharmacien, elle a cependant accusé, contrairement à ce qu'elle soutient, de nouvelles poursuites en 2019 (administration fiscale, M______ [assurance maladie] et service des contraventions), et peine donc toujours à prioriser ses paiements. Elle se prévaut de bénéficier de l'aide de son compagnon depuis octobre 2018 mais il est permis de douter de son efficacité puisque cette aide n'a pas permis d'éviter la notification de nouvelles poursuites. Ledit compagnon n'a par ailleurs pas été entendu par les premiers juges de sorte qu'il n'a pas pu préciser la nature et l'intensité du soutien qu'il apporterait à la personne concernée. En conséquence, c'est à bon droit que le Tribunal de protection a instauré une curatelle de représentation et de gestion en faveur de la recourante, cette mesure étant adéquate et proportionnée. La nomination de représentants du Service de protection de l'adulte en qualité de curateurs de la personne concernée, avec autorisation de prendre connaissance de sa correspondance et de pénétrer dans son logement dans la limite de leur mandat, ne souffre également aucune critique, la personne concernée ne bénéficiant manifestement pas d'un soutien suffisant dans son entourage.

Les chiffres 1, 2 et 6 du dispositif de l'ordonnance entreprise seront donc confirmés.

Tel ne sera cependant pas le cas des chiffres 4 et 5 du dispositif de ladite ordonnance.

En effet, la limitation de l'exercice des droits civils de la recourante en matière contractuelle et la privation de l'accès à ses comptes bancaires paraissent disproportionnées. En effet, aucun élément du dossier ne permet de retenir que la recourante conclurait des contrats en lieu et place de tierces personnes, ni qu'elle ferait des dépenses inconsidérées ou serait susceptible d'être influencée par des tiers, son médecin indiquant au contraire qu'elle était de nature méfiante. Les frais (achat d'un canapé et d'un sèche-linge), que lui reproche sa fille aînée, ont par ailleurs été pris en charge par le compagnon de la recourante, comme en attestent les factures produites. L'instruction du dossier n'a, par ailleurs, pas permis de mettre en évidence le fait de savoir si la recourante s'était engagée à s'acquitter des primes d'assurance-maladie de sa fille aînée à sa majorité ou si cette dernière devait les payer personnellement avec la somme de 650 fr. mensuelle qu'elle recevait de sa mère. En tout état, compte tenu de son accession à la majorité, il appartenait à la fille de la recourante de s'assurer du paiement de son assurance-maladie. Quant à l'abonnement téléphonique pris au nom de cette même fille aînée, il ressort de l'échange de SMS entre mère et fille des mois de mars et avril 2018, produit sur recours, que la seconde était au courant du fait que la première bénéficiait d'un abonnement conclu en son nom et peinait à payer les factures. Ladite fille, qui prétend que cet abonnement a été pris à son insu, n'a cependant jamais soutenu que sa mère aurait signé le contrat à sa place. La limitation de l'exercice des droits civils de la recourante en matière contractuelle ainsi que la privation à l'accès à ses comptes bancaires, mesures extrêmes, ne trouvent ainsi aucun fondement dans le dossier. Par ailleurs, les filles de la recourante étant toutes deux dorénavant majeures, les craintes qui pouvaient subsister au regard de la minorité de la cadette ne sont plus d'actualité, ce d'autant que les jeunes adultes reçoivent personnellement les allocations familiales, les rentes complémentaires de l'assurance-invalidité, les pensions du SCARPA, respectivement, les rentes pour orphelin les concernant, ce qui leur permet d'assurer leurs besoins courants, tout en bénéficiant du logement chez leur mère, dans l'attente d'un appartement que l'aînée, âgée de 22 ans, souhaite louer prochainement.

Les chiffres 4 et 5 du dispositif de l'ordonnance querellée seront en conséquence annulés.

Sur le plan du bien-être social et de la santé, la recourante a entrepris dès 2017 de consulter un médecin psychiatre qu'elle voit régulièrement depuis lors, soit chaque mois à raison d'une à quatre séances selon ses besoins, et bénéficie d'un traitement médicamenteux qu'elle prend de manière régulière. Elle est donc parfaitement autonome dans la gestion de sa prise en charge médicale et régulièrement suivie.
En conséquence, il n'est pas nécessaire de confier aux curatrices nommées la tâche de veiller au bien-être social et à l'état de santé de la personne concernée.

Le chiffre 3 du dispositif de l'ordonnance sera donc reformulé afin de limiter les tâches des curatrices désignées à celles relevant de la seule curatelle de représentation et de gestion maintenue sur recours.

3. Compte tenu de l'issue de la procédure, les frais judiciaires, arrêtés à 400 fr. et compensés avec l'avance de frais du même montant, seront mis à moitié à la charge de la recourante et à moitié à la charge de l'Etat. Il sera ordonné la restitution de la somme de 200 fr. à la recourante.

Il ne sera pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 20 décembre 2019 par A______ contre l'ordonnance DTAE/7233/2019 rendue le 19 septembre 2019 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la procédure C/3800/2017.

Au fond :

Annule les chiffres 4 et 5 du dispositif de l'ordonnance.

Annule le chiffre 3 du dispositif de l'ordonnance.

Cela fait:

Confie aux curatrices nommées les tâches de représenter la personne dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d'affaires administratives et juridiques, de gérer les revenus et biens de la personne concernée et d'administrer ses affaires courantes.

Confirme l'ordonnance pour le surplus.

Sur les frais:

Arrête les frais de la procédure de recours à 400 fr., les compense avec l'avance effectuée, et les met à moitié à la charge de A______ et à moitié à la charge de l'Etat de Genève.

Ordonne aux Services financiers du pouvoir judiciaire de restituer à A______ la somme de 200 fr.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Paola CAMPOMAGNANI et Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.