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Décisions | Chambre de surveillance

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C/29758/2018

DAS/119/2020 du 23.07.2020 sur DTAE/7967/2019 ( PAE ) , ADMIS

Recours TF déposé le 14.09.2020, rendu le 26.03.2021, CASSE, 5A_755/2020
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/29758/2018-CS DAS/119/2020

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU JEUDI 23 JUILLET 2020

 

Recours (C/29758/2018-CS) formé en date du 3 mars 2020 par Madame A______, domiciliée route ______, ______ (Genève), comparant par Me Caroline FERRERO MENUT, avocate, en l'Etude de laquelle elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 5 août 2020 à :

- Madame A______
c/o Me Caroline FERRERO MENUT, avocate
Rue François Bellot 2, 1206 Genève.

- Madame B______
c/o Me Cyrielle FRIEDRICH, avocate
Rue de la Fontaine 7, 1204 Genève.

- Madame C______
Monsieur D______

SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Case postale 75, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance DTAE/7967/2020 du 12 décembre 2019, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a réservé à B______ un droit aux relations personnelles avec les mineurs E______, née le ______ 2016, F______ et G______, nés le ______ 2017 (ch. 1 du dispositif), dit que les visites s'exerceraient à raison d'une heure à quinzaine, dans un lieu thérapeutique, selon les modalités fixées d'entente entre les parties, les curateurs et le lieu d'accueil des visites (ch. 2), instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles entre B______ et les mineurs et désigné deux intervenants en protection des mineurs aux fonctions de curateurs de ceux-ci (ch. 3 et 4), enjoint A______ à respecter l'exercice du droit de visite instauré, sous la menace de la peine de l'art. 292 du Code pénal (ch. 5), déclaré ladite décision immédiatement exécutoire nonobstant recours (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B. a) Le 4 mars 2020, H______ a interjeté recours contre ladite décision, sollicitant préalablement la restitution de l'effet suspensif, qui lui a été accordée par la Cour le 26 mars 2020. Sur le fond, elle a conclu à l'annulation complète de ladite ordonnance.

Elle soutient en substance que le Tribunal de protection fait une fausse application des règles sur le droit aux relations personnelles de tiers, que l'intérêt des enfants n'a pas été pris en compte correctement, que B______, dont seul l'intérêt a été pris en compte, n'a plus eu de contact avec les mineurs depuis plus de 18 mois, et que les enfants, âgés respectivement de moins de 2 ans et de moins de 1 an à l'époque de la séparation, sont épanouis et ne ressentent pas de manque quelconque vis-à-vis de B______, qu'ils ne connaissent pas.

b) Le 30 mars 2020, le Tribunal de protection a déclaré ne pas souhaiter revoir sa décision.

c) Par mémoire réponse du 29 avril 2020, B______ a conclu au rejet du recours et à la confirmation de l'ordonnance attaquée sous suite de frais et dépens. Elle conteste tout d'abord la recevabilité des nouvelles pièces déposées en annexe au recours. Elle considère en outre que le Tribunal de protection a fait une juste application des dispositions lui permettant d'entretenir avec les enfants des relations personnelles, de telles relations étant par ailleurs dans l'intérêt des mineurs. Elle avait accompagné la recourante dans son projet d'avoir des enfants, qui était un projet commun.

d) En date du 15 mai 2020, la recourante a répliqué persistant dans ses conclusions et les motifs à l'appui de celles-ci. B______ a dupliqué le 3 juin 2020, faisant de même.

e) La Cour a entendu les mandataires des parties à son audience du 7 juillet 2020, au vu de l'évolution de la situation. Ceux-ci ont persisté dans leurs conclusions. Il en ressort que le partenariat enregistré entre les parties a été dissous par jugement du Tribunal de première instance de décembre 2019 actuellement en force. D'autre part, B______ a quitté la Suisse le 31 décembre 2019 pour rentrer en Angleterre, son pays d'origine, dans lequel elle a retrouvé un emploi. Elle est toutefois en mesure d'effectuer les trajets de I______ [UK] à Genève pour revoir les enfants. Elle n'a pas d'autre attache avec Genève.

La cause a été gardée à juger à l'issue de cette audience.

C. Ressortent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

H______, née le ______ 1980, originaire de Genève et B______,
née ______ [nom de jeune fille] le ______ 1988, de nationalité britannique, se sont liées par partenariat enregistré le ______ 2015 à J______ (Genève), dissous par le jugement précité du Tribunal.

En date du 21 janvier 2016, H______ a donné naissance à l'enfant E______. Elle a donné naissance, en outre, le ______ 2017, aux enfants F______ et G______.

Seule la filiation maternelle est portée au Registre d'Etat civil, le père étant inconnu. Les grossesses ont eu lieu sur la base de procréations assistées effectuées à l'étranger.

B______ a quitté H______ en septembre 2018. Elle n'a plus revu les enfants depuis cette date. La séparation a donné lieu à plusieurs plaintes pénales réciproques.

EN DROIT

1.             1.1 Les dispositions de la procédure devant l'autorité de protection de l'adulte sont applicables par analogie aux mesures de protection de l'enfant (art. 314 al. 1 CC).

Les décisions de l'autorité de protection peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 450 al. 1 CC et 53 al. 1 LaCC) dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision (art. 450b al. 1 CC). Le recours doit être dûment motivé et interjeté par écrit auprès du juge (art. 450 al. 3 CC).

Formé par la mère des enfants, dans le délai utile et selon la forme prescrite, le recours est recevable.

1.2 La Chambre de surveillance revoit la cause en fait, en droit et en opportunité (art. 450a al. 1 CC).

Elle applique les maximes inquisitoire illimitée et d'office, de sorte que toutes les pièces produites par devant elle, s'agissant d'une cause qui a trait à des enfants, sont recevables.

2.             2.1 Dans des circonstances exceptionnelles, le droit d'entretenir des relations personnelles peut être accordé à d'autres personnes que le père ou la mère, à condition que ce soit dans l'intérêt de l'enfant (art. 274a al. 1 CC). Les limites du droit aux relations personnelles des père et mère sont applicables par analogie (art. 274a al. 2 CC).

Le droit est d'abord subordonné à l'existence de circonstances exceptionnelles (p.ex. mort d'un parent, relation étroite nouée avec des parents nourriciers, vide à combler durant l'absence prolongée d'un parent) (MEIER/STETTLER, Droit de la filiation, 2019, 6e éd., no 979). Il convient d'apprécier celles-ci en procédant à une pesée des intérêts en présence, y compris celui du ou des détenteurs de l'autorité parentale, respectivement du droit de garde. L'on tiendra compte, quoi qu'il en soit, des difficultés et conflits que l'exercice du droit peut engendrer et qui, indirectement, pourraient avoir des conséquences néfastes pour l'enfant (LEUBA, Commentaire romand, ad art. 274a n° 7 et 8).

Il faut ensuite que le droit serve positivement le bien de l'enfant. Le critère de l'intérêt de l'enfant est déterminant. Il doit être analysé de manière plus stricte que dans le cas des relations personnelles avec les parents, en veillant à ce que les intérêts de tiers ne l'emportent pas sur le bien de l'enfant et notamment sur son droit de cultiver prioritairement une relation étroite avec ses père et mère (MEIER/STETTLER, Droit de la filiation, tome II, Effets de la filiation (art. 270 à 327), 3e éd., p. 138 et idem, 6e éd. nos 978 ss).

L'autorité devra en outre faire preuve d'une circonspection particulière lorsque le droit revendiqué par des tiers viendrait s'ajouter à l'exercice de relations personnelles par les parents de l'enfant, dans la mesure où le recours à l'art. 274a CC implique que parents et tiers ne sont pas parvenus à s'entendre eux-mêmes sur les contacts sollicités (TF 5A_831/2008 du 16 février 2009 c. 3.2; SJ 1996 p. 466). En principe, il y a lieu de ne pas risquer de créer des tensions et des conflits de loyauté supplémentaires en fixant des relations personnelles avec des tiers (MEIER/STETTLER, op. cit., p. 498 no 762).

2.2 En l'espèce, le Tribunal de protection a octroyé un droit de visite à B______ sur les enfants de la recourante en considérant que le projet d'avoir des enfants était commun aux partenaires enregistrées, qui avaient participé toutes deux aux choix des prénoms et que B______ s'était occupée à tout le moins du premier des enfants.

Ce faisant, le Tribunal de protection s'est écarté des critères rappelés ci-dessus.

En effet, le seul critère décisif est celui du bien de l'enfant. Or, le Tribunal de protection a mené son raisonnement en ne considérant que l'intérêt de B______ à entretenir une relation avec les mineurs en question.

Pour les raisons qui vont suivre, sa décision devra être annulée :

En premier lieu, il s'agit de constater que les parties se sont séparées en septembre 2018 date à partir de laquelle B______ n'a plus vu les enfants. Or, à la date en question les enfants étaient âgés de 2 ans et demi pour l'aînée et de 11 mois pour les cadets. Une persistance de relations formalisées avec une personne avec laquelle ils n'en ont plus eu depuis 2 ans n'est pas dans leur intérêt. Il est par ailleurs hautement vraisemblable que les mineurs ne se souviennent plus de B______. A ce stade déjà, l'on constate que les conditions légales ne sont pas remplies.

S'ajoute à cela que la séparation des parties s'est avérée conflictuelle et émaillée de plaintes pénales réciproques de sorte que, la sérénité d'éventuels contacts n'étant pas garantie, elle irait à rebours de l'intérêt des enfants.

Enfin, et sans qu'il soit besoin de développer plus avant, la Cour constate que B______, qui de son aveu même n'a pas d'attache avec la Suisse, a quitté le pays pour son pays d'origine à fin décembre 2019, pays dans lequel elle a retrouvé un emploi. Le partenariat enregistré entre les parties a par ailleurs été dissous par le Tribunal de première instance en décembre 2019. Il n'y a par conséquent plus de lien entre la famille de la recourante et B______.

3.             Les causes en fixation de relations personnelles ne sont pas gratuites (art. 67A et B RTFMC et 77 LaCC). Les frais de la présente procédure de recours seront fixés à 800 fr. et mis à la charge de B______, qui succombe (art. 106 al.1 CPC). Ils seront provisoirement mis à la charge de l'Etat de Genève, vu l'octroi à B______ de l'assistance judiciaire. L'avance de frais versée par la recourante lui sera restituée. Il n'y a pas lieu à dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 3 mars 2020 par A______ contre l'ordonnance DTAE/7967/2019 rendue le 12 décembre 2019 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/29758/2018.

Au fond :

Annule ladite ordonnance.

Sur les frais :

Fixe les frais de la procédure à 800 fr., les met à la charge de B______ et les laisse provisoirement à la charge de l'Etat de Genève, vu l'assistance judiciaire.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ le montant de 400 fr. versé à titre d'avance de frais.

Dit qu'il n'y a pas lieu à dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Carmen FRAGA, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.