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Décisions | Chambre Constitutionnelle

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A/189/2015

ACST/7/2015 du 31.03.2015 ( ABST ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/189/2015-ABST ACST/7/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre constitutionnelle

Arrêt du 31 mars 2015

5>

 

dans la cause

 

UNION DEMOCRATIQUE DU CENTRE, GENÈVE (UDC-GE)

et

Monsieur A______

contre

GRAND CONSEIL

 


 


EN FAIT

1) a. L’Union démocratique du centre, Genève (ci-après : UDC-GE), constituée sous forme d’association au sens des art. 60 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CCS - RS 210), est un parti politique indépendant et une section cantonale de l’Union démocratique du centre, parti suisse (ci-après : UDC) et a son siège en Ville de Genève (art. 1 des statuts de l’UDC-GE). Réunissant des membres âgés de 16 ans révolus, l’UDC-GE a pour but de promouvoir l’UDC et ses idées dans le canton de Genève et ses communes en exerçant une activité politique en conformité avec le programme de celle-ci, qui s’exerce démocratiquement, notamment en présentant des candidats à des postes électifs et en faisant usage des droits populaires tels que l’initiative et le référendum ; elle peut agir par tous moyens légaux, notamment en estant en justice pour défendre les droits de ses membres (art. 2 des statuts de l’UDC-GE).

b. Monsieur A______, ressortissant suisse né le ______ 1950, est domicilié dans le canton de Genève, où il exerce ses droit politiques. Il est vice-président de l’UDC-GE, parti qu’il représente en qualité de député au Grand Conseil de la République et canton de Genève (ci-après : le Grand Conseil).

2) a. Le 15 octobre 1982, le Grand Conseil a adopté la loi sur l’exercice des droits politiques (LEDP - A 5 05), qui abrogeait et remplaçait la loi sur les votations et élections du 23 juin 1961.

b. L’art. 100 LEDP, intitulé « second tour » et figurant dans la section 1 de la loi, consacrée au système majoritaire, elle-même contenue dans le chapitre II (élections majoritaires) du titre II (votations et élections), avait la teneur suivante (ROLG 1982 479, p. 505) :

« Art. 100

1 Si un second tour de scrutin est nécessaire pour compléter l’élection, il a lieu dans les 4 semaines suivant le premier tour.

2 Dans ce second tour, seuls peuvent déposer une liste, les partis, associations et groupements politiques qui en ont déjà déposé une au premier tour ».

c. La LEDP est entrée en vigueur le 1er juillet 1983.

3) Le 17 mars 1993, le Conseil fédéral a approuvé la LEDP dans sa teneur à cette date, y compris l’art. 100 LEDP resté inchangé depuis l’adoption de la loi.

4) a. Le 20 octobre 1994, le Grand Conseil a adopté la loi 6986 modifiant la LEDP, en particulier son art. 100, dont la teneur était la suivante (ROLG 1994 407, p. 419) :

« Art. 100 (nouvelle teneur)

1 Si un second tour de scrutin est nécessaire pour compléter l’élection, il a lieu dans les 5 semaines suivant le premier tour.

2 Dans ce second tour, seuls peuvent déposer une liste les partis politiques, autres associations ou groupements qui ont participé au premier tour ».

b. La loi 6986 modifiant la LEDP est entrée en vigueur le 1er janvier 1995.

5) a. Le 12 août 2013, des députés du Mouvement Citoyens Genevois (ci-après : MCG) et de l’UDC-GE ont déposé au Grand Conseil un projet de loi PL 11256 modifiant la LEDP, en particulier son art. 100, dont la teneur était la suivante :

« Art. 100, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Dans ce second tour, des listes avec des appellations différentes du premier tour peuvent être déposées ».

b. Selon l’exposé des motifs, le projet visait à éviter la multiplication des listes lors du premier tour et à interdire aux candidats de figurer sur plus d’une liste. Il permettait également à ceux le souhaitant de faire liste commune au second tour, sous l’appellation d’une nouvelle liste, et autorisait le dépôt de listes avec des noms différents au second tour. Même si elles n’avaient pas été prévues ou conclues avant le premier tour, les alliances étaient permises entre les deux tours.

6) Lors des séances des 25 septembre et 11 décembre 2013, la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil (ci-après : la commission) a procédé à l’examen du PL 11256. À cette occasion, elle a auditionné le représentant du Conseil d’État, qui a expliqué qu’un projet de loi modifiant la LEDP, reprenant en grande partie les modifications prévues par le PL 11256, serait prochainement déposé au Grand Conseil, en vue des prochaines élections municipales.

7) Le 12 février 2014, le Conseil d’État a déposé au Grand Conseil un projet de loi PL 11389 modifiant la LEDP, en particulier son art. 100 al. 1, dont l’enjeu principal, selon l’exposé des motifs, était de réduire le délai entre les deux tours d’une élection au système majoritaire, en passant de cinq à trois semaines, notamment en vue des prochaines élections municipales de 2015.

8) Le 15 mai 2014, la commission a rendu son rapport concernant le PL 11389. Lors de ses travaux, elle avait adopté un amendement présenté par le Conseil d’État consistant en l’ajout, à l’art. 100 al. 2 LEDP, d’une deuxième phrase concernant la dénomination des listes lors du second tour des élections majoritaires. Selon les explications fournies par le représentant du Conseil d’État, l’amendement en question devait être mis en parallèle avec l’interdiction des listes multiples et consistait à conserver l’intitulé utilisé au premier tour lors du second. Ainsi, si les partis « X » et « Y » décidaient de se mettre ensemble sur une liste au second tour, celle-ci pouvait se nommer « X + Y », mais non « vive la joie » ; au contraire, si un groupement avait cette dernière appellation au premier tour, il pouvait la conserver au second. Cette solution permettait de gagner en efficacité et en temps et ainsi faire en sorte que les listes soient déposées le plus rapidement possible lors du deuxième tour.

9) Le 6 juin 2014, le Grand Conseil a adopté la loi 11389 modifiant la LEDP, notamment son art. 100, dont la teneur était la suivante :

« Art. 100 (nouvelle teneur)

1 Si un second tour de scrutin est nécessaire pour compléter l’élection, il a lieu dans les 3 semaines suivant le premier tour. À titre exceptionnel, si le nombre élevé de candidatures ne permet pas l’organisation du scrutin dans le délai précité, le second tour peut avoir lieu dans les 5 semaines suivant le premier tour.

2 Dans ce second tour, seuls peuvent déposer une liste les partis politiques, autres associations ou groupements qui ont participé au premier tour. La dénomination de la liste doit être identique à celle utilisée lors du premier tour ou correspondre strictement au regroupement de plusieurs listes du premier tour ».

10) Le 10 juin 2014, la commission a rendu son rapport concernant le PL 11256 et proposé au Grand Conseil de refuser l’entrée en matière, dès lors que la loi 11389 avait réglé la question des listes dites de « traverse ».

11) Lors de la séance du 27 juin 2014, le Grand Conseil a renvoyé le PL 11256 en commission, sans suivre sa proposition.

12) La loi 11389 est entrée en vigueur le 6 septembre 2014.

13) Par arrêté du 10 septembre 2014, publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 16 septembre 2014, le Conseil d’État a fixé la date de l’élection des conseils municipaux et du premier tour de l’élection des exécutifs communaux au dimanche 19 avril 2015 et le second tour de l’élection des exécutifs communaux au dimanche 10 mai 2015. Le délai pour le dépôt des listes des candidatures pour l’élection des conseils municipaux et le premier tour de l’élection des exécutifs communaux était fixé au lundi 2 février 2015 à midi et celui des listes des candidatures du second tour de l’élection des exécutifs communaux au mardi 21 avril 2015 à midi.

14) Le 22 septembre 2014, la commission a rendu son deuxième rapport concernant le PL 11256, aux termes duquel elle proposait l’adoption d’un amendement général remplaçant toutes les autres modifications initialement proposées par ce projet par un seul changement, consistant à abroger la deuxième phrase de l’art. 100 al. 2 LEDP résultant de la loi 11389.

Cette solution s’imposait en raison de certaines réticences soulevées suite à l’entrée en vigueur de la loi 11389, qui fixait un cadre restrictif, notamment au regard des alliances dès le deuxième tour, le soutien à d’autres partis devenant impossible en l’absence d’alliance formelle sur une liste commune. L’amendement proposé offrait la possibilité de modifier la dénomination au deuxième tour, tout en gardant le principe que seuls les partis, associations ou groupements ayant participé au premier tour pouvaient présenter des candidats au deuxième tour. Cette solution était pragmatique, réalisable, correspondait à la réalité que vivaient les associations communales et offrait une certaine marge de manœuvre afin de respecter les spécificités de chaque commune.

15) a. Lors de la séance du 10 octobre 2014, le Grand Conseil a procédé à l’examen du PL 11256.

Lors des débats, il a été mis en avant que la loi 11389, en figeant les listes entre le premier et le deuxième tour, était trop restrictive et manquait de flexibilité, alors même que la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) imposait la tenue de deux tours en cas d’élections majoritaires, qui ne servaient pas seulement à mener des campagnes supplémentaires, mais aussi à la mise en place d’un véritable système politique. Les partis politiques devaient disposer d’une marge de manœuvre minimale en modifiant les alliances à l’issue du premier tour, soit en les élargissant, soit en les restreignant, la loi 11389 n’étant, de ce point de vue, pas satisfaisante.

b. À l’issue de cette séance, le Grand Conseil a adopté la loi 11256 modifiant la LEDP, dont la teneur est la suivante :

« Art. 1

Modifications

La loi sur l’exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, est modifiée comme suit :

Art. 100, al. 2, seconde phrase (abrogée)

Art. 2

Entrée en vigueur

La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d’avis officielle ».

16) Le 17 octobre 2014, le Conseil d’État a publié dans la FAO la loi 11256 du 10 octobre 2014 modifiant la LEDP, le délai référendaire expirant le 26 novembre 2014.

17) Le 11 novembre 2014, le Conseil d’État a publié dans la FAO l’annonce, par l’UDC-GE, du lancement d’un référendum contre la loi 11256 du 10 octobre 2014 modifiant la LEDP.

18) Par publication dans la FAO du 2 décembre 2014, le Conseil d’État a constaté que le référendum lancé par l’UDC-GE contre la loi 11256 du 10 octobre 2014 modifiant la LEDP n’avait pas abouti, la liste des signatures appuyant ledit référendum n’ayant pas été déposée par le comité référendaire auprès du service des votations et élections (ci-après : SVE) à l’expiration du délai imparti pour la récolte des signatures.

19) Par arrêté du 3 décembre 2014, publié dans la FAO du 5 décembre 2014, le Conseil d’État a promulgué la loi 11256 du 10 octobre 2014 modifiant la LEDP pour être exécutoire dans tout le canton dès le lendemain de sa publication.

20) Par acte déposé au greffe le 20 janvier 2015, l’UDC-GE et Monsieur A______ ont recouru contre cet arrêté auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle), concluant, « avec suite de frais et dépens », à l’octroi de l’effet suspensif au recours et, sur le fond, à l’annulation de la loi 11256.

La garantie des droits politiques était violée par l’abrogation de l’art. 100 al. 2, 2ème phr. LEDP, intervenue seulement trois mois après son entrée en vigueur, dans la mesure où la LEDP autorisait désormais, entre les deux tours des élections majoritaires, les changements d’alliances conclues lors du premier tour. Si les partis pouvaient librement rompre, modifier et réformer leurs alliances entre les deux tours, les électeurs étaient trompés et leur volonté, exprimée lors du premier tour, trahie, dès lors que leurs engagements et programmes initiaux n’étaient pas respectés. Le risque que les campagnes politiques se transforment en un « assemblage de boniments » n’était ainsi pas négligeable, ce qui avait pour conséquence de priver les électeurs de points de repères et de critères pour former leur volonté. De plus, les changements d’alliances entre les deux tours permettaient aux partis concernés de modifier, de manière unilatérale, le poids des suffrages de chaque électeur, ce qui n’était pas admissible. Cette situation engendrait des effets d’autant plus pernicieux que la Cst-GE avait fait de la tenue d’un second tour la règle, rendant nécessaire la réglementation de l’« entre-deux-tours », comme l’avait fait la loi 11389, dont l’abrogation était « incongrue et choquante ».

En qualité de membre de l’UDC-GE et d’élu amené à faire campagne, M. A______ était lésé dans ses droits, tout comme l’UDC-GE en tant que parti politique, dont la campagne, le programme et les engagements pouvaient se trouver déformés en cas d’alliances de partis opposés entre les deux tours. Cette situation était de nature à nuire gravement à la transparence et à la loyauté des élections majoritaires, ce qui portait non seulement atteinte au droit de vote des électeurs, mais aussi au droit des partis de contribuer au processus démocratique de manière générale.

21) Par courrier du 2 février 2015, le Conseil d’État a fourni des renseignements sur le processus des opérations électorales, et versé à la procédure un planning opérationnel des élections municipales à venir. Les élections des conseillers administratifs, maires et adjoints devaient avoir lieu entre les 1er mars et 30 avril 2015. Le premier tour était fixé au 19 avril 2015 et le délai pour le dépôt des listes des candidatures pour celui-ci au 2 février 2015, date après laquelle les listes ne pouvaient plus être retirées. Dès le 12 février 2015, le SVE devait entamer la création du matériel électoral, à savoir la constitution de 300'000 fascicules de listes pour les élections des conseils municipaux et d’autant pour les exécutifs communaux en quarante-cinq versions différentes. Par ailleurs, la date limite pour le dépôt des candidatures au second tour, qui devait se tenir le 10 mai 2015, était fixée au 21 avril 2015. Les nouveaux élus devaient prêter serment avant le 1er juin 2015, les mandats des conseillers administratifs, maires et adjoints actuels arrivant à échéance à cette date.

22) Le 3 février 2015, le Grand Conseil a conclu, sur effet suspensif, au rejet de sa restitution ainsi que du recours, « avec suite de dépens », réservant ses déterminations sur le fond du litige.

La demande en restitution de l’effet suspensif n’étant pas motivée, elle était irrecevable. En tout état, elle devait être rejetée. Ainsi, le processus législatif ayant mené à l’adoption de la loi litigieuse avait été parfaitement régulier, aucune manœuvre en vue d’écarter un groupe politique lors d’alliances au second tour n’ayant eu lieu. Au contraire, la loi contestée avait pour unique objectif de permettre un changement de dénomination des listes au deuxième tour et n’avait pas d’effet direct sur les alliances lors de celui-ci. Si les partis décidaient de modifier la dénomination de leurs listes, voire leur programme, ils devaient, dans leur propre intérêt, l’expliquer aux électeurs, qui pouvaient se déterminer en connaissance de cause sur les choix fait par les candidats et n’étaient pas trompés. La loi 11256 se limitait d’ailleurs à reprendre le système antérieurement en vigueur, selon lequel les partis avaient la possibilité de choisir les noms de liste au premier comme au deuxième tour. Elle ne portait dès lors pas atteinte aux droits de l’UDC-GE et de M. A______.

23) Par décision du 6 février 2015 (ACST/2/2015), le président de la chambre constitutionnelle a refusé d’octroyer l’effet suspensif au recours et a réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé sur le fond du litige.

La condition de l’urgence n’était pas remplie. Ainsi, le premier cas d’application de la disposition litigieuse aurait lieu à l’« entre-deux-tours » des élections municipales, dont l’issue du premier tour serait connue le 19 avril 2015. Dans la mesure où l’arrêt au fond serait prononcé avant la fin du mois de mars 2015, l’octroi de l’effet suspensif au recours ne se justifiait pas, étant précisé que si l’instruction de celui-ci devait se prolonger, une nouvelle demande pourrait être introduite par les intéressés.

24) Par acte du 19 février 2015, le Grand Conseil a conclu au rejet du recours.

La modification litigieuse, dont la portée était limitée, dès lors qu’elle n’aboutissait qu’à permettre une modification du nom des listes entre les deux tours, visait à rétablir une situation conforme à celle ayant existé durant de nombreuses années en matière de votations communales, et qui n’était pas contraire à la liberté de vote. Affirmer le contraire revenait à considérer que les électeurs n’avaient pas la capacité de se rendre compte qu’une liste avait changé de nom et de voter en conséquence, ce qui n’était pas vraisemblable. Cet aspect était toutefois occulté par l’UDC-GE et M. A______, lesquels focalisaient leur recours sur d’éventuelles alliances à l’« entre-deux-tours », qui existaient au demeurant « depuis la nuit des temps ».

En tout état, le grief tiré de la violation des droits politiques était infondé. En effet, la modification des alliances entre les deux tours n’avait aucune incidence rétroactive sur le vote au premier tour, dans la mesure où l’électeur avait fait son choix en pleine connaissance de cause, en fonction des informations accessibles à cette date. En particulier, le droit cantonal n’avait pas pour rôle d’imposer un discours politique immuable, sous peine de mettre à néant le système démocratique, mais pour fonction de permettre aux électeurs de choisir librement, à chaque vote, à quel parti ou à quel candidat attribuer leurs voix, en fonction de l’évolution de leur position. Pour les mêmes motifs, les changements d’alliances entre les deux tours n’étaient pas contraires au système majoritaire, tel que prévu par la Cst-GE, qui les favorisait même, puisque si un parti ou un candidat n’obtenait pas la majorité absolue au premier tour, il devait passer des alliances pour obtenir la majorité relative au deuxième tour. Ils ne modifiaient pas non plus le poids des suffrages de chaque électeur, dès lors que la loi contestée, dont le processus d’adoption avait été régulier, ne poursuivait pas un tel but. Il ressortait d’ailleurs des travaux préparatoires y relatifs que la loi ne visait pas à écarter l’un ou l’autre groupe politique au moyen d’alliances au second tour, mais à permettre une certaine continuité avec la pratique jusqu’alors suivie en matière d’élections dans les communes genevoises avant l’entrée en vigueur de la Cst-GE. Il en résultait que chaque électeur pouvait librement se prononcer au premier comme au deuxième tour en choisissant, en fonction de son appréciation, des programmes, des déclarations et des alliances éventuelles, quel candidat il souhaitait soutenir.

25) Le 6 mars 2015, l’UDC-GE et M. A______ ont persisté dans les conclusions et termes de leur recours.

Il existait une contradiction évidente dans le fait d’adopter une loi et de l’abroger trois mois plus tard, en l’absence de toute modification du droit cantonal dans l’intervalle. Il était erroné de se prévaloir d’une situation préexistante, puisque l’entrée en vigueur de la Cst-GE avait fait de la tenue d’un deuxième tour la règle et était à l’origine de l’adoption de la loi 11389. Au surplus, l’impact des alliances différait selon le corps à élire ou le mode de scrutin, notamment s’agissant d’un organe exécutif composé d’un petit nombre d’élus. Ainsi, lors des élections au conseil administratif de la commune de Vernier en 2011, des changements d’alliances avaient abouti à l’exclusion d’un parti. Dans la mesure où les élections n’étaient pas des « concours de beauté » et que les électeurs offraient leur suffrage à des candidats et des partis en fonction de leur programme, leur volonté était définitivement trompée si, entre les deux tours, celui-ci était modifié, que des alliances étaient transformées ou, pire, créées entre des partis opposés, dans le simple but d’évincer un parti ou un candidat déterminé.

26) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) a. La chambre constitutionnelle est l’autorité compétente pour contrôler, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur (art. 124 let. a Cst-GE) ; selon la législation d’application de cette disposition, il s’agit des lois constitutionnelles, des lois et des règlements du Conseil d’État (art. 130B al. 1 let. a de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

b. Le recours est dirigé contre une loi cantonale, en l’occurrence la modification de la LEDP du 10 octobre 2014, en l’absence de cas d’application (ATF 137 I 177 consid. 1.1 ; ACST/1/2015 du 23 janvier 2015). Dès lors qu’elle prévoit l’abrogation d’une disposition qui ne s’appliquera plus pour l’ensemble des scrutins majoritaires à venir lors du deuxième tour, elle contient des règles générales et abstraites, étant précisé que si une disposition législative constitue une loi au sens matériel, à l’instar de la LEDP, il en va de même de son abrogation (arrêt du Tribunal fédéral 1P.470/2005 du 23 décembre 2005 consid. 3.3). La chambre de céans peut donc en contrôler la conformité au droit supérieur.

Interjeté dans le délai légal à compter de la promulgation de l’acte susmentionné, qui a eu lieu par arrêté du Conseil d’État du 3 décembre 2014, publié dans la FAO du 5 décembre 2014, et dans les formes prévues par la loi, le recours est recevable sous cet angle (art. 62 al. 1 let. d et 3, 63 al. 1 let. c et 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. A qualité pour recourir toute personne touchée directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d’État ou une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l’acte soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b LPA). Il ressort de l’exposé des motifs relatif à la loi 11311 modifiant la LOJ que l’art. 60 al. 1 let. b LPA dans sa teneur actuelle, adoptée le 11 avril 2014 et entrée en vigueur le 14 juin 2014, formule de la même manière la qualité pour recourir contre un acte normatif et en matière de recours ordinaire. Cette disposition ouvre ainsi largement la qualité pour recourir, tout en évitant l’action populaire, dès lors que le recourant doit démontrer qu’il est susceptible de tomber sous le coup de la loi constitutionnelle, de la loi ou du règlement attaqué (ACST/1/2015 précité ; ACST/2/2014 du 17 novembre 2014 ; Michel HOTTELIER/Thierry TANQUEREL, La Constitution genevoise du 14 octobre 2012, SJ 2014 II 341-385, p. 380).

b. L’art. 111 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) précise que la qualité de partie à la procédure devant toute autorité cantonale précédente doit être reconnue à quiconque a qualité pour recourir devant le Tribunal fédéral. En d’autres termes, le droit cantonal ne peut pas définir la qualité de partie devant l’autorité précédant le Tribunal fédéral de manière plus restrictive que ne le fait l’art. 89 LTF (ATF 139 II 233 consid. 5.2.1 ; 138 II 162 consid. 2.1.1 ; 136 II 281 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_663/2012 du 9 octobre 2013 consid. 6.5).

Aux termes de l’art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c). L’art. 89 al. 1 LTF détermine la qualité pour recourir de manière générale, la subordonnant à trois conditions, qui, pour autant qu’elles soient cumulativement remplies (ATF 137 II 40 consid. 2.2), permettent aux personnes physiques et morales de droit privé, voire exceptionnellement aux personnes morales et collectivités de droit public, de recourir (Bernard CORBOZ et al. [éd.], Commentaire de la LTF, 2ème éd., 2014, n. 11 ad art. 89 LTF).

Lorsque le recours est dirigé contre un acte normatif, la qualité pour recourir est conçue de manière plus souple et il n’est pas exigé que le recourant soit particulièrement atteint par l’acte entrepris (Marcel Alexander NIGGLI/ Peter UEBERSAX/Hans WIPRÄCHTIGER [éd.], Bundesgerichtsgesetz, 2ème éd., 2011, n. 13 ad art. 89 LTF). Ainsi, toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés par l’acte attaqué ou pourront l’être un jour a qualité pour recourir ; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition toutefois qu’il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées (ATF 138 I 435 consid. 1.6 ; 135 II 243 consid. 1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_518/2013 du 1er octobre 2014 consid. 1.2 non publié in ATF 140 I 381 et 4C_2/2011 du 17 mai 2011 consid. 3 non publié in ATF 137 III 185).

La qualité pour recourir suppose en outre un intérêt actuel à obtenir l’annulation de l’acte entrepris, cet intérêt devant exister tant au moment du dépôt du recours qu’au moment où l’arrêt est rendu (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; 137 I 296 consid. 4.2).

c. Une association ayant la personnalité juridique est habilitée à recourir soit lorsqu’elle est intéressée elle-même à l’issue de la procédure, soit lorsqu’elle sauvegarde les intérêts de ses membres. Dans ce dernier cas, la défense des intérêts de ses membres doit figurer parmi ses buts statutaires et la majorité de ceux-ci, ou du moins une grande partie d’entre eux, doit être personnellement touchée par l’acte attaqué (ATF 137 II 40 consid. 2.6.4 ; 131 I 198 consid. 2.1 ; 130 I 26 consid. 1.2.1 ; 129 I 113 consid. 1.6 ; 125 I 369 consid. 1a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 consid. 1.2 ; 8C_184/2008 du 3 octobre 2008 consid. 2.1 ; ATA/932/2014 du 25 novembre 2014 ; ATA/654/2014 du 19 août 2014 ; ATA/829/2012 du 11 décembre 2012).

d. En l’espèce, la loi attaquée, en abrogeant l’art. 100 al. 2, 2ème phr. LEDP, ne pose plus de restriction, lors du deuxième tour des élections majoritaires, à la dénomination des listes des partis, autres associations ou groupement ayant participé au premier tour de ces mêmes élections. M. A______, domicilié dans le canton de Genève, où il exerce ses droits politiques, est ainsi susceptible de se voir appliquer la nouvelle réglementation, tant en qualité d’électeur que de candidat aux élections pour lesquelles le système majoritaire est utilisé, ce qui suffit à admettre sa qualité pour recourir. Il en va de même de l’UDC-GE. Ce parti politique, constitué en association au sens du droit privé et actif dans le canton de Genève, est directement concerné par la novelle.

Il résulte de ce qui précède que le recours est également recevable de ce point de vue.

3) a. Saisie d’un recours, la chambre constitutionnelle contrôle librement le respect des normes cantonales attaquées au droit supérieur (art. 124 let. a Cst-GE ; art. 61 al. 1 LPA), sous réserve des exigences de motivation figurant à l’art. 65 al. 3 LPA. Aux termes de cette disposition, en cas de recours contre une loi constitutionnelle, une loi ou un règlement du Conseil d’État, l’acte de recours contient un exposé détaillé des griefs du recourant. Selon l’exposé des motifs relatif à la loi 11311 modifiant la LOJ, en matière de recours portant sur un contrôle abstrait, il est nécessaire de se montrer plus exigeant que dans le cadre d’un recours ordinaire, le recourant ne pouvant se contenter de réclamer l’annulation d’une loi ou d’un règlement au motif que son contenu lui déplaît, mais, au contraire, doit être acheminé à présenter un exposé détaillé de ses griefs.

b. À l’instar du Tribunal fédéral, la chambre constitutionnelle, lorsqu’elle se prononce dans le cadre d’un contrôle abstrait des normes, s’impose une certaine retenue et n’annule les dispositions attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu’elles soient interprétées ou appliquées de façon contraire au droit supérieur. Pour en juger, il faut notamment tenir compte de la portée de l’atteinte aux droits en cause, de la possibilité d’obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante et des circonstances dans lesquelles ladite norme serait appliquée (ATF 140 I 2 consid. 4 ; 137 I 131 consid. 2 ; 135 II 243 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2013 du 19 juin 2014 consid. 2.2 ; ACST/1/2015 précité ; ACST/2/2014 précité).

4) Les recourants allèguent que la loi 11256 du 10 octobre 2014 modifiant la LEDP, en abrogeant l’art. 100 al. 2, 2ème phr. LEDP, est contraire au droit supérieur, à savoir à la garantie des droits politiques.

5) a. Aux termes de l’art. 124 let. a Cst-GE, la chambre constitutionnelle contrôle, sur requête, la conformité des normes cantonales au droit supérieur. L’art. 61 al. 1 let. a LPA précise que le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation. À travers l’instauration d’un contrôle juridictionnel abstrait de la compatibilité des normes cantonales au droit supérieur, la création d’une cour constitutionnelle poursuit notamment l’objectif d’assurer la mise en œuvre effective des droits fondamentaux (Michel HOTTELIER/Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 363).

b. L’autorité qui précède immédiatement le Tribunal fédéral doit pouvoir examiner au moins les griefs visés aux art. 95 à 98 LTF (art. 111 LTF). Aux termes de l’art. 95 LTF, le recours peut notamment être formé pour violation du droit fédéral (let. a), du droit international (let. b), de droits constitutionnels cantonaux (let. c), de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires (let. d) et du droit intercantonal (let. e). Entrent en particulier dans la catégorie du droit fédéral la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), les lois et ordonnances, y compris les droits constitutionnels, à savoir les normes constitutionnelles ayant pour but d’offrir une protection au citoyen contre l’intervention de l’État ou qui, bien que se rapportant principalement à des intérêts publics, protègent également des intérêts privés (ATF 137 I 77 consid. 1.3.1 ; 131 I 366 consid. 2.2), au titre desquels font partie les droits fondamentaux mentionnés dans le catalogue des art. 7 à 34 Cst. (Pascal MAHON, Droit constitutionnel. Institutions, juridiction constitutionnelle et procédure, vol. 1, 3ème éd., 2014, p. 380 s n. 314 et p. 433 n. 360), et qui comprennent la garantie des droits politiques (ACST/1/2015 précité).

6) a. Les cantons jouissent d’une liberté étendue dans l’organisation de leur système politique et l’aménagement de leur procédure électorale. En rapport avec cette autonomie, l’art. 39 al. 1 Cst. les habilite à régler l’exercice des droits politiques aux niveaux cantonal et communal. Cette compétence s’exerce dans le cadre de la garantie constitutionnelle de l’art. 34 Cst. et selon les exigences minimales de l’art. 51 al. 1 Cst. (ATF 140 I 394 consid. 8.2 ; 136 I 376 consid. 4.1 ; 136 I 352 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_546/2014 du 9 décembre 2014 consid. 3.1).

b. L’art. 34 al. 1 Cst. garantit de manière générale et abstraite les droits politiques, que ce soit sur le plan fédéral, cantonal ou communal. Selon l’art. 34 al. 2 Cst., qui codifie la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral sous l’empire de la Constitution fédérale du 29 mai 1874 (arrêt du Tribunal fédéral 1P.298/2000 du 31 août 2000 consid. 3a), cette garantie protège la libre formation de l’opinion des citoyens et l’expression fidèle et sûre de leur volonté. L’art. 44 Cst-GE garantit les droits politiques en des termes similaires.

L’art. 34 Cst. exige ainsi que les votations et élections soient organisées de telle manière que la volonté des électeurs puisse s’exercer librement, notamment sans pression ni influence extérieure (ATF 137 I 200 consid. 2.1 ; 135 I 292 consid. 2 ; 129 I 185 consid. 5 ; 121 I 138 consid. 3). Cette disposition implique une formulation simple, claire et objective des questions soumises au vote, lesquelles ne doivent pas induire en erreur, ni être rédigées dans des termes propres à influer sur la décision du citoyen (ATF 139 I 195 consid. 2 ; 137 I 200 consid. 2.1 ; 135 I 292 consid. 2 ; 106 Ia 20 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_136/2014 du 22 juillet 2014 consid. 5.1). Chaque électeur doit pouvoir se former son opinion de la façon la plus libre possible et exprimer son choix en conséquence (ATF 140 I 394 consid. 8.2 ; 139 I 195 consid. 2 ; 131 I 126 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_546/2014 précité consid. 3.2). S’agissant en particulier des élections, celles-ci ne doivent pas se résumer à une confirmation des forces politiques en présence. Les électeurs doivent, au contraire, pouvoir se former une opinion sur la base la plus libre et la plus complète possible (ATF 131 I 126 consid. 5.1 ; 129 I 185 consid. 5 ; 125 I 441 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_117/2007 du 13 août 2007 consid. 4.1).

c. Par ailleurs, l’art. 8 Cst., combiné à l’art. 34 Cst., garantit l’égalité de droit en matière d’élection (ATF 140 I 394 consid. 8.2 et 8.3 ; 129 I 185 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_546/2014 précité consid. 3.3 ; 1C_369/2014 du 28 novembre 2014 consid. 5.3) et celui du suffrage universel et égal (ATF 129 I 185 consid. 3.1). Il garantit l’égalité des voix, qui exige que l’électeur dispose d’une seule voix, l’égalité du poids électoral, selon laquelle la voix de chaque électeur doit être comptée de façon égale et avoir le même poids que celle des autres électeurs, ainsi que le principe d’égalité des chances, qui se rapporte à la répartition des sièges et confère à tous les électeurs les mêmes chances de contribuer à l’élection d’un candidat (ATF 140 I 394 consid. 8.2 et 8.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_546/2014 précité consid. 3.3 ; 1C_369/2014 précité consid. 5.3). Les art. 15 et 44 Cst-GE offrent les mêmes garanties.

7) a. Dans la limite des principes susmentionnés, la définition de l’objet, des conditions et des modalités des élections, et en particulier le choix du système électoral, sont du seul ressort des cantons (Andreas AUER/
Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, 3ème éd., 2013, p. 296 n. 898).

b. À Genève, la Cst-GE prévoit que sont élus au système majoritaire le Conseil d’État (art. 102 al. 2 Cst-GE), les magistrats du pouvoir judiciaire (art. 122 al. 1 Cst-GE), la Cour des comptes (art. 129 Cst-GE), ainsi que l’exécutif communal (art. 141 al. 3 Cst-GE). Selon l’art. 55 Cst-GE, les élections au système majoritaire ont lieu en une seule circonscription (al. 1). Sont élus au premier tour les candidats qui ont obtenu le plus de voix, mais au moins la majorité absolue des bulletins valables, y compris les bulletins blancs (al. 2). Si un second tour de scrutin est nécessaire, il a lieu à la majorité relative (al. 3).

c. La LEDP précise ces dispositions. Ainsi, pour les deux tours des élections au système majoritaire, un candidat ne peut figurer que sur une seule liste pour une fonction identique (art. 25 al. 7 LEDP, entré en vigueur le 6 septembre 2014). La majorité absolue est le nombre entier immédiatement supérieur à la moitié du nombre des bulletins valables (art. 95 LEDP) et la majorité relative le nombre entier immédiatement supérieur à celui des suffrages obtenus par chacun des autres candidats à la même élection (art. 96 LEDP). En cas d’égalité des suffrages, il est procédé à un tirage au sort public par les soins de la chancellerie d’État (art. 99 LEDP). Par ailleurs, l’art. 103 al. 1 LEDP renvoie aux art. 53, 55 et 141 Cst-GE pour l’élection des conseillers administratifs, des maires et des adjoints.

Dans un arrêt du 9 septembre 2008, le Tribunal fédéral a constaté que l’application de l’art. 100 al. 1 (recte : 100 al. 2) LEDP, dans sa teneur alors en vigueur, ne portait pas atteinte à l’art. 34 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 1C_343/2008 du 9 septembre 2008 consid. 3.3 et 4.2). Il a en particulier considéré qu’en prévoyant qu’un parti qui n’avait pas participé au premier tour ne pouvait pas déposer une liste au second tour, la disposition en question était claire, n’était pas sujette à interprétation et n’apparaissait pas en contradiction avec les droits politiques tels que définis par la jurisprudence, précisant qu’il était usuel que certains électeurs changent d’opinion entre deux scrutins (arrêt du Tribunal fédéral 1C_343/2008 précité consid. 4.2).

d. Le système majoritaire comme le prévoit l’art. 55 al. 1 Cst-GE, a pour effet de conduire à un multipartisme atténué par des alliances. Ainsi, au second tour, l’éventail relativement large des candidats et des partis fait place à une concentration, qui conduit les partis de moindre importance à se regrouper derrière l’un des candidats arrivés en tête, à moins qu’ils ne préfèrent s’abstenir (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., p. 223 n. 697).

Amené à juger de la conformité à l’art. 34 al. 2 Cst., lors du renouvellement du parlement cantonal d’Appenzell Rhodes-Extérieures, du système électoral utilisé dans ce canton, qui comprenait des éléments des principes majoritaire et proportionnel, le Tribunal fédéral a considéré que le système majoritaire, pour ce type d’élection, n’était pas incompatible avec le droit supérieur, dès lors que ses avantages pouvaient être plus importants dans le cas concret que les inconvénients liés à son application (ATF 140 I 394 consid. 10). En particulier, l’élection au système majoritaire pouvait certes conduire à ce qu’une partie des suffrages exprimés ne soit pas prise en compte lors de la répartition des sièges et que les forces politiques ne soient pas représentées conformément à leur importance. L’utilisation de ce système au sein des communes formant les circonscriptions pouvait toutefois se justifier objectivement par le fait que les partis politiques n’y avaient pas la même importance que dans les autres régions de Suisse, dès lors que l’appartenance des candidats à un parti ne jouait qu’un rôle de second ordre pour l’élection. En effet, la population dans les communes concernées était peu élevée et un grand nombre d’électeurs offraient leur voix en priorité aux candidats qu’ils connaissaient personnellement ou qui étaient particulièrement engagés dans la vie locale. Lors de ces élections, la personnalité des candidats importait en priorité, l’appartenance de ceux-ci à un parti ne jouant, tout au plus, qu’un rôle secondaire (Rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil des États sur la garantie de la Constitution du canton des Grisons du 24 mai 2004, FF 2004 3429 p. 3431).

8) Il résulte des législations des autres cantons suisses une réglementation variée s’agissant du deuxième tour d’une élection au scrutin majoritaire, pratiqué dans tous les cantons. Certains d’entre eux ne limitent pas les candidatures au second tour et admettent expressément, lors de la tenue de celui-ci, les candidats qui ne se sont pas présentés au premier tour (art. 32 Gesetz über die politischen Rechte du 10 mars 1992 - GPR - RS/AG 131.100 ; art. 39 Gesetz über die politischen Rechte du 24 avril 1988 - RS/AR 131.12 ; art. 109 et 111 de la loi sur les droits politiques du 5 juin 2012 - LDP - RS/BE 141.1 ; art. 72 Gesetz über Wahlen und Abstimmungen [Wahlgesetz] du 21 avril 1994 - RS/BS 132.100 ; art. 19 Gesetz über die Wahlen und Abstimmungen an der Urne [Abstimmungsgesetz] du 7 mai 1989 - RS/GL I D/22/2 ; art. 19i Gesetz über die politischen Rechte im Kanton Graubünden du 17 juin 2005 - GPR - RS/GR 150.100 ; art. 50a Gesetz über die geheime Wahlen, Abstimmungen und die Volksrechte du 21 octobre 1979 - WAVG - RS/UR 2.1201 ; art. 42 Gesetz über das Stimm- und Wahlrecht du 12 février 2014 - StWG - RS/TG 161.1 ; art. 56 Gesetz über die Wahlen und Abstimmungen [Wahl- und Abstimmungsgesetz] du 28 septembre 2006 - WAG - RS/ZG 131 ; art. 84 Gesetz über die politischen Rechte du 1er septembre 2003 - GPR - RS/ZH 161).

D’autres cantons en font de même, mais de manière implicite, en ne faisant aucune mention des candidats admis au deuxième tour (art. 28 Verordnung über die politischen Rechte du 11 juin 1979 - RS/AI 160.010 ; art. 29 Gesetz über die politischen Rechte du 7 septembre 1981 - RS/BL 120 ; art. 89 à 91 Stimmrechtsgesetz du 25 octobre 1988 - RS/LU 10 ; art. 51 Gesetz über die Ausübung des politischen Rechte du 17 février 1974 - RS/OW 122.1 ; Gesetz über die Urnenabstimmungen du 4 juillet 1971 - UAG - RS/SG 125.3 ; art. 60 Gesetz über die vom Volke vorzunehmenden Abstimmungen und Wahlen sowie über die Ausübung des Volksrechte [Wahlgesetz] du 15 mars 1904 - RS/SH 160.100 ; art. 23e Wahl- und Abstimmungsgesetz du 15 octobre 1970 - RS/SZ 120.100).

À l’opposé, un certain nombre de cantons prévoient que seuls les candidats ou les listes du premier tour, le cas échéant avec un quorum, peuvent participer au second tour (art. 63 de la loi sur les droits politiques du 26 octobre 1978 - RS/JU 161.1 ; art. 82 de la loi sur les droits politiques du 17 octobre 1984 - LDP - RS/NE 141 ; art. 70 Gesetz über die politischen Rechte im Kanton [Wahl- und Abstimmungsgesetz] du 26 mars 1987 - WAG - RS/NW 132.2 ; art. 106 legge sull’esercizio dei diritti politici du 7 octobre 1998 - LEDP - RS/TI 1.3.1.1). Les cantons de Fribourg et de Soleure prévoient une réglementation similaire, en précisant toutefois que les candidats élus au premier tour qui se retirent lors du deuxième peuvent être remplacés par d’autres candidats, indépendamment de leur participation au premier tour (art. 90 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 6 avril 2011 - LEDP - RS/FR 115.1 ; art. 46 Gesetz über die politischen Rechte du 22 septembre 1996 - GPR - RS/SO 113.111).

Les cantons de Vaud et du Valais, tout en prévoyant que seuls les candidats ayant participé au premier tour peuvent prendre part au second, relativisent cette exigence en permettant aux listes ou aux groupements lors du deuxième tour, non seulement de remplacer, mais également d’ajouter des nouveaux candidats (art. 76a-76b de la loi sur l’exercice des droits politiques du 16 mai 1989 - LEDP - RS/VD 160.01 ; art. 127 de la loi sur les droits politiques du 13 mai 2004 (RS/VS 160.1). Dans un tel cas de figure, le canton de Vaud prévoit en outre que la liste ainsi déposée au deuxième tour porte la même dénomination que celle déposée au premier tour (art. 76b al. 2 LEDP/VD).

Hormis cette dernière situation, les législations des autres cantons ne réglementent pas de manière plus détaillée l’« entre-deux-tours », en particulier s’agissant de la dénomination des listes, au sujet de laquelle elles restent muettes.

9) En l’espèce, les recourants se plaignent de ce que la modification litigieuse de la LEDP, par l’abrogation de son art. 100 al. 2, 2ème phr., contrevient au droit supérieur, dès lors qu’elle ne permet pas aux citoyens de se forger une opinion sur la base la plus libre et complète possible en raison des alliances créées ou modifiées à l’« entre-deux-tours » des élections au scrutin majoritaire.

Les recourants perdent toutefois de vue que la loi 11256 tend à supprimer les restrictions à la dénomination des listes lors du second tour, précédemment introduites par la loi 11389, sans pour autant influer sur les diverses alliances durant celui-ci, qui pouvaient également avoir lieu sous l’empire de cette dernière modification. En effet, il ressort des travaux préparatoires relatifs à la loi 11389, en particulier des explications fournies par le représentant du Conseil d’État devant la commission, que cette modification permettait à des partis de partager une même liste au deuxième tour, laquelle devait porter la dénomination de celle de chacun des partis au premier tour, et non une appellation nouvelle, dans le but de faciliter la tenue du second tour, le délai entre les deux tours ayant été réduit. Ainsi, contrairement à ce qu’affirment les recourants, la question qui se pose n’est pas tant celle de savoir si d’éventuelles alliances sont contraires à la liberté de vote que d’examiner si tel est le cas de l’absence de restrictions aux dénominations des listes lors du deuxième tour de scrutin.

Si, d’un point de vue légistique, l’on peut s’interroger sur le fait que le législateur ait procédé à l’abrogation de la loi 11389 adoptée quelques mois plus tôt, et sans que cette norme ait trouvé une seule fois à s'appliquer, cette situation ne préjuge pas pour autant de la contrariété de la loi 11256 au droit supérieur. En effet, adoptée dans le respect tant du parallélisme des formes que du processus législatif, ce que les recourants ne contestent au demeurant pas, la modification litigieuse de la LEDP relève du domaine de compétence du législateur cantonal, qui détient une marge de manœuvre étendue et reste libre d’adopter, de modifier ou d’abroger un acte législatif, en particulier s’il considère qu’une norme, précédemment adoptée, ne poursuit qu’imparfaitement les objectifs fixés, à l’instar de la loi 11389, comme expliqué dans le rapport de la commission du 22 septembre 2014 et soulevé lors des débats du Grand Conseil du 10 octobre 2014.

L’abrogation de l’art. 100 al. 2, 2ème phr. LEDP n’est pas davantage de nature à induire les électeurs en erreur lors du deuxième tour d’un scrutin majoritaire. Ainsi, le fait de laisser libre cours à l’imagination des partis et des candidats pour l’intitulé des listes n’apparaît pas contraire à la liberté de vote, pas plus que les éventuelles alliances qu’il reflète, lesquelles font d’ailleurs partie du jeu démocratique et politique. Même si les candidats au second tour peuvent figurer sur une liste à l’appellation différente de celle du premier, il n’en demeure pas moins que les citoyens restent en mesure d’identifier les candidats auxquels ils veulent offrir leur voix, sans qu’une telle situation ne se révèle problématique par rapport à la liberté de vote, ce d’autant au regard de l’interdiction des listes dites de « traverse », chaque candidat ne pouvant plus que figurer sur une seule liste. À cela s’ajoute que, dans le cadre du système majoritaire dans lequel la personnalité des candidats tient une place importante, les électeurs portent leur voix en priorité sur une personne à élire, avant d’opter pour un parti, l’intitulé d’une liste n’ayant pas forcément une importance déterminante à cet égard.

En alléguant que la volonté des électeurs qui se sont prononcés au premier tour serait trahie si les candidats ou le parti auxquels ils ont donné leur voix pouvaient modifier leurs engagements et leurs programmes lors du deuxième tour, par le biais d’alliances et de changement de dénomination de listes, les recourants perdent de vue que les scrutins du premier et du deuxième tour constituent des opérations électorales distinctes, indépendantes l’une de l’autre. La loi 11256 ne modifie au demeurant rien à la possibilité, qui existait également sous l’empire de la loi 11389, comme précédemment évoqué, pour les candidats et partis, de constituer, modifier ou changer d’alliances ou de procéder à un changement de programme à l’« entre-deux-tours ». Dans ce cadre, la modification d’un programme électoral, qui reste un cas de figure relativement marginal, est inhérente au domaine politique et au système démocratique. Le citoyen n’est ainsi jamais à l’abri d’une telle situation, qui peut se produire même lorsque le candidat élu a pris ses fonctions ; ce qui ne saurait être contraire à la liberté de vote, puisque l’électeur, au moment de l’expression de sa volonté, n’a pas vu la formation de celle-ci faussée, les événements ultérieurs étant des impondérables fréquents en politique. Il en va de même des éventuelles évictions d’un parti ou d’un candidat par le jeu d’alliances, étant précisé que le citoyen demeure libre dans le choix des candidats si ces alliances ou les dénominations des listes ne lui conviennent pas au deuxième tour.

L’intervention des partis politiques dans les campagnes électorales, contrairement à celle des autorités, qui est prohibée, constitue un élément clef de la démocratie et permet au citoyen de se forger une opinion sur les candidats à élire à une fonction publique. Pour autant qu’elle reste dans les limites de la jurisprudence du Tribunal fédéral rendue en la matière, cette intervention, matérialisée par des promesses électorales, des alliances et des nouvelles dénominations de listes, lors de laquelle chaque formation s’efforce, par des moyens qui ne sont pas toujours très objectifs, et que les recourants qualifient d’« assemblage de boniments », de gagner des électeurs à ses idées, n’est ainsi pas, par principe, contraire à la liberté de vote, les citoyens étant en mesure de faire le tri des informations à leur disposition et de reporter leur vote sur les candidats de leur choix.

Pour les mêmes motifs, la loi litigieuse n’apparaît pas non plus poser de problème au regard des principes d’universalité et d’égalité des suffrages et des candidats, tels que développés par la jurisprudence. En alléguant qu’un changement d’alliances entre les deux tours serait de nature à modifier le poids des suffrages de chaque électeur, sans d’ailleurs le démontrer, les recourants semblent contester le système majoritaire, ce qu’ils ne sont pas habilités à faire dans le cadre du présent recours, dès lors que cette question dépasse l’objet du litige. À cela s’ajoute que la loi 11256 ne contrevient pas non plus au principe d’égalité des chances, dès lors qu’elle n’a pas pour objectif, ni ne tend à avantager une formation politique au détriment d’une autre, mais vise à rétablir le système en vigueur lors de l’adoption de la LEDP – qui n’a d’ailleurs jamais été contesté, et a été appliqué pendant plus de trente ans – et de laisser une certaine flexibilité lors de sa mise en œuvre. Le fait que la Cst-GE, entrée en vigueur dans l’intervalle, fasse du deuxième tour la règle en matière d’élections majoritaires n’y change rien, dès lors qu’une telle situation pouvait déjà se présenter sous l’empire de l’ancienne constitution genevoise. La seule modification significative est celle de l’art. 25 al. 7 LEDP, qui ne permet à un candidat, pour les deux tours d’une élection majoritaire, que de figurer sur une seule liste pour une fonction identique, et qui a réduit les confusions occasionnées par les listes dites de « traverse ».

Même si le Tribunal fédéral n’a pas eu à connaître de la teneur de l’art. 100 al. 2 LEDP modifié par la loi 11389, il n’en a pas moins considéré que cette disposition, dans sa teneur antérieure à cette modification et identique à celle présentement attaquée, n’était pas contraire au droit supérieur, précisant qu’il était usuel que certains électeurs changent d’opinion entre deux scrutins.

De plus, la teneur de la loi 11256 ne fait pas figure d’exception parmi les législations cantonales, puisque l’« entre-deux-tours » d’élections majoritaires ne fait l’objet d’aucune norme semblable à celle abrogée par la novelle. La situation du canton de Vaud, qui prévoit une telle disposition, est toutefois particulière et différente du cas genevois en ce qu’elle se limite à réglementer la problématique de la présentation de nouveaux candidats ou de leur remplacement à l’« entre-deux-tours ».

L’art. 100 al. 2 LEDP, tel que modifié par la loi 11256 du 10 octobre 2014, n’est par conséquent pas contraire à la garantie des droits politiques et ne consacre ainsi pas de violation du droit supérieur.

10) Au regard de ce qui précède, le recours sera rejeté.

11) Les recourants, qui succombent, seront astreints, conjointement et solidairement, au paiement d’un émolument de CHF 1'000.- (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 janvier 2015 par l’Union démocratique du centre, Genève (UDC-GE) et Monsieur A______ contre la loi 11256 du 10 octobre 2014 emportant modification de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de l’Union démocratique du centre, Genève (UDC-GE) et de Monsieur A______, pris conjointement et solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’Union démocratique du centre, Genève (UDC-GE), à Monsieur A______, au Grand Conseil et, pour information, au Conseil d’État.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Cramer, MM. Dumartheray, Pagan et Martin, juges.

Au nom de la chambre constitutionnelle :

le greffier-juriste :

 

 

I. Semuhire

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :