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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/30/2018

ACJC/1399/2019 du 30.09.2019 sur JTBL/1007/2018 ( OBL ) , MODIFIE

Recours TF déposé le 29.10.2019, rendu le 03.03.2020, CONFIRME, 4A_530/2019
Descripteurs : MAJORATION DE LOYER;NULLITÉ;RENDEMENT ABUSIF
Normes : CO.269d.al1; OBLF.19.al1.leta.ch4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/30/2018 ACJC/1399/2019

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 30 SEPTEMBRE 2019

 

Entre

Madame A______ et Monsieur B______, domiciliés ______, appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 13 novembre 2018, comparant par
Me James BOUZAGLO, avocat, place du Molard 3, 1204 Genève, en l'étude duquel ils font élection de domicile,

et

VILLE DE GENEVE,intimée, représentée par la GERANCE IMMOBILIERE MUNICIPALE, rue de l'Hôtel-de-Ville 5, case postale 3983, 1211 Genève 3, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile.

 

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/1007/2018 du 13 novembre 2018, expédié pour notification aux parties le 15 novembre 2018, le Tribunal des baux et loyers a validé la majoration de loyer notifiée à A______ et B______ par la VILLE DE GENEVE le 5 décembre 2017 concernant l'appartement de 5 pièces en duplex d'environ
112 m2 au 5ème étage de l'immeuble sis rue 1______ [no.] ______ à C______ [GE] (ch. 1 du dispositif), a dit que le loyer de l'appartement était fixé à 1'916 fr. par mois, hors charges, dès le 1er mai 2018 (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

En substance, les premiers juges ont retenu qu'un locataire qui voulait contester une hausse de loyer devait alléguer soit, dans le cas d'un logement social, que le calcul du revenu était erroné, soit que le loyer fixé dépassait les loyers usuels du quartier, soit qu'il procurait un rendement abusif au bailleur et, dans ce cas, solliciter un calcul de rendement. En l'occurrence, A______ et B______ reprochaient à la VILLE DE GENEVE d'avoir appliqué les règles contractuelles de manière disproportionnée pour fixer le montant du loyer, notamment en ne prenant pas en compte leur situation financière réelle et en tenant compte du taux d'effort le plus élevé prescrit par le Règlement fixant les conditions de location des logements de la VILLE DE GENEVE (ci-après : le Règlement), alors que ce taux était un maximum à ne pas dépasser. Le calcul effectué par la VILLE DE GENEVE était conforme aux dispositions du Règlement. Le nombre de pièces de l'appartement n'y changeait rien, dans la mesure où le taux d'occupation du logement n'avait d'effet sur le loyer qu'en cas de sous-occupation. Le Règlement ne laissait pas de marge de manoeuvre à la VILLE DE GENEVE pour adapter le calcul, sauf dans les cas où le locataire ne disposerait pas d'autre source de revenus que les prestations sociales, ce qui n'était pas le cas. Le fait que le Règlement précise que le loyer ne peut en général pas excéder certains pourcentages ne constituait pas la fixation d'un taux maximum qui pourrait être revu à la baisse selon les circonstances, mais au contraire un plafond au-delà duquel il n'était pas possible d'aller. Le fait que la VILLE DE GENEVE n'ait pas proposé un autre logement adapté aux locataires n'influait finalement pas sur la fixation du loyer. Il en découlait que, quand bien même l'augmentation de loyer était sensible, elle respectait la méthode de calcul prévue par le Règlement. Un calcul de rendement n'avait finalement pas à être effectué, dès lors que les locataires n'avaient pas allégué que le loyer procurait à la bailleresse un rendement abusif, seule limite à la fixation du loyer. La majoration de loyer devait donc être validée.

B. a. Par acte déposé le 17 décembre 2018 au greffe de la Cour de justice, A______ et B______ (ci-après : les locataires) forment appel contre ce jugement, dont ils sollicitent l'annulation. Ils concluent, préalablement, à ce qu'une inspection locale de l'appartement soit ordonnée, principalement, à ce que la majoration de loyer soit annulée et à ce que le loyer mensuel net demeure fixé à 1'292 fr., sous suite de frais et dépens, et, subsidiairement, à ce que la majoration de loyer soit annulée et la cause renvoyée au Tribunal pour instruction complémentaire et nouvelle décision, également sous suite de frais et dépens.

Ils reprochent au Tribunal d'avoir refusé d'ordonner une inspection locale et d'entendre les locataires sur la configuration de l'appartement ainsi que sur leur situation financière et personnelle. Ils reprochent également au Tribunal d'avoir violé le principe de la proportionnalité. En effet, la VILLE DE GENEVE disposait d'un pouvoir d'appréciation dans la fixation du loyer, qui lui aurait en l'occurrence permis de prendre en compte les particularités du cas d'espèce, et, ainsi, de ne pas augmenter le loyer.

Finalement, A______ et B______ font grief au Tribunal d'avoir validé l'augmentation de loyer alors que la majoration litigieuse, de 42,6%, était présumée abusive et le fardeau de la preuve incombait à la bailleresse, laquelle aurait dû fournir cinq exemples comparatifs, ce qu'elle s'était gardée de faire.

A l'appui de leur appel, A______ et B______ ont produit un article de [journal] du ______ 2017, le procès-verbal de l'audience intervenue devant le Tribunal le
31 août 2018, les décomptes de février à octobre 2018 de leur caisse de chômage, ainsi que des relevés récents de carte de crédit de B______.

b. Dans sa réponse du 1er février 2019, la VILLE DE GENEVE (ci-après : la bailleresse) conclut principalement à l'irrecevabilité de l'appel et, subsidiairement, à son rejet et à la confirmation du jugement querellé. Les motivations de l'appel étaient identiques aux moyens déjà présentés en première instance et l'appel ne contenait que des critiques générales. Sur le fond, la majoration n'était pas disproportionnée et correspondait aux revenus déclarés des locataires, en application de l'art. 10 du Règlement, lequel ne lui laissait aucune marge de manoeuvre. En outre, l'art. 14 al. 5 du Règlement ne permettait pas à la bailleresse de baisser le loyer, mais uniquement de pouvoir, en cas de modification du revenu familial, baisser le loyer à une date antérieure à l'échéance contractuelle. Compte tenu du fait que les locataires n'avaient pas allégué, durant la procédure de première instance, que l'augmentation était abusive ou que le loyer serait supérieur aux loyers usuels du quartier, il convenait de rejeter, dans la mesure éventuelle de sa recevabilité, le grief tiré de l'augmentation abusive du loyer.

c. Par réplique du 27 février 2019, les locataires persistent dans leurs conclusions. Les faits et pièces nouveaux, allégués et produites en appel, devaient être déclarés recevables. Compte tenu de la maxime inquisitoire, le principe de proportionnalité avait été violé, dès lors que la majoration de loyer était de 42,6%, alors que leurs revenus n'avaient augmenté que de 5,5% et qu'ils n'étaient manifestement pas en mesure de faire face à une telle augmentation. L'augmentation des revenus des locataires était démontrée par la production de pièces nouvelles, soit les avis de taxation 2016 et 2017 des locataires.

d. La bailleresse n'ayant pas dupliqué, les parties ont été avisées, par pli du greffe du 26 mars 2019, de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants résultent du dossier :

a. Le 15 avril 2005, la VILLE DE GENEVE, propriétaire, et A______ et B______, locataires, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement désigné comme étant de 5 pièces au 5ème étage de l'immeuble sis rue 1______ [no.] ______ à C______.

Le bail a été conclu pour une durée de cinq ans, du 1er mai 2005 au 30 avril 2010, puis s'est depuis lors renouvelé d'année en année, conformément à l'art. 13 des Conditions générales et règles et usages locatifs appliqués dans le canton de Genève auxquels renvoie le contrat.

Le loyer annuel net a initialement été fixé à 15'504 fr., dès le 1er mai 2005.

b. Le 9 novembre 2010, les parties ont signé un avenant au bail, indiquant que, dès sa signature, la relation contractuelle serait régie par les dispositions du Règlement fixant les conditions de location des logements à caractère social de la VILLE DE GENEVE du 18 février 2009, à l'exclusion de tout autre règlement. Les parties admettaient également que les éventuelles modifications ultérieures du Règlement du 18 février 2009 s'appliqueraient à leur relation contractuelle, les locataires déclarant avoir reçu un exemplaire dudit règlement et en avoir pris connaissance.

Selon l'art. 9 al. 1 du Règlement, le loyer des logements sociaux de la VILLE DE GENEVE ne peut en règle générale pas excéder le pourcentage du revenu familial (taux d'effort) fixé à l'art. 10. Sous réserve du loyer minimum prévu par l'art. 11, le loyer net des logements à caractère social, frais accessoires non inclus, n'excèdera pas 12% du revenu familial annuel s'il est égal ou inférieur à 20'999 fr., et 12,1% du revenu familial annuel s'il est égal ou inférieur à 21'999 fr. (art. 10
al. 1 par. 1); au-delà de 21'999 fr., le taux d'effort de 12,1% est majoré de 0,1% par tranche de revenu familial annuel de 1'000 fr., et ce jusqu'à un revenu familial annuel de 119'999 fr. (art. 10 al. 1 par. 2); à partir d'un revenu familial annuel de 120'000 fr., le loyer net des logements à caractère social n'excèdera pas 22% de ce revenu (art. 10 al. 1 par. 3).

Le règlement prévoit en outre, à son art. 11, un loyer minimum dans une fourchette comprise entre 1'000 fr. et 2'000 fr. la pièce par an; l'art. 12 stipule que le loyer maximum résultant du revenu déterminant (art. 13) multiplié par le taux d'effort (art. 10) ne peut pas dépasser le loyer admissible au sens du Code des obligations.

c. Par avis de majoration notifié aux locataires le 5 décembre 2017, la VILLE DE GENEVE a porté le loyer annuel du logement à 22'992 fr. dès le 1er mai 2018.

Sous la rubrique «Motifs précis de la majoration ou des modifications ci-dessus», il est indiqué ce qui suit : «Loyer fixé en application du règlement fixant les conditions de location des logements à caractère social de la VILLE DE GENEVE du 18 février 2009. Il est tenu compte de votre revenu annuel déterminant de
CHF 109'975.00, du taux d'occupation et du taux d'activité du ménage»
.

Dans son courrier d'accompagnement daté du même jour, la VILLE DE GENEVE a précisé que, comme le voulait la loi, elle adressait aux locataires une formule officielle pour signifier la majoration de loyer «qui [restait] dans les limites des loyers usuels admissibles au sens du C.O.».

Une fiche de calcul du loyer était également annexée à l'avis de majoration. Il en ressortait que le revenu déterminant s'élevait à 109'975 fr. et le taux d'effort à 20,9%.

d. Par requête reçue le 4 janvier 2018 par la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, les locataires ont contesté cette majoration de loyer, en indiquant que l'augmentation était massive pour un appartement situé au 5ème étage sans ascenseur et comprenant seulement deux chambres à coucher.

e. A la suite de l'échec de la conciliation le 26 février 2018, la VILLE DE GENEVE a saisi le Tribunal, le 12 avril 2018, d'une demande en validation de la hausse de loyer. Elle a conclu à la validation de la majoration de loyer du 5 décembre 2017, faisant passer le loyer de 15'504 fr. à 22'992 fr. par an, hors frais accessoires, avec effet au 1er mai 2018, et au déboutement des locataires de toutes autres conclusions.

La VILLE DE GENEVE a notamment allégué que l'immeuble venait d'être entièrement rénové et l'appartement reconstruit et transformé pour totaliser cinq pièces, selon des plans architecturaux soumis au département compétent, qu'elle produisait.

f. Dans leur réponse du 14 juin 2018, les locataires ont conclu à l'annulation de la hausse de loyer du 5 décembre 2017 et au déboutement de la VILLE DE GENEVE de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens.

Ils ont soutenu que la VILLE DE GENEVE n'alléguait pas de façon suffisamment précise le calcul qui la conduisait à considérer que l'augmentation de loyer de 42,6% était conforme au droit. L'allégué de la VILLE DE GENEVE, sur ce point essentiel, était à tout le moins lacunaire et insuffisant et ne permettait pas aux locataires d'évaluer concrètement la situation et d'exercer leur droit à la
contre-preuve. La VILLE DE GENEVE devait supporter les conséquences de l'insuffisance d'allégation et sa demande être rejetée.

g. Lors de l'audience du 31 août 2018 du Tribunal, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives. Le Tribunal a clôturé l'administration des preuves et ordonné les plaidoiries finales sur le siège. Les parties ont plaidé. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente (art. 91 al. 1 CPC); si la durée de prestations périodiques est indéterminée, le montant annuel est multiplié par vingt (art. 92 al. 2 CPC). La valeur litigieuse correspond à la différence entre l'augmentation proposée et le montant accepté par le locataire par mois, annualisée et capitalisée sur vingt ans (arrêt du Tribunal fédéral 4A_484/2011 du 2 novembre 2011 consid. 1).

1.2 En l'occurrence, la hausse de loyer s'élève à 7'488 fr. par an (22'992 fr. - 15'504 fr.). En multipliant ce chiffre par vingt, la valeur litigieuse s'élève à 149'760 fr. (7'488 fr. x 20) et dépasse le seuil de 10'000 fr.

La voie de l'appel est donc ouverte.

1.3 Selon l'art. 311 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée.

En l'espèce, déposé selon les formes et dans le délai prescrits (art. 311 al. 1, en lien avec l'art. 142 al. 3 CPC), l'appel est recevable.

1.4 En tant que la cause concerne une augmentation du loyer, elle a trait à la protection contre les loyers abusifs (art. 269, 269a et 270 CO). Elle est donc soumise à la procédure simplifiée (art. 243 al. 2 let. c CPC) et la maxime inquisitoire sociale est applicable (art. 247 al. 2 let. a CPC).

2. Les appelants ontproduit des pièces nouvelles et fait valoir en appel de nouveaux faits en lien avec celles-ci.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 6 ad art. 317 CPC).

2.2 En l'espèce, le sort de la recevabilité des faits et pièces nouveaux produits en appel peut rester indécis, dès lors que ceux-ci ne sont pas pertinents pour l'issue du litige, tel que cela résulte du raisonnement qui suit.

3. 3.1 Le bailleur peut en tout temps majorer le loyer pour le prochain terme de résiliation. L'avis de majoration du loyer, avec indication des motifs, doit parvenir au locataire dix jours au moins avant le début du délai de résiliation et être effectué au moyen d'une formule agréée par le canton (art. 269d al. 1 CO).

Les majorations de loyer sont nulles lorsqu'elles ne sont pas notifiées au moyen de la formule officielle, que les motifs ne sont pas indiqués ou qu'elles sont assorties d'une résiliation ou d'une menace de résiliation (art. 269d al. 2 CO).

La formule destinée à communiquer au locataire les hausses de loyer ou autres modifications unilatérales du contrat au sens de l'art. 269d CO doit contenir, pour les hausses de loyer, les motifs précis de la hausse (art. 19 al. 1 let. a ch. 4 OBLF). Si le motif figure dans une lettre d'accompagnement, le bailleur doit se référer expressément à cette lettre dans la formule officielle (art. 19 al 1 bis OBLF).

Les motifs sur lesquels se fonde la hausse doivent être donnés de manière claire et précise, pour que le locataire puisse se faire une idée suffisante des prétentions du bailleur, afin de décider s'il entend ou non contester l'augmentation (Lachat/
Stastny, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 504).

La motivation revêt une grande importance, dès lors qu'elle permet au destinataire de la prétention d'en examiner le bienfondé et de décider s'il entend ou non la contester (Lachat/Stastny, idem, p. 690).

En cas de contestation d'une hausse du loyer, la motivation par le demandeur de ses prétentions fixe, en règle générale, le cadre du débat judiciaire (Lachat/
Stastny, idem, p. 691).

Le système selon lequel le loyer est déterminé en fonction des revenus du locataire a été jugé admissible par le Tribunal fédéral si le loyer ainsi fixé ne procure pas un rendement abusif au bailleur (ATF 116 II 184, consid. 3a; Lachat/Stastny, idem, p. 635).

Ainsi, le loyer lié au revenu du locataire est doublement plafonné : d'une part, il ne peut être supérieur au montant fixé en fonction de la clause contractuelle, et, d'autre part, si le revenu est élevé, le loyer ne peut pas excéder, en cas de contestation, le montant nécessaire à couvrir les charges et à renter équitablement les fonds propres investis dans le logement (Lachat/Stastny, idem, p. 637).

Le juge doit constater d'office la nullité du loyer initial. Toutefois, dans un procès qui ne porte pas sur la validité du loyer initial, le juge ne doit pas investiguer de son propre chef sur cette question (Lachat/Stastny, idem, p. 495).

3.2 En l'occurrence, la hausse de loyer est nulle, dès lors qu'elle est affectée d'un vice manifeste. En effet, sous la rubrique «Motifs précis de la majoration ou des modifications ci-dessus» de l'avis de majoration litigieux, l'intimée a indiqué qu'elle se fondait sur le revenu annuel déterminant des occupants du logement, à l'exclusion de toute autre motivation. Or, compte tenu du double plafonnement découlant de la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon lequel le système fondé sur les revenus du locataire n'est admissible que si le loyer ne procure pas un rendement abusif au bailleur, il lui appartenait d'indiquer, dans la formule officielle, que le loyer proposé procurait un rendement admissible de la chose louée ou qu'il était conforme aux loyers usuels dans le quartier. La seule mention selon laquelle la majoration de loyer resterait dans les limites des loyers usuels admissibles au sens du CO, dans le courrier d'accompagnement de l'avis, n'est pas suffisante, dès lors qu'en violation de la loi, aucun renvoi à la lettre d'accompagne-ment n'apparaît sur la formule officielle. En ne motivant la hausse que par les revenus du locataire, l'intimée a ainsi déterminé que le cadre du débat judiciaire se limiterait à la seule question de savoir si le loyer était fixé conformément aux revenus du locataire, sans laisser la possibilité à ce dernier de décider s'il entendait contester le fait que la hausse permettrait à l'intimée d'obtenir un rendement admissible. Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, c'est au bailleur qu'il incombait de fixer le cadre du débat judiciaire, dans l'avis de hausse, compte tenu du fait qu'il est le demandeur de la prétention litigieuse.

3.3 Il découle de ce qui précède que le jugement querellé sera annulé et la nullité de la majoration constatée, le loyer annuel net restant fixé à 15'504 fr. dès le 1er mai 2018.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 17 décembre 2018 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/1007/2018 rendu le 13 novembre 2018 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/30/2018-2-OSL.

Au fond :

Annule les chiffres 1 à 3 du dispositif de ce jugement, et, statuant à nouveau sur ces points :

Constate la nullité de la majoration de loyer du 5 décembre 2017.

Dit que le loyer annuel de l'appartement situé au 5ème étage de l'immeuble sis rue 1______ [no.] ______ à C______ est de 15'504 fr. par an, hors charges, dès le 1er mai 2018.

Confirme le jugement querellé pour le surplus.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN
et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Laurence MIZRAHI et
Monsieur Jean-Philippe FERRERO, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.