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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/7778/2017

ACJC/967/2019 du 01.07.2019 sur JTBL/805/2018 ( OBL ) , CONFIRME

Descripteurs : BAIL À LOYER ; RÉSILIATION ; SOUS-LOCATION
Normes : CO.257f.al3; co.262; cc.2.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7778/2017 ACJC/967/2019

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 1ER JUILLET 2019

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 septembre 2018, représentée par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Madame B______, intimée, comparant par Me Serge PATEK, avocat, boulevard Helvétique 6, case postale, 1211 Genève 12, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement JTBL/805/2018 du 14 septembre 2018, reçu par les parties le 17 septembre 2018, le Tribunal des baux et loyers a déclaré valable le congé notifié à A______ le 8 mars 2017 pour le 30 avril 2017, concernant l'appartement de 3 pièces situé au 3ème étage de l'immeuble sis 1______, à Genève (ch. 1 du dispositif), condamné A______ à évacuer cet appartement de sa personne, de ses biens ainsi que de tous tiers dont elle était responsable (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

En substance, les premiers juges ont retenu que le congé était efficace car la locataire n'avait pas demandé l'autorisation de la bailleresse pour sous-louer l'appartement, au moins partiellement, à sa soeur. Elle avait en outre caché cette sous-location jusqu'au cours de la présente procédure, de sorte que la bailleresse était en droit de faire valoir que la continuation du bail était rendue insupportable par la sous-location non autorisée, car la confiance était rompue.

b. Par acte adressé à la Cour de justice le 17 octobre 2018, A______
(ci-après : l'appelante ou la locataire) forme appel contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Elle conclut, principalement, à ce que la Cour constate l'inefficacité du congé du 8 mars 2017.

Elle invoque la violation de l'art. 257f al. 3 CO, contestant que le lien de confiance ait pu être rompu par le fait qu'elle n'avait pas sollicité l'autorisation de
sous-louer, dans la mesure où la bailleresse ne pouvait pas la lui refuser.

c. Par mémoire du 12 novembre 2018, B______ (ci-après : l'intimée ou la bailleresse) conclut à la confirmation du jugement entrepris.

d. Aucune réplique ne lui étant parvenue, le greffe a avisé les parties, le 7 décembre 2018, de ce que la cause était gardée à juger.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 3 février 2004, B______, propriétaire, et A______, locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 3 pièces, situé au 3ème étage de l'immeuble sis 1______, à Genève.

Les locaux sont destinés à l'usage d'habitation.

Le bail a été conclu pour une durée initiale d'une année, soit du 1er avril 2004 au 31 mars 2005, et s'est renouvelé par la suite tacitement d'année en année.

Le loyer annuel a été fixé, lors de la conclusion du bail et en dernier lieu, à 12'600 fr., charges comprises.

b. Depuis le mois de décembre 2015, la locataire est domiciliée chemin 2______, à C______ [GE], dans un appartement qu'elle a acquis avec son époux.

c. Depuis le printemps 2016, la soeur de la locataire, D______, vit dans le logement de la 1______. Elle a cependant conservé son domicile officiel à l'adresse de l'appartement qu'elle loue en colocation au boulevard 3______ à Genève.

d. Par courrier du 9 février 2017, la bailleresse a indiqué à la locataire avoir appris qu'elle n'occupait plus l'appartement litigieux et le sous-louait sans son autorisation. Par conséquent, elle lui demandait de lui faire connaître ses intentions, soit de réintégrer le logement, soit de lui faire parvenir sa lettre de résiliation dans les meilleurs délais.

Ce courrier est demeuré sans réponse de la part de la locataire.

e. Par courrier recommandé du 23 février 2017, la bailleresse a indiqué à la locataire avoir appris que celle-ci avait désormais son adresse officielle à C______ et considérer qu'elle sous-louait dès lors l'appartement litigieux sans son autorisation. Elle la priait instamment de congédier ses sous-locataires et de réintégrer le logement avant le 28 février 2017, faute de quoi le bail serait résilié avec effet immédiat, pour justes motifs.

f. Par courrier du 6 mars 2017, la locataire a indiqué à la bailleresse être propriétaire avec son époux d'un appartement à C______, depuis décembre 2015, et avoir dû en faire son adresse officielle pour des raisons administratives et pour obtenir une place en crèche pour leur enfant. Elle a ajouté que pour des raisons professionnelles, étant ______ [profession] avec des horaires irréguliers et de nuit, et également dans une situation de couple difficile, son époux et elle-même logeaient en alternance dans l'appartement de la rue 1______, cet appartement n'étant donc pas sous-loué.

g. Par avis officiel daté du 8 mars 2017 et courrier d'accompagnement du 9 mars 2017, adressés par pli recommandé à la locataire, le bail a été résilié avec effet au 30 avril 2017, en référence au courrier du 23 février 2017.

h. Par requête déposée le 6 avril 2015 auprès de la Commission de conciliation, le congé a été contesté.

i. Suite à un courrier de la bailleresse du 20 avril 2017, lui indiquant que cette dernière avait eu connaissance du fait que ni elle ni son époux n'occupaient l'appartement litigieux, la locataire a répondu par courrier du 11 mai 2017, que la personne qui occupait également l'appartement était sa soeur, D______. Elle-même occupait régulièrement l'appartement car, étant ______, elle avait des horaires irréguliers.

j. Le 21 septembre 2017, la locataire a confirmé ses précédentes explications à la bailleresse. Elle ajoutait que sa soeur et elle partageaient toutes les charges, sans qu'il y ait de sous-location et aucun gain économique n'était perçu sur le loyer. Sa soeur avait des difficultés à trouver une solution de relogement. Etant très préoccupée par la situation, car elle avait un réel besoin de l'appartement, tant à un niveau personnel que professionnel, elle souhaitait vivement qu'une solution puisse être trouvée avec la bailleresse et lui demandait s'il était envisageable de conclure un bail de colocation.

k. A l'issue de l'audience qui s'est tenue le 5 octobre 2017 devant la Commission de conciliation, la cause a été déclarée non conciliée. Elle a été portée devant le Tribunal le 6 novembre 2017.

l. Dans son mémoire réponse du 12 janvier 2018, la bailleresse a conclu, principalement, à ce que la locataire soit déboutée de toutes ses conclusions, et, sur demande reconventionnelle, à son évacuation et à ce que des mesures d'exécution directe du jugement d'évacuation soient ordonnées.

m. Lors de l'audience du Tribunal du 15 mars 2018, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

Le Tribunal a ordonné leur interrogatoire.

La locataire a déclaré loger plusieurs fois par semaine dans l'appartement de la rue 1______, du fait de son emploi aux E______ [GE] avec des horaires irréguliers. Son époux et elle vivaient une relation difficile, de sorte qu'ils avaient conservé cet appartement, où ils vivaient précédemment, lorsqu'ils avaient emménagé à C______ à la fin de son congé maternité, en décembre 2015. Au début, son époux logeait également à la rue 1______. Depuis qu'elle avait repris son travail (à 80%), et vu la proximité dudit logement avec son travail, c'était elle qui y logeait principalement. Etant ______ [profession], elle se déplaçait en vélo électrique ou en transports publics lorsque les conditions étaient trop difficiles, et réduire ses trajets était un confort appréciable. Lorsqu'elle avait des horaires coupés (8h-12h; 17h-21h), soit une à deux fois par semaine en moyenne, elle logeait à la rue 1______. Sa soeur, D______, s'était également trouvée dans une situation difficile et s'était installée dans l'appartement de la rue 1______, sachant qu'elle-même n'y était pas toujours. C'était actuellement son logement principal. Son ancien compagnon vivait au boulevard 3______. Elle versait à la locataire 700 fr. de participation au loyer.

n. Lors de l'audience du 17 mai 2018, le Tribunal a entendu quatre témoins.

D______ a déclaré vivre en permanence dans le logement de la rue 1______ depuis le printemps 2016. Au préalable, elle s'y rendait de temps en temps, pour échapper au bruit de son logement et à sa relation. Sa soeur y vivait également occasionnellement, suivant ses horaires de travail, tant la journée en cas d'horaires coupés que pour la nuit, lorsqu'elle terminait tard, soit deux à trois fois par semaine en moyenne. Elle-même payait deux tiers du loyer puisqu'elle y était plus souvent, soit 700 fr. Au niveau de l'aménagement, un lit double se trouvait dans la chambre et un canapé-lit au salon. Son nouveau copain, qui avait son propre logement, venait de temps à autres à la rue 1______, en tous cas tous les week-ends et une ou deux fois dans la semaine. Son ex-compagnon vivait toujours au boulevard 3______ mais cherchait un autre logement. Elle-même était toujours officiellement domiciliée au 3______.

F______, époux de A______, a déclaré que son épouse et lui-même vivaient à C______ mais que celle-ci dormait une à trois fois par semaine à la rue 1______. Leur situation conjugale était un peu difficile, les deux étant très indépendants. Elle y vivait également en fonction de ses horaires de travail. Elle travaillait [pour] G______ [dans le quartier] des E______ et terminait à 21h00 entre une et trois fois par semaine selon lui. Son épouse circulait en vélo, voire en transports publics. Lui-même travaillait pour H______. Leur enfant allait à la crèche à C______. Cette situation durait depuis avant la naissance de leur enfant. Ils vivaient auparavant à la rue 1______. Depuis qu'ils avaient déménagé à C______, ils avaient ce mode de vie qui apportait l'équilibre nécessaire à leur couple et à leur famille. Lui-même ne vivait qu'à C______. L'appartement de la rue 1______ n'avait jamais été sous-loué à d'autres personnes. La situation de D______ avait créé la situation actuelle qui n'avait fait l'objet d'aucune planification.

I______, retraité vivant au 2ème étage de l'immeuble sis 1______, à Genève, a indiqué connaître A______; ils se croisaient de temps en temps, rarement. Il ne situait pas l'appartement où vivait cette dernière et ne connaissait pas la soeur de celle-ci.

J______ a déclaré avoir habité au 3ème étage de l'immeuble sis 1______, d'avril 2013 à novembre 2016 sauf erreur. Elle était voisine de A______. Celle-ci occupait son appartement jusqu'à peu avant son propre déménagement. Ensuite, elle était partie, peut-être six mois environ avant qu'elle ne parte elle-même. A sa connaissance, c'était sa soeur qui était venue s'y installer. Elle avait encore croisé A______ dans l'immeuble après son départ; elle ne venait pas tous les jours.

o. Dans leurs écritures de plaidoiries finales du 29 juin 2018, les parties ont persisté dans leurs conclusions et la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.            1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 19 consid. 1.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_367/2010 du 4 octobre 2010 consid. 1.1; 4A_127/2008 du 2 juin 2008 consid. 1.1; 4A_516/2007 du 6 mars 2008 consid. 1.1).

En l'espèce, le loyer annuel des locaux, charges comprises, s'élève à 12'600 fr., de sorte que la valeur litigieuse (3 x 12'600) est largement supérieure à 10'000 fr.

La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.2 L'appel a été déposé dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al.1 CPC), de sorte qu'il est recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit ou constatation inexacte des faits (art. 310 CPC).

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; HOHL, Procédure civile, tome II, 2010, n. 2314 et 2416; RETORNAZ, Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 349 ss, n° 121).

2. Le grief invoqué par l'appelante porte sur l'application de l'art. 257f al. 3 CO, en lien avec celle de l'art. 262 CO.

2.1 Selon l'art. 257f al. 3 CO, le bailleur peut, s'agissant d'une habitation ou de locaux commerciaux, résilier le contrat moyennant un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois si le maintien du bail est devenu insupportable pour lui-même ou les personnes habitant la maison parce que le locataire, nonobstant une protestation écrite du bailleur persiste à enfreindre son devoir de diligence ou à manquer d'égards envers les voisins. La jurisprudence a déjà eu l'occasion de préciser que le libellé de cette disposition légale est trop restrictif et que le congé extraordinaire prévu par l'art. 257f al. 3 CO s'applique dans tous les cas où le locataire use de la chose en violation de la loi ou des stipulations du contrat (ATF 132 III 109 consid. 5; 123 III 124 consid. 2a).

Il résulte de l'art. 262 al. 1 CO que le locataire ne peut sous-louer tout ou partie de la chose sans le consentement du bailleur. En conséquence, remettre la chose à bail à un tiers sans le consentement du bailleur constitue en soi une utilisation
de la chose qui viole la loi. Une sous-location sans le consentement du
bailleur peut justifier une résiliation anticipée du bail selon l'art. 257f al. 3 CO
(ATF 134 III 300 consid. 3.1; 446 consid. 2.2). Il faut cependant que le bailleur somme préalablement le locataire de mettre fin à la sous-location; l'exigence selon laquelle le maintien du bail doit être devenu insupportable n'a pas de portée propre (ATF 134 III 300 consid. 3.1; 446 consid. 2.2).

Pour qu'une sous-location non autorisée puisse justifier une résiliation anticipée du bail en application de l'art. 257f al. 3 CO, il faut cependant que le bailleur ait été en droit de refuser son consentement (cf. art. 262 al. 2 CO), faute de quoi sa réaction serait purement formaliste et ne reposerait sur aucun intérêt légitime (cf. ATF 134 III 300 consid. 3.1 in fine; 134 III 446 consid. 2.2 in fine).

Selon la jurisprudence, lorsque la résiliation est donnée par le bailleur en relation avec la sous-location de la chose louée, à laquelle le locataire peut prétendre aux conditions de l'art. 262 CO (cf. art. 271a al. 1 let. a CO; ATF 138 III 59 consid. 2.2.1 p. 62 s.; arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2015 précité consid. 4.2), il faut distinguer selon que la sous-location est totale ou seulement partielle (arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2015 déjà cité consid. 4.3 et 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_227/2017 du 5 septembre 2017 consid. 4.2).

En cas de sous-location partielle, il faut distinguer, d'une part, selon que le locataire principal utilise encore les locaux ou ne les utilise plus et, d'autre part, selon que le bailleur a donné ou non son consentement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2015 précité consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_227/2017 précité consid. 4.2.2).

Si le locataire continue à utiliser les locaux, mais n'a pas obtenu le consentement du bailleur à la sous-location, il convient de raisonner comme en cas de sous-location totale (arrêt du Tribunal fédéral 4A_227/2017 précité consid. 4.2.2.1 in fine).

En cas de sous-location totale et si le bailleur n'a pas donné son consentement à la sous-location, il peut valablement résilier le bail s'il était en droit de refuser son consentement, de même qu'en cas d'abus de droit du locataire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2015 précité consid. 4.3.1; 4A_227/2017 précité consid. 4.2.1.1).

Les cas dans lesquels le bailleur peut refuser son consentement, énumérés de manière exhaustive à l'art. 262 al. 2 CO, sont les suivants : lorsque le locataire refuse de lui communiquer les conditions de la sous-location (a), lorsque les conditions de la sous-location, comparées à celle du contrat de bail, sont abusives (b), et lorsque la sous-location présente pour le bailleur des inconvénients majeurs (c).

A ces cas s'ajoute l'interdiction générale de l'abus de droit au sens de l'art. 2 al. 2 CC : en effet, lorsque le locataire abuse de son droit à la sous-location, il ne saurait être protégé et il faut raisonner comme si son droit n'existait pas
(ATF 134 III 446 consid. 2.4. p. 450; arrêt du Tribunal fédéral 4A_367/2010 du
4 octobre 2010 consid. 2.1). Selon la jurisprudence, la sous-location est en principe conçue pour le cas où le locataire n'a temporairement plus l'usage de la chose louée - par exemple en raison d'un stage professionnel ou d'études dans un autre lieu -; il le remet alors provisoirement à un tiers pour se décharger, d'un point de vue économique, du fardeau du loyer le temps de son absence
(ATF 138 III 59 consid. 2.2.1 p. 62 s.).

Il y a abus de droit si le locataire a perdu toute idée de reprendre dans un avenir prévisible l'usage de la chose louée et qu'il a procédé en réalité à une substitution de locataires, ce qui est un but étranger à l'institution même de la sous-location (ATF 138 III 59 consid. 2.2.1 p. 63; 134 III 446 consid. 2.4. p. 450). Certes, un locataire qui quitte un logement peut penser avoir un jour un intérêt à revenir dans les locaux qu'il abandonne. Surtout en période de pénurie de logements, il peut avoir un intérêt à garder un certain droit sur les locaux. Toutefois, on ne saurait admettre que la sous-location soit dénaturée et conduise à éluder les conditions d'un transfert du bail. Le juge doit donc se montrer relativement strict dans l'examen de l'intention, qui doit résulter d'un besoin légitime et clairement perceptible (arrêt du Tribunal fédéral 4A_367/2010 du 4 octobre 2010 consid. 2.1 in fine, in CdB 2011 p. 15), du locataire de réintégrer les locaux loués. La vague possibilité de réintégrer peut-être un jour soi-même l'objet loué ne suffit pas à justifier une sous-location (ATF 138 III 59 consid. 2.2.1 p. 63).

Il ne suffit pas d'établir une quelconque utilisation de la chose louée par le locataire pour en déduire de facto qu'il a le droit de la sous-louer partiellement; l'hypothèse de l'abus de droit peut être retenue même lorsqu'il utilise encore partiellement les locaux; le juge doit donc examiner toutes les circonstances du cas concret pour déterminer si le locataire commet ou non un abus de droit en se prévalant du droit à la sous-location (arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2015 du 9 septembre 2015 consid. 4.4.1; 4A_556/2015 du 3 mai 2016 consid. 3.3).

Le Tribunal fédéral a retenu qu'un locataire, parti vivre en Espagne après sa retraite une année avant le congé, mais qui souhaitait revenir à Genève dans quelques années et qui occupait le logement quatre à six semaines par année, abusait de son droit de sous-louer le logement; un usage aussi sporadique de l'appartement comme pied-à-terre avec une participation infime au coût du loyer - en l'occurrence 81 fr. sur 831 fr. de loyer charges comprises - ne pouvait fonder un droit à la sous-location; le locataire qui utilisait quatre à six semaines par an l'appartement loué dont le coût était essentiellement supporté par une tierce personne, alors que sa fille disposait d'un pied-à-terre dans la même ville, abusait de son droit à la sous-location pour conserver la mainmise sur un appartement au loyer manifestement avantageux, en prévision d'un retour très aléatoire en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral précité 4A_556/2015 du 3 mai 2016 consid. 3.5).

Le bailleur qui notifie un congé fondé sur l'art. 257f al. 3 CO doit prouver les faits qui en sont la condition. Lorsque le bailleur soutient que le locataire a procédé à une sous-location abusive, il lui incombe, conformément à l'art. 8 CC, d'apporter la preuve des faits permettant de parvenir à cette conviction (arrêts du Tribunal fédéral 4A_209/2014 du 16 décembre 2014 consid. 4.1; 4A_367/2010 du 4 octobre 2010 consid. 2.2).

2.2 En l'espèce, au vu de la jurisprudence fédérale rappelée dans les considérants qui précèdent, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le seul fait que la locataire n'ait pas sollicité d'autorisation de sous-louer son appartement n'était pas suffisant pour justifier une résiliation de son bail, en application de
l'art. 257f CO. Il convient en revanche de vérifier si la bailleresse aurait été en droit de refuser son consentement, si celui-ci lui avait été demandé.

La bailleresse relève que la locataire a acquis l'appartement de C______ avec son époux à l'époque où sa soeur a intégré le logement litigieux et que le fait d'avoir caché cette situation de sous-location jusqu'à la présente procédure corrobore le fait qu'il s'agit d'une substitution de locataire qui lui a été imposée, ce qui a rompu le lien de confiance.

En effet, la locataire n'a pas répondu au premier courrier que lui a envoyé la bailleresse au sujet de la sous-location, en date du 9 février 2017. Elle a donné suite à la mise en demeure du 23 février 2017, par courrier du 6 mars 2017, indiquant alors que son époux et elle-même logeaient en alternance dans l'appartement de la rue 1______ et que cet appartement n'était donc pas sous-loué.

Dans sa requête en contestation de congé du 6 avril 2017, elle a réitéré son allégation selon laquelle l'appartement n'était pas sous-loué.

Ce n'est qu'après le courrier de la bailleresse du 20 avril 2017 que, par lettre du 11 mai 2017, la locataire a admis l'existence de la sous-location et donné des explications quant aux conditions de celle-ci et à la situation personnelle de sa soeur, alors qu'il est établi que celle-ci s'était installée dans l'appartement plus ou moins au moment même où la famille de la locataire a déménagé à C______.

Les déclarations de la locataire devant le Tribunal, ainsi que les témoignages de son époux et de sa soeur, corroborent qu'elle continue à utiliser elle-même partiellement le logement litigieux, bien qu'ayant son domicile officiel à l'adresse du bien immobilier dont elle est propriétaire avec son époux. Elle utilise le logement de la rue 1______ - occupé de manière prépondérante par sa soeur, une à trois fois par semaine, en raison des horaires irréguliers découlant de son activité professionnelle d'infirmière à domicile pour G______. La soeur de la locataire paie une participation financière correspondant à son usage prépondérant du logement, à savoir 700 fr. par mois, soit deux tiers du loyer.

Au vu de ce qui précède, aucun élément du dossier ne permet de retenir que la locataire aurait continué à occuper l'appartement en cause, et d'en payer l'intégralité du loyer, si sa soeur ne s'y était pas installée et n'en avait pas eu besoin pour en faire son logement.

La locataire n'a pas non plus allégué, ni établi, qu'elle aurait à nouveau besoin à l'avenir dudit logement pour son propre usage.

Il apparaît dès lors que l'utilisation partielle qui est faite de l'appartement est sporadique au sens de la jurisprudence précitée et ne fonde pas un droit à la sous-location. La situation de sous-location vise ici en réalité une substitution de locataire principale.

Aussi, à teneur de la jurisprudence citée plus haut, il convient de retenir que la bailleresse aurait été en droit de refuser son consentement si celui-ci avait été requis. Elle aurait valablement pu se prévaloir d'une violation de l'art. 2 CC par la locataire pour justifier son refus.

La bailleresse était donc en droit de notifier la résiliation du bail contestée sur la base de l'art. 257f al. 3 CO.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 17 octobre 2018 par A______ contre le jugement JTBL/805/2018, rendu le 14 septembre 2018 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/7778/2017-4-OSB.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Laurence CRUCHON et Monsieur Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure à 15'000 fr. cf. consid. 1.1.