Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/24529/2018

ACJC/1074/2019 du 15.07.2019 sur JTBL/67/2019 ( SBL ) , CONFIRME

Descripteurs : BAIL À LOYER;CAS CLAIR;RÉSILIATION;ERREUR ESSENTIELLE;EXPULSION DE LOCATAIRE
Normes : CPC.257; CO.24; LaCC.30.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24529/2018 ACJC/1074/2019

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 15 JUILLET 2019

 

Entre

 

Monsieur A______, domicilié ______, recourant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 28 janvier 2019, représenté par l'ASLOCA, rue du
Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle il fait élection de domicile,

 

et

 

FONDATION HBM B______, intimée, p.a. et représentée par le SECRETARIAT DES FONDATIONS IMMOBILIERES DE DROIT PUBLIC, rue Gourgas 23bis,
1205 Genève, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A.           a. Par jugement JTBL/67/2019 du 28 janvier 2019, reçu le 30 janvier 2019 par les parties, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a rejeté la demande de rectification du procès-verbal (ch. 1 du dispositif), constaté que la fin du bail liant les parties était intervenue le 30 septembre 2018 (ch. 2), condamné A______ à évacuer de sa personne, de ses biens ainsi que toute autre personne faisant ménage commun avec lui l'appartement de quatre pièces et demie situé au 2ème étage de l'immeuble sis avenue 1______ à Genève et la cave (ch. 3), autorisé la FONDATION HBM B______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès le 1er avril 2019 (ch. 4), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

Le Tribunal a retenu que le procès-verbal de l'audience du 6 décembre 2018 n'avait pas à être complété car les ajouts que A______ voulait y voir figurer ressortaient déjà des pièces produites. La procédure était régie par les règles relatives au cas clair et la résiliation du bail ne comportait aucun motif de nullité et n'était pas entachée d'une erreur essentielle. En outre, le congé avait été donné par les locataires eux-mêmes, suite à une séance d'information à laquelle ils avaient pris part. Le Tribunal a ainsi prononcé l'évacuation de A______ à l'échéance du délai humanitaire de six mois qu'il lui a par ailleurs accordé, à savoir dès le 1er avril 2019.

b. Par acte déposé à la Cour de justice le 11 février 2019, A______ forme appel, subsidiairement recours, contre ce jugement. Il fait grief aux premiers juges d'avoir constaté les faits de manière inexacte et d'avoir violé l'art. 257 CPC à divers égards. Il conclut ainsi à ce que le jugement attaqué soit réformé, en ce sens que la requête du
29 octobre 2018 en protection du cas clair soit déclarée irrecevable. Subsidiairement, il conclut à l'annulation du jugement et au renvoi de la cause en première instance. Par ailleurs, si son écriture était considérée comme un recours, A______ requiert l'octroi de l'effet suspensif et qu'un délai humanitaire de dix mois lui soit octroyé, en application du principe de la proportionnalité et de l'absence d'urgence pour la bailleresse de récupérer les locaux litigieux. Le délai doit selon lui se calculer à partir de la date de reddition du jugement attaqué.

c. Par courrier du 15 février 2019, la FONDATION HBM B______ a indiqué qu'elle s'en remettait à justice au sujet de la requête d'effet suspensif.

d. Par arrêt du 18 février 2019, la Cour de céans a accordé l'effet suspensif au recours et suspendu le caractère exécutoire du jugement attaqué.

e. En date du 25 février 2019, la FONDATION HBM B______ a conclu, principale-ment, à la confirmation du jugement entrepris. Elle a rappelé que A______ et son épouse avaient reçu un courrier les informant que l'immeuble dans lequel était situé l'appartement litigieux était voué à la démolition. Les travaux à intervenir leur avaient été exposés lors d'une séance d'information et les locataires avaient procédé à la résiliation de leur bail de manière non équivoque quelques mois plus tard. Ainsi, les circonstances de la résiliation du bail étaient très claires.

La voie du recours était ouverte puisque le tribunal de l'exécution avait rendu sa décision quant à l'évacuation. Quant au dies a quo du délai humanitaire, les premiers juges avaient à juste titre retenu qu'il s'agissait du jour de la fin des rapports contractuels, soit du moment à partir duquel A______ ne bénéficiait plus d'aucun titre justifiant l'occupation du logement. Finalement, le délai de six mois qui avait été accordé au précité était parfaitement équitable et tenait compte des différents intérêts en présence.

f. Les parties ont été informées le 18 mars 2019 de ce que la cause était gardée à juger, l'appelant n'ayant pas fait usage de son droit de réplique.

B. Les faits pertinents de la cause sont les suivants :

a. Le 30 novembre 2006, la FONDATION HBM B______, bailleresse, et C______ et A______, locataires, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de quatre pièces et demie au 2ème étage de l'immeuble sis avenue 1______ à Genève.

Le bail a été conclu pour une durée initiale de six mois, du 1er décembre 2006 au 31 mai 2007, avec clause de reconduction tacite de mois en mois.

Le loyer a été fixé en dernier lieu à 636 fr. par mois et les charges à 270 fr. par mois, dès le 1er mars 2017.

L'immeuble est géré par D______ (ci-après : la régie).

b. Par courrier du 18 janvier 2018, la régie a informé personnellement les locataires d'un projet de démolition de plusieurs immeubles dans le quartier de E______, dont celui sis avenue 1______, et du fait que les appartements devaient être libérés. La régie a dès lors invité les locataires à une séance d'information qui s'est tenue le 6 février 2018, lors de laquelle des informations en relation avec ces travaux et les solutions possibles de relogement leur ont été présentées.

c. Par lettre du 29 août 2018, les locataires ont, « comme convenu », confirmé la résiliation de leur contrat de bail « à partir de la période du 1er septembre 2018 ». La bailleresse était invitée à confirmer qu'elle acceptait la résiliation « pour la date indiquée ».

d. Le même jour, A______ a déposé par-devant le Tribunal de première instance une requête en mesures protectrices de l'union conjugale.

e. Le 21 septembre 2018, A______ a fait parvenir au SECRETARIAT DES FONDATIONS IMMOBILIERES DE DROIT PUBLIC une attestation indiquant qu'il n'habitait plus avec le reste de sa famille. A teneur de cette attestation, A______ était domicilié à la route 2______ à F______ [GE].

f. Le 26 septembre 2018, le SECRETARIAT DES FONDATIONS IMMOBILIERES DE DROIT PUBLIC a indiqué à la régie qu'il acceptait la résiliation du bail pour le 30 septembre 2018, car la famille allait être relogée dans un immeuble sis à l'avenue 3______.

g. Le même jour, un contrat de bail a été signé par C______ pour la location
d'un appartement de cinq pièces au 2ème étage de l'immeuble sis à l'avenue 3______ [no.] ______ à Genève, dès le 1er octobre 2018.

h. Par courrier du 3 octobre 2018, la bailleresse a informé les locataires qu'elle acceptait la résiliation du bail pour le 30 septembre 2018, suite au relogement de C______ à l'avenue 3______ [no.] ______. Un constat d'état des lieux de sortie était appointé le
8 octobre 2018 et il était précisé que l'appartement devait être restitué libre de tout objet et occupant.

L'appartement n'a toutefois pas pu être restitué le 8 octobre 2018. La représentante
de la régie qui devait procéder au constat d'état des lieux de sortie a expliqué au SECRETARIAT DES FONDATIONS IMMOBILIERES DE DROIT PUBLIC que seule C______ était présente et que selon celle-ci, les cylindres avaient été changés par A______, qui ne souhaitait plus quitter l'appartement, n'ayant pas trouvé de solution de relogement.

i. Par requête en protection des cas clairs expédiée au Tribunal le 26 octobre 2018, la FONDATION HBM B______ a requis l'évacuation du locataire et l'exécution directe de l'évacuation, en concluant préalablement à ce que la validité du congé du 29 août 2018 pour le 30 septembre 2018 soit constatée.

j. Par courrier du 20 novembre 2018, A______ a informé la bailleresse de ce que lui-même et son ex-épouse avaient postulé pour un appartement plus grand. Entre temps, ils s'étaient séparés et il avait trouvé temporairement refuge chez un ami. On lui avait dit que pour qu'un nouvel appartement soit attribué à son ex-épouse, il devait signer une lettre de résiliation du bail portant sur le logement sis avenue 1______. Toutefois, il n'avait pas compris que cela aurait pour conséquence qu'il se retrouverait privé de ce logement. Il faisait donc valoir le fait qu'il avait signé la lettre de congé sous l'empire d'une erreur essentielle. Il a ajouté qu'il était sans emploi et au bénéfice des seules prestations de l'Hospice général. Il faisait de plus l'objet de poursuites, ce qui rendait ses recherches de logement vaines. Il s'était néanmoins récemment inscrit auprès de plusieurs entités pour tenter de trouver un nouveau logement. Il a par ailleurs relevé que si son ex-épouse avait quitté le domicile et qu'il s'était retrouvé seul dans l'appartement de quatre pièces et demi, donc dans une situation de sous-occupation, il aurait bénéficié d'un délai de deux ans pour se reloger. Finalement, les locaux étaient voués à la démolition, si bien que l'appartement n'allait pas être reloué.

k. Lors de l'audience du 6 décembre 2018, A______ a confirmé qu'il avait signé la lettre de résiliation pour que son ex-épouse obtienne l'appartement à l'avenue 3______, sans se rendre compte des conséquences d'un tel acte sur sa situation personnelle. Il était proche de la retraite mais avait récemment perdu son emploi et était soutenu par l'Hospice général. Il souhaitait ainsi bénéficier de temps pour trouver une solution de relogement.

La bailleresse a confirmé que l'immeuble était voué à la démolition et que, dans l'intervalle, l'appartement pourrait être utilisé comme solution temporaire de logement pour une famille.

Les parties ont ensuite procédé aux plaidoiries finales. A______ a conclu à l'irrecevabilité de la requête en évacuation, la cause ne relevant pas du cas clair selon lui, et a subsidiairement demandé l'octroi d'un délai humanitaire de dix mois. La bailleresse a conclu au rejet de ces conclusions et a persisté dans les siennes pour le surplus.

La cause a été gardée à juger à l'issue de cette audience.

l. Par courrier du 6 décembre 2018, A______ a sollicité la correction du procès-verbal de l'audience en ce sens que certaines de ses déclarations n'avaient pas été retranscrites, notamment la déclaration selon laquelle la représentante de la bailleresse lui avait indiqué que l'appartement de l'avenue 3______ ne serait pas attribué sans résiliation préalable du bail existant.

m. Par courrier du 20 décembre 2018, la FONDATION HBM B______ s'est opposée à cette requête.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2; 4C_310/1996 du 16 avril 1997 = SJ 1997 p. 493, consid. 1).

Si les conditions pour ordonner une expulsion selon la procédure sommaire en protection des cas clairs sont contestées, la valeur litigieuse équivaut au dommage présumé, si les conditions d'une expulsion selon l'art. 257 CPC ne sont pas remplies, correspondant à la valeur locative ou la valeur d'usage hypothétiquement perdue pendant la durée prévisible d'un procès en procédure ordinaire permettant d'obtenir une décision d'expulsion, laquelle peut être estimée à six mois (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1).

Dans le cas d'espèce, la valeur litigieuse est de 3'816 fr. (636 fr. x 6 mois).

Seule la voie du recours est donc ouverte contre la décision, en tant qu'elle vise l'évacuation ainsi que les mesures d'exécution requises (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

1.2 Le délai de recours est de 10 jours si la décision a été rendue en procédure sommaire (art. 321 al. 2 CPC) applicable notamment aux cas clairs (art. 248 let. b CPC).

Interjeté dans le délai précité (art. 142 al. 3 et 321 al. 2 CPC) et selon la forme prescrite (art. 130, 131 et 321 al. 1 CPC), le recours est recevable.

1.3 Le recours peut être formé pour violation du droit (art. 320 let. a CPC) et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 let. b CPC).

2.             Le recourant fait grief au Tribunal d'avoir nié qu'il avait résilié le bail sous l'emprise d'une erreur essentielle. Il reproche aux premiers juges d'avoir retenu que la résiliation avait été donnée suite à la séance d'information tenue par l'intimée et intervenait dans le cadre du relogement de la famille. A son avis, le Tribunal ne pouvait pas considérer que l'évolution de sa situation personnelle avait motivé l'absence de restitution de l'appartement. Le recourant estime que les conditions de l'art. 257 CPC ne sont pas réalisées, le cas n'étant pas clair.

2.1.1 Aux termes de l'art. 257 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire (art. 257 al. 1 CPC); le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (art. 257 al. 3 CPC).

Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur. Ainsi, les faits tels que présentés par le demandeur ne sont pas remis en cause par le défendeur (Bohnet, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 7 ad art. 257). L'état de fait est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine (« voller Beweis ») des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance (« Glaubhaftmachen ») ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes (« substanziert und schlüssig »), qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est, par conséquent, irrecevable (ATF 141 III 23 consid. 3.2;
138 III 620 consid. 5.1.1. et les arrêts cités).

La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 138 III 123 consid. 2.12; Bohnet, op. cit., n. 13 ad art. 257). Cela sera par exemple le cas en matière d'expulsion, lorsqu'un congé est donné pour cause de demeure avérée du locataire et que les règles formelles de résiliation ont été respectées. Tel ne sera en revanche pas le cas si la résiliation du bail est intervenue pour cause de justes motifs et que les motifs invoqués peuvent donner lieu à discussion (Bohnet, op. cit., n. 13 ad art. 257). Ainsi, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 138 III 123 consid. 2.1.2). La situation juridique n'est pas non plus claire si le défendeur fait valoir des moyens qui n'apparaissent pas d'emblée voués à l'échec et qui supposent une administration des preuves complexe (Bohnet, op. cit., n. 12 ad art. 257).

Les causes relevant du droit du bail à loyer ou à ferme peuvent faire l'objet d'un cas clair, en particulier dans les domaines de l'expulsion ou du paiement du loyer (Bohnet/Carron/Montini, Droit du bail à loyer et à ferme, 2ème éd., 2017, n. 2 ad art. 257 CO).

Si le juge parvient à la conclusion que ces conditions sont remplies, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire (ATF 138 III 620 consid. 5.1.1).

Si elles ne sont pas remplies et que le demandeur ne peut donc obtenir gain de cause, le juge ne peut que prononcer l'irrecevabilité de la demande (ATF 140 III 315 consid. 5).

2.1.2 Lorsque le bail est de durée indéterminée, ce qu'il est lorsqu'il contient une clause de reconduction tacite, chaque partie est en principe libre de résilier le contrat en observant les délais de congé et les termes légaux, sauf si un délai plus long ou un autre terme ont été convenus (art. 266a al. 1 CO). Le bail est en effet un contrat qui n'oblige les parties que jusqu'à l'expiration de la période convenue; au terme du contrat, la liberté contractuelle renaît et chacun a la faculté de conclure ou non un nouveau contrat et de choisir son cocontractant (arrêts du Tribunal fédéral 4A_484/2012 du 28 février 2013 consid. 2.3.1; 4A_167/2012 du 2 août 2012 consid. 2.2; 4A_735/2011 du 16 janvier 2012 consid. 2.2).

La résiliation ordinaire du bail ne suppose pas l'existence d'un motif de résiliation particulier (art. 266a al. 1 CO). Elle est une manifestation de volonté par laquelle une partie met fin unilatéralement au contrat pour un certain terme (Bohnet/Carron/
Montini, op. cit., n. 3 ad art. 266a CO).

La notification du congé est soumise au principe de la réception absolue (ATF
140 III 244 consid. 5.1; 137 III 208 consid. 3), c'est-à-dire qu'il déploie ses effets dès le moment où il entre dans la sphère d'influence du destinataire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_478/2015 du 20 mai 2016 consid. 3.1) et que celui-ci est à même d'en prendre connaissance (ATF 137 III 208 consid. 3.1.2; 118 II 42 consid. 3b, JdT 1993 I 140).

La volonté de mettre un terme au contrat doit être clairement exprimée par son expéditeur, de façon à ce que le destinataire de la résiliation la perçoive aisément. En cas de doute, on interprétera la manifestation de volonté selon le principe de la confiance. Lorsque le bail présente une pluralité de parties (cobailleurs; colocataires), le congé, comme tout acte formateur, doit être donné de manière conjointe (Bohnet/
Carron/Montini, op. cit., n. 18 et 19 ad art. 266a CO).

2.1.3 Les actes juridiques unilatéraux, tels que la résiliation, sont soumis aux
art. 23 ss CO (Schmidlin, Commentaire romand, Code des obligations I, Bâle, 2012, n. 65 ad art. 23-24 CO).

A teneur de l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO, l'erreur est essentielle et, par conséquent, n'oblige pas celle des parties qui s'en prévaut conformément à l'art. 23 CO, lorsqu'elle porte notamment sur des faits que la loyauté commerciale lui permettait de considérer comme des éléments nécessaires du contrat. En revanche, l'erreur concernant uniquement les motifs du contrat n'est pas essentielle (art. 24 al. 2 CO).

L'erreur de base doit néanmoins remplir cumulativement quatre conditions. En premier lieu, elle doit porter sur des faits déterminés. Ensuite, elle doit concerner des faits subjectivement essentiels; cela signifie que la victime de l'erreur considère que les faits sur lesquels elle s'est trompée constituaient des éléments nécessaires du contrat, sans lesquels elle n'aurait pas conclu le contrat ou ne l'aurait pas conclu à ces conditions. L'erreur doit également porter sur des faits dont l'autre partie a reconnu, ou pouvait reconnaître, le caractère subjectivement essentiel; ainsi, l'autre partie doit pouvoir se rendre compte que la victime de l'erreur n'aurait pas conclu ce contrat si elle avait connu la vérité. Finalement, l'erreur doit porter sur des faits qu'il est objectivement justifié de considérer comme des éléments essentiels; selon la loyauté commerciale, la victime est en droit de considérer que l'objet de son erreur est une condition sine qua non du contrat (Gauch/Schluep/Tercier, Partie générale du CO, Tome I, 1982, p. 104-105).

Il incombe à la partie se trouvant dans l'erreur de prouver les conditions de l'erreur de base : tout d'abord, que l'erreur touche certains faits qu'elle considérait subjectivement comme une condition sine qua non, ensuite que la loyauté commerciale permettait de leur donner cette importance, et finalement, que la partie adverse aurait pu et dû la reconnaitre (Schmidlin, op. cit., n. 60 ad art. 23-24 CO).

2.2 Dans le cas d'espèce, les locataires ont, de manière claire et sans la moindre ambiguïté, manifesté leur volonté de mettre fin à leur contrat de bail par courrier du 29 août 2018. Cette résiliation est intervenue alors que les locataires savaient qu'ils devraient quitter leur appartement dans un proche avenir, vu le projet de démolition de l'immeuble litigieux. Par ailleurs, le courrier de résiliation a été reçu et accepté par l'intimée.

Le recourant n'est pas revenu sur sa position par la suite. Il n'a pas réagi au courrier de l'intimée fixant le constat d'état des lieux de sortie du 8 octobre 2018, alors même que ce courrier précisait que les locaux devaient être restitués libres de tout objet et occupant.

Les circonstances dans lesquelles le recourant a signé le courrier de résiliation du bail n'enlèvent rien à sa validité. Ni ce courrier, ni l'attestation du 21 septembre 2018 produite par le recourant n'indiquent que ce dernier aurait résilié le bail sans en connaître les conséquences pour lui-même. Au contraire, en informant l'intimée qu'il n'habitait plus avec le reste de sa famille, le recourant a admis qu'il ne résidait plus dans le logement litigieux. Le recourant avait donc bien conscience de ce que la résiliation du bail devait entrainer la libération du logement.

Il s'avère dès lors que le recourant n'a pas résilié le bail sous l'empire d'une erreur essentielle, mais qu'il a par la suite changé d'avis, pour des motifs non imputables à l'intimée.

Par ailleurs, le fait de procéder à des investigations complémentaires et à l'audition de témoins comme le souhaitait le recourant n'aurait pas permis d'établir l'existence d'une erreur essentielle au sens de l'art. 24 CO. Sa position ressort suffisamment de son courrier du 20 novembre 2018 à la bailleresse ainsi que du procès-verbal de l'audience du 6 décembre 2018, de sorte qu'il n'était pas nécessaire d'investiguer davantage ce sujet.

L'état de fait et la situation juridique étant clairs, c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont considéré que les conditions d'application de l'art. 257 CPC étaient remplies.

3.             Le recourant requiert subsidiairement qu'un délai humanitaire de dix mois lui soit octroyé, au vu du principe de la proportionnalité et de l'absence d'urgence qu'aurait la bailleresse de récupérer les locaux litigieux.

3.1 L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est réglée par le droit fédéral (cf. art. 335 et ss CPC).

En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. En tout état de cause, l'ajournement ne peut être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une nouvelle prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.1). Il doit être limité dans le temps, un renvoi sine die n'étant pas admissible, le sursis à l'exécution devant permettre à l'ancien locataire de trouver à se reloger, au besoin avec l'aide des services sociaux (ATF 117 Ia 336 consid. 2 et 3 = SJ 1992 234; ACJC/430/2016 du 4 avril 2016 consid. 2.1; ACJC/1129/2011 du 19 septembre 2011 consid. 3).

Selon l'art. 30 al. 4 LaCC, le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

3.2 En l'espèce, les premiers juges ont accordé au recourant un délai humanitaire de six mois afin de lui permettre de se reloger. Le recourant n'a produit aucune pièce à l'appui de son recours permettant de justifier qu'un délai plus long lui soit accordé. Le fait qu'il n'ait toujours pas trouvé de solution de relogement durable à ce jour ne saurait mener la Cour à s'écarter de la solution retenue par le Tribunal, qui s'avère équitable et proportionnée. Par ailleurs, comme en matière de prolongation de bail, le point de départ du délai humanitaire doit correspondre à la fin des rapports contractuels, intervenue en l'espèce le 30 septembre 2018. Les premiers juges ont donc octroyé à raison un délai humanitaire au recourant jusqu'à la fin du mois de mars 2019.

Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

4.                  En application de l'art. 22 al. 1 LaCC, il ne sera pas perçu de frais judiciaires et il ne sera pas alloué de dépens.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 11 février 2019 par A______ contre le jugement JTBL/67/2019 rendu par le Tribunal des baux et loyers le 28 janvier 2019 dans la cause C/24529/2018-7-SD.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Alain MAUNOIR et Monsieur Serge PATEK, juges assesseurs; Madame Maïte VALENTE, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Maïte VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.