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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/13229/2018

ACJC/893/2019 du 24.06.2019 sur JTBL/232/2019 ( SBL ) , JUGE

Descripteurs : ÉVACUATION(EN GÉNÉRAL) ; EXPULSION DE LOCATAIRE ; CAS CLAIR
Normes : CPC.257; CO.257d
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13229/2018 ACJC/893/2019

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 24 JUIN 2019

 

Entre

Madame A______, domiciliée rue ______, ______ Genève, recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 18 mars 2019, comparant en personne,

et

B______, sise c/o C______ SA, route ______, ______ (GE), comparant par Me Marc Lironi, avocat, boulevard Georges-Favon 19, case postale 5121, 1211 Genève 11, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Les faits pertinents suivants résultent du dossier soumis au Tribunal des baux et loyers et du site Internet officiel du Registre foncier.

a. La parcelle 1______ de la commune D______ (GE), sise rue E______, d'une surface de 258 m², appartient à 24 propriétaires d'étages, dont A______ et F______. La parcelle 2______ de la commune D______ (GE), sise rue G______, d'une surface de 264 m², appartient à H______ SA. La parcelle 3______ de la commune D______ (GE), sise rue I______, d'une surface de 141 m², appartient à 17 copropriétaires d'étages. Les trois parcelles comprennent chacune un bâtiment d'habitation occupant l'entier des surfaces. Les trois bâtiments font partie du même ensemble architectural.

La parcelle 4______ de la commune D______ (GE), d'une surface de 368 m², est une dépendance des trois parcelles précitées. Elle comprend une cour commune aux trois immeubles, dont l'entrée se situe sur la rue I______, une chaufferie centrale commune, deux WC, deux buanderies, un local/entrepôt et quatre caves dont l'une (le local no XX) de 11.25 m².

L'immeuble de la rue E______ est géré par Régie J______ SA
(ci-après : la régie J______), celui de la rue G______ par
K______ SA. La gérance de l'immeuble situé rue I______ est vraisemblablement assurée par C______ SA (cf. ci-dessous let. h).

b. Le 1er novembre 2013, A______, locataire et un bailleur désigné comme "L______ [nom des deux rues concernées]", représenté par M______ SA (dont la raison sociale a été modifiée en C______ SA en mars 2017, modification publiée dans la FOSC le 3 avril 2017), ont signé un bail commercial portant sur la location à la première du local n° XX de 11.25 m² au rez-de-chaussée de l'immeuble "sis E/I______ Genève", moyennant un loyer mensuel de 60 fr., pour une durée d'une année du 1er novembre 2013 au 31 octobre 2014 renouvelable d'année en année sauf résiliation trois mois au moins avant la fin du bail. Les clauses complémentaires faisant partie intégrante du bail indiquent que le propriétaire du local est "L______ [nom des deux rues concernées]".

c. Par courrier recommandé du 20 septembre 2017, C______ SA a mis en demeure A______ de verser, dans les 30 jours, 360 fr. d'arriéré de loyers des mois de juillet à décembre 2017, sous menace de résiliation du bail conformément à l'art. 257d CO.

d. Par avis officiel du 7 novembre 2017, C______ SA, faisant référence à l'avis comminatoire du 20 septembre 2017, a résilié le bail avec effet au 15 décembre 2017. L'avis mentionne comme bailleur "L______ [nom des deux rues concernées]".

e. En décembre 2017, A______ a déposé auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (ci-après : la Commission) une action en constatation de la nullité du congé, enregistrée sous le numéro de procédure C/5______/2017, dirigée contre C______ SA ("ni bailleur ni mandataire du bailleur mais une personne morale prétendant être le mandataire du bailleur"). Elle y faisait valoir que la société précitée était "dépourvue de la qualité pour agir concernant sa demande de paiement du loyer du local" en question. Elle alléguait que lors d'une assemblée générale de la "PPE du E______" qui s'était tenue le 17 mai 2017, les copropriétaires avaient décidé à l'unanimité de ne pas renouveler "le mandat de M______ ni d'accorder un mandat à C______, société créée le 3 avril 2017 et qui a acheté la clientèle de M______". Lors de la même assemblée générale, la régie J______ avait été désignée comme gérante "de la PPE à dater du 1er juillet 2017". Ledit procès-verbal n'est pas produit dans la présente procédure.

Lors de l'audience de conciliation du 11 avril 2018 dans la cause C/5______/2017, A______ a été représentée par son père N______, qui a déclaré que sa fille payait le loyer du local litigieux à la régie J______ depuis septembre 2017. Le représentant de C______ SA, soit O______, administrateur, a déclaré que celle-ci était toujours mandatée pour la gérance centrale. Le local en question était "géré dans le cadre de la gérance centrale, car il se trouv(ait) en copropriété sur trois immeubles E/G/I______".

La Commission a rayé la cause du rôle, vu le défaut de la partie demanderesse.

f. Par requête en protection des cas clairs signée par O______, expédiée au Tribunal des baux et loyers le 7 juin 2018, C______ SA - se présentant comme la représentante de la "B______" sur la base d'une procuration signée au nom de celle-ci par O______ - a requis l'évacuation de A______ du local en question, ainsi que l'exécution directe de l'expulsion.

Elle n'a formé aucun allégué au sujet de l'existence juridique et de la représentation de l'entité présentée comme la bailleresse, se bornant à faire valoir que le bail de A______ avait été valablement résilié. Elle a cependant produit notamment la requête en conciliation et le procès-verbal d'audience dont il a été question ci-dessus sous let. e.

g. A______ a conclu au rejet de la requête. Elle a fait valoir que C______ SA n'avait pas la qualité pour agir concernant le local litigieux, du fait que la gestion de celui-ci incombait à la régie J______, à laquelle elle avait payé le loyer.

Elle a produit notamment la preuve du versement de 720 fr. le 4 mai 2018 à la régie J______ à titre de loyer du local pour l'année 2018.

h. Par acte du 10 janvier 2019, C______ SA a fait parvenir au Tribunal un document destiné à établir qu'elle gérait les parties communes des trois immeubles concernés. Il s'agit d'un procès-verbal établi le 23 mai 2018 intitulé "Procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire des B______ et I______ - ______ Genève", dont il résulte qu'une assemblée générale présidée par O______ s'est tenue le 18 avril 2018 dans les locaux de C______ SA. P______, de la régie J______, représentait "la PPE Rue E______" et Q______, de K______ SA, représentait H______ SA, "propriétaire de l'immeuble G______". Le procès-verbal mentionne que le "nombre de copropriétaires présents ou représentés" est de "3 sur 3", représentant "entre eux 100 parts sur 100".

La reconduction de C______ SA à la gérance centrale (soit la gérance des locaux communs) a été acceptée à la majorité des présents (pour : 59.40 parts sur 100; contre : P______, soit 40,60 parts). Il a été précisé que la régie en charge de la gérance centrale établissait les décomptes annuels de chauffage et procédait "à l'encaissement/répartition de loyers des locaux annexes".

i. Dans son écriture du 1er février 2019, A______ a conclu à ce que le Tribunal dise que la résiliation était nulle et que le bail produisait ainsi toujours ses effets.

Elle a déposé une action introduite le 31 janvier 2019 au Tribunal de première instance au nom de la COMMUNAUTE DES PROPRIETAIRES D'ETAGES DU E______ par F______ à l'encontre de C______ SA, REGIE J______ SA et H______ SA. Cette action tend notamment à faire constater que la "Communauté de propriété par étages des immeubles E______, G______ et I______ n'existe pas en droit", que "nul ne peut agir en tant qu'administrateur au nom" de ladite communauté, que C______ SA "ne peut pas agir en demande ou en défense dans l'intérêt des propriétaires de la parcelle 4______ Genève Cité", qui est une dépendance pour 1/3 des parcelles 1______, 2______ et 3______ et que le procès-verbal du 18 avril 2018 établi par C______ SA est nul, ainsi qu'à faire désigner une administration provisoire chargée de gérer les locaux et le garage de la parcelle 4______. La partie demanderesse fait valoir en particulier que la "PPE E/G/I______ - ______ GENEVE" mentionnée dans le procès-verbal de l'assemblée générale du 18 avril 2018 n'existe pas en droit, "car une propriété par étages ne peut être créée que par l'accord de tous les propriétaires concernés et par l'inscription de son règlement au registre foncier".

Dans ladite action du 31 janvier 2019, il est allégué que lors d'une assemblée générale extraordinaire du 23 mars 2017 de la PPE du E______, il avait été décidé de "décharger la régie M______ de la gestion des droits de la PPE du E______ sur la parcelle 4______ en confiant cette mission à Monsieur F______, juriste copropriétaire du E______ avec l'autorisation de représenter la PPE du E______ dans toutes les procédures judiciaires en demande ou en défense en excluant toute autre personne de l'accomplissement de ces tâches y compris la régie chargée de la gestion de l'immeuble du E______" (allégué 4). Il est en outre allégué que lors de l'assemblée générale ordinaire du 18 juin 2018 de la PPE du E______, il a été confirmé que seul F______ pouvait "représenter la PPE du E______ tant en matière de gestion que dans toute procédure judiciaire concernant la parcelle 4______" (allégué 7).

Les deux procès-verbaux offerts comme moyens de preuve à l'appui des deux allégués précités ne sont cependant pas produits dans la présente procédure.

j. Lors de l'audience du Tribunal du 6 février 2019, A______ s'est opposée à la requête en évacuation. Elle a contesté la validité de la procuration en faveur de C______ SA. Elle a fait valoir qu'elle avait payé les loyers des années 2017 à 2019 à la régie J______. Elle a contesté la qualité de C______ SA pour gérer la parcelle en question, raison pour laquelle elle refusait de payer les loyers en mains de celle-ci. C______ SA a persisté dans sa requête. Elle a déclaré que la régie J______ gérait la copropriété du E______, alors qu'elle-même gérait la parcelle commune aux trois bâtiments. Ainsi, A______ devait s'acquitter du loyer en ses mains, les bulletins de versement nécessaires lui ayant été adressés. Le montant dû s'élevait à 1'440 fr., le dernier versement ayant été effectué le 23 janvier 2017.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

B. Par jugement JTBL/232/2019 du 18 mars 2019, reçu le 27 mars 2019 par A______, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a condamné celle-ci à évacuer immédiatement de sa personne, de tout tiers dont elle est responsable et de ses biens le local no XX de 11.25 m² situé au rez-de-chaussée de l'immeuble "sis E/G______/I______ dépendances", à Genève (ch. 1 du dispositif), autorisé la "B______ - ______ GENEVE" à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès l'entrée en force du jugement (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

Le Tribunal a considéré que la locataire semblait confondre la bailleresse de son appartement dans l'immeuble rue E______ et celle du local litigieux sis sur les parcelles communes aux trois immeubles sis rue E______ et rue I______. Il ressortait des pièces produites que C______ SA était effectivement chargée de la gestion du local litigieux et que c'était bien à elle que la locataire devait verser le loyer et non à la régie J______ en charge de la gestion du seul immeuble rue E______.

C. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 8 avril 2019, A______ recourt contre le jugement précité, dont elle requiert l'annulation. Elle conclut, principalement, à ce que la Cour constate la nullité du congé et dise que le bail du 1er novembre 2013 "produit tous ses effets entre les propriétaires-bailleurs du local faisant l'objet du contrat et la locataire-copropriétaire du local en question". Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause au Tribunal.

b. Par arrêt ACJC/581/2019 du 17 avril 2019, la Cour a suspendu le caractère exécutoire des chiffres 1 et 2 du dispositif du jugement attaqué.

c. Dans sa réponse du 23 avril 2019 - reçue le 26 avril 2019 par A______ avec un délai de 10 jours, échéant donc le 6 mai 2019, pour répliquer - la B______ conclut au rejet du recours et à la confirmation du jugement attaqué, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Elle allègue des faits nouveaux et produit des pièces nouvelles (pièces 6 à 8).

d. Les parties ont été informées le 7 mai 2019 de ce que la cause était gardée à juger, A______ n'ayant pas répliqué dans le délai imparti.

e. Par acte expédié le 14 mai 2019 à la Cour, A______ a requis la restitution du délai pour répliquer, en exposant qu'elle avait été "obligée de partir d'urgence pour New York, le 29 avril 2019, pour participer à l'organisation d'une intervention urgente humanitaire des Nations Unies, jusqu'au 9 mai 2019". Elle a produit une attestation de son employeur confirmant les dates précitées, mais ne faisant pas état de l'urgence alléguée.

Elle a déposé avec sa requête une réplique comprenant des faits nouveaux et a produit deux pièces nouvelles. Pour le reste, elle a repris, dans la réplique, l'essentiel de son argumentation.

f. La B______ a conclu au rejet de la requête de restitution, avec suite de frais, et à l'irrecevabilité de la réplique.

g. Les parties ont été informées le 28 mai 2019 de ce que la cause était gardée à juger sur la requête de restitution et sur le fond.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre des baux et loyers connaît des appels et des recours dirigés contre les jugements du Tribunal des baux et loyers (art. 122 let. a LOJ).

Selon l'art. 121 al. 2 LOJ, dans les causes fondées sur l'art. 257d CO, comme en l'espèce, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice siège sans assesseurs.

1.2 L'appel est recevable contre les décisions finales de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308
al. 2 CPC). Le recours est recevable contre les décisions finales de première instance qui ne peuvent faire l'objet d'un appel (art. 319 let. a CPC) et contre les décisions du tribunal de l'exécution (art. 309 let. a CPC).

Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2; 4C_310/1996 du 16 avril 1997 = SJ 1997 p. 493 consid. 1).

Dans le cadre d'une procédure en évacuation par voie de procédure sommaire pour les cas clairs, lorsque le congé est lui-même objet du litige et que son invalidité déclenche le délai de protection, la valeur litigieuse correspond dans la règle à trois ans de loyers (ATF 144 III 346 consid. 1.3.1).

En l'espèce, la validité du congé est contestée. Compte tenu du loyer mensuel du local litigieux (60 fr.), la valeur litigieuse est inférieure à 10'000 fr., de sorte que seule la voie du recours est ouverte, tant contre le prononcé de l'évacuation que contre les mesures d'exécution.

1.3 Interjeté dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 al. 3 et 321 al. 1 et 2 CPC), l'acte du 8 avril 2019 est recevable en tant que recours. Cependant, les conclusions de la recourante qui vont au-delà de l'irrecevabilité de la requête en protection des cas clairs sont irrecevables (cf. art. 257 al. 3 CPC;
ci-dessous consid. 2.1 dernier paragraphe).

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite toutefois des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2011 consid. 5.3.2).

1.5 Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours (art. 326 al. 1 CPC).

Dès lors, les allégations et les pièces nouvelles des parties ne sont pas recevables et la Cour examinera la cause sur la base du dossier tel qu'il a été soumis aux premiers juges.

1.6 Au vu de ce qui précède, la question du bien-fondé au regard de l'art. 148
al. 1 CPC de la requête en restitution formée par la recourante le 14 mai 2019 et celle de la recevabilité de la réplique annexée à la requête peuvent demeurer indécises : les faits nouveaux exposés dans la réplique ne sont pas recevables et, pour le reste, la recourante reprend l'argumentation développée en première instance et dans le recours.

2. La recourante fait grief au Tribunal d'avoir prononcé son évacuation du local litigieux, ainsi que des mesures d'exécution de son expulsion.

2.1 La procédure de protection dans les cas clairs prévue par l'art. 257 CPC permet à la partie demanderesse d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire, lorsque la situation de fait et de droit n'est pas équivoque (ATF 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1). En vertu de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a) et que la situation juridique est claire (let. b). Le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (art. 257 al. 3 CPC).

Selon la jurisprudence, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit apporter la preuve certaine ("voller Beweis") des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ("Glaubhaftmachen") ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections motivées et concluantes ("substanziiert und schlüssig"), qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

La situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4D_4/2018 du 19 mars 2018 consid. 3.1).

Pour faire obstacle à la requête en cas clair, il ne suffit pas que le locataire ait déposé une requête en annulation ou en constatation de la nullité du congé, ou qu'il avance des arguments sans proposer le moindre indice à leur appui. Ces démarches et avis de la partie citée doivent avoir une certaine substance, ne pas être contredits par la partie requérante de manière convaincante. Ils ne doivent pas être d'emblée voués à l'échec. Ils doivent être crédibles est susceptibles de faire douter le tribunal chargé de statuer sur la requête en cas clair (LACHAT/LACHAT, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, p. 244).

Si le juge parvient à la conclusion que les conditions du cas clair sont remplies, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire (ATF 138 III 620 consid. 5.1.1). Si elles ne sont pas remplies et que le demandeur ne peut donc obtenir gain de cause, le juge doit déclarer la requête irrecevable. Il est en effet exclu que la procédure de protection dans les cas clairs puisse aboutir au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 140 III 315 consid. 5, spécialement consid. 5.2.3 et 5.3).

2.2 L'admission d'une action en évacuation, quelle que soit la procédure choisie, présuppose que le congé ait été valablement signifié au locataire.

A teneur de l'art. 257d al. 1 CO, lorsque, après réception de l'objet loué, le locataire a du retard pour s'acquitter d'un terme ou de frais accessoires échus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et lui signifier qu'à défaut de paiement dans ce délai, il résiliera le bail. Ce délai sera de dix jours au moins et, pour les baux d'habitation ou de locaux commerciaux, de trente jours au moins. L'art. 257d al. 2 CO spécifie que, faute de paiement dans le délai fixé, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitation et de locaux commerciaux peuvent être résiliés moyennant un délai de congé de trente jours pour la fin d'un mois. Le congé des baux d'habitations et de locaux commerciaux doit être donné en utilisant la formule officielle (art. 266l al. 2 CO).

2.3 La résiliation est un droit formateur qui s'exerce par un acte juridique unilatéral, lequel peut émaner d'un représentant d'une partie au contrat. De manière générale, la manifestation de volonté de celui qui agit au nom d'autrui lie le représenté lorsque le représentant dispose des pouvoirs nécessaires à cet effet (art. 32 al. 1 CO) ou lorsque le représenté ratifie l'acte accompli en son nom (art. 38 CO) ou encore lorsque le tiers peut se fier de bonne foi aux pouvoirs qui lui sont communiqués (art. 33 al. 3, art. 34 al. 3 et art. 37 CO) (ATF 131 III 511 consid. 3.1;arrêt du Tribunal fédéral4A_478/2015 du 20 mai 2016 consid. 3.1 et les références citées).

2.4 En l'espèce, il est établi que les copropriétaires du local litigieux, situé sur la parcelle 4______, sont les propriétaires d'étages de l'immeuble sis rue E______, ceux de l'immeuble rue I______ et la propriétaire de l'immeuble sis rue G______. Afin d'établir que C______ SA (ci-après : C______) pouvait représenter valablement lesdits copropriétaires lors de la résiliation du 7 novembre 2017, l'intimée a produit un procès-verbal d'une assemblée générale qui s'est tenue dans les locaux de C______ le 18 avril 2018, lors de laquelle il avait été décidé de prolonger le mandat de C______ de gestion des locaux communs situés sur la parcelle 4______. A cette occasion, la communauté des propriétaires d'étages de l'immeuble sis rue E______, comprenant la recourante et F______, était représentée par la régie J______. Pour faire obstacle à la requête en protection du cas clair, la locataire a fait valoir que la régie J______ n'était plus autorisée à gérer les droits de ladite communauté sur la parcelle 4______, puisque cette qualité avait été confiée à F______ par décision prise le 23 mars 2017 par une assemblée générale des propriétaires d'étages concernés et confirmée par une assemblée générale du 18 juin 2018. A l'appui de ses objections, la recourante a produit une action introduite le 31 janvier 2019 au Tribunal de première instance tendant notamment à faire annuler la décision prise le 18 avril 2018. Même si la recourante, qui plaide en personne, n'a pas déposé les procès-verbaux des 23 mars 2017 et 18 juin 2018, ses allégations, ainsi que celles contenues dans l'action du 31 janvier 2019 suffisent à mettre en doute que C______ pouvait valablement résilier le bail litigieux. En toute hypothèse, la situation juridique n'est pas claire : les pièces produites par les parties n'amènent à aucune certitude et la question soulevée par la recourante suppose une instruction et une analyse juridique qui ne relèvent pas de la procédure sommaire en protection des cas clairs. Dans ce cadre, se pose également la question de savoir si l'intimée, qui se désigne comme "B______" sans fournir aucune explication sur l'identité des membres de ladite "communauté", avait qualité pour agir en évacuation contre la recourante et si elle pouvait être valablement représentée par O______. Le fait que la procuration en faveur de ce dernier ait été signée par ses soins au nom de la "communauté" précitée en faveur de la société dont il est l'administrateur soulève notamment des questions dont la résolution excède le cadre du pouvoir de cognition du juge saisi d'un litige régi par la procédure sommaire.

Au vu de ce qui précède, le recours se révèle fondé et sera admis. La cause étant en état d'être jugée (art. 327 al. 2 let b CPC), la requête en protection du cas clair sera déclarée irrecevable.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 8 avril 2019 par A______ contre le jugement JTBL/232/2019 rendu le 18 mars 2019 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/13229/2018-8-SE.

Au fond :

Annule les chiffres 1 et 2 du dispositif du jugement attaqué et, statuant à nouveau sur ces points :

Déclare irrecevable la requête en protection du cas clair formée le 7 juin 2018 par la B______ à l'encontre de A______.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.