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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/7447/2017

ACJC/761/2019 du 27.05.2019 sur JTBL/783/2018 ( OBL ) , RENVOYE

Descripteurs : ADMINISTRATION DES PREUVES;MAXIME INQUISITOIRE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;DÉFAUT DE LA CHOSE
Normes : CPC.311.al1; CO.256.al1; CPC.246.al1; CPC.243.al2.letc; Cst.29.al2; CPC.150.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7447/2017 ACJC/761/2019

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 27 MAI 2019

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______,______ (GE), appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 5 septembre 2018, représentée par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile,

et

B______ SA, p.a. C______ SA SA, ______, Genève, intimée, comparant par Me Alain DUBUIS, avocat, avenue C.-F. Ramuz 60, case postale 234, 1001 Lausanne-Pully, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Le 23 octobre 2008, A______, locataire, et D______ SA, alors propriétaire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 3 pièces situé au 10ème étage de l'immeuble sis ______ au ______ (Genève).

Le loyer annuel, charges non comprises, a été fixé par le contrat à 16'800 fr.

b. A une date indéterminée, B______ SA est devenue propriétaire de l'immeuble litigieux.

c. En été 2016, la locataire s'est plainte auprès de la régie représentant la bailleresse de dégâts causés par des excréments de pigeons sur la façade de l'immeuble, de nuisances sonores dues à des travaux en dehors des horaires légaux (notamment samedi et dimanche), de ce que l'immeuble n'était pas entretenu correctement, de la disparition du service de conciergerie, de ce que la porte au niveau du parking ne se fermait que rarement, de ce que l'ascenseur et l'eau étaient trop souvent en panne ou coupés, de la détérioration des boîtes aux lettres et des parties communes ainsi que de la non réduction des charges pour la piscine malgré une diminution du service de celle-ci.

d. Le 9 septembre 2016, la locataire a transmis à la régie une «plainte commune» signée par vingt-six locataires dans laquelle ils se plaignaient d'avoir à supporter des travaux réguliers de «rénovations» d'appartements exécutés à des horaires non légaux, des ouvriers agressifs et non compétents, des locaux dégradés et une tranquillité de l'immeuble inexistante.

e. Par pli du 13 octobre 2016, la régie a contesté le fait que l'immeuble ne soit pas entretenu et que le service de conciergerie ait disparu, de même que les pannes d'ascenseur, ainsi que la diminution du service piscine, l'ensemble des normes étant respectées et des contrôles journaliers effectués. Elle a pris note que la porte du parking fermerait mal, ainsi que du miroir et plaques métalliques rayés. Elle a ajouté que la boîte aux lettres de la locataire fonctionnait parfaitement bien, qu'une protection anti-pigeons avait été installée et qu'il n'y avait aucune rénovation illicite dans l'immeuble, bien qu'elle ne puisse pas exclure que l'un ou l'autre des locataires ait refait sa peinture dans son logement ou utilise sa perceuse de temps à autre.

f. En novembre 2016, trente-trois locataires ont signé une «pétition» pour se plaindre de ce que la porte au niveau parking ne se fermait pas et celle du
rez-de-chaussée se fermait en claquant, de nombreuses coupures d'eau chaude non annoncées, de bruits en raison de travaux et de ce que la propreté de l'immeuble laissait à désirer.

g. Par courrier du 21 mars 2017, la locataire a mis en demeure la bailleresse d'éliminer les défauts de la chose louée d'ici au 30 mars 2017 et a menacé de consigner le loyer en cas d'inaction. Les défauts listés étaient les suivants :

-            bruit de travaux, excessif et constant, suite aux «rénovations» successives, dérangements et agressions y correspondant : à cesser

-            fientes de pigeons sur la façade dus aux appartements «vides» des années avec des balcons ouverts qui servaient de nichoirs : à nettoyer

-            charges payées pour les dizaines de «squatteurs» : à cesser

-            coupure récurrente d'eau : à résoudre

-            ascenseur régulièrement en panne : à résoudre

-            manque d'eau chaude régulièrement : à réparer

-            détériorations dans l'ascenseur et dans l'immeuble en général, miroir et plaques métalliques rayés, gravées, etc. : à réparer

-            service de nettoyage inefficace, immeuble non entretenu correctement, toujours sale : à résoudre

-            plus de service de conciergerie depuis 01.01.14 : à résoudre

-            boîtes aux lettres détériorées : à réparer

-            service piscine diminué : à résoudre

- porte d'entrée RC qui ne se ferme pas et interphone obsolète : à réviser.

h. La régie a répondu à la locataire le 31 mars 2017 qu'il n'y avait pas de travaux dans ses immeubles et qu'aucune rénovation n'était en cours, de sorte qu'il ne saurait y avoir de bruit excessif. Le problème des fientes de pigeons était récurrent et elle allait examiner dans quelle mesure il était possible de nettoyer l'entrée de la locataire dans les meilleurs délais. Une vérification avait permis d'établir qu'il n'y avait aucun «squat» dans l'immeuble. Aucune coupure d'eau intempestive n'avait eu lieu les derniers temps et seule deux interventions sur l'ascenseur avait été effectuées en 2016. Par ailleurs, la locataire était la seule à se plaindre d'un problème d'eau chaude alors que la production de celle-ci était centralisée. La société en charge de l'ascenseur avait été informée de sa détérioration et elle avait transmis à la société en charge de l'entretien de l'immeuble son avis concernant la qualité du nettoyage, relevant être surprise qu'elle soit la seule à s'en plaindre. Elle a encore indiqué qu'elle allait prendre les mesures nécessaires relatives aux boîtes aux lettres détériorées. Le service de la piscine n'avait pas été diminué ce d'autant que les règles étaient strictes en matière d'hygiène. Les mesures nécessaires seraient prises pour régler les problèmes de porte d'entrée et d'interphone.

i. La locataire a consigné le loyer dès le mois d'avril 2017 (compte 1______).

j. Par requête déposée le 3 avril 2017 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, déclarée non conciliée le 1er juin 2017 et portée devant le Tribunal le 3 juillet 2017, la locataire, agissant en personne, a assigné la bailleresse en validation de la consignation du loyer, en exécution de travaux et en réduction de loyer à raison de 30%.

Elle a accompagné sa demande d'un chargé de seize pièces contenant essentiellement des courriers, dont deux échangés entre la régie et deux voisins relatifs à des problèmes de portes ne se fermant pas ou en claquant, de coupures d'eau fréquentes non annoncées, de bruits nuisibles provenant d'ouvriers squattant des logements vides, de la propreté de l'immeuble laissant à désirer, ainsi que de personnes venant de l'Est et occupant un appartement vide trafiquant l'armoire électrique contenant les fusibles du voisin de la locataire.

k. Dans sa réponse du 12 octobre 2017, la bailleresse a conclu principalement à l'irrecevabilité de la requête et à la libération des loyers consignés, subsidiairement à son rejet et à la libération des loyers consignés.

Elle avait immédiatement réagi dès réception du courrier de la locataire du 21 mars 2017 afin de constater ces défauts et le cas échéant les réparer. S'agissant des fientes de pigeons, la pose de filets était examinée, relevant que quelques tâches sur la façade ne sauraient diminuer la jouissance de l'appartement pour la locataire. Concernant la détérioration de l'ascenseur et des boîtes aux lettres, elle avait entrepris les démarches nécessaires à leur résolution, ajoutant qu'elle n'était pas responsable des incivilités commises et qu'une détérioration temporaire qui n'impactait pas le fonctionnement de l'installation ne saurait donner droit à une baisse de loyer. Elle entendait, par ailleurs, prendre rapidement des mesures relatives à la porte d'entrée et à l'interphone. Pour le surplus, l'existence des autres prétendus défauts était niée.

Elle a produit un chargé de seize pièces contenant également essentiellement des courriers.

l. Par courrier du 4 décembre 2017, la locataire a produit de nouvelles pièces.

m. Lors de l'audience qui s'est tenue le 7 décembre 2017 devant le Tribunal, la locataire s'est déterminée sur la réponse de la bailleresse et cette dernière s'est également exprimée.

La locataire a produit un chargé de pièces complémentaire.

n. Le 20 décembre 2017, la locataire a fait parvenir au Tribunal un CD-Rom contenant de nombreuses photos et vidéos relatives aux défauts allégués.

o. Par déterminations du 23 avril 2018, la bailleresse a nié que ces photos et vidéos démontrent l'existence de défauts.

p. Lors de l'audience de débats du 14 juin 2018, la locataire a renoncé à l'audition de son témoin qui ne s'était pas présenté et a souhaité déposer des pièces supplémentaires et une liste de témoins, composée essentiellement d'habitants de l'immeuble litigieux.

La bailleresse s'est opposée à la production de ces nouvelles pièces ainsi qu'à la liste de témoins dans la mesure où ces moyens de preuves étaient, selon elle, tardifs.

Les parties ont renoncé à se déterminer en plaidoiries finales.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a rejeté les éléments de preuve déposés à l'audience, a clôturé la phase d'administration des preuves et a gardé la cause à juger.

B. Par jugement JTBL/783/2018 du 5 septembre 2018, le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure simplifiée, a débouté A______ de toutes ses conclusions (ch. 1 du dispositif), ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire la libération des loyers consignés (compte 1______) en faveur de B______ SA (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

Le Tribunal a notamment retenu que A______ n'avait pas prouvé l'existence de travaux, de même que leur ampleur ou les nuisances provoquées. Si les photographies produites démontraient la présence de pigeons et des traces d'excréments de ces deniers sur d'autres balcons ainsi que sur la façade, A______ n'avait pas prouvé que l'usage de la chose louée en serait restreint, ni que l'atteinte esthétique à l'immeuble serait telle qu'elle constituerait un défaut. Elle avait également échoué à établir la présence de squatteurs dans l'immeuble, de même qu'une éventuelle répercussion sur ses charges d'une telle présence. Si des coupures d'eau avaient effectivement eu lieu, des annonces avaient été posées à ce sujet dans l'immeuble et il ne ressortait pas de la procédure qu'elles seraient en nombre si importants qu'elles constitueraient un défaut de la chose louée, des coupures d'eau justifiées par des travaux devant être tolérées. A______ n'avais pas démontré que l'ascenseur serait régulièrement en panne et qu'elle serait régulièrement en manque d'eau chaude. Des détériorations dans l'ascenseur et dans l'immeuble en général, miroir et plaques métalliques rayés, gravées, etc. n'avaient pas été établies et qu'en tout état cela ne sauraient constituer un défaut de la chose louée. Les photos produites ne permettaient pas de retenir que l'immeuble serait régulièrement dans un état de saleté tel qu'un défaut de la chose louée pourrait être retenu.

Le Tribunal a encore jugé que s'il n'y avait plus de concierge à demeure, une société avait été mandatée par la bailleresse pour s'occuper de l'ensemble des aspects techniques relatifs à l'immeuble de sorte qu'aucun défaut ne saurait être retenu dans ce cadre. De même, le fait que la boîte aux lettres de A______ soit griffée ne saurait constituer un défaut de la chose louée dans la mesure où son utilisation n'en était pas amoindrie. Par ailleurs, si les heures d'ouverture de la piscine avaient effectivement été légèrement restreintes, aucune diminution de la jouissance de la chose louée ne pouvait être retenue. Enfin, la bailleresse avait déclaré en audience avoir modifié la porte d'entrée et l'interphone, lesquels étaient en fin de vie, sans qu'un défaut de la chose louée puisse être retenu.

C. a. Par acte expédié le 8 octobre 2018 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé appel de ce jugement, qu'elle a reçu le 7 septembre 2018. Elle a conclu à l'annulation de cette décision et au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle instruction incluant l'audition de témoins ainsi que la production de pièces nouvelles et pour nouvelle décision.

Subsidiairement, elle a conclu à ce que la bailleresse soit condamnée à lui verser une réduction de loyer de 30% depuis août 2014, à ce que la consignation de loyer effectuée depuis avril 2017 soit validée et à ce que la bailleresse soit condamnée à entreprendre tous les travaux et mesures nécessaires pour supprimer les défauts et problèmes suivants : bruit de travaux excessif et constant, suite aux «rénovations» successives, depuis 2012, fientes de pigeons sur la façade dues aux appartements «vides» des années avec des balcons ouverts qui servaient de nichoirs, ascenseur régulièrement en panne, manque d'eau chaude, détériorations dans l'ascenseur et dans l'immeuble en général, saletés persistantes dans les communs de l'immeuble, absence de service de conciergerie depuis le 1er janvier 2014, boîtes aux lettres détériorées depuis 2012, diminution de l'accès à la piscine depuis 2011 et réparation de la porte d'entrée RC qui ne se ferme pas et interphone obsolète.

A______ fait grief au Tribunal d'avoir violé la maxime inquisitoire sociale et son droit à la preuve en lui refusant la production de nouvelles pièces et en refusant l'auditions de témoins ainsi que de l'avoir déboutée de toutes ses conclusions alors que les pièces produites démontrent que ses conclusions sont fondées.

Elle a produit des pièces nouvelles, soit deux avis aux habitants des 7 février et 20 mars 2018, un avis de coupure d'eau daté du 4 octobre 2018, des courriers/courriels datés des mois de juin et août 2018, un courriel du 2 octobre 2018 et des photographies.

b. Par réponse du 9 novembre 2018, B______ SA a conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais et dépens.

c. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 7 décembre 2018 de ce que la cause était gardée à juger, A______ n'ayant pas fait usage de son droit de réplique.

 

 

 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile commentée, Bâle, 2ème éd. 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4C.310/1996 du 16 avril 1997 consid. 1 in SJ 1997 p. 493).

En l'espèce, dans ses dernières conclusions de première instance, la locataire a conclu à l'exécution de nombreux travaux, aux frais de la bailleresse, et à l'octroi d'une réduction de loyer de 30% (soit 5'040 fr. par année, 30% de 16'800 fr.) dès le mois d'août 2014, de sorte que la valeur litigieuse excède 10'000 fr.

La voie de l'appel est ainsi ouverte.

1.2 Selon l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision.

L'appelant doit motiver son appel (art. 311 al. 1 CPC), c'est-à-dire démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée. Pour satisfaire à cette exigence, il ne lui suffit pas de renvoyer à une écriture antérieure, ni de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée. Sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5D_65/2014 du 9 septembre 2014 consid. 5.4.1).

Interjeté dans le délai de trente jours prévu par la loi (art. 130, 131, 311
al. 1 CPC), l'appel est recevable de ce point de vue.

En tant que l'appelante reproche au Tribunal d'avoir violé la maxime inquisitoire sociale et son droit à la preuve en lui refusant la production de nouvelles pièces et en refusant l'audition de témoins son appel est suffisamment motivé. Ses conclusions sont donc recevables en tant qu'elles portent sur son déboutement par le Tribunal de ses prétentions liées aux défauts allégués en relation avec l'existence de travaux, la présence de fientes de pigeons sur la façade, des coupures d'eau récurrentes, un manque d'eau chaude, un ascenseur régulièrement en panne et des détériorations dans les parties communes.

En revanche, l'appelante ne formule aucune critique contre les considérants du jugement attaqué en tant que le Tribunal a retenu que l'absence de conciergerie à demeure ne constituait pas un défaut puisque la bailleresse avait mandaté une société pour s'occuper de l'ensemble des aspects techniques relatifs à l'immeuble, que le fait que la boîte aux lettres de l'appelante ne constituait pas un défaut puisqu'elle pouvait pleinement l'utiliser, qu'une légère diminution des heures d'ouverture de la piscine n'entraînait pas une diminution de la jouissance de la chose louée et que la porte d'entrée et l'interphone avaient été remplacés de sorte qu'ils fonctionnaient. Compte tenu de ce qui précède, l'appel n'est pas recevable contre le jugement entrepris en tant que l'appelante a été déboutée de ses conclusions à cet égard.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite toutefois des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2011 consid. 5.3.2).

1.4 Selon l'art. 243 al. 2 let. c CPC, la procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des baux à loyer en ce qui concerne la consignation du loyer ou du fermage et la protection contre les loyers ou les fermages abusifs. La maxime inquisitoire sociale régit la procédure (art. 247 al. 2 let. a CPC).

Lorsque les prétentions du locataire en réduction du loyer (art. 259d CO), en raison de défauts pendant le bail, sont complétées par une consignation du loyer (art. 259g CO), la procédure simplifiée est applicable (arrêt n° 219 de la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal vaudois du 14 juin 2017 consid. 2.4.2).

2. 2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, op. cit., n.  6 ad.
art. 317 CPC).

2.2 En l'espèce, les pièces nouvelles produites par l'appelante qui se rapportent à des faits survenus postérieurement à la date à laquelle la cause a été gardée à juger par le Tribunal - soit l'avis de coupure d'eau daté du 4 octobre 2018 et le courriel du 2 octobre 2018 - et qui ont été produites sans retard, sont recevables.

En revanche, les autres documents, antérieurs à la date à laquelle la Cour a gardé la cause à juger, étant relevé qu'il est impossible de déterminer à quelle date ont été prises les photographies produites, sont irrecevables de même que les faits qu'ils comportent. Leur contenu n'est, en tout état de cause, pas déterminant.

3. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir violé la maxime inquisitoire sociale et son droit à la preuve en lui refusant la production de nouvelles pièces et en refusant l'audition de témoins.

3.1 3.1.1 Selon l'art. 256 al. 1 CO, le bailleur est tenu de délivrer la chose dans un état approprié à l'usage pour lequel elle a été louée et de l'entretenir dans cet état.

Conformément aux art. 259a et 259d CO, lorsqu'apparaissent des défauts qui ne sont pas imputables au locataire et auxquels il ne doit pas remédier à ses frais, ou lorsque le locataire est empêché d'user de la chose conformément au contrat, il peut exiger du bailleur, notamment, la remise en état de la chose et une réduction proportionnelle du loyer, pour autant que le bailleur ait eu connaissance du défaut.

Le locataire qui entend se prévaloir des art. 258 ss CO doit prouver l'existence du défaut (Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 303).

3.1.2 Lorsque la maxime inquisitoire sociale est applicable, comme en l'espèce, le tribunal n'est pas lié par les offres de preuves et par les allégués de fait des parties. Il établit les faits d'office et apprécie librement les preuves. Toutefois, les parties ont le devoir de participer à l'établissement des faits et à l'administration des preuves (ATF 139 III 457 consid. 4.4.3.2; 125 III 231 consid. 4a; 118 II 50 consid. 2a).

Le Tribunal décide des mesures à prendre pour que la cause puisse être liquidée autant que possible lors de la première audience (art. 246 al. 1 CPC). Si des circonstances l'exigent, le Tribunal peut ordonner un échange d'écritures et tenir des audiences d'instruction (art. 246 al. 2 CPC).

Le Tribunal peut prendre en considération des faits et moyens de preuve nouveaux jusqu'aux délibérations (art. 229 al. 3 CPC; ATF 139 III 457 consid. 4.4.3.2).

3.1.3 Garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., et concrétisé par l'art. 53 al. 1 CPC, le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1; 137 II 266 consid. 3.2).

Pour les prétentions fondées sur le droit civil fédéral, le droit de faire administrer des preuves suppose que le fait à prouver soit pertinent (art. 150 al. 1 CPC), que ce fait ne soit pas déjà prouvé, que le moyen de preuve proposé soit adéquat et nécessaire pour constater ce fait et que la demande soit présentée régulièrement selon les formes et délais prescrits par la loi de procédure applicable (ATF 133 III 189 consid. 5.2.2; 295 consid. 7.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_403/2007 du 25 octobre 2007 consid. 3.1). Ce droit est concrétisé à l'art. 152 al. 1 CPC, qui dispose que toute partie a droit à ce que le tribunal administre les moyens de preuve adéquats proposés régulièrement et en temps utile (arrêts du Tribunal fédéral 5A_789/2016 précité consid. 3.1; 4A_159/2016 du 1er décembre 2016 consid. 2.1; 5A_876/2015 du 22 avril 2016 consid. 3.3).

Il n'y a pas violation du droit d'être entendu lorsque le Tribunal renonce à administrer des preuves requises car il a formé sa conviction sur la base des preuves déjà administrées et qu'il peut admettre sans arbitraire, en appréciation anticipée des preuves, que l'administration d'autres preuves ne modifierait pas sa conviction (ATF 142 II 218 consid. 2.3; 140 I 285 consid. 6.3.1; 124 I 208 consid. 4a, SJ 1999 I 89; 136 I 229 consid. 5.3, JdT 2011 I 58). Le Tribunal fédéral est toutefois strict dans les cas où le tribunal ignore, sans aucune motivation, les réquisitions de preuve formulées à temps et selon les formes prescrites (arrêt du Tribunal fédéral 5A_487/2009 du 12 octobre 2009 consid. 3.3.1). En cas d'appréciation anticipée des preuves, il doit au moins implicitement en ressortir les raisons pour lesquelles le Tribunal dénie toute importance ou pertinence aux moyens de preuve qu'il n'administre pas (ATF 114 II 289 consid. 2a, JdT 1989 I 84; arrêt du Tribunal fédéral 5P.322/2001 du
30 novembre 2001 consid. 3c, n. p. in ATF 128 III 4).

3.2 En l'espèce, l'appelante a allégué que de nombreux défauts entravent l'usage normal de son logement. Pour prouver l'existence de ces défauts, elle a produit un grand nombre de pièces. L'intimée ayant fait valoir que les pièces produites n'étaient pas probantes, l'appelante a, lors de l'audience de débats du 14 juin 2018, souhaité déposer des pièces nouvelles et faire entendre des témoins.

C'est à tort que l'intimée s'est opposé à la production de ces nouvelles pièces ainsi qu'à la liste des témoins au motif que ces moyens seraient tardifs puisque, lorsque la maxime inquisitoire sociale est applicable, le Tribunal peut prendre en considération des faits et moyens de preuve nouveaux jusqu'aux délibérations.

A l'issue de l'audience de débats du 14 juin 2018, le Tribunal a rejeté les offres de preuves de l'appelante, sans motivation. Dans le jugement entrepris, le Tribunal n'a pas non plus explicité les motifs pour lesquels les pièces que voulait déposer l'appelante et l'audition des témoins sollicitée n'auraient, le cas échéant, pas permis de modifier sa conviction. Ainsi, le Tribunal ne s'est pas expressément déterminé sur les offres de preuves de l'appelante, lesquelles portaient manifestement sur des faits pertinents.

Au vu de la maxime inquisitoire sociale applicable au présent litige, le Tribunal était tenu d'établir les faits d'office. Ainsi, sur la seule base du dossier et de l'audition des parties, il ne pouvait, sans arbitraire, prétendre apprécier les preuves de manière anticipée et débouter l'appelante, sans lui laisser la possibilité de prouver ses allégations, de nature à modifier l'issue du litige. Par conséquent, le droit d'être entendue de l'appelante a été violé. Le Tribunal n'était donc pas fondé à retenir que l'appelante avait échoué à prouver que l'usage normal de son logement était entravé par l'existence de travaux, la présence fientes de pigeons sur la façade, des coupures d'eau récurrentes, un manque d'eau chaude, un ascenseur régulièrement en panne et des détériorations dans les parties communes.

Au vu de ce qui précède, le jugement querellé sera annulé en tant qu'il déboute l'appelante de ses conclusions en relation avec les défauts allégués mentionnés dans le paragraphe précédent et la cause sera renvoyée au Tribunal pour instruction au sens des considérants et nouvelle décision sur ces points.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 8 octobre 2018 par A______ contre le jugement JTBL/783/2018 rendu le 5 septembre 2018 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/7447/2017-4-OSD en tant qu'il l'a déboutée de ses conclusions en relation avec les défauts allégués portant sur l'existence de travaux, la présence de fientes de pigeons sur la façade, des coupures d'eau récurrentes, un manque d'eau chaude, un ascenseur régulièrement en panne et des détériorations dans les parties communes, et irrecevable pour le surplus.

Au fond :

Annule ce jugement en tant qu'il a débouté A______ de ses conclusions en relation avec les défauts allégués mentionnés dans le paragraphe précédent.

Renvoie la cause au Tribunal des baux et loyers pour instruction et nouvelle décision au sens des considérants.

Dit que la procédure est gratuite.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Messieurs Alain MAUNOIR et Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005
(LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, aux conditions de l'art. 93 LTF.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure à 15'000 fr.