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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/22448/2016

ACJC/731/2019 du 20.05.2019 sur JTBL/754/2018 ( OBL ) , CONFIRME

Descripteurs : BAIL À LOYER;NULLITÉ;RÉSILIATION
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22448/2016 ACJC/731/2019

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 20 MAI 2019

 

Entre

HOTEL A______, sis ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 27 août 2018, comparant par Me Boris LACHAT, avocat, rue de De-Candolle 18, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Serge PATEK, avocat, boulevard Helvétique 6, case postale, 1211 Genève 12, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/754/2018 du 27 août 2018, expédié pour notification aux parties le même jour, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a déclaré nul le congé du 21 octobre 2016, notifié à B______ par HOTEL A______, pour le 28 février 2017, portant sur l'arcade commerciale située au rez-de-chaussée de l'immeuble sis 1______ à Genève (ch. 1 du dispositif), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

En substance, les premiers juges ont retenu que "HOTEL A______" était une enseigne, dépourvue de personnalité juridique, de sorte qu'elle ne pouvait pas être le cocontractant du locataire et donner le congé. Dès lors, celui-ci devait être déclaré nul.

B. a. Par acte déposé le 27 septembre 2018 au greffe de la Cour de justice, l'"HOTEL A______" forme appel contre ce jugement, dont il sollicite l'annulation. Il conclut, à titre préalable, à ce que soient déclarées irrecevables les plaidoiries finales déposées par sa partie adverse le 28 février 2018 auprès du Tribunal et que celles-ci soient retournées à leur auteur. Il conclut également, toujours à titre préalable, à ce que le courrier que B______ a adressé le 14 mars 2018 au Tribunal lui soit également retourné. Principalement, il conclut à ce que le congé donné le
21 octobre 2016 avec effet au 28 février 2018 soit validé, à ce que toute prolongation de bail soit refusée à sa partie adverse et à ce que soit prononcée l'évacuation de B______ de sa personne, de ses biens et de tous tiers de l'arcade litigieuse. Il conclut enfin à ce qu'il soit constaté que le Tribunal a violé son droit d'être entendu, le principe de célérité et les principes régissant la notification des actes de procédure. A titre subsidiaire, il conclut à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal.

L'"HOTEL A______" produit une pièce nouvelle, soit une attestation du 4 mai 2016 de C______, adressée «à qui de droit».

b. Dans sa réponse du 7 novembre 2018, B______ (ci-après : le locataire) conclut, à titre préalable, à l'irrecevabilité de la pièce nouvelle, principalement, à la confirmation du jugement entrepris, subsidiairement, à l'annulation du congé litigieux, et plus subsidiairement, à l'octroi d'une prolongation de bail de six ans, échéant au 29 février 2024.

c. L'"HOTEL A______" ayant renoncé à faire usage de son droit de réplique, les parties ont été avisées le 3 décembre 2018 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments pertinents suivants résultent du dossier :

a. En date du 11 février 2005, [la société] «D______ A______», bailleresse, et B______, locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'une arcade commerciale au rez-de-chaussée de l'immeuble sis 1______ à Genève, soit dans l'immeuble où se situe l'Hôtel A______.

C______ est propriétaire de longue date de l'immeuble susmentionné, soit l'immeuble 2______, ayant pour adresses 3______ et 1______.

Le bail a été conclu pour une durée initiale de cinq ans, soit du 1er mars 2005 au 28 février 2010, avec clause de renouvellement tacite d'année en année, sauf résiliation notifiée par l'une ou l'autre des parties, moyennant préavis de trois mois.

Le loyer mensuel, charges non comprises, a été fixé à 2'550 fr., auxquels s'ajoute la TVA.

Pour la partie bailleresse, le contrat a été signé par E______, directeur général, et F______, directeur financier.

Le contrat mentionne que l'adresse de la bailleresse est au 3______ à Genève.

b. Par courrier recommandé et avis officiel datés du 21 octobre 2016, «HOTEL A______», dont l'adresse est mentionnée au 3______ à Genève, a résilié le bail susmentionné pour le 28 février 2017. Les signataires du courrier et de l'avis officiel sont G______ et F______, présentés respectivement comme directeur général et directeur financier de l'entité susmentionnée.

c. Par courrier recommandé du 14 novembre 2016 adressé à «HOTEL A______», B______, faisant référence au «bail à loyer du 11 février 2005», sollicitait notamment de connaître le motif du congé.

d. Par requête adressée le 15 novembre 2016 à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, B______ a conclu à l'annulation du congé, subsidiaire-ment au report des effets de celui-ci et à l'octroi d'une prolongation de bail de six ans. Il a dirigé sa requête contre «HOTEL A______», ayant pour adresse 3______, [code postal] Genève.

Non conciliée le 20 février 2017, l'affaire a été portée devant le Tribunal le 14 mars 2017, par une requête identique.

e. Lors de l'audience du 24 mai 2017, la partie bailleresse, représentée par son conseil, a conclu à la validation du congé, admettant toutefois que ses effets devaient être reportés au 28 février 2018, et au rejet des conclusions subsidiaires du locataire en prolongation de bail.

Les parties ont été interrogées par le Tribunal relativement à la motivation du congé et à la question subsidiaire de la prolongation.

f. Interrogé par le Tribunal le 11 octobre 2017, G______ a déclaré que la propriétaire de l'immeuble était C______, mais que celle-ci déléguait la gestion du bien. Jusqu'au 30 juin 2016, c'était la société «D______ AG», ayant son siège à Zurich, qui devait assurer la gestion de l'hôtel, laquelle avait toutefois délégué à son tour celle-ci à l'enseigne «SWISS HOTEL A______» (recte : «D______ A______»). Depuis le 1er juillet 2016, le mandat avec «D______ AG» était arrivé à échéance et c'était la société H______ SA, basée dans le canton de Vaud, qui avait repris la gestion de l'établissement pour le compte de la propriétaire.

G______ a indiqué que ce n'était pas ladite société, mais C______ qui lui avait donné pour instruction de résilier le bail de l'arcade litigieuse, ajoutant que H______ SA n'avait pas de compétence pour agir en son propre nom, n'étant pas elle-même locataire de l'établissement.

Il a précisé que le nom de l'établissement, soit "Hôtel A______", demeurait inchangé, quel que soit l'exploitant.

Il est également ressorti de ses déclarations que l'exploitant de l'hôtel avait recommandé à C______ de prendre les dispositions pour que le local litigieux soit récupéré, aux fins d'y créer une conciergerie. G______ a précisé que, lors de ses contacts avec C______, celle-ci avait voulu examiner toutes les options possibles et, de ce fait, avait également considéré l'idée d'installer une chocolaterie, qui aurait été exploitée par l'hôtel.

F______, également interrogé par le Tribunal, a déclaré que le prédécesseur de G______ avait déjà songé à requérir de C______ la libération du local pour y créer une conciergerie, mais ne l'avait pas fait.

g. H______ SA a été inscrite au Registre du commerce du canton de Vaud le ______ 2016. G______ dispose d'un droit de signature collective à deux dans le cadre de ladite société.

Il est admis que «D______ A______» et «HOTEL A______» ne sont que des enseignes, non inscrites au Registre du commerce.

h. En date du 31 octobre 2017, le conseil de la partie bailleresse a adressé au Tribunal un courrier de la veille de C______, par lequel la ______ [fonction au sein de la propriétaire C______] I______ confirmait avoir demandé oralement à G______, directeur général de l'Hôtel A______, de résilier le bail litigieux lors d'une réunion du 2 septembre 2016.

i. Le 24 janvier 2018 s'est tenue une audience d'audition de témoins, laquelle a porté sur les allégués de fait en lien avec les conclusions en annulation de congé.

A l'issue de l'audience du 24 janvier 2018, le Tribunal a fixé un délai aux parties pour le dépôt des plaidoiries finales écrites.

j. HOTEL A______ a persisté dans ses conclusions, tandis que B______ a conclu principalement à la nullité du congé, au motif que les signataires des courriers et avis de résiliation n'étaient pas habilités à engager la bailleresse. Au surplus, il a persisté dans ses conclusions.

Le locataire a par ailleurs, dans le cadre de son écriture, fait état de déclarations de sa partie adverse faites en audience de conciliation, en lien avec la question de l'annulation du congé.

k. Par courrier du 5 mars 2018 au Tribunal, le conseil de "HOTEL A______" a contesté les propos que lui avait prêtés sa partie adverse lors de l'audience de conciliation et a sollicité qu'un bref délai soit accordé à celle-ci pour retrancher de ses plaidoiries finales le paragraphe contenant lesdites allégations.

Par avis du 7 mars 2018, le Tribunal a adressé au locataire, pour information, une copie du courrier précité.

Par courrier du 14 mars 2018, le représentant du locataire a indiqué ne pas s'opposer à la suppression, dans ses plaidoiries finales écrites, de la phrase incriminée.

Par courrier du 19 mars 2018, le conseil de "HOTEL A______" a reproché au Tribunal de ne pas lui avoir transmis une copie de son avis précité du 7 mars 2018, indiquant qu'en conséquence il ignorait si le Tribunal avait fixé un délai à sa partie adverse pour retrancher l'intégralité du paragraphe en question, sous peine de ne pas les prendre en considération.

Il a relevé au surplus que la réponse de sa partie adverse était «insatisfaisante», puisqu'il n'était pas admissible que le dossier en mains du Tribunal contienne de telles allégations.

l. Suite à la réception de ce courrier, la cause a été gardée à juger par le Tribunal.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_447/2013 du 20 novembre 2013 consid. 1 et 4C_310/1996 du 16 avril 1997 = SJ 1997 p. 493 consid. 1).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 19 consid. 1.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_367/2010 du 4 octobre 2010 consid. 1.1; 4A_127/2008 du 2 juin 2008 consid. 1.1; 4A_516/2007 du 6 mars 2008 consid. 1.1).

1.2 En l'espèce, au vu du loyer mensuel des locaux, la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr.

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; Hohl, Procédure civile, tome II, 2010, n. 2314 et 2416; Rétornaz in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 349 ss, n. 121).

2. 2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 6 ad art. 317 CPC).

2.2 En l'espèce, la recevabilité de la pièce nouvellement produite par l'appelant peut demeurer indécise, dite pièce n'étant pas déterminante pour la solution du litige, comme il sera vu plus loin.

3. "HOTEL A______" conclut, à titre préalable, à ce que les plaidoiries finales déposées par sa partie adverse devant le Tribunal soient déclarées irrecevables et retournées à leur auteur, de même que le courrier de l'intimé du 14 mars 2018 adressé au Tribunal, au motif que lesdits documents violent le secret de la conciliation.

Dans la mesure toutefois où les allégations incriminées - qui n'ont quoi qu'il en soit pas été reprises par les premiers juges dans le cadre du jugement entrepris - ne portent pas sur des faits en lien avec la problématique de la validité formelle du congé, cette question est sans incidence sur l'issue du litige, comme il sera vu
ci-après, et peut donc demeurer indécise.

4. "HOTEL A______" fait grief au Tribunal d'avoir déclaré nul le congé du
21 octobre 2016, au motif qu'il a été donné par une entité qui ne dispose pas de la personnalité juridique et n'existe donc pas, et ne peut donc pas être la partie bailleresse au contrat litigieux.

4.1 4.1.1 En vertu de l'art. 253 CO, le bail à loyer est un contrat par lequel le bailleur s'oblige à céder l'usage d'une chose au locataire, moyennant un loyer.

L'art. 1 al. 1 CO stipule par ailleurs qu'un contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté.

Dans la mesure où le bail ne fait naître que des obligations, le bailleur ne dispose pas nécessairement d'un droit réel sur la chose louée (arrêts du Tribunal fédéral 4D_128/2010 du 1er mars 2011 consid. 2.2 et 4A_104/2013 du 7 août 2013 consid. 2.1). Savoir qui est propriétaire des locaux n'est dès lors pas déterminant et celui qui figure sur le contrat comme bailleur doit en principe être considéré comme tel.

Ne peut cependant être partie à un contrat de bail qu'une personne physique ou une personne morale, à savoir un individu ou une entité disposant de la personnalité juridique (Bohnet/Montini, Droit du bail à loyer, Bâle, 2ème éd. 2017, n. 2 ad art. 253 CO). Il a déjà été jugé qu'une enseigne n'a pas cette qualité (ACJC/1321/2010 du 15 novembre 2010 consid. 3.3).

4.1.2 Le contrat de bail de durée indéterminée, qui a été conclu entre le bailleur et le locataire, doit nécessairement être résilié par l'un d'eux, qui doit communiquer cette résiliation à l'autre (art. 266a al. 1 CO).

Le bailleur peut signer lui-même la résiliation, mais il peut aussi confier le soin de signifier la résiliation à un représentant (art. 32 al. 1 CO), par exemple à un gérant ou à une régie, qui la signera. Celui-ci doit alors agir au nom du bailleur et signer en tant que représentant : sous la rubrique «bailleur» de l'avis de résiliation doit figurer le nom du bailleur et, sous la rubrique «représenté par» doit être indiqué le nom du représentant (arrêt du Tribunal fédéral 4A_193/2018 du 27 juillet 2018 consid. 4.1.1). Si le représentant a agi sans pouvoirs, la résiliation est nulle; la question de savoir si une résiliation peut être guérie par une ratification ultérieure du bailleur est controversée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_193/2018 du 27 juillet 2018 consid. 4.1.1; 4C_17/2004 du 2 juin 2004 consid. 5.3.1). Il a ainsi été jugé que lorsque le mari et son épouse sont cobailleurs et indiqués comme tels dans la résiliation et que le mari seul l'a signée, celle-ci est valable lorsque l'époux était également autorisé à agir pour le compte de sa femme et que le locataire destinataire devait l'inférer des circonstances (arrêt du Tribunal fédéral 4C_17/2004 du 2 juin 2004 consid. 5.1, 5.3.2 et 5.3.2.3). En revanche, il a été jugé que lorsque, sous la rubrique «bailleur», figure le nom du mari de la bailleresse et sous la rubrique «représenté par», le nom de la régie, il n'est pas possible d'admettre de bonne foi que la résiliation a été valablement communiquée par l'épouse bailleresse, même si le locataire a bien compris qu'une résiliation du bail de son appartement lui était signifiée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_196/2016 du 24 octobre 2016 consid. 3.3.1). En ce qui concerne les pouvoirs du représentant, il n'est pas nécessaire qu'ils ressortent de la résiliation elle-même; il suffit que le locataire ait dû inférer des circonstances qu'il existait un rapport de représentation (cf. art. 32 al. 2 CO; arrêts du Tribunal fédéral 4A_193/2018 du 27 juillet 2018 consid. 4.1.1; 4C.17/2004 du 2 juin 2004 consid. 5.3.1).

La résiliation du bail est la manifestation de volonté unilatérale d'une partie; il s'agit aussi d'un acte formateur. La détermination de son sens et de sa portée s'effectue conformément aux principes généraux en matière d'interprétation des manifestations de volonté (ATF 121 III 6 consid. 3c; arrêts du Tribunal fédéral 4A_343/2017 du 1er mai 2018 consid. 2.1; 4A_347/2017 du 21 décembre 2017 consid. 5.2.1; 4A_321/2017 du 16 octobre 2017 consid. 4.3; 4A_196/2016 du 24 octobre 2016 consid. 3.1.2).

A cet égard, la volonté subjective des parties (soit, d'un côté, celui qui fait la déclaration et, de l'autre, celui qui la réceptionne) a la priorité sur la volonté objective (ATF 123 III 35 consid. 2b). Si le destinataire de la manifestation de volonté l'a effectivement comprise ainsi que le voulait son auteur, la déclaration vaut dans le sens que lui ont donné les deux parties (volonté réelle ou subjective); si le destinataire de la manifestation ne l'a pas comprise ainsi que le voulait son auteur, le sens compris ne correspond pas au sens voulu et il faut résoudre la difficulté en appliquant le principe de la confiance (Gauch/Schluep/Schmid, Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, T. I, 10ème éd. 2014, n. 206 et 213-221).

Sur le plan procédural, le juge doit donc rechercher, dans un premier temps, la volonté réelle et commune des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2; 132 III 626 consid. 3.1; 131 III 606 consid. 4.1). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à celle qui fait l'objet du litige ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des parties
elles-mêmes (arrêt du Tribunal fédéral 4A_193/2018 du 27 juillet 2018 consid. 4.1.2).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties -parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit, dans un deuxième temps, recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre ; il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2).

4.1.3 Il ne faut pas confondre les principes applicables à l'interprétation des manifestations de volonté avec les règles strictes relatives à l'indication des parties en procédure civile, lesquelles présupposent la capacité d'être partie et la capacité d'ester en justice, sous peine d'irrecevabilité de la demande (art. 66 s. et 59 al. 1
et 2 let. c CPC).

En vertu de l'art. 62 al. 1 CPC, lorsque la procédure au fond doit être précédée d'une tentative de conciliation (art. 197 CPC), l'instance est introduite par le dépôt de la requête de conciliation. Partant, la litispendance débute à ce moment-là (titre marginal de l'art. 62 CPC). Celle-ci a en particulier pour effet d'interdire aux parties de porter la même action devant une autre autorité (exception de litispendance; art. 64 al. 1 let. a CPC) et de fixer définitivement le for (perpetuatio fori; art. 64 al. 1 let. b CPC). Elle entraîne également la fixation de l'objet du procès et la fixation des parties à celui-ci, des modifications n'étant alors possibles qu'aux conditions restrictives prévues par le code (arrêt du Tribunal fédéral 4A_385/2014 du 29 septembre 2014 consid. 4.1). Ainsi, en principe, le procès demeure lié entre les parties originaires et les faits qui se produisent après le début de la litispendance sont sans influence sur la personne des parties. Une substitution de partie - c'est-à-dire un changement de partie - au procès ne peut avoir lieu qu'avec le consentement de la partie adverse (art. 83 al. 4 1ère phrase CPC), sous réserve du cas de l'aliénation de l'objet du litige (art. 83
al. 1 CPC) et des dispositions spéciales prévoyant une succession légale (art. 83 al. 4 2ème phrase CPC).

La requête de conciliation doit donc renfermer tous les éléments nécessaires à l'identification du litige (Message du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse [CPC], FF 2006 6841 ch. 5.13 p. 6939). Elle doit désigner de manière précise les parties au procès, en particulier la partie adverse (art. 202 al. 2 CPC). Après l'échec de la conciliation, le demandeur se voit délivrer une autorisation de procéder qui indique notamment les noms et les adresses des parties, et, le cas échéant, de leurs représentants (art. 209 al. 2 let. a CPC). Lorsque le demandeur rédige sa demande, à laquelle il joint l'autorisation de procéder (art. 221 al. 2 let. b CPC), il lui suffit donc de reprendre la désignation de sa partie adverse telle qu'elle figurait dans sa requête de conciliation, respectivement dans l'autorisation de procéder (cf. art. 221 al. 1 let. a CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_385/2014 précité consid. 4.1).

Comme l'a relevé le Tribunal fédéral dans un arrêt rendu sous l'ancien droit de procédure (arrêt du Tribunal fédéral 4P_200/2004 du 17 novembre 2004 consid. 2.2), la substitution des parties doit être soigneusement distinguée de la rectification des qualités des parties, la seconde entrant en ligne de compte lorsqu'une erreur affecte la dénomination de l'une des parties. Cette hypothèse vise le cas d'une simple erreur, distincte à ce titre d'une modification formelle du lien d'instance, et qui peut en conséquence se limiter à faire l'objet d'une correction par voie prétorienne, sans commander l'annulation de l'acte qu'elle affecte. Encore faut-il, selon notre Haute Cour, que l'erreur commise soit aisément décelable et rectifiable tant pour la partie adverse que pour le juge, le risque de confusion n'existant pas.

Il a déjà été jugé que tout risque de confusion pouvait être écarté, bien que la désignation erronée se rapporte à une tierce partie qui existait effectivement, si la véritable débitrice pouvait être identifiée par l'indication des numéros de séquestres en cause et du montant des créances en poursuites (arrêt du Tribunal fédéral P_898/1986 du 6 novembre 1986 consid. 3c, publié in SJ 1987 p. 22) ou si la partie avait effectivement su ce qu'elle devait savoir, soit que les prétentions découlant d'un contrat d'entreprise mentionné dans la demande ne pouvaient concerner qu'elle-même et non la société mentionnée par erreur (ATF 114 III 335 consid. 3b).

4.2 En l'espèce, se pose en premier lieu la question de la recevabilité de la requête déposée en conciliation par l'intimé, dans la mesure où celle-ci a été dirigée contre une enseigne, qui ne dispose donc pas de la personnalité juridique (ACJC/1321/2010 du 15 novembre 2010 consid. 3.3).

Les premiers juges ont considéré que ce serait faire preuve de formalisme excessif que de déclarer irrecevable la requête de conciliation de l'intimé, étant donné qu'il n'était pas en mesure d'identifier sa partie adverse.

Ils se sont référés à ce titre à un arrêt de la Cour de justice (ACJC/1321/2010
du 15 novembre 2010), portant sur une requête introduite au nom de l'enseigne d'un café-restaurant, plutôt qu'aux noms des associés-gérants de la société à responsabilité limitée exploitant l'établissement.

4.2.1 Le contrat de bail litigieux a été établi, pour la partie bailleresse, au nom de «D______ A______». Il est établi que dite entité, tout comme «HOTEL A______», ne possède pas la personnalité juridique.

Il découle par ailleurs des pièces versées au dossier et de l'audition des signataires du congé, que la décision de résilier le bail a été prise par la propriétaire des murs, soit C______; à ce titre, les sociétés qui ont été amenées à gérer l'hôtel n'agissaient que sur délégation de la propriétaire, sans avoir la qualité de locataire. Il faut dès lors en déduire qu'il s'agissait uniquement d'une représentation au sens de l'art. 32 al. 1 CO et que la bailleresse est C______, depuis le début du contrat.

Dans la mesure où la confusion liée à l'identité de la bailleresse est due à cette dernière ou à ses représentants, déclarer irrecevable la requête du locataire en contestation du congé au motif qu'il a dirigé sa requête contre une entité inexistante (dépourvue de personnalité juridique) serait faire preuve de formalisme excessif, celui-ci pouvant se fier de bonne foi aux indications figurant sur l'avis de résiliation et sur le bail.

4.3 Comme il a été vu, l'éventuelle nullité du congé doit être examinée au regard des informations en possession du destinataire de la résiliation au moment de la notification, sans égard aux explications qui pourraient avoir été fournies postérieurement, notamment dans le cadre de la procédure en contestation de congé. Les faits postérieurs ne peuvent entrer en ligne de compte qu'au titre d'indices permettant de découvrir la volonté réelle des parties à l'époque du congé (arrêt du Tribunal fédéral 4A_193/2018 du 27 juillet 2018 consid. 4.1.2).

En l'espèce, le contrat de bail a été établi, pour la partie bailleresse, au nom de «D______ A______, 3______, [code postal] Genève», et a été signé par E______ et F______, désignés respectivement comme directeur général et directeur financier de l'entité précitée.

En ce qui concerne le congé, il a été notifié par «HOTEL A______, 3______, [code postal] Genève», et signé par G______ et F______, en qualités respectives de directeur général et directeur financier de l'entité précitée.

Le locataire a dirigé sa requête en contestation du congé contre «HOTEL A______», ayant son siège 3______, [code postal] Genève.

Le locataire n'ayant pas dirigé sa requête contre la véritable bailleresse - C______ -, force est en premier lieu de constater que les volontés des parties divergent s'agissant du sens et de la portée de la résiliation (interprétation subjective), puisque le locataire a dirigé sa requête contre une entité qui n'est pas bailleresse. Aucun élément au dossier ne permet en outre de penser qu'il avait connaissance de qui était la véritable bailleresse, bien au contraire.

Il y a lieu dès lors d'interpréter le sens et la portée de la résiliation selon le principe de la confiance (interprétation objective).

Conformément à ce que le Tribunal fédéral a jugé dans l'arrêt précité 4A_196/2016 du 24 octobre 2016, il n'est pas possible, dans le présent cas, d'admettre de bonne foi que la résiliation a été valablement communiquée par la bailleresse, même si le locataire a compris qu'une résiliation du bail des locaux litigieux lui était signifiée, tant il est vrai que dite résiliation a été notifiée au nom d'une entité qui n'est pas la bailleresse. Par ailleurs, le contrat de bail lui-même se réfère à une autre entité que la véritable bailleresse, de sorte qu'on ne pouvait attendre du locataire qu'il sache qui était sa cocontractante. La consultation du Registre foncier, si tant est qu'elle pouvait être exigible de sa part, ne lui aurait en outre été d'aucun secours pour déterminer qui était la bailleresse, puisque, comme il a été vu, le bail ne fait naître que des obligations, si bien que le bailleur ne dispose pas nécessairement d'un droit réel sur la chose louée (arrêts du Tribunal fédéral 4D_128/2010 du 1er mars 2011 consid. 2.2; 4A_104/2013 du 7 août 2013 consid. 2.1).

Enfin, et contrairement à ce que soutient l'appelante, le présent cas se distingue du cas tranché par le Tribunal fédéral le 27 juillet 2018 (arrêt 4A_193/2018), en ce sens que, dans cette affaire, le locataire avait indéniablement identifié ses bailleurs, malgré la mention erronée figurant sur l'avis officiel de résiliation.

4.4 Au vu de ce qui précède, le jugement entrepris sera confirmé, par substitution de motifs, en tant qu'il déclare nul le congé litigieux.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 27 septembre 2018 par «HOTEL A______» contre le jugement JTBL/754/2018 rendu le 27 août 2018 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/22448/2016.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE et Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Monsieur Pierre STASTNY et Monsieur Grégoire CHAMBAZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

Le président :

Ivo BUETTI

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.