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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1356/2020

ATAS/848/2020 du 07.10.2020 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1356/2020 ATAS/848/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 7 octobre 2020

4ème Chambre

 

En la cause

A______, sis à GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, Service juridique, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


 

EN FAIT

1.        A______ (ci-après : la société ou la recourante) exploite un restaurant.

2.        Le 13 avril 2020, la société a demandé une indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail (ci-après : RHT), dès le 17 mars 2020 pour une période indéterminée.

3.        Par décision du 14 avril 2020, l'office cantonal de l'emploi (ci-après : l'OCE ou l'intimé) a indiqué que, pour autant que les autres conditions du droit soient remplies, la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après la CCGC) pouvait octroyer à la société l'indemnité en cas de RHT pour la période du 13 avril au 12 octobre 2020.

4.        Le 16 avril 2020, la gérante de la société a contesté la date d'octroi de l'indemnité en cas de RHT, car elle avait dû fermer son établissement obligatoirement le 16 mars 2020, sur ordre du Conseil fédéral. Elle demandait dans ces conditions l'octroi de l'indemnité pour RHT à partir du 17 mars 2020, précisant se trouver dans une situation compliquée.

5.        Par décision sur opposition du 22 avril 2020, l'OCE a indiqué que selon la directive du 9 avril 2020 du Secrétariat d'État à l'économie (ci-après : le SECO), pour les demandes déposées en retard, le 17 mars 2020 était considéré comme la date de réception, si l'entreprise avait dû fermer en raison des mesures prises par les autorités et qu'elle avait déposé sa demande avant le 31 mars 2020 (date de réception/cachet de la Poste). En l'espèce, la société exploitait un établissement public visé par l'art. 6 de l'ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19) du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19 - RS 818.101.24) et avait donc été contrainte de fermer ses locaux. Elle avait toutefois déposé sa demande après le 31 mars 2020, soit le 13 avril 2020. En application de la directive précitée, c'était à juste titre que les indemnités lui avaient été octroyées dès le 13 avril 2020.

6.        Par courrier reçu le 5 mai 2020 à l'OCE et transmis à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice le 12 mai 2020, la société a recouru contre la décision précitée. Son établissement avait dû fermer le 16 mars 2020 à 18h sur ordre du Conseil fédéral en raison de la pandémie qui touchait la Suisse. Le bureau de la direction se situant dans le restaurant, la gérante de la société n'avait pu avoir accès à l'informatique, en particulier à ses courriels, ni échanger avec sa fiduciaire pour remplir les documents et faire les démarches en vue de percevoir les indemnités en cas de RHT. De plus, ayant des enfants en bas âges, la gérante n'avait pu se déplacer tout de suite par peur de contaminer sa famille. Elle était restée plus de deux semaines en quarantaine, raison pour laquelle la demande avait été reçue par l'OCE tardivement. Elle n'avait pas eu connaissance d'une date butoir ou d'un article de loi concernant la remise de la demande. Ainsi, elle demandait à l'intimé de revenir sur sa décision à titre exceptionnel et de lui accorder les indemnités de manière rétroactive au 17 mars 2020, afin de pouvoir payer ses salariés et faire face à cette situation toujours plus compliquée.

7.        Par réponse du 26 mai 2020, l'intimé, considérant que la recourante n'apportait aucun élément nouveau dans son recours, a persisté intégralement dans les termes de sa décision sur opposition.

8.        Le 11 juin 2020, la recourante a informé l'intimé qu'elle contestait la décision du 14 avril 2020. Elle avait dû fermer l'établissement sur ordre fédéral. Il était exact qu'elle avait envoyé les documents un peu tardivement, mais, à l'époque, elle était choquée. Elle venait d'ouvrir à peine sept mois auparavant et ne savait pas comment faire avec du personnel à charge. Au moment de la demande, tout était fermé. Même sa fiduciaire fonctionnait au ralenti. Elle s'excusait d'avoir pris du temps pour se faire une idée. Elle avait quand même payé les salaires de son personnel. Elle demandait à l'intimé de revenir sur sa décision, car sa survie en dépendait.

9.        Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l'assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

3.        Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l'intimé de verser à la recourante l'indemnité en cas de RHT pour la période du 17 mars au 12 avril 2020.

4.        Selon l'art. 31 al. 1 LACI, les travailleurs dont la durée normale de travail est réduite ou l'activité suspendue ont droit à l'indemnité en cas de RHT, à certaines conditions.

Selon l'art. 36 al. 1 LACI, lorsqu'un employeur a l'intention de requérir une indemnité en faveur de ses travailleurs, il est tenu d'en aviser l'autorité cantonale par écrit dix jours au moins avant le début de la RHT. Le Conseil fédéral peut prévoir des délais plus courts dans des cas exceptionnels et le préavis est renouvelé lorsque la RHT dure plus de trois mois.

L'employeur doit remettre le préavis à l'organe compétent ou à la Poste au plus tard le dixième jour qui précède le début de la RHT (art. 29 al. 3 LPGA).

Pour lutter contre l'épidémie de coronavirus (ci-après : COVID-19), le Conseil fédéral a pris une série de mesures urgentes.

Le 13 mars 2020, il a adopté l'ordonnance 2 COVID-19, qui limitait l'accueil dans les restaurants à 50 personnes (art. 6 al. 4). Le 17 mars 2020, le Conseil fédéral a modifié cette ordonnance en ordonnant cette fois la fermeture des restaurants (art. 6 al. 2 let. b).

Le 20 mars 2020, le Conseil fédéral a adopté l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage, avec une entrée en vigueur rétroactive au 17 mars 2020, qui prévoyait notamment que dès cette date plus aucun délai d'attente ne devait être déduit de la perte de travail à prendre en considération (art. 3) et que l'employeur pouvait demander le versement de l'indemnité en cas de RHT sans devoir l'avancer (art. 6).

L'ordonnance COVID-19 assurance-chômage a ensuite été modifiée le 26 mars 2020, avec effet rétroactif au 17 mars 2020 également (art. 9), avec notamment l'introduction d'un nouvel art. 8b qui prévoit que l'employeur n'est pas tenu de respecter un délai de préavis, lorsqu'il a l'intention de requérir l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail en faveur de ses travailleurs (al. 1). Le préavis de réduction de l'horaire de travail peut également être communiqué par téléphone et l'employeur est tenu de confirmer immédiatement par écrit la communication téléphonique (al. 2).

Dans la directive du 9 avril 2020, le SECO a précisé que pour les demandes déposées en retard, le 17 mars 2020 est considéré comme la date de réception, si l'entreprise a dû fermer en raison des mesures prises par les autorités et qu'elle a déposé sa demande avant le 31 mars 2020 (date de réception / cachet de la poste).

La chambre de céans a jugé dans un arrêt de principe du 25 juin 2020 (ATAS/510/2020) qu'en admettant la rétroactivité des demandes déposées avant le 31 mars 2020, le SECO avait adopté une pratique contraire à l'art. 8b de l'ordonnance COVID-19 assurance-chômage et à la non-rétroactivité des indemnités en cas de RHT au sens des art. 36 LACI et 58 OACI. Il ressortait de l'interprétation de l'art. 8b précité que le Conseil fédéral avait supprimé le délai de préavis, mais pas le préavis lui-même. En d'autres termes, une indemnisation pour RHT devait toujours être annoncée à l'avance, même en application de l'art. 8b. Ainsi, entre le 17 mars et le 31 mai 2020, lorsqu'il avait l'intention de requérir une indemnité en faveur de ses travailleurs, l'employeur ne devait plus respecter un délai de préavis de 10 jours avant d'introduire la RHT. Cela étant, il restait tenu d'aviser l'autorité cantonale, par écrit, avant le début de la RHT en question, le droit aux indemnités ne pouvant naître rétroactivement à l'avis. Pendant cette période particulière, la date du préavis de RHT correspondait ainsi au début de la RHT et au début de l'indemnisation.

5.        a. En l'espèce, la recourante gère un restaurant qui a dû fermer le 16 mars 2020 en exécution de l'art. 6 de l'ordonnance 2 COVID-19. Ce n'est toutefois que le 13 avril 2020 qu'elle a déposé un préavis de RHT avec effet au 17 mars 2020. Comme cela ressort des considérants précités, jusqu'au 31 mai 2020, seul le délai de préavis de 10 jours a été supprimé. Ainsi, la recourante avait droit à l'indemnité en cas de RHT dès le jour de sa demande à l'intimé, sans effet rétroactif. Dès lors qu'elle a communiqué son préavis de RHT par courriel du 13 avril 2020 à l'intimé, c'est à juste titre que ce dernier lui a octroyé l'indemnité en cas de RHT à compter de cette date seulement.

b. Le fait que le recourante ne maîtrise pas la partie administrative de son activité ne permet pas d'en juger autrement, étant rappelé que nul n'est censé ignorer la loi et nul ne peut tirer des avantages de son ignorance du droit (ATF 124 V 215 consid. 2b/aa p. 220 et arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2009 du 14 octobre 2009 consid. 3.3).

c. La recourante ne peut enfin pas se prévaloir du fait que sa gérante était choquée par la situation liée au COVID-19 et qu'elle craignait de se déplacer par peur de contaminer sa famille. En effet, rien ne l'empêchait sérieusement de se déplacer en prenant des précautions et en respectant les distances de sécurité, notamment.

6.        Infondé, le recours doit être rejeté et la décision sur opposition confirmée.

7.        La procédure est gratuite.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le