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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2165/2011

ATAS/980/2013 du 08.10.2013 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2165/2011 ATAS/980/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 octobre 2013

1ère Chambre

 

En la cause

Monsieur U__________, domicilié à GY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître WEHRLI Olivier

recourant

 

contre

 

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION CCGC-AVS, sise route de Chêne 54, GENEVE

Monsieur VA__________ et Monsieur VB__________, domiciliés à RENENS, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître SCHWAB Basile

 

intimée

 

 

appelés en cause


EN FAIT

1.        La société X__________ Sàrl, ayant pour but l'exploitation d'une entreprise de nettoyage, a été créée le 24 janvier 2006, par Monsieur VA__________, son oncle VC__________, et son père VB__________. En août 2007, Messieurs U__________ et W__________ ont acquis les parts sociales de ces deux derniers au prix de 400'000 fr., de sorte que Messieurs U__________, W__________ et VA__________ sont devenus les associés gérants de la société chacun pour une part de 7'000 fr.

2.        La société a été affiliée, en qualité d’employeur, auprès de la CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION (ci-après la Caisse) depuis février 2007.

3.        Par décision du 11 mars 2008, la Caisse a fixé le montant des cotisations et contributions dues par la société pour 2007 sur la base d’une masse salariale de 362'947 fr. 85 résultant de l’attestation des salaires que la société lui avait adressée le 15 janvier 2008.

La société s’est acquittée du montant dû.

4.        Une seconde attestation des salaires pour 2007 complémentaire à la précédente et portant la masse salariale totale à 673'162 fr. 85 a été produite le 15 mai 2008.

Par décisions du 24 octobre 2008, la Caisse a réclamé à la société le paiement des cotisations complémentaires dues pour 2007, soit 35'962 fr. 90 pour l'AVS/AI/APG/AC, de 2'736 fr. 65 pour les allocations familiales et de 111 fr. 25 pour l’assurance-maternité.

Ces cotisations n’ont pas été payées, nonobstant rappels, sommations, et menace de dénonciation pénale des organes.

L’infraction à l’art. 88 LAVS a finalement été signalée au Parquet du Procureur général le 12 janvier 2010.

5.        Par jugement du 14 octobre 2008, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de la société. La liquidation de la faillite a été suspendue le 21 avril 2009.

L’état de collocation a été déposé les 7 octobre et 4 novembre 2009 et 27 janvier 2010. Seul un dividende de 6 % pour les créanciers de première classe était prévisible. Des actes de défaut de biens après faillite ont été délivrés à la Caisse le 2 mars 2010 pour la totalité des créances produites.

6.        N’ayant pas reçu l’attestation des salaires 2008, la Caisse a évalué son dommage de janvier 2007 à septembre 2008 à 80'000 fr. Elle a ainsi réclamé, le 18 mars 2011, à Messieurs U__________ et W__________ le paiement de la somme de 80'000 fr. représentant le dommage subi en raison du non-paiement des cotisations dues par la société. Elle a également notifié, le même jour, une décision en réparation de dommage à Monsieur VB__________ à concurrence de 35'441 fr. 75 et à Monsieur VA__________ à concurrence de 55'000 fr.

7.        Monsieur U__________ (ci-après l'intéressé) a formé opposition le 2 mai 2011. Il considère ne pas être responsable des impayés de la société pour l’année 2007 et conteste avoir commis une faute ou une négligence au sens de l’art. 52 LAVS pour l'année 2008, compte tenu des mesures prises en vue du règlement échelonné des impayés. Il se prévaut par ailleurs de la prescription de l’action en réparation du dommage.

8.        Par décision du 14 juin 2011, la Caisse a rejeté l’opposition. La Caisse a considéré qu’il incombait à l'intéressé de veiller personnellement au paiement ponctuel des cotisations et contributions paritaires dues par la société et de prendre toute mesure utile à cet égard. Il lui appartenait également de s’assurer que les acomptes versés correspondaient à la masse salariale effective de la société. Elle constate que l’opposant ne s’est manifesté auprès d’elle qu’après avoir reçu la menace de dénonciation pénale dans le courant de l’année 2009.

9.        L'intéressé, représenté par Me Olivier WEHRLI, a interjeté recours le 15 juillet 2011 contre ladite décision.

10.    Dans sa réponse du 12 août 2011, la Caisse a conclu au rejet du recours. Elle informe par ailleurs la Cour de céans que Messieurs VB__________ et VA__________ font d’ores et déjà l’objet d’une procédure de recouvrement suite à l’entrée en force des décisions en réparation du dommage à eux adressées. S’agissant de Monsieur W__________, la procédure de recouvrement s’avère compromise, bien que la décision le concernant soit entrée en force, compte tenu de son domicile en France.

11.    La Cour de céans a ordonné la comparution personnelle des parties le 8 novembre 2011. L'intéressé a déclaré ce qui suit :

« Je suis administrateur d'une société Y__________ SA qui s'occupe de sellerie automobile. J'ai rencontré Monsieur VA__________ qui a donné à notre société du travail, de sorte que nous sommes devenus proches. C'est la raison pour laquelle je lui ai fait confiance en achetant les parts de Monsieur VC__________, sans avoir préalablement pu consulter la comptabilité. Nous avons toutefois eu des contacts avec la fiduciaire Z_________ qui nous a montré des budgets, des projections que nous avons soumis à notre propre fiduciaire. Nous avons alors été rassurés sur la situation financière de la société.

Mon rôle dans la société consistait à contrôler le travail des employés. Je devais contrôler si les clients étaient satisfaits. Monsieur W__________ quant à lui distribuait le travail et formait les équipes. Ni lui, ni moi ne nous occupions de l'engagement du personnel. La comptabilité et la gestion de la société se faisaient à Bussigny. Je précise que nous ne connaissions rien à la matière. L'idée était que Monsieur VA__________ nous apprenne progressivement, avant de nous laisser la main. Il avait été convenu que nous recevions 5'000 fr. par mois chacun. Nous n'avons jamais rien reçu. Pour moi, l'achat de ces parts avait été fait dans un but d'investissement. Cela nous donnait également des possibilités de contrats de travail nouveaux pour la société Y__________. La signature collective à deux s'entendait avec Monsieur VA__________. Je n'avais pas non plus de signature bancaire.

Monsieur A_________, qui était le bras droit de Monsieur VA__________, est venu nous mettre en garde sur des irrégularités en décembre 2007. Il a d'abord contacté Monsieur W__________, puis moi-même. En janvier 2008, nous sommes allés à Bussigny et nous avons pris tous les classeurs que nous pouvions. En mars 2008, sauf erreur, une assemblée générale s'est tenue au cours de laquelle Monsieur VA__________ s'est vu priver de son droit de signature.

De septembre 2007 à mars 2008, j'ai réclamé la comptabilité tant à Monsieur V__________ qu'à la fiduciaire, en vain. Je le faisais par téléphone. J'en parlais de vive voix à Monsieur VA__________ puisque je le voyais à raison de 2 à 3 fois par semaine à Genève. Je n'ai pas pensé à ce moment-là à écrire. Je pense que c'est Monsieur A_________ qui a demandé à la fiduciaire d'établir la deuxième attestation de salaires en mai 2008. Il ne m'en avait pas informé. Il avait engagé une secrétaire, en février ou mars 2008 sauf erreur. Je ne me souviens pas de son nom, mais je peux le retrouver, si besoin. C'est elle qui s'occupait avec lui du paiement des salaires et des charges sociales.

Il était difficile pour nous, Monsieur W__________ et moi-même, de nous retirer de cette société, dans la mesure où nous avions investi chacun 200'000 fr., et que nous nous sommes endettés.

Monsieur W__________ travaillait pour moi dans le cadre de la société Y__________. Acheter les parts a constitué pour lui une opportunité intéressante.

Nous aurions dû recevoir le salaire convenu à la fin de l'année 2007, sur le bénéfice réalisé par la société. Nous n'avons rien reçu. Dès janvier 2008, nous n'avions plus de contact avec Monsieur V__________. Nous ne l'avons pas mis en demeure de nous payer ce qui nous était dû.

Dès que Monsieur VA__________ a été privé de son droit de signature, ce sont Messieurs A_________ et W__________ qui se sont occupés des paiements. Je ne m'en suis pas inquiété puisque précisément ils s'en occupaient, avec la secrétaire.

Monsieur W__________ et moi-même avons dirigé une poursuite contre le notaire qui a dressé les actes notariés des 1er et 23 août 2007 pour un montant de 400'000 fr. Nous ne savions pas que Me FER était l'associé de Me SCHWAB, avocat de Monsieur V_________. Nous avons également poursuivi Z_________. »

12.    Par ordonnance du 17 novembre 2011, la Cour de céans a appelé en cause Messieurs VB__________ et VA__________.

13.    Invité à produire l’attestation de salaire 2008, pour autant que celle-ci ait pu être établie, le mandataire de Messieurs V_________ a versé au dossier un décompte établi par la fiduciaire Z_________ SA intitulé « Analyse charges sociales 2007-2008 ». Ce document atteste d’une masse salariale de 351'954 fr. 10 au 31 juillet 2007, de 673'162 fr. 85 au 31 décembre 2007 et de 30'082 fr. 30 au 31 janvier 2008.

14.    Une seconde audience de comparution personnelle et d'enquêtes a été ordonnée le 31 janvier 2012. Par courrier du 31 janvier 2012, le mandataire de Messieurs V________ a cependant informé la Cour de céans que Monsieur VB__________ vivait en Turquie et que Monsieur VA__________ était retenu le jour de l’audience par des obligations professionnelles. Ont également été cités à comparaître, Messieurs B_________ et A_________. Ils ne se sont pas présentés à l'audience non plus. Monsieur B_________ s'est excusé. Monsieur A_________, non excusé, s’est vu infliger une amende. Madame C_________ n'a pas pu être convoquée, ses coordonnées n'étant pas connues de la Cour de céans.

15.    Par décision sur opposition du 7 mars 2012, la Cour de céans a annulé l’amende infligée à Monsieur A_________, et celui-ci a été entendu le 13 mars 2012. Il a déclaré ce qui suit :

« Je n'étais pas salarié de la société X__________ Sàrl. J'étais consultant avec un mandat "annuel", en ce sens que j'adressais une facture chaque mois à la société. Je travaillais à plein temps dans ce cadre. Je m'occupais des démarches auprès de la clientèle, du suivi jusqu'à la facturation non comprise, tant pour Genève que pour Lausanne. Je ne m'occupais pas du personnel. Je ne m'occupais pas non plus de la comptabilité. Je n'ai eu de contact avec la société Z_________ et son responsable, Monsieur B_________, qu'à partir de 2007.

Dans le courant de l'automne 2007, j'ai accompagné Monsieur V_________ fils à Neuchâtel dans le cadre de la restructuration vaudoise après la vente de la société genevoise. Pour moi, rien n'a changé dans le cadre de mon mandat après la vente de la société à Messieurs U__________ et W__________. Mes activités sont restées les mêmes. C'est Monsieur V__________ qui s'occupait de fournir les pièces nécessaires à la comptabilité à la société Z_________, avant et après septembre 2007. Monsieur V_________ m'avait dit à cet égard qu'il restait à la direction de la société, qu'il assumait la continuité vis-à-vis de la clientèle plus particulièrement. Les seuls documents que j'avais à transmettre à Z_________ étaient les procès-verbaux des séances de direction et les contrats. Il est arrivé quelques fois que Monsieur B_________ me demande directement des documents qui lui manquaient concernant le personnel, par exemple pour établir les salaires. Je le faisais volontiers.

Ce n'est qu'en janvier 2008 que j'ai compris que Monsieur B_________ se plaignait de ne pas recevoir tous les documents en temps utile. Celui-ci nous a expliqué qu'il n'avait pas pu procéder au bouclement des comptes pour cette raison. Nous n'avions en effet pas reçu le bilan de clôture au moment où les nouveaux associés sont arrivés. Je n'avais pas eu de contact véritablement avec les deux nouveaux associés avant janvier 2008.

J'ai deviné qu'il y avait du personnel non déclaré. Certains étaient payés directement par la société de main à main, avec une quittance. Monsieur V_________ m'a dit que les charges étaient payées par la fiduciaire. Je n'en ai pas parlé à ce moment-là à Messieurs U__________ et W__________, ni à Monsieur B_________.

J'ai remis environ une soixantaine de pièces au procureur dans le cadre de la procédure pénale vaudoise.

Messieurs U__________ et W__________ m'ont demandé de mettre à jour toutes les listes des salariés. Ils voulaient que les choses soient claires. Nous avons pris contact avec les syndicats, parce que certains des travailleurs n'avaient pas le permis de travail. Nous avons pu les déclarer "au gris".

Monsieur U__________ a découvert la situation en janvier 2008. Je dois dire que ce n'était qu'une partie de l'iceberg finalement. Il avait demandé à Monsieur B_________ un bilan intermédiaire. Celui-ci répondait qu'il ne pouvait pas.

Depuis janvier 2008, nous avions des réunions une fois par mois environ, Messieurs U__________, W__________, D_________ (responsable du personnel) et moi-même. C'était un peu comme si nous avions à créer une société depuis le commencement. Reprendre le personnel et mettre à jour les listes nous a pris du temps. Il nous fallait tenter d'obtenir les comptes et bien entendu suivre les contrats.

C'est Monsieur V_________ qui engageait le personnel, avant et après l'arrivée des nouveaux associés. Il n'y a pas eu d'engagement en 2008. Nous essayions à ce moment-là de diminuer plutôt le personnel.

Mon mandat avait commencé en 2005 déjà avec la société sur Vaud.

En 2008, pour les salaires horaires, des fiches étaient établies par le responsable et adressées à la fiduciaire. Pour les salaires mensuels, la fiche était envoyée directement par la fiduciaire au salarié concerné. Nous recevions un listing avant le 31 de chaque mois et Monsieur W__________ donnait l'ordre bancaire sur cette base. Auparavant, l'ordre bancaire était donné depuis Lausanne.

Monsieur U__________ était très occupé dans une autre société dont il était administrateur. Il m'avait demandé de rentrer dans la société. J'ai refusé d'avoir la signature bancaire, c'est Monsieur W__________ qui en a été titulaire.

La société XA________ Sàrl a repris du personnel de X__________ Sàrl. J'atteste que tout le personnel a été déclaré. »

16.    A cette même audience, Monsieur B_________ a déclaré que :

« Je travaille pour la société Z_________. J'étais plus particulièrement chargé de la comptabilité de la société X__________. J'étais en contact avec Monsieur V_________ père d'abord, puis avec son fils. Dès août 2007, à l'arrivée des deux nouveaux associés, j'étais plutôt en contact avec Monsieur A_________ qui assurait la liaison entre eux deux et Z_________. J'ai eu l'occasion de voir les deux associés, plus particulièrement à deux ou trois reprises.

Je précise que Messieurs V_________ père et fils ont été de très bons clients de la société Z_________, depuis 1998 sauf erreur.

J'ai rencontré de grandes difficultés à établir les comptes que l'on me demandait. Je confirme à cet égard que Messieurs U__________ et W__________ sont intervenus à plusieurs reprises pour me les demander. Ces grandes difficultés venaient du fait que je n'avais pas toutes les pièces utiles. Celles-ci me sont parvenues au coup par coup. Nous ne pouvions pas boucler les comptes au 31 décembre 2007 déjà pour cette raison. Les pièces nous parvenaient un peu de tout le monde. Il y avait un manque d'organisation évident. Les choses étaient plus simples avant septembre 2007, parce que je pouvais aller dans les locaux plus facilement prendre les pièces moi-même. Il y avait trois sociétés appartenant à Monsieur V_________ à Bussigny. Une seule et même secrétaire s'occupait de réunir toutes les pièces de ces trois sociétés et me les remettait lorsque je venais sur place. La gestion de la société ne se faisait pas à Bussigny, mais à Genève. Les comptes étaient établis à Neuchâtel chez Z_________, les pièces se trouvaient à Bussigny et à Genève. A l'arrivée des deux associés, je n'avais plus à m'occuper de la gestion de la société, je ne me chargeais plus que de la comptabilité.

Fin 2007 déjà, j'ai pu constater des irrégularités (personnel au noir notamment), parce que j'ai reçu de nouvelles pièces qui ne me permettaient pas d'expliquer les chiffres ressortant de la comptabilité. J'ai alors établi un second ASA à l'attention de la caisse de compensation. Monsieur A_________ m'a communiqué une liste des salaires versés qui ne correspondait pas aux employés déclarés. C'est à Monsieur A_________ que je demandais principalement les pièces dont j'avais besoin. Je ne les demandais pas à Messieurs U__________ ou W__________. J'avais le sentiment que Messieurs U__________ et W__________ ne comprenaient pas ce que je leur expliquais lorsque je leur disais que je ne pouvais pas procéder au bouclement de la situation tant que je n'avais pas les pièces nécessaires. Je dois dire que nos relations n'étaient pas bonnes. Les relations que j'avais avec Monsieur A_________ étaient "jovialement commerciales".

Il m'est montré la pièce n°21 du chargé de Monsieur U__________. Il s'agit d'un document daté du 23 août 2008 faisant état des bilans au 31 décembre 2007, 31 juillet 2007 et 31 décembre 2006. Je précise que durant l'année 2006, la société n'a pas eu d'activité, il s'agit d'un exercice blanc. Je ne me souviens pas à quelle date précisément j'ai établi ce bilan. Je ne l'ai en tout cas remis qu'en août 2008. Il ne s'agissait de rien d'autres que des éléments de constitution de la société. S'agissant du bilan au 31 juillet 2007, je ne l'ai établi qu'en août 2008 parce que, comme je vous l'ai expliqué, il me manquait des pièces. Je constatais des non-sens comptables. C'est, pour cette période, Monsieur V_________ fils qui devait me fournir ces pièces.

Je dirais que la réunion de ces pièces était plus difficile à obtenir après septembre 2007.

Je précise encore que la situation au 31 juillet 2007 qui représentait le passage de l'ancienne à la nouvelle association, a été soumise aux nouveaux associés lors d'une réunion qui s'est tenue, sauf erreur de ma part, lors du deuxième semestre 2007. Je me souviens que Messieurs U__________ et W__________ ont contesté ce que je leur proposais, la répartition des frais notamment. Cette situation m'avait été demandée par le notaire, Me FER.

La pièce n°16 du chargé de Monsieur U__________ m'est soumise. Il s'agit d'un courrier du 11 mars 2008 adressé par Me FER à la société. J'y ai certainement répondu. Il ne faut pas confondre une situation qui est présentée aux associés avec un bouclement de comptes.

La pièce n° 20 du chargé de Monsieur U__________ m'est soumise. Il s'agit d'un courrier adressé par Me WEHRLI le 27 mai 2008 à Z_________. Je confirme n'y avoir pas répondu, parce que Me WEHRLI ne répondait pas non plus à mes courriers, que je n'avais pas été rémunéré, que je n'avais pu obtenir la levée des deux poursuites injustifiées dirigées contre Z_________ et enfin que, et je le répète, les comptes n'étaient pas bouclés.

Je souligne que tous les documents que j'avais en ma possession ont été transmis à la justice vaudoise pénale et à l'Office des faillites genevois.

L'attestation qui a été communiquée à la Cour le 16 décembre 2011 a été établie par moi-même à la demande de Me SCHWAB sur la base des archives informatiques de Z_________. J'ai joint au décompte adressé à Me SCHWAB une dizaine de documents comptables.

Mon mandat s'est arrêté en août 2008 si je me souviens bien.

J'avais un mandat de conseil pour Messieurs V_________ ce qui signifie que j'assistais aux séances de direction et que je pouvais apporter mes compétences de comptable à cette occasion. A partir d'août 2007, mon mandat se bornait à la partie comptable. Lorsque j'assistais à ces séances de direction, je n'avais pas le sentiment de personnel employé au noir. Je sais qu'il y a eu longtemps de cela un tel problème dans une des sociétés de Monsieur V_________. Tel n'a pas été le cas des trois que je connais.

Monsieur V_________ fils est toujours client de Z_________.

J'ai arrêté l'attestation produite par Me SCHWAB le 16 décembre 2011 au 31 janvier 2008, car je l'ai établi à sa demande. J'ai toutefois probablement un certain nombre d'écritures figurant sur mon système informatique comptable qui me permettrait d'aller plus loin. »

17.    La Cour de céans a sollicité du Ministère Public d’Arrondissement de Lausanne la communication, pour consultation, du dossier constitué dans le cadre de la cause PE__________, instruite d'office et sur plainte de la société, déposée le 19 mai 2008 contre VA__________ pour gestion déloyale et éventuellement abus de confiance et violation des règles en matière de comptabilité commerciale. Messieurs U__________ et W__________ ont notamment reproché à Monsieur VA__________ de leur avoir dissimulé le fait qu'une majorité des employés de la société se trouvaient en situation irrégulière, d'avoir prélevé indûment entre les 23 août 2007 et 9 janvier 2008 la somme de 425'553 fr. 35 du compte courant de la société, d'avoir conclu quatre contrats de leasing automobiles au nom de la société pour des véhicules immatriculés au nom des sociétés vaudoises X__________ VAUD et XB________, et utilisés par elles, d'avoir fait disparaître de la comptabilité de la société des créances que celle-ci avait contre les deux sociétés vaudoises pour plus de 240'000 fr., et de ne pas avoir tenu de comptabilité.

Une autre cause PE_________ a également été ouverte contre Monsieur VA__________, à la suite de la plainte déposée par Monsieur A_________ pour injures, menaces et faux dans les titres. Les deux causes ont été jointes par le juge d'instruction vaudois le 24 octobre 2008.

18.    Il résulte de l'enquête menée par la police cantonale vaudoise que la comptabilité tenue par la fiduciaire Z_________ est très peu claire, n'est en aucun cas probante, et n'a pas été finalisée. A cet égard, Monsieur B_________ a expliqué qu'il avait rencontré de nombreux et récurrents problèmes avec Monsieur V_________ au sujet du classement de nombreuses écritures et l'obtention des pièces justificatives (rapport du 3 décembre 2008).

Il s'avère que les prélèvements effectués par Monsieur V_________ sur le compte de la société du 23 août 2007 au 9 janvier 2008 s'élèvent à 320'553 fr. 35. Sur cette somme, 63'343 fr. 75 n'ont pu être justifiés. Monsieur V_________ a dans un premier temps déclaré qu'il devait s'agir de frais de représentation, dans un second temps, que cette somme avait été remise en espèces aux plaignants pour leurs besoins personnels.

Monsieur V_________ a reconnu avoir employé sept à huit personnes et ne pas les avoir déclarées.

S'agissant des leasings de véhicules des sociétés vaudoises supportés par la société genevoise, l'enquêteur n'a pu obtenir les contrats y relatifs. Il a toutefois constaté que les véhicules, à l'exception du véhicule de fonction de Monsieur V_________ lui-même, étaient effectivement immatriculés dans le canton de Vaud au nom de la société genevoise. Monsieur V_________ a allégué que les charges étaient supportées par les sociétés vaudoises concernées. L'enquêteur a par ailleurs relevé qu'entre le 31 juillet et le 31 décembre 2007, une diminution rapide des créances accordées par la société genevoise aux sociétés vaudoises a été comptabilisée, mais qu'il ne dispose d'aucune pièce justificative.

Dans sa plainte, Monsieur A_________ a rapporté que Monsieur VA__________ avait proféré des menaces à son encontre le 31 juillet 2008 et a dénoncé le fait que plusieurs documents apparus dans le cadre du rachat de la société genevoise par Messieurs U__________ et W__________, présentaient des signatures qui semblaient avoir été contrefaites par Monsieur V_________.

En conclusion, l'enquêteur relève qu' « il ne fait aucun doute que Messieurs U__________ et W__________ ont conclu le rachat de la société X__________ sans précaution et sans appréciation concrète. L'unique fait de ne pas avoir eu accès aux pièces comptables requises aurait tout au moins dû éveiller chez eux quelques soupçons quant à l'exactitude des chiffres avancés ou non révélés par V_________ au préalable. En lieu et place, ils ont poursuivi leurs démarches en n'ayant aucune connaissance de la santé financière réelle de la société. Par la suite, ils ont de surcroit laissé la responsabilité de sa gestion à V_________ sans même se donner les moyens d'avoir un regard sur ses activités au sein de la société nouvellement acquise ».

19.    Le dossier complet a été transmis à la Cour de céans le 28 mars 2012. Les parties en ont été informées et invitées à le consulter auprès du greffe.

20.    Une audience de comparution personnelle des parties a été fixée au 22 mai 2012.

Monsieur U__________ a produit lors de cette audience un chargé complémentaire réunissant toutes les pièces pertinentes qu'il avait pu obtenir de l'Office des faillites. Il a par ailleurs déclaré que:

« Je rappelle que Z_________ nous avait communiqué quelques chiffres, soit des projections. Nous nous sommes fiés à ce document. Notre propre fiduciaire s'est quelque peu inquiétée et a souhaité obtenir des documents complémentaires. Nous n'avons pas réussi à les obtenir, ni de Z_________, ni de Monsieur VA__________. Il est vrai que nous aurions pu renoncer à la vente. Nous n'y avons pas pensé. Nous faisions confiance en Monsieur V_________ que nous connaissions et dans le fait qu'il y avait une fiduciaire. Nous avons même écrit en ce sens à Me FER. Nous n'avons rien soupçonné.

La gestion de la société se faisait à Bussigny, aucun document n'était à Genève. Le courrier arrivait dans une boîte restante dont seul Monsieur V_________ avait la clé.

Je rappelle que pour nous il s'agissait d'un domaine nouveau. Il avait donc été prévu que Monsieur VA__________ continue à gérer la société durant une année environ, le temps pour nous de nous mettre au courant.

S'agissant de l'établissement de la comptabilité par Z_________, j'attire l’attention de la Cour sur les pièces 41, 42 et 47 du chargé de ce jour.

Monsieur B_________ connaissait notre arrangement concernant la répartition des tâches entre nous.

Il m'est lu quelques déclarations de Monsieur B_________ (procès-verbal établi le 8 mars 2011 dans le cadre de la procédure pénale vaudoise).

J'ai effectivement eu des entretiens téléphoniques avec Monsieur B_________ pour lui demander les pièces comptables. Je pense que Monsieur W__________ a également essayé. Je ne comprends pas par ailleurs les réflexions de Monsieur B_________ quant au fait que les tâches n'étaient pas réparties. Je ne lui ai jamais apporté de document.

Dès que nous avons compris qu'il y avait du personnel employé au noir, nous avons décidé le retrait de la signature de Monsieur V_________.

Nous avions demandé à avoir la signature bancaire avant janvier 2008, en vain. Ce n'était jamais le bon moment.

Je confirme que nous avons, Monsieur W__________ et moi-même, reçu le salaire de 5'000 fr. par mois jusqu'en décembre 2007. Monsieur VA__________ ne recevait aucun salaire. Il était prévu qu'une partie des dividendes lui serait accordée lorsqu'il se retirerait effectivement de la société.

Monsieur VA__________, assisté de Monsieur A_________, a géré la société avant le transfert des parts sociales, comme après. Il n'y a pas eu de changement à cet égard. Je n'ai eu aucune activité dans la société. Je m'occupais exclusivement de Y__________. Depuis janvier 2008, Monsieur W__________, lui, s'occupait à 50% de X__________ SàRL et à 50% de Y__________ ».

A l'issue de l'audience, la Caisse a été invitée à vérifier si des paiements de cotisations 2008 avaient été effectués par la société, à en établir une liste et à relever à quelles périodes ils avaient été imputés.

21.    Le 14 juin 2012, la Caisse a fait parvenir à la Cour de céans les trois états de comptes de cotisations paritaires AVS suivants :

cotisations paritaires AVS

 

2007

2008

 

versement

30'186 fr. 90

13'011 fr. 05

 

virement

18'285 fr. 00

25'599 fr. 00

solde en faveur de la Caisse

 

+ 35'962 fr. 90

+ 5'247 fr. 00

 

 

 

 

contributions allocations familiales

 

2007

2008

 

versement

7'058 fr.

5'338 fr.

solde en faveur de la Caisse

 

+ 2'736 fr. 65

- 1'237 fr.

 

 

 

 

cotisations assurance-maternité

 

2007

2008

 

versement

218 fr.

104 fr.

solde en faveur de la Caisse

 

+ 111 fr. 25

+ 24 fr.

 

La Caisse a précisé, qu'à défaut de l'attestation de salaire 2008, elle avait estimé le dommage subi en doublant le montant des cotisations dues pour 2007

Par courrier du 10 juillet 2012, la société Z_________ a répondu comme suit à la demande de renseignements de la Cour de céans.

« les quatre premiers cas évoqués que sont les décomptes de MM F________, G________ et H________, ainsi que Mme I________ relèvent des divers éléments constatés manquants lors de la consolidation des comptes partiellement comptabilisés.

En l'occurrence, ces décomptes ont été établis semble-t-il courant avril 2008, après avoir obtenu des informations minimales soit de M. D_________, soit de M. A_________, voire de M. W__________.

Nous pouvons encore relever ici que l'inscription de ces quatre personnes dans le registre des employés présente effectivement des lacunes d'information.

Nous établissions chaque mois une liste de préparation des salaires à décompter , nous n'en disposons plus actuellement et ne pouvons contrôler. Cependant, les listes préparatoires originales, postérieures à avril 2008, portent peut-être les indications de ces employés.

Par contre, nous ne pouvons nous exprimer sur le dernier cas de décompte 13e salaire 2007 de Mme J________, daté du 5 septembre 2008, époque où nous avions déjà suspendu nos prestations fiduciaires. Nous doutons même avoir établi nous-même ce document, sans toutefois pouvoir l'infirmer formellement.

Techniquement, les décomptes salaires concernés étaient établis au moyen de fichiers automatisés du logiciel Word, que nous envoyions en principe chaque mois par courriel à Genève. Rien n'empêche donc leur utilisation par un tiers, même avec nos références préimprimées ».

22.    Invitée à se déterminer, la Caisse a indiqué le 13 septembre 2012, que les informations apportées par la société Z_________ - dans l'incapacité de fournir les renseignements demandés, mais laissant entendre que les documents remis à la Caisse auraient pu être modifiés dans le cadre du processus de paiements des salaires hors de son contrôle - n'étaient pas propres à remettre en question le montant du dommage subi.

La Caisse a par ailleurs signalé qu'elle avait essayé d'obtenir des informations sur la masse salariale 2008 auprès de AXA WINTERTHUR et de IES, deux sociétés citées dans des courriers se trouvant dans le bordereau complémentaire transmis par l'intéressé lors de l'audience du 22 mai 2012, sans succès.

23.    Le 13 septembre 2012, l'intéressé a fait part de ses observations. Il explique que lors des discussions préalables, des projections et des chiffres lui avaient été présentés, ainsi qu'à Monsieur W__________, qui n'intégraient pas, au titre des charges salariales, les employés en situation irrégulière, de sorte que les résultats de la société étaient embellis artificiellement. Les résultats au 31 décembre 2006, et intermédiaires au 30 juin 2007, ne leur avaient pas été remis avant le mois d'août 2008.

Il souligne qu'il ne bénéficiait d'aucune expérience dans le domaine du nettoyage, raison pour laquelle il avait été convenu que Monsieur VA__________ "resterait aux commandes le temps que les acheteurs s'initient à cette activité".

Monsieur VA__________ aurait retiré un montant de 425'000 fr. dans le courant du deuxième trimestre 2007, ce qui, selon l'intéressé, démontre qu'il exerçait bel et bien son activité pour le compte de la société, étant rappelé qu'à l'époque, lui-même n'avait pas la signature bancaire.

Dès qu'il avait compris que la situation de la société n'était pas aussi brillante que celle qui leur avait été exposée par Monsieur VA__________ et Me Jérôme FER, il avait immédiatement commencé à régulariser le personnel au noir.

Il allègue que, contrairement à ce que Monsieur B_________ a prétendu, Z_________ a continué de tenir la comptabilité. Il en veut pour preuve le fait qu'il a remis à l'Office des faillites trois classeurs de pièces intitulés "Compta 2008" (pièces 41 et 42 recourant).

S'agissant du montant du dommage, le recourant reproche à la Caisse de n'avoir pas tenu compte des acomptes régulièrement payés par la société pour 2008. Constatant que selon le décompte AVS remis à la Cour de céans pour l'année 2008, dont il résulte que 5'247 fr. et 24 fr. sont dus pour les cotisations AVS et assurance-maternité, et qu'un montant de 1'237 fr. a été payé en trop pour les allocations familiales, le recourant s'étonne qu'un montant de 50'000 fr. puisse lui être réclamé, le montant dû étant tout au plus de 4'034 fr. ([5'247 fr. + 24 fr.] - 1'237 fr.).

Il considère dès lors avoir eu un comportement irréprochable dès qu'il avait découvert la situation, en régularisant le personnel, d'une part, et en portant à la connaissance de l'autorité pénale les agissements de Monsieur VA__________, d'autre part. Il relève que les acomptes de charges sociales facturés par la Caisse ont été régulièrement payés, et que ce n'est qu'après la faillite que la Caisse a réclamé une liste des salariés. Selon lui, quoi qu'il en soit, les agissements de Monsieur VA__________ ont interrompu le lien de causalité.

Il fait également valoir qu'il ne répond pas du dommage relatif aux cotisations 2007 non payées par la société, puisque celles-ci portent sur une période antérieure à son entrée en fonction.

Il considère enfin que la créance de la Caisse est prescrite.

24.    Par courrier du 8 octobre 2012, Z_________, en sa qualité de mandataire de VB__________ et VA__________, conteste les accusations de l'intéressé "qui tente à l'évidence de se soustraire à ses éventuelles responsabilités en les impliquant dans une procédure qui leur est étrangère".

25.    Le 24 octobre 2012, la Caisse prend position comme suit sur les remarques de l'intéressé du 13 septembre 2012 :

« Le recourant conteste le montant de la réparation de dommage, se basant en ceci sur les décomptes 2008 fournis par la Caisse et sur les versements effectués en 2008. Il oublie toutefois que les forfaits calculés l'ont été sur une masse salariale estimée à 385'000 fr. (cf. annexe 45 du recourant). Or, en 2007, ce sont 673'162 fr. 85 qui ont été déclarés. En se basant sur ce chiffre et en le réduisant à la date de la faillite, cela représente tout de même près de 450'000 fr. de salaire pour 2008. Sur la base de 2007, les décomptes envoyés à X__________ en 2008 étaient donc largement sous-estimés.

Par ailleurs, la Caisse, n'étant toujours pas en possession de la déclaration de salaire 2008 lors de l'envoi de sa décision en réparation du dommage, a dû se résoudre à estimer le dommage. Dans ce cas, et afin d'inciter les employeurs à fournir les informations nécessaires, l'estimation est par principe toujours plus élevée que ce qui pourrait apparaître comme réel. La Caisse aurait pu cependant tout aussi bien fixer le dommage à 70'000 fr. ou à 90'000 fr. Il n'y a dès lors pas lieu de tenir compte des montants mentionnés dans les décomptes de la Caisse et il est superflu de chercher à calculer avec précision, comme le fait le recourant, le montant de la créance due pour ensuite pouvoir y imputer des versements. Un parallèle avec les taxations d'office de l'AVS ou de l'AFC peut être effectué. (…)

(…) des manquements sont apparus dès l'achat des parts sociales de X__________ en août 2007, manquements qui ont justement nécessité la rédaction d'un avenant à l'acte conditionnel de division et de cession des deux parts sociales. Les problèmes rencontrés ultérieurement et abondamment soulignés par le recourant n'en sont que la suite logique et ne peuvent donc pas être en conséquence considérés comme à ce point si exceptionnels ou extraordinaires qu'ils seraient de nature à interrompre le lien de causalité adéquate. Au contraire, l'appât du gain – pouvoir toucher 5'000 fr. par mois (soit un retour sur investissement de 30% par année) en se contentant de vérifier la satisfaction des clients sans s'occuper de la comptabilité ni de la gestion de la société en raison de connaissances inexistantes en la matière (cf. PV de CP du 08.11.2011 p. 2) – a été plus fort que la raison et l'engagement du recourant dans X__________ entraîne une responsabilité pleine et entière de sa part dans le dommage que la Caisse a subi.

Pour que la responsabilité pour un dommage causé à une caisse avant l'entrée de l'intéressé dans une société soit niée, il faut que le dommage soit déjà réalisé et que le nouvel administrateur n'y puisse rien changer. Tel n'est pas le cas en l'espèce, le recourant faisant justement valoir qu'il a pu, malgré la situation difficile, payer régulièrement les acomptes facturés, et ce pendant plus d'une année encore après son entrée dans la société, ce qui constitue la preuve que la situation financière au moment de l'achat des parts sociales, n'était pas telle que l'on puisse juger qu'un dommage existait déjà à cette période ».

La Caisse conclut au rejet du recours.

26.    Le 31 octobre 2012, l'intéressé a transmis à la Cour de céans l'avis de prochaine clôture établi le 19 septembre 2012 dans le cadre de la procédure pénale pendante sur le canton de Vaud. Une ordonnance de classement est rendue en faveur de l'intéressé et de Monsieur W__________ pour ne pas avoir tenu de comptabilité et avoir engagé du personnel sans autorisation de travail, en faveur de Monsieur VA__________ pour avoir effectué des prélèvements à des fins privées à hauteur de 55'598 fr. 85, avoir engagé du personnel sans autorisation de travail, avoir fait supporter des charges de leasing à X__________, alors que les véhicules étaient utilisés par ses sociétés vaudoises et avoir fait de fausses signatures, notamment. Monsieur VA__________ est en revanche mis en accusation pour avoir diminué indûment les créances dues à X__________ par ses sociétés vaudoises, avoir prélevé 25'000 fr. à titre de salaire, alors qu'il n'y avait pas droit, n'avoir pas tenu de comptabilité et avoir menacé Monsieur A_________.

L'intéressé en conclut que ce dernier fait démontre bien l'interruption du lien de causalité. S'agissant de l'estimation de son dommage par la Caisse, l'intéressé s'étonne que la Caisse puisse estimer aussi librement son prétendu dommage, étant rappelé qu'en 2007, suite à l'annonce complémentaire du 14 mai 2008 (cf. pièce 19 recourant), la totalité des salaires a été déclarée et les acomptes 2008 ont été corrigés.

27.    Le 12 novembre 2012, la Caisse a persisté dans ses conclusions.

28.    Par écriture spontanée du 27 novembre 2012, le mandataire de Messieurs VB__________ et VA__________ souligne qu'il n'est possible de tirer aucune conclusion automatique d'une hypothétique condamnation pénale, et rappelle qu'ils ne sont quoi qu'il en soit pas concernés par le litige opposant la Caisse à l'intéressé.

29.    Ces courriers ont été transmis aux parties.

30.    Le 15 juillet 2013, l’intéressé a communiqué à la Cour de céans copie de l’ordonnance de classement rendue le 7 juin 2013 dans le cadre de la procédure pénale vaudoise. Il souligne qu'il ressort de cette ordonnance que Monsieur VA__________ avait continué à administrer la société du 1er août 2007 au 22 janvier 2008, d'une part, et que lui-même n’avait jamais eu accès aux pièces comptables malgré ses multiples demandes, d'autre part, de sorte qu’il ne pouvait être tenu pour responsable du dommage subi par la Caisse. Le Procureur avait également retenu que lui et W__________ avaient entrepris des démarches afin de régulariser la situation, dès qu'ils avaient su, entre janvier et mars 2008, que plusieurs employés de la société étaient dépourvus d’autorisation de travail en Suisse, et dès lors considéré qu'aucun comportement délictueux ne pouvait leur être reproché.

L'intéressé relève enfin que selon l’acte d’accusation du 17 juin 2013 émis à l’encontre de Monsieur VA__________ , celui-ci n’a pas fourni à la fiduciaire Z_________ les informations et pièces comptables nécessaires à la bonne tenue de la comptabilité de la société.

31.    Le 16 août 2013, la Caisse a fait part de sa position et a à nouveau conclu au rejet du recours, rappelant que si Monsieur VA__________ a continué à administrer de fait la société du 1er août 2007 au 22 janvier 2008, c’est à la demande de l’intéressé lui-même, celui ayant fait valoir qu’il n’avait « aucune expérience dans le domaine du nettoyage et de la blanchisserie ». La Caisse souligne cependant que sa méconnaissance dans ce domaine ne l’empêchait pas de contrôler les factures et la comptabilité de la société. Elle confirme pour le surplus le montant du dommage, considérant qu’elle était légitimée à l'estimer comme elle l'avait fait, « faute de renseignements et d’attestation de salaires pour les salariés ».

32.    Ce courrier a été transmis aux parties et la cause gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ; RS E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA; RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS; RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans la forme et le délai légaux, le recours est recevable (art. 56ss LPGA).

3.        Le litige porte sur le droit de la Caisse de réclamer à l'intéressé la réparation du dommage subi en raison du non-paiement des cotisations paritaires AVS/AI/APG/AC, ainsi que des cotisations AMat et AF, dues par la société de janvier 2007 à septembre 2008.

4.        a) A teneur de l’art. 52 LAVS en vigueur dès le 1er janvier 2003 (introduit par le ch. 7 de l'annexe à la LPGA), l’employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n’observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l’assurance, est tenu à réparation (al. 1).

La nouvelle teneur de cette disposition, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, reprend l'ancien art. 52 LAVS quasiment sans modification. Les termes « caisse de compensation » sont remplacés par « assurances », sans que cela n’entraîne un changement quant aux conditions de la responsabilité de l’employeur (ATF 129 V 13 s. consid. 3.5). Le TF a ainsi déjà affirmé que l’on ne pouvait inférer ni du message du Conseil fédéral concernant la 11ème révision de l’AVS ni des travaux préparatoires de la LPGA des raisons de s’écarter de la jurisprudence constante relative à l’art. 52 LAVS.

b) Un dommage est survenu dès que la caisse de compensation voit lui échapper un montant dû de par la loi. Le montant du dommage correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte. Appartiennent à ce montant les cotisations paritaires (cotisations patronales et d’employés ou ouvriers) dues par l’employeur, les contributions aux frais d’administration, les intérêts moratoires, les taxes de sommation et les frais de poursuite (Directives sur la perception des cotisations -DP, n8016 et 8017).

c) En l’espèce, le dommage subi par la Caisse consiste en la perte de la créance de cotisations AVS/AI/APG/AC/AMAT et AF dues par la société faillie de janvier 2007 à septembre 2008. Le montant relatif à 2007 resté impayé correspond à 35'962 fr. 90, selon décision du 24 octobre 2008 entrée en force. Celui relatif à 2008 a été estimé par la Caisse. Un décompte établi par Z_________ et intitulé "analyses charges sociales 2007-2008" a été produit, en lieu et place d'une ASA.

L'intéressé conteste le montant du dommage estimé par la Caisse à 50'000 fr. pour l'année 2008. Il reproche également à la Caisse de n'avoir pas tenu compte des acomptes régulièrement payés par la société. Il se réfère enfin au décompte AVS produit par la Caisse et constate qu'en réalité, le dommage devrait être de 4'034 fr. [(5'427 fr. + 24 fr. ) - 1'237 fr.]

Le décompte de Z_________ confirme la masse salariale au 31 décembre 2007 prise en considération par la Caisse de 673'162,85 fr. Il ne permet en revanche pas de calculer le montant dû par la société pour l'année 2008, si ce n'est en multipliant par 12 la masse salariale au 31 janvier 2008, ce qui donne 30'082 fr. 30 x 12, soit 360'987 fr. 60. Ce montant correspond à peu de choses près à la moitié de la masse salariale 2007 seulement. Il y a lieu de s'en étonner, ce d'autant plus qu'il n'a pas été question d'une réduction drastique du personnel en 2008.

Lorsque l'employeur ne satisfait pas à son obligation d'établir le décompte dans le délai imparti par la caisse de compensation, celle-ci est en droit d'engager une procédure de taxation d'office. Elle se fonde sur la dernière masse salariale connue, compte tenu de l'évolution probable des salaires (art. 35 al. 1 RAVS ; Directives sur les cotisations nos 2039-2040).

En l'espèce, la Caisse a, à défaut de l'ASA 2008, estimé le dommage pour cette année-là. Elle s'est fondée sur sa créance de cotisations AVS s'élevant au total à 41209 fr.90 (35'962 fr. 90 + 5'247 fr.) – compte tenu des versements effectués par la société - et a doublé cette somme. Elle est à juste titre partie de l'idée que la base des acomptes était trop basse. Il y a lieu de rappeler que la masse salariale pour 2007 s'élevait à 673'162 fr. 85, ce qui représente environ 70'000 fr. de cotisations. La Caisse a ainsi correctement évalué son dommage, étant précisé qu'elle devra le cas échéant procéder à la rectification du montant aussitôt connue l'ASA 2008 et tenir compte des paiements d'acomptes effectués par la société.

5.        A titre liminaire, il sied d’examiner la question de la prescription. Selon l'intéressé, la créance de la Caisse est prescrite.

a) Le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L’employeur peut renoncer à invoquer la prescription (al. 3). Il s'agit de délais de prescription, non de péremption, comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA (cf. SVR 2005 AHV n° 15 p. 49 consid. 5.1.2; FF 1994 V 964 sv., 1999 p. 4422). Cela signifie qu'ils ne sont plus sauvegardés une fois pour toutes avec la décision relative aux dommages-intérêts; le droit à la réparation du dommage au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS peut donc aussi se prescrire durant la procédure d'opposition ou la procédure de recours qui s'ensuit (ATF 135 V 74 consid. 4.2 p. 77 et sv.).

b) Le dommage survient dès que l'on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 195 consid. 2.2, 126 V 444 consid. 3a, 121 III 384 consid. 3bb, 388 consid. 3a). Tel sera le cas lorsque des cotisations sont frappées de péremption, ou en cas de faillite, en raison de l'impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement. Le dommage subi par la caisse est réputé être survenu au moment de l'avènement de la péremption ou le jour de la faillite; ce jour marque également celui de la naissance de la créance en réparation et la date à partir de laquelle court le délai de 5 ans de l'ancien art. 82 al. 1 in fine RAVS (ATF 129 V 195 consid. 2.2, 123 V 16 consid. 5c).

c) Selon la jurisprudence rendue à propos de l'ancien art. 82 al. 1 RAVS, et valable sous l'empire de l'art. 52 al. 3 LAVS (ATF non publié, H 18/06, du 8 mai 2006, consid. 4.2), il faut entendre par moment de la «connaissance du dommage», en règle générale, le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaient plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF 129 V 195). En cas de faillite, ce moment correspond en règle générale à celui du dépôt de l'état de collocation, ou celui de la publication de la suspension de la liquidation de la faillite faute d'actifs (ATF 129 V 193 consid. 2.3 p. 195 sv.). En revanche, lorsque la caisse subit un dommage à cause de l'insolvabilité de l'employeur mais en dehors de la faillite de celui-ci, le moment de la connaissance du dommage et, partant, le point de départ du délai de prescription coïncident avec le moment de la délivrance d'un acte de défaut de biens ou d'un procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens définitif au sens de l'art. 115 al. 1 LP (en corrélation avec l'art. 149 LP), soit lorsque le procès-verbal de saisie indique que les biens saisissables font entièrement défaut (cf. ATF 113 V 256 consid. 3c). C'est à ce moment que prend naissance la créance en réparation du dommage et que, au plus tôt, la caisse a connaissance de celui-ci au sens de l'art. 82 aRAVS (arrêt A. du 19 février 2003, H 284/02, consid. 7.2; cf. aussi Nussbaumer, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d'un dommage selon l'art. 52 LAVS, in RCC 1991, p. 405 s.).

d) S’agissant des actes interruptifs de prescription, il sied de retenir ce qui suit. Tandis que le juge ne peut interrompre la prescription que par une ordonnance ou une décision, «chaque acte judiciaire des parties» suffit à produire cet effet (art. 138 al. 1 CO). Cette notion d'acte judiciaire des parties doit être interprétée largement (ATF 106 II 35 consid. 4; Stephen V. BERTI, Commentaire zurichois, n. 18 ad art. 138 CO; Robert K. DÄPPEN, Commentaire bâlois, 3è édition, n. 2 ad art. 138 CO; Pascal PICHONNAZ, Commentaire romand, n. 4 ad art. 138 CO), tout en ayant égard à la ratio legis de la disposition citée, qui est de sanctionner l'inaction du créancier. Il faut donc considérer comme acte judiciaire d'une partie tout acte de procédure relatif au droit invoqué en justice et susceptible de faire progresser l'instance (cf. ATF 130 III 207 consid. 3.2). Par ailleurs, conformément à l’ATF 135 V 74, l’opposition à une décision interrompt le délai de prescription de deux ans et fait courir un nouveau délai de même durée.

e) En l’espèce, la suspension de la liquidation de la faillite est intervenue le 21 avril 2009. L'intéressé ne fait à cet égard valoir aucun élément de fait établissant que la Caisse aurait eu une connaissance suffisante de son dommage avant cette date.

En lui notifiant une demande en réparation du dommage en date du 18 mars 2011, la Caisse a dès lors agi en temps utile, dans les délais de deux ans et de cinq ans prévus à l’art. 52 al. 3 LAVS.

6.        Il convient de déterminer si l'intéressé peut être assimilé à un « employeur » tenu de verser les cotisations à la Caisse au sens de l’art. 52 LAVS.

a) C’est le lieu de rappeler qu’en vertu de l'art. 52 LAVS, l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse de compensation est tenu à réparation. Si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATF 123 V 15 consid. 5b, 122 V 66 consid. 4a, 119 V 405 consid. 2 et les références).

b) L'art. 14 al. 1er LAVS en corrélation avec les art. 34 et suivants RAVS, prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses, périodiquement, les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions.

L'obligation de payer les cotisations et de fournir les décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. A cet égard, le Tribunal fédéral a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public (ATF 112 V 155, consid. 5; RCC 1987, p. 220). L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 111 V 173, consid. 2; 108 V 186, consid. 1a, 192 consid. 2a; RCC 1985, p. 646, consid. 3a).

c) Par "organe", il faut entendre toute personne physique qui représente la personne morale à l'extérieur ou qui peut exercer une influence décisive sur le comportement de celle-ci (no 8004 DP). Lorsqu'il est saisi du cas d'une société anonyme, le Tribunal fédéral s'est toujours référé à l'art. 754 al. 1er CO, en corrélation avec l'art. 759 al. 1er CO. Conformément à ces articles, toutes les personnes chargées de l'administration, de la gestion ou du contrôle, répondent, à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'elles leur causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs et les personnes qui répondent d'un même dommage en sont tenues solidairement. Sont réputés chargés de l'administration ou de la gestion au sens de l'art. 756 CO "non seulement les organes de décision désignés expressément comme tels, mais également les personnes qui prennent effectivement des décisions relevant des organes, ou qui assument la gestion proprement dite et ont ainsi une part prépondérante à la formation de la volonté au sein de la société" (ATF 107 II 353, consid. 5a; ATF 112 II 1985 et l'arrêt non publié du Tribunal fédéral du 21 avril 1988 en la cause A. ; FORSTMOSER, Die aktienrechtliche Verantwortlichkeit, 2ème éd., p. 209 et ss).

Le Tribunal fédéral a reconnu la responsabilité non seulement des membres du conseil d'administration, mais également celle de l'organe de révision d'une société anonyme, du directeur d'une société anonyme disposant du droit de signature individuelle, du gérant d'une société à responsabilité limitée ainsi que du président, du directeur financier ou du gérant d'une association sportive (ATF H 34/04 du 15 septembre 2004 consid. 5.3.1 et les références, in SVR 2005 AHV n° 7 p. 23, ATF non publié 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.1).

d) En l’espèce, l'intéressé était inscrit au registre du commerce comme associé-gérant, avec signature collective à deux, d'août 2007 à la faillite de la société. Il était partant, indiscutablement, un organe de la société faillie, de sorte que sa responsabilité peut être engagée au sens de l’art. 52 LAVS.

7.        Pour que l'organe, formel ou de fait, soit tenu de réparer le dommage causé à la caisse de compensation en raison du non-paiement des cotisations sociales, encore faut-il que les conditions d'application de l'art. 52 LAVS soient réalisées, ce qui suppose que l'organe ait violé intentionnellement ou par une négligence grave les devoirs lui incombant et qu'il existe un lien de causalité adéquate entre le manquement qui lui est imputable et le préjudice subi (cf. NUSSBAUMER, Die Haftung des Verwaltungsrates nach Art. 52 AHVG, PJA 1996 p. 1071 ss, 1076 ss).

Les faits reprochés à une entreprise ne sont pas nécessairement imputables à chacun des organes de celle-ci. Il convient bien plutôt d'examiner si et dans quelle mesure ces faits peuvent être attribués à un organe déterminé, compte tenu de la situation juridique et de fait de ce dernier au sein de l'entreprise. Savoir si un organe a commis une faute dépend des responsabilités et des compétences qui lui ont été confiées par l'entreprise (ATF 108 V 202 consid. 3a; RCC 1985 p. 647 consid. 3b).

Selon une jurisprudence constante, tout manquement aux obligations de droit public qui incombent à l'employeur en sa qualité d'organe d'exécution de la loi ne doit en effet pas être considéré sans autre comme une faute qualifiée de ses organes au sens de l'art. 52 LAVS.

Pour admettre que l'inobservation de prescriptions est due à une faute intentionnelle ou une négligence grave, il faut bien plutôt un manquement d'une certaine gravité. Pour savoir si tel est le cas, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret (ATF 121 V 244).

Le Tribunal fédéral a expressément affirmé que l'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978, p. 259; RCC 1972, p. 687). La caisse de compensation qui constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n'existe pas d'indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l'absence d'une faute (arrêt du TF du 28 juin 1982, in : RCC 1983 p. 101). De jurisprudence constante, notre Haute Cour a reconnu qu’il y a négligence grave lorsque l'employeur ne se conforme pas à ce qui peut être raisonnablement exigé de toute personne capable de discernement, dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (cf. RCC 1972, p. 690). La mesure de ce que l'on est en droit d'exiger à cet égard doit donc être évaluée d'après ce que l'on peut ordinairement attendre, en matière de comptabilité et de gestion, d'un employeur de la même catégorie que l'intéressé. Lorsqu’il s’agit d’une société anonyme, on peut, par principe, poser des exigences sévères en ce qui concerne l’attention qu’elle doit accorder au respect des prescriptions (cf. RCC 1972, p. 690 ; RCC 1978, p. 261). Une différenciation semblable s’impose également, lorsqu’il s’agit d’apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l’employeur (ATF 108 V 202 consid. 3a; RCC 1985, p. 51, consid. 2a et p. 648, consid. 3b). La négligence grave est également donnée lorsque l'administrateur n'assume pas son mandat dans les faits. Ce faisant, il n'exerce pas la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion, attribution inadmissible et inaliénable du conseil d'administration conformément à l'art. 716a CO. Une personne qui se déclare prête à assumer ou à conserver un mandat d'administrateur tout en sachant qu'elle ne pourra pas le remplir consciencieusement viole son obligation de diligence (ATF 122 III 195, consid. 3b). Sa négligence peut être qualifiée de grave sous l'angle de l'art. 52 LAVS (ATF 112 V 1, consid. 5b). Notre Haute Cour a ainsi l'occasion de rappeler à plusieurs reprises qu'un administrateur, dont la situation est à cet égard proche de celle de l’homme de paille, ne peut s'exonérer de ses responsabilités légales en invoquant son rôle passif au sein de la société (ATF du 19 mai 2010, 9C_289/2009, consid. 6.2; ATF du 22 juin 2005, H 87/04, consid. 5.2.2; ATF du 27 avril 2001, H 234/00, consid. 5d; ATF du 13 février 2001, H 225/00, consid. 3c).

Par ailleurs, la responsabilité d'un administrateur dure en règle générale jusqu'au moment où il quitte effectivement le conseil d'administration et non pas jusqu'à la date où son nom est radié du registre du commerce. Cette règle vaut pour tous les cas où les démissionnaires n'exercent plus d'influence sur la marche des affaires et ne reçoivent plus de rémunération pour leur mandat d'administrateur (ATF 126 V 61). En d'autres termes un administrateur ne peut être tenu pour responsable que du dommage résultant du non-paiement de cotisations qui sont venues à échéance et auraient dû être versées entre le jour de son entrée effective au conseil d'administration et celui où il a quitté effectivement ces fonctions, soit pendant la durée où il a exercé une influence sur la marche des affaires (arrêt du TFA du 6 février 2003, H 263/02). Demeurent réservés les cas où le dommage résulte d'actes qui ne déploient leurs effets qu'après le départ du conseil d'administration.

On peut envisager qu'un employeur cause un dommage à la caisse de compensation en violant intentionnellement les prescriptions en matière d'AVS, sans que cela entraîne pour autant une obligation de réparer le préjudice. Tel est le cas lorsque l'inobservation des prescriptions apparaît, au vu des circonstances, comme légitime et non fautive (ATF 108 V 186 consid. 1b, 193 consid. 2b; RCC 1985 p. 603 consid. 2, 647 consid. 3a). Ainsi, il peut arriver qu'en retardant le paiement de cotisations, l'employeur parvienne à maintenir son entreprise en vie, par exemple lors d'une passe délicate dans la trésorerie. Mais il faut alors, pour qu'un tel comportement ne tombe pas ultérieurement sous le coup de l'art. 52 LAVS, que l'on puisse admettre que l'employeur avait, au moment où il a pris sa décision, des raisons sérieuses et objectives de penser qu'il pourrait s'acquitter des cotisations dues dans un délai raisonnable (ATFA 277/01 du 29 août 2002 consid. 2; ATF 108 V 188; RCC 1992 p. 261 consid. 4b).

La jurisprudence n’admet en réalité que de manière très exceptionnelle qu’un employeur puisse décider de retarder le paiement des cotisations afin de maintenir son entreprise en vie lors d’une passe délicate dans la trésorerie (ATFA 154/00 du 22 août 2000 consid. 2c). De fait, ce n’est que si l’employeur dispose, au moment où il prend sa décision, de raisons sérieuses et objectives de penser que sa société pourra s’acquitter des cotisations dues dans un délai raisonnable, que son comportement n’est pas fautif (ATF 108 V 188 ; RCC 1992 p. 261 consid. 4b).

La jurisprudence estime enfin qu'il existe en règle générale un lien de causalité adéquate entre l'inaction de l'organe et le non-paiement des cotisations, sous réserve du cas où l'administrateur est entré en fonction alors que la société était déjà surendettée (ATF 119 V 401 consid. 4c p. 407 s.), de sorte que celui-ci répond solidairement de tout le dommage subi par l'assurance en cas de faillite de la société (arrêt du 30 novembre 2004, in SJ 2005 I p. 272, consid. 7.3.1; ATF 132 III 523).

Dans le cas d'une Sàrl, les gérants d'une Sàrl qui ont été formellement désignés en cette qualité, ainsi que les personnes qui exercent cette fonction en fait, sont soumis à des obligations de contrôle et de surveillance étendues, dont le non-respect peut engager leur responsabilité (art. 827 CO en corrélation avec l'art. 754 CO). Ils répondent selon les mêmes principes que les organes d'une société anonyme pour le dommage causé à une caisse de compensation ensuite du non-paiement de cotisations d'assurances sociales (ATF 126 V 237; arrêt H 252/01 du 14 mai 2002, in VSI 2002 p. 176 s. consid. 3b et d).

8.        En l'espèce, l'intéressé considère ne pas avoir à répondre des impayés de la société pour l’année 2007 et conteste avoir commis une faute ou une négligence au sens de l’art. 52 LAVS pour l'année 2008, compte tenu des mesures prises en vue du règlement échelonné des impayés.

9.        L'intéressé allègue qu'il ne saurait être tenu pour responsable du dommage causé à la Caisse en raison du non-paiement des cotisations AVS-AI 2007, puisqu'il n'est devenu associé-gérant qu'en août 2007.

Il y a à cet égard lieu de rappeler que celui qui entre au conseil d'administration d'une société répond du dommage causé à la caisse de compensation en raison du non-paiement des cotisations courantes, mais aussi des cotisations arriérées, sauf si la société était déjà surendettée à ce moment-là (RCC 1992, 269)). Si la situation financière de la société au moment de l'entrée en fonction de l'administrateur était obérée au point que l'arriéré de cotisation ne pouvait déjà plus être recouvré, il y a en effet lieu de considérer que le lien de causalité est rompu, de sorte que l'administrateur ne répondra que de l'accroissement du dommage résultant de la poursuite des activités de la société jusqu'au prononcé de la faillite (H 71/05).

En l'espèce toutefois, on ne saurait considérer que la société était surendettée lorsque l'intéressé est devenu associé-gérant, puisque les acomptes de charges sociales notamment ont été régulièrement payés par la société en 2008, ou encore que Monsieur VA__________ a été en mesure d'effectuer des retraits en espèces importants sur le compte de la société dans le courant 2007.

Dans l'arrêt ATF 119 V 401 expressément cité par l'intéressé, le TF a jugé que si le dommage existait déjà au moment de l'entrée en fonction de l'administrateur, celui-ci n'engageait pas sa responsabilité pour ce dommage. Cette jurisprudence ne s'applique cependant pas en l'occurrence, dans la mesure où la Caisse, précisément, n'avait pas encore subi de dommage à ce moment-là, étant rappelé que le dommage est réputé être survenu au moment de l'avènement de la péremption ou le jour de la faillite.

Le fait que l'intéressé n'ait pu prendre connaissance d'aucune pièce comptable au moment où il est devenu associé-gérant aurait au surplus dû l'inciter à n'accepter cette charge qu'avec la plus grande circonspection. Celui qui se déclare prêt à assumer un mandat d'administrateur, tout en sachant qu'il ne pourra pas le remplir consciencieusement, viole en effet son obligation de diligence (ATF 122 III 200 consid. 3b; RDAT 2003, II, p. 243 et sv. consid. 2.4).

10.    L'intéressé fait valoir qu'il est intervenu par téléphone, auprès de MB et de Z_________, de septembre 2007 à mars 2008, pour réclamer les pièces comptables, en vain. Monsieur A_________ a à cet égard confirmé qu'en janvier 2008, l'intéressé avait tenté de demander à Monsieur B_________ un bilan intermédiaire. Il a également expliqué que depuis cette date, il avait eu des réunions une fois par mois environ avec Messieurs W__________ et D_________ (responsable du personnel) et l'intéressé, afin de mettre à jour les listes du personnel, ce qui prenait beaucoup de temps. Monsieur B_________ a également confirmé que l'intéressé lui avait demandé à plusieurs reprises les comptes de la société.

Il n'y a toutefois trace de démarches de la part de l'intéressé que depuis janvier-février 2008 .

Malgré ces démarches quoi qu'il en soit, il n'apparaît pas que l'intéressé se soit soucié du paiement effectif des cotisations AVS-AI, laissant à Monsieur VA__________ dans un premier temps, puis à Messieurs A_________ et W__________, le soin de s'occuper de cette question. L'intéressé ne s'est pas non plus renseigné auprès de la Caisse. Il n'est du reste intervenu auprès de celle-ci qu'après avoir reçu la dénonciation pénale dans le courant 2009.

Même si Monsieur VA__________ avait délibérément dissimulé à l'intéressé la situation financière de la société, même s'il avait effectué des prélèvements sur les comptes de la société sans droit, celui-ci devait exercer son devoir de surveillance et de contrôle. Il lui incombait, quel que soit le mode de répartition interne des tâches convenu au sein de la société, de s'assurer personnellement que les cotisations paritaires afférentes aux salaires versés soient effectivement payées à la Caisse, et ce conformément aux prescriptions légales. Il lui appartenait plus particulièrement de veiller à ce que les acomptes versés correspondent à la masse salariale effective de la société. Sur chacun des bordereaux d'acomptes adressés chaque mois par la Caisse à la société, figure l'indication selon laquelle le forfait a été calculé sur la base d'une masse salariale de 385'000 fr. et l'avertissement pour le débiteur qu'il doit annoncer immédiatement toute variation atteignant 10% et au moins 20'000 fr. de la masse salariale estimée.

Force est ainsi de constater qu'en revêtant la qualité d'associé-gérant sans en assumer la fonction dans les faits, l'intéressé a tout simplement méconnu l'une des attributions intransmissibles et inaliénables que lui confère l'art. 716a al. 1 CO, soit l'exercice de la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion, pour s'assurer notamment que celles-ci observent la loi, les règlements et les instructions données.

Le fait qu'il n'ait pu prendre connaissance d'aucune pièce comptable au moment de devenir associé-gérant, de sorte qu'il ignorait complètement la situation financière réelle de la société, aurait dû l'inciter à surveiller encore plus étroitement, et immédiatement, la personne chargée de la gestion, soit Monsieur VA__________ Cette imprudence est d'autant plus grave que sa fiduciaire avait tenté de le prévenir et qu'il n'a pas tenu compte de ses avertissements. Ce n'est ainsi qu'à partir de janvier 2008, après que Monsieur A_________ lui ait fait part de ses inquiétudes en décembre 2007, qu'il a ramené de Bussigny quelques documents et pris les mesures utiles pour régulariser la situation des employés travaillant "au noir" pour la société. Il ne s'est toutefois toujours pas inquiété du paiement des charges sociales. Il a du reste déclaré à la Cour de céans qu'il n'avait pas été informé de l'établissement et de l'envoi en mai 2008 à la Caisse de la seconde attestation de salaires annuels, laissant en tout état de cause à Messieurs A_________ et W__________ le soin de s'occuper du paiement des salaires et des cotisations AVS-AI.

11.    L'intéressé invoque la rupture du lien de causalité entre son comportement et le dommage, dès lors que Monsieur VA__________ lui avait dissimulé la situation réelle de la société, de sorte que quoi qu'il fasse, le dommage serait survenu. Il a communiqué à la Cour de céans l'avis de prochaine clôture rendue par le juge pénal vaudois, aux termes duquel Monsieur VA__________ "sera mis en accusation pour avoir diminué indûment les créances dues à X__________ par ses sociétés vaudoises, avoir prélevé 25'000 fr., à titre de salaire alors qu'il n'y avait pas droit, n'avoir pas tenu de comptabilité et avoir menacé Monsieur A_________".

Selon la jurisprudence, le rapport de causalité n'est pas donné si un comportement conforme aux devoirs n'aurait pas empêché la survenance du dommage. Cependant, la simple hypothèse que le dommage ne serait pas survenu ne suffit pas à exclure la causalité. Le fait que le dommage serait de toute façon survenu doit être établi de manière certaine ou à tout le moins rendue hautement vraisemblable (ATF H 267/02, H 149/02, H 173/04, 9C_672/2012).

Cette condition fait en l'espèce défaut. On peut admettre en effet que le dommage ne serait pas survenu, ou ne serait survenu que dans une moindre mesure, si l'intéressé avait respecté son devoir de surveillance. Dans l'hypothèse où il se fût correctement soucié de la marche des affaires de la société, il se serait notamment préoccupé de savoir si les acomptes de cotisations facturés par la Caisse étaient suffisants et aurait pu agir en conséquence. On ne voit pas que le comportement de Monsieur VA__________ ait été de nature à rompre le lien de causalité entre la négligence de l'intéressé et le dommage subi par la Caisse. Les agissements de celui-ci étaient en effet étrangers au devoir de diligence qui était le sien à partir de son entrée dans la société comme associé-gérant. Monsieur VA__________ ne l'a en particulier pas trompé par des manœuvres fallacieuses, en lui présentant par exemple des comptes falsifiés (ATF H 319/99). S'il n'obtenait pas les informations nécessaires, en raison du comportement de Monsieur VA__________ ou de l'attitude de la fiduciaire, perdant par là toute maîtrise sur le contrôle de la gestion de la société, il était tenu de démissionner sans retard. S'il ne l'a pas fait, c'est uniquement parce qu'il craignait de perdre définitivement son investissement et le salaire de 5'000 fr. qui devait lui être versé chaque mois.

En conséquence, le moyen tiré de la rupture du lien de causalité apparaît infondé.

12.    Il y a dès lors lieu d'admettre que l'intéressé a commis, au sens de l'art. 52 LAVS, une négligence grave qui est, de surcroît, en relation de causalité naturelle et adéquate avec le dommage subi par la Caisse. La Cour de céans considère qu’en acceptant la charge d'associé-gérant sans avoir eu connaissance d'aucune pièce comptable, en n'exerçant aucune surveillance et en ne se préoccupant pas du sort des cotisations sociales, l'intéressé a failli à ses obligations et commis une négligence qui, sous l’angle de l’art. 52 LAVS, doit être qualifiée de grave.

13.    Mal fondé, le recours doit être rejeté.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Selon l’art. 85 LTF, s’agissant de contestations pécuniaires, le recours est irrecevable si la valeur litigieuse est inférieure à 30’000 francs (al. 1 let. a). Même lorsque la valeur litigieuse n’atteint pas le montant déterminant, le recours est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (al. 2). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le