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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/947/2011

ATAS/1038/2011 du 09.11.2011 ( AVS ) , REJETE

Recours TF déposé le 11.01.2012, rendu le 22.03.2012, IRRECEVABLE, 9C_943/2011
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/947/2011 ATAS/1038/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 novembre 2011

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur K___________, domicilié c/o Monsieur L___________, à Plan-les-Ouates

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise route de Chêne 54, 1208 Genève

 

intimée

 


EN FAIT

La société X___________ SA (ci-après la société) a été inscrite au Registre du commerce de Genève en date du 4 août 2005. Elle avait pour but toute activité en relation avec la rénovation d'immeubles et la décoration d'intérieur. Selon l'extrait du Registre du commerce, Monsieur K___________ était inscrit comme administrateur du 4 août 2005 au 29 avril 2008, au bénéfice d'une signature individuelle, Monsieur M___________ comme directeur du 17 mars 2008 au 17 septembre 2008, date à laquelle il a été inscrit en tant qu'administrateur, au bénéfice d'une signature individuelle.

La société a été affiliée auprès de la CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION (ci-après la caisse) dès le mois d'octobre 2005. Dès l'année 2006, la société n'a pas versé les cotisations paritaires dans les délais légaux, contraignant la caisse à lui adresser de nombreux rappels et sommations, ainsi que d’entamer des procédures de poursuite.

Par jugement du 29 octobre 2008, le Tribunal de première instance de la République et canton de Genève a prononcé la faillite de la société.

Plusieurs actes de défaut de biens ont été adressés à la caisse en date du 23 janvier 2009. L'état de collocation, déposé le 22 juillet 2009, a laissé paraître qu'aucun dividende n'était prévisible pour les créanciers chirographaires.

Le 5 novembre 2009, plusieurs actes de défaut de biens après faillite ont été délivrés à la caisse. Le montant final de cotisations paritaires et contributions AF impayées pour les années 2006 à 2008 est de 48'137 fr. 15, frais d'administration, taxes de sommation, intérêts moratoires et frais de poursuites inclus.

Par décision du 6 janvier 2011, la caisse a réclamé à Monsieur K___________, en sa qualité d’ancien administrateur de la société, le paiement de la somme de 25'760 fr. 45, à titre de réparation du dommage pour les cotisations impayées au 31 mars 2008, ce conjointement et solidairement avec Monsieur M___________.

L'intéressé à formé opposition en date du 11 janvier 2011, invoquant le fait que dès qu'il a eu connaissance d'un dommage présumé il a tout mis en œuvre pour assainir la situation, notamment en tenant la caisse au courant tout au long de la phase où il assainissait la société. Il estime être à nouveau « injustement piégé ou victime d'un règlement de comptes interne ».

Par décision du 4 mars 2011, la caisse a rejeté l'opposition formée par l'intéressé, au motif que l'opposant avait la qualité d'organe de la société jusqu'au 29 avril 2008 et que son comportement est constitutif de négligence grave. La caisse admet que l'intéressé a pris quelques mesures dans le courant de l'année 2008 afin que la société règle une partie de ses dettes vis-à-vis d’elle par versements en mains de l'Office des poursuites. Ces mesures se sont toutefois avérées nettement insuffisantes puisqu'elles n'ont pas permis de solder entièrement les cotisations et contributions arriérées afférentes aux années 2006 et 2007, la société ne s'acquittant au demeurant pas davantage des charges sociales courantes. Au surplus, l'intervention de l'intéressé a fait suite à des menaces de dénonciation pénale, l'intéressé s'étant alors particulièrement employé à éviter une telle procédure à son endroit. En outre, les cotisations et contributions sont restées impayées sur plusieurs années jusqu'à l'ouverture de la faillite de la société, ce qui a nécessité la mise en œuvre de nombreuses procédures de recouvrement. Enfin, la société a systématiquement retardé l'encaissement des créances de la caisse en s'opposant aux commandements de payer qui lui ont été notifiés depuis l'année 2006. Compte tenu de l'ensemble des faits rappelés ci-dessus, les mesures prises par l'administrateur ne suffisent pas à le disculper.

L'intéressé a interjeté recours en date du 1er avril 2011. Il soutient qu'il n'a jamais été salarié de la société et qu’il était entré au conseil d'administration que pour répondre à des exigences purement légales. Selon lui, la société était administrée par Monsieur M___________ dès sa création, hormis l'assainissement qu'il a lui-même mené. Il rappelle qu'il ne se trouvait pas physiquement dans les locaux de la société, dont le siège se trouvait dans les locaux de la fiduciaire qui fonctionnait comme réviseur. Cette dernière hébergeait la société pour le compte de l'ayant droit économique, administrateur de fait, Monsieur M___________. Ni le réviseur, ni Monsieur M___________ ont fait état du dommage qui était en cours auprès de la caisse. Le recourant allègue qu'il a immédiatement pris les bonnes décisions en vue de l'assainissement et limité considérablement le dommage qui se montait à plus de 100'000 fr. à l'époque. Il considère avoir tout mis en œuvre pour assainir la situation, contrairement aux conclusions hâtives et partiales de la caisse. Il conclut à l'admission du recours et à l'annulation de la décision.

Dans sa réponse du 2 mai 2011, la caisse relève que le montant du dommage réclamé au recourant concerne les cotisations dues de janvier à décembre 2006, de janvier à décembre 2007 et de janvier à mars 2008. Quant à Monsieur M___________, il s'est également vu notifier une décision de réparation du dommage sur l'entier du dommage, à savoir 48'137 fr. 15. Suite à l'entrée en force de cette décision et après une sommation infructueuse, une procédure de recouvrement a été entamée à l'encontre de l'intéressé. Pour le surplus, la caisse se réfère aux motifs contenus dans sa décision sur opposition et conclut au rejet du recours.

Lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 8 juin 2011, le recourant a indiqué qu'il ne savait pas pourquoi la société ne s'acquittait pas régulièrement des cotisations paritaires. Il a expliqué qu'il n'était pas actionnaire de la société faillie et que Monsieur M___________ en était l'actionnaire unique. Selon lui, il avait pris contact avec la caisse en février 2007 pour demander un relevé de compte. Dès qu'il l'a obtenu, il s'est occupé de l'assainissement et a depuis effectué des versements à l'Office des poursuites, ce qui ressort des pièces qu'il a fournies. Il a expliqué avoir « couru après » Monsieur M___________ pour qu'il lui donne l'argent afin de payer la caisse. Ensuite, il a démissionné et Monsieur M___________ a pris sa place.

L’intimée a confirmé que le recourant avait effectué des paiements pour le compte de la société à l'Office des poursuites. Elle a par ailleurs reçu des versements directs, suite aux menaces de dénonciation pénale qu'elle avait adressées au recourant dans le courant de l'année 2008.

Le recourant explique qu'il a cherché à vérifier ce qui se passait mais la société et le réviseur étaient de mèche. La société était en effet domicilié chez le réviseur et Monsieur M___________ travaillait à plein temps dans la société. Selon le recourant, le directeur gérait la force ouvrière et, au gré des chantiers qu'il obtenait, engageait ou licenciait le personnel. Il a déclaré que tout au long de l'assainissement, il a régulièrement tenu la caisse informée des mesures et des paiements effectués. Il a ainsi activement collaboré avec la caisse. Il a démissionné lorsqu'il s'est rendu compte que la société était complètement perdue. Auparavant, il a fait le maximum afin d'assainir la société. Le recourant a persisté dans l'intégralité de ses conclusions, contestant toute responsabilité.

Le 8 juin 2011, le recourant a communiqué à la Cour de céans divers documents relatifs à la société et à Monsieur M___________.

La Cour de céans a convoqué Monsieur M___________ en qualité de témoin pour le 6 juillet 2011. L'intéressé ne s'est pas présenté, ni excusé. Lors de la comparution personnelle des parties qui a suivi, l’intimée a déclaré avoir lancé une réquisition de poursuite à l'encontre de Monsieur M___________ et qu'elle attendait la suite. Quant au recourant, il a déclaré qu'il ne savait pas du tout ce que devenait Monsieur M___________ car il ne l'avait pas revu.

A l'issue de l'audience, la Cour a gardé la cause à juger.

EN DROIT

Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ; RS E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA; RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS; RS 831.10).

Selon l’art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l’employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. Cette disposition est également applicable lorsque la caisse recherche un organe de l’employeur en réparation du dommage (REICHMUTH, Die Haftung des Arbeitgebers und seiner Organe nach Art. 52 AHVG, 2008, n° 1042, p. 247).

La société étant domiciliée dans le canton de Genève au moment de l’ouverture de la faillite, les tribunaux genevois sont compétents ratione loci.

Au vu de ce qui précède, la compétence ratione materiae et loci de la Cour de céans pour juger du cas d’espèce est établie.

La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'AVS, notamment en ce qui concerne l’art. 52 LAVS. Désormais, la responsabilité de l’employeur y est réglée de manière plus détaillée qu’auparavant et les art. 81 et 82 RAVS ont été abrogés.

Sur le plan matériel, le cas d'espèce est régi par le nouveau droit dès lors que les périodes de cotisations pertinentes et la décision litigieuse sont postérieures au 1er janvier 2003. Il faut toutefois préciser que le nouveau droit n'a fait que reprendre textuellement, à l'art. 52 al. 1 LAVS, le principe de la responsabilité de l'employeur figurant à l'art. 52 aLAVS, la seule différence portant sur la désignation de la caisse de compensation, désormais appelée assurance. Les principes dégagés par la jurisprudence sur les conditions de droit matériel de la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 aLAVS (dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2002) restent par ailleurs valables sous l'empire des modifications introduites par la LPGA (ATF 129 V 11, consid. 3.5 et 3.6).

Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 - LPA ; RS E 5 10).

Le litige porte sur la responsabilité du recourant au sens de l’art. 52 LAVS dans le préjudice causé à l’intimée, par la perte des cotisations AVS-AI-APG-AC-AMat et AF afférentes à la période de janvier 2006 au 31 mars 2008, à hauteur du montant de 25'760 fr. 40.

a) A teneur de l’art. 52 LAVS en vigueur dès le 1er janvier 2003 (introduit par le ch. 7 de l'annexe à la LPGA), l’employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n’observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l’assurance, est tenu à réparation (al. 1). La caisse de compensation compétente fait valoir sa créance en réparation du dommage par décision (al. 2).

La nouvelle teneur de cette disposition, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, reprend l'ancien art. 52 LAVS quasiment sans modification. Les termes « caisse de compensation » sont remplacés par « assurances », sans que cela n’entraîne un changement quant aux conditions de la responsabilité de l’employeur (ATF 129 V 13 s. consid. 3.5). Le TF a ainsi déjà affirmé que l’on ne pouvait inférer ni du message du Conseil fédéral concernant la 11ème révision de l’AVS ni des travaux préparatoires de la LPGA des raisons de s’écarter de la jurisprudence constante relative à l’art. 52 LAVS.

Un dommage est survenu dès que la caisse de compensation voit lui échapper un montant dû de par la loi. Le montant du dommage correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte. Appartiennent à ce montant les cotisations paritaires (cotisations patronales et d’employés ou ouvriers) dues par l’employeur, les contributions aux frais d’administration, les intérêts moratoires, les taxes de sommation et les frais de poursuite (Directives sur la perception des cotisations -DP, n8016 et 8017).

b) En l’espèce, le dommage consiste en la perte de la créance de cotisations subie par l’intimée, correspondant aux cotisations AVS/AI/APG/AC/AMAT et AF dues par la société faillie de janvier 2006 au 31 mars 2008.

A titre liminaire, il sied d’examiner la question de la prescription.

a) Le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L’employeur peut commencer à invoquer la prescription (al. 3). Il s'agit de délais de prescription, non de péremption, comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA (cf. SVR 2005 AHV n° 15 p. 49 consid. 5.1.2; FF 1994 V 964 sv., 1999 p. 4422). Cela signifie qu'ils ne sont plus sauvegardés une fois pour toutes avec la décision relative aux dommages-intérêts; le droit à la réparation du dommage au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS peut donc aussi se prescrire durant la procédure d'opposition ou la procédure de recours qui s'ensuit (ATF 135 V 74 consid. 4.2 p. 77 et sv.).

Le dommage survient dès que l'on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 195 consid. 2.2, 126 V 444 consid. 3a, 121 III 384 consid. 3bb, 388 consid. 3a). Tel sera le cas lorsque des cotisations sont frappées de péremption, ou en cas de faillite, en raison de l'impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement.

Selon la jurisprudence rendue à propos de l'ancien art. 82 al. 1 RAVS, et valable sous l'empire de l'art. 52 al. 3 LAVS (ATF non publié, H 18/06, du 8 mai 2006, consid. 4.2), il faut entendre par moment de la «connaissance du dommage», en règle générale, le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaient plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF 129 V 195). En cas de faillite, ce moment correspond en règle générale à celui du dépôt de l'état de collocation, ou celui de la publication de la suspension de la liquidation de la faillite faute d'actifs (ATF 129 V 193 consid. 2.3 p. 195 sv.). En revanche, lorsque la caisse subit un dommage à cause de l'insolvabilité de l'employeur mais en dehors de la faillite de celui-ci, le moment de la connaissance du dommage et, partant, le point de départ du délai de prescription coïncident avec le moment de la délivrance d'un acte de défaut de biens ou d'un procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens définitif au sens de l'art. 115 al. 1 LP (en corrélation avec l'art. 149 LP), soit lorsque le procès-verbal de saisie indique que les biens saisissables font entièrement défaut (cf. ATF 113 V 256 consid. 3c). C'est à ce moment que prend naissance la créance en réparation du dommage et que, au plus tôt, la caisse a connaissance de celui-ci au sens de l'art. 82 aRAVS (arrêt A. du 19 février 2003, H 284/02, consid. 7.2; cf. aussi Nussbaumer, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d'un dommage selon l'art. 52 LAVS, in RCC 1991, p. 405 s.).

S’agissant des actes interruptifs de prescription, il sied de retenir ce qui suit. Tandis que le juge ne peut interrompre la prescription que par une ordonnance ou une décision, «chaque acte judiciaire des parties» suffit à produire cet effet (art. 138 al. 1 CO). Cette notion d'acte judiciaire des parties doit être interprétée largement (ATF 106 II 35 consid. 4; Stephen V. BERTI, Commentaire zurichois, n. 18 ad art. 138 CO; Robert K. DÄPPEN, Commentaire bâlois, 3è édition, n. 2 ad art. 138 CO; Pascal PICHONNAZ, Commentaire romand, n. 4 ad art. 138 CO), tout en ayant égard à la ratio legis de la disposition citée, qui est de sanctionner l'inaction du créancier. Il faut donc considérer comme acte judiciaire d'une partie tout acte de procédure relatif au droit invoqué en justice et susceptible de faire progresser l'instance (cf. ATF 130 III 207 consid. 3.2). Par ailleurs, conformément à l’ATF 135 V 74, l’opposition à une décision interrompt le délai de prescription de deux ans et fait courir un nouveau délai de même durée.

b) En l’espèce, l’intimée a eu connaissance du dommage au plus tôt le 23 janvier 2009, date à laquelle elle a reçu des actes de défaut de biens ; puis, suite à l’ouverture de la faillite, l’état de collocation, déposé le 22 juillet 2009, a démontré qu’aucun dividende n’était prévisible pour les créanciers chirographaires.

Force est de constater qu’en notifiant au recourant une demande en réparation du dommage en date du 6 janvier 2011, l’intimée a agi en temps utile, dans les délais de deux ans et cinq ans prévus à l’art. 52 al. 3 LAVS.

Il convient de déterminer si le recourant peut être considéré comme étant « l’employeur » tenu de verser les cotisations à l’intimée au sens de l’art. 52 LAVS.

a) C’est le lieu de rappeler qu’en vertu de l'art. 52 LAVS, l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse de compensation est tenu à réparation. Si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATF 123 V 15 consid. 5b, 122 V 66 consid. 4a, 119 V 405 consid. 2 et les références).

b) L'art. 14 al. 1er LAVS en corrélation avec les art. 34 et suivants RAVS, prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses, périodiquement, les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions.

L'obligation de payer les cotisations et de fournir les décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. A cet égard, le Tribunal fédéral a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public (ATF 112 V 155, consid. 5; RCC 1987, p. 220). L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 111 V 173, consid. 2; 108 V 186, consid. 1a, 192 consid. 2a; RCC 1985, p. 646, consid. 3a).

c) Par "organe", il faut entendre toute personne physique qui représente la personne morale à l'extérieur ou qui peut exercer une influence décisive sur le comportement de celle-ci (no 8004 DP). Lorsqu'il est saisi du cas d'une société anonyme, le Tribunal fédéral s'est toujours référé à l'art. 754 al. 1er CO, en corrélation avec l'art. 759 al. 1er CO. Conformément à ces articles, toutes les personnes chargées de l'administration, de la gestion ou du contrôle, répondent, à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'elles leur causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs et les personnes qui répondent d'un même dommage en sont tenues solidairement. Sont réputés chargés de l'administration ou de la gestion au sens de l'art. 756 CO "non seulement les organes de décision désignés expressément comme tels, mais également les personnes qui prennent effectivement des décisions relevant des organes, ou qui assument la gestion proprement dite et ont ainsi une part prépondérante à la formation de la volonté au sein de la société" (ATF 107 II 353, consid. 5a; ATF 112 II 1985 et l'arrêt non publié du Tribunal fédéral du 21 avril 1988 en la cause A. ; FORSTMOSER, Die aktienrechtliche Verantwortlichkeit, 2ème éd., p. 209 et ss).

d) En l’espèce, le recourant était inscrit au registre du commerce, en qualité d’administrateur unique, avec signature individuelle, dès la constitution de la société le 4 août 2005, jusqu’à sa radiation intervenue le 29 avril 2008. Le recourant a produit le procès-verbal de l’assemblé générale extraordinaire des actionnaires du 8 février 2008, lequel ne fait aucunement mention de la démission du recourant de son mandat d’administrateur. Par conséquent, en l’absence d’un document probant à cet égard, la Cour de céans retiendra la date du 29 avril 2008. Cela étant, le recourant était indiscutablement un organe de la société faillie, de sorte que sa responsabilité est engagée au sens de l’art. 52 LAVS.

Reste à examiner si le recourant a commis une faute qualifiée ou une négligence grave au sens de l’art. 52 al. 1 LAVS.

a) Selon une jurisprudence constante, tout manquement aux obligations de droit public qui incombent à l'employeur en sa qualité d'organe d'exécution de la loi ne doit en effet pas être considéré sans autre comme une faute qualifiée de ses organes au sens de l'art. 52 LAVS.

Pour admettre que l'inobservation de prescriptions est due à une faute intentionnelle ou une négligence grave, il faut bien plutôt un manquement d'une certaine gravité. Pour savoir si tel est le cas, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret (ATF 121 V 244).

b) Le Tribunal fédéral a expressément affirmé que l'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978, p. 259; RCC 1972, p. 687). La caisse de compensation qui constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n'existe pas d'indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l'absence d'une faute (arrêt du TF du 28 juin 1982, in : RCC 1983 p. 101). De jurisprudence constante, notre Haute Cour a reconnu qu’il y a négligence grave lorsque l'employeur ne se conforme pas à ce qui peut être raisonnablement exigé de toute personne capable de discernement, dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (cf. RCC 1972, p. 690). La mesure de ce que l'on est en droit d'exiger à cet égard doit donc être évaluée d'après ce que l'on peut ordinairement attendre, en matière de comptabilité et de gestion, d'un employeur de la même catégorie que l'intéressé. Lorsqu’il s’agit d’une société anonyme, on peut, par principe, poser des exigences sévères en ce qui concerne l’attention qu’elle doit accorder au respect des prescriptions (cf. RCC 1972, p. 690 ; RCC 1978, p. 261). Une différenciation semblable s’impose également, lorsqu’il s’agit d’apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l’employeur (ATF 108 V 202 consid. 3a; RCC 1985, p. 51, consid. 2a et p. 648, consid. 3b). La négligence grave est également donnée lorsque l'administrateur n'assume pas son mandat dans les faits. Ce faisant, il n'exerce pas la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion, attribution inadmissible et inaliénable du conseil d'administration conformément à l'art. 716a CO. Une personne qui se déclare prête à assumer ou à conserver un mandat d'administrateur tout en sachant qu'elle ne pourra pas le remplir consciencieusement viole son obligation de diligence (ATF 122 III 195, consid. 3b). Sa négligence peut être qualifiée de grave sous l'angle de l'art. 52 LAVS (ATF 112 V 1, consid. 5b). Notre Haute Cour a ainsi l'occasion de rappeler à plusieurs reprises qu'un administrateur, dont la situation est à cet égard proche de celle de l’homme de paille, ne peut s'exonérer de ses responsabilités légales en invoquant son rôle passif au sein de la société (ATF du 19 mai 2010, 9C_289/2009, consid. 6.2; ATF du 22 juin 2005, H 87/04, consid. 5.2.2; ATF du 27 avril 2001, H 234/00, consid. 5d; ATF du 13 février 2001, H 225/00, consid. 3c).

Par ailleurs, la responsabilité d'un administrateur dure en règle générale jusqu'au moment où il quitte effectivement le conseil d'administration et non pas jusqu'à la date où son nom est radié du registre du commerce. Cette règle vaut pour tous les cas où les démissionnaires n'exercent plus d'influence sur la marche des affaires et ne reçoivent plus de rémunération pour leur mandat d'administrateur (ATF 126 V 61). En d'autres termes un administrateur ne peut être tenu pour responsable que du dommage résultant du non-paiement de cotisations qui sont venues à échéance et auraient dû être versées entre le jour de son entrée effective au conseil d'administration et celui où il a quitté effectivement ces fonctions, soit pendant la durée où il a exercé une influence sur la marche des affaires (arrêt du TFA du 6 février 2003, H 263/02). Demeurent réservés les cas où le dommage résulte d'actes qui ne déploient leurs effets qu'après le départ du conseil d'administration.

c) Dans certaines circonstances, un employeur peut causer intentionnellement un préjudice sans être dans l'obligation de le réparer, lorsqu'il retarde le paiement des cotisations pour maintenir son entreprise en vie, lors d'une passe de trésorerie difficile. Mais il faut alors qu'il ait eu des raisons sérieuses et objectives de penser qu'il pourrait s'acquitter de sa dette dans un délai raisonnable (cf. RCC p. 261 et la jurisprudence citée; ATF 108 V 188).

d) La jurisprudence estime encore qu'il existe en règle générale un lien de causalité adéquate entre l'inaction de l'organe et le non-paiement des cotisations, sous réserve du cas où l'administrateur est entré en fonction alors que la société était déjà surendettée (ATF 119 V 401 consid. 4c p. 407 s.), de sorte que celui-ci répond solidairement de tout le dommage subi par l'assurance en cas de faillite de la société (arrêt du 30 novembre 2004, in SJ 2005 I p. 272, consid. 7.3.1; ATF 132 III 523).

En l’espèce, force est de constater que le recourant était administrateur unique, avec signature individuelle depuis le 4 août 2005, soit dès l’inscription de la société au registre du commerce. A ce titre, il devait assumer les obligations qui lui incombaient de par la loi et plus particulièrement celles visées par l’art. 716a al 1 ch. 5 CO, soit notamment exercer la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion pour s’assurer qu’elles observent la loi, les statuts, les règlements et les instructions données. S’assurer du paiement des cotisations sociales fait partie de cette obligation.

Or, la Cour de céans relève que le recourant ne s’est pas inquiété du paiement des charges sociales, quand bien même, dès 2006, la société ne s’acquittait pas intégralement des cotisations paritaires. Il a laissé cette question à la seule appréciation et sous l’entière responsabilité de l’actionnaire unique, dont il savait qu’il assumait de fait toute la gestion de la société. A aucun moment il n’a jugé utile de s’enquérir de la situation de la société à l’égard des assurances sociales avant le mois de février 2007, date à laquelle il est intervenu auprès de l’intimée, aux fins de savoir si la société était débitrice à son égard. Il s’est accommodé jusque-là du fait que l’actionnaire unique gérait la société à sa guise.

C’est le lieu de rappeler qu'en sa qualité d'organe formel de la société depuis août 2005, titulaire de surcroît du droit de signature individuelle, il incombait au recourant, quel que soit le mode de répartition interne des tâches convenu au sein de la société, de s'assurer personnellement que les cotisations paritaires afférentes aux salaires versés soient effectivement payées à la caisse de compensation, et ce conformément aux prescriptions légales. Qu’il n’ait pas été en mesure d'exercer ses fonctions, parce que la personne morale était en fait dirigée par l’actionnaire unique, ou qu'il ait accepté son mandat à titre fiduciaire dans le seul but de permettre au conseil d'administration de satisfaire aux exigences de l'art. 708 al. 1 CO n'est pas un motif de suppression ou d'atténuation de la faute commise (voir arrêts non publiés 9C_289/2009, 9C_292/2009, 9C_295/2009, 9C_297/2009 et 9C_299/2009 du 19 mai 2010 et EGLI, Aperçu de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral relative à la responsabilité des administrateurs de société anonyme, in Publication CEDIDAC 8, 1987, p. 32).

Le recourant conteste toute responsabilité, alléguant avoir pris les choses en mains dès février 2007, effectué de nombreux paiements en mains de l’Office des poursuites ou à la caisse et avoir ainsi entièrement collaboré avec l’intimée.

Il résulte des documents produits que certes, le recourant a pris contact avec la caisse le 14 février 2007 afin de connaître l’état des dettes de la société, qu’il a écrit à l’actionnaire unique pour obtenir des fonds afin de payer les cotisations arriérées et effectué plusieurs paiements en mains de l’OP. Cela étant, les mesures prises se sont révélées tardives et insuffisantes, puisqu’elles n’ont pas suffi à payer intégralement les cotisations 2006 et 2007. Par ailleurs les cotisations courantes n’étaient pas acquittées, accroissant ainsi le dommage. Enfin, hormis les paiements effectués pour le compte de la société, il n’appert pas que le recourant ait pris d’autres mesures d’assainissement drastiques, tel que convoquer rapidement une assemblée générale, mettre en demeure l’actionnaire unique de payer les charges sociales courantes, l’inviter à licencier le personnel, ou encore à déposer le bilan. Il n’a pas demandé non plus un rapport détaillé sur la gestion, par l’actionnaire unique, de la société, qu’il a laissé continuer d’agir comme bon le lui semblait. Enfin, au vu des difficultés rencontrées avec l’organe de fait, il aurait dû immédiatement démissionner ; or, le 8 février 2008, il ne l’envisageait pas encore, comme il ressort du procès-verbal de l’assemblée générale.

Eu égard à ce qui précède, le recourant s’est rendu coupable pour le moins d’une négligence grave au sens de l’art. 52 LAVS et ne saurait dès lors être exonéré de sa responsabilité envers l’intimée.

Quant au montant du dommage, il s’élève à 25'760 fr. 40 et comprend les cotisations dues et exigibles au 31 mars 2008 - compte tenu de la radiation du recourant le 28 avril 2008 -, frais et intérêts moratoires inclus. Le recourant ne conteste pas le montant du dommage.

Mal fondé, le recours doit être rejeté.

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Juliana BALDE

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le