Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/235/2008

ATAS/120/2009 du 04.02.2009 ( AVS ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 17.03.2009, rendu le 27.11.2009, REJETE, 9C_248/2009
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/235/2008 ATAS/120/2009

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 4

du 4 février 2009

 

En la cause

Monsieur S__________, domicilié à GENEVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Alain VEUILLET

Monsieur T__________, domicilié à COPPET, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Bernard LACHENAL

recourant n°1

 


recourant n°2

 

contre

FER CIAM - CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FEDERATION DES ENTREPRISES ROMANDES, sise Rue de St-Jean 98, GENEVE

intimée

 


EN FAIT

X__________ SOCIETE INDUSTRIELLE ET COMMERCIALE D’APPROVISIONNEMENT SA (ci-après : X__________ SA) avait pour but le commerce des fruits, primeurs, agrumes, denrées alimentaires en général. Elle était inscrite au Registre du commerce depuis le 3 septembre 1956 et affiliée à la CAISSE INTER-ENTREPRISES DE PREVOYANCE PROFESSIONNELLE ( ci-après : la FER CIAM, la caisse, l’intimée) pour son personnel salarié.

Selon mention au registre du commerce, les personnes suivantes ont été organes dirigeants de la société susmentionnée :

U__________, en tant qu’administrateur-secrétaire avec signature individuelle, du 2 mars 1993 au 23 janvier 1998 ;

V__________, en tant qu’administrateur, avec signature individuelle, du 2 mars 1993 au 3 juillet 1998 ;

S__________ (recourant no 1), en qualité d’administrateur délégué du 30 mai 1997 au 14 août 2003, puis en tant qu’administrateur délégué et président, du 14 août 2003 au 11 février 2004, avec signature individuelle ;

T__________ (recourant no 2) en tant qu’administrateur, du 3 juillet 1998 au 11 février 2004, avec signature collective à deux.

A compter de septembre 2000, X__________ SA a pris du retard dans le paiement des cotisations sociales auprès de la FER CIAM. Dès janvier 2001, les retards sont devenus plus importants et un complément pour 2001 a dû être facturé le 8 janvier 2002 (pour 6'139 fr.), lequel a été payé en décembre 2002. Dès début 2002, la société a requis de la FER CIAM des arrangements pour le paiement des cotisations :

Une décision d’octroi du sursis au paiement a été rendue le 7 mars 2002 concernant l’amortissement des cotisations paritaires d’octobre 2001, décembre 2001, janvier 2002 et le complément pour 2001, soit un montant total de 101'259 fr. 25 sous déduction d’un premier acompte de 25'395 fr. L’arrangement a été annulé le 4 décembre 2002, en raison de la négociation d’un nouvel accord.

X__________ SA a informé la FER CIAM de ce qu’elle était confrontée à des problèmes de liquidités en décembre 2002, sur quoi une nouvelle décision de sursis au paiement a été rendue le 26 mai 2003. Etaient concernées les cotisations paritaires pour les périodes de janvier 2002, le complément pour l’année 2002, et de janvier à mars 2003 pour une somme totale de 311'965 fr. 55 moins un premier acompte de 36'965 fr. 55. Seuls deux paiements de 25'000 fr. sont intervenus et l’arrangement a été annulé le 31 octobre 2003.

Après avoir été informée par X__________ SA que celle-ci devait prochainement percevoir un montant de 500'000 fr. dans la liquidation du concordat de feu W__________, l’intimée a accepté de convenir d’un autre arrangement avec une décision d’octroi d’un sursis au paiement le 19 novembre 2003. L’arrangement portait sur les cotisations paritaires arriérées du complément pour l’année 2002 et des mois de juillet 2002 à septembre 2003, pour une somme globale de 407'729 fr. 65 sous déduction d’un premier acompte de 5'000 fr. Des acomptes subséquents de 5'000 par semaine ont été convenus et 50'000 fr. ont ainsi pu être amortis jusqu’au 15 mars 2004.

Finalement, la faillite de X__________ SA a été prononcée par jugement du Tribunal de première instance le 30 mars 2004, pour cause de surendettement au sens de l’art. 725 al. 2 CO.

Le 13 mai 2004, la FER CIAM a produit une créance totale de 392'067 fr. 80, dont 358'578 fr. 15 en tant que créance privilégiée de 2ème classe (cotisations AVS/AI/APG/AC, cotisations dues au régime des allocations familiales, cotisations assurance-maternité, frais administratifs et de poursuite) et 33'489 fr. 65 en tant que créance à colloquer en 3ème classe (frais de banque, taxes et amendes, intérêts moratoires).

L’état de collocation a été publié le 17 novembre 2004. Aucun dividende n’était prévisible, y compris pour les créanciers de première classe.

Le 13 décembre 2005, la caisse a envoyé à chacun des recourants une menace de poursuite pénale.

Par décision du 27 septembre 2005, l’intimée a accordé à S__________ un sursis au paiement pour amortir la part pénale des cotisations qui s’élevait à 120'586 fr. 25. Il s’agissait d’un arrangement provisoire jusqu’au 30 mars 2006, des acomptes de 750 fr. mensuels étant convenus.

En date du 14 décembre 2005, la caisse a notifié à S__________ une décision en réparation du dommage portant sur un montant de 372'668 fr. 70 et à T__________ une décision en réparation du dommage de 323'561 fr. 95. Cette somme comprenait les cotisations paritaires AVS/AI/APG/AC et LAMat impayées pour les périodes de novembre à décembre 2002, janvier à septembre 2003, janvier à février 2004 et les compléments pour les années 2002 et 2003 ; les cotisations dues au régime des allocations familiales pour les mois de mars à septembre 2003, janvier à février 2004 et un complément pour l’année 2003 ; des frais administratifs et de poursuites, des intérêts moratoires et des taxes de sommation.

Les deux intéressés ont formé opposition aux décisions précitées.

Le premier a contesté sa responsabilité dans la faillite, estimant qu’aucune négligence grave ne pouvait lui être reprochée en tant qu’administrateur de la société faillie. Il mettait en exergue les requêtes en arrangement de paiement avec la caisse, les mesures mises en place pour faire face à la situation (augmentation de capital, dépôt de plainte pénale contre l’ancienne direction) et arguait du fait que la faillite n’était pas terminée (acte du 27 janvier 2006). Le 30 janvier 2004, l’intéressé a complété son opposition, alléguant qu’une procédure en réparation du dommage avait été ouverte en 2003 devant les juridictions genevoises.

Quant à T__________, il a tout d’abord relevé que le montant du dommage n’était pas encore connu et qu’on ne saurait lui imputer une négligence grave de l’administrateur, ce d’autant plus qu’il n’était pas administrateur gérant, S__________ étant seul responsable de l’administration de la société. Il n’était en réalité chargé que d’un nombre limité d’activités pour le compte de X__________ SA (opérations commerciales ou négociations) sur demande spécifique. En outre, il s’était régulièrement informé auprès de S__________ du respect des obligations sociales et il avait reçu des assurances relatives au fait que le paiement des cotisations arriérées était sous contrôle. A cet égard, T__________ a fait remarquer que la caisse ne l’avait jamais consulté et qu’elle avait eu pour seul interlocuteur S__________. Elle avait, de son point de vue, commis une faute concomitante en accordant des sursis au paiement et en reportant l’encaissement des cotisations.

Le 12 décembre 2007, la caisse a statué sur les oppositions de S__________ et T__________.

Elle a considéré que le premier avait été administrateur de la société X__________ SA depuis le 3 mai 1997, que dès août 2000, cette société avait accusé des difficultés à payer les cotisations dans les délais. Plusieurs arrangements de paiement avaient été convenus depuis début 2002, la situation financière ne s’améliorant cependant pas. La poursuite des sursis au paiement avait pourtant eu lieu en raison des assurances données à la caisse que la société attendait des paiements importants provenant de la faillite d’un débiteur décédé. Or, la somme obtenue dans la faillite en question est revenue à la BANQUE CANTONALE DE GENEVE (ci-après : BCGE) eu égard à une cession de créance signée par X__________ SA. La caisse a dès lors considéré que S__________ devait avoir conscience du fait que la banque serait remboursée en priorité, au détriment des autres ; par ailleurs, les fonds reçus de la banque n’avaient pas été utilisés pour amortir les cotisations arriérées de façon prioritaire. La caisse a reconnu les mesures prises par l’intéressé pour faire face à la situation, ainsi qu’après la faillite (collaboration avec l’Office des faillites), mais elle est restée d’avis que la société n’aurait pas dû être maintenue et les dettes accumulées. En fin de compte, le dommage qu’elle subi aurait pu être évité, selon elle, si la faillite avait été prononcée plus tôt et si de nouvelles dettes n’avaient pas été contractées auprès de la BCGE. Dès lors, il y avait négligence grave en relation avec le dommage subi par la caisse, ce qui faisait maintenir à cette dernière sa position initiale, à savoir requérir le remboursement d’un montant de 357'668 fr. 70.

Dans sa décision sur opposition adressée à T__________, la FER CIAM a relevé que l’intéressé avait été administrateur de la société X__________ SA du 3 juillet 1998 au 11 février 2004 et qu’il ne pouvait reprocher à la caisse d’avoir accordé des sursis au paiement à S__________, étant donné que celui-ci leur fournissait copie de courriers reçus par la société faisant état d’expectatives importantes dans le cadre de la faillite d’un client décédé. La caisse était d’avis T__________ était, ensemble avec S__________, responsable du fait que la société X__________ SA avait augmenté sa dette auprès de la BCGE moyennant cession de la créance à faire valoir dans la faillite W__________ et les fonds nouvellement acquis n’avaient pas servi à effectuer des paiements substantiels pour amortir la dette de cotisations sociales. Pour le surplus, elle a réitéré les arguments développés dans le cadre de l’opposition interjetée par S__________. Enfin, elle a estimé qu’en qualité d’administrateur, T__________ avait la tâche d’exercer la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion pour s’assurer du respect des obligations légales. En omettant de s’occuper des affaires de la société et en se limitant à demander à S__________ si les cotisations étaient payées, sans procéder à des vérifications, l’opposant avait, de l’avis de la caisse, commis une négligence grave.

Agissant par son mandataire, S__________ interjette recours contre la décision précitée par acte du 25 janvier 2008, concluant à son annulation sous suite de dépens (cause A/235/2008). En substance, il estime tout d’abord que la caisse a agi trop tôt : le dommage n’est en effet pas connu vu que les comptes de la faillite ne sont pas bouclés. En outre, le décompte établi est manifestement erroné, car il ne fait pas état du montant de 50'000 fr. versé par X__________ le jour du prononcé de la faillite. Ensuite, il relate les démarches, notamment les actions judiciaires menées contre les anciens dirigeants de la société, effectuées en vue d’obtenir la réparation du dommage causé par ces derniers. En particulier, suite à une plainte pénale déposée contre U__________ en décembre 1997, ce dernier a été condamné, par arrêt du 16 novembre 2005 de la Cour correctionnelle siégeant sans jury, à une peine de 24 mois d’emprisonnement pour faux dans les titres et gestion déloyale aggravée et à verser à la masse en faillite de X__________ SA, partie civile, la somme de 800'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 22 décembre 1997. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2006. Les faits à la base de l’affaire pénale concernaient des malversations dans la gestion de la société X__________ SA. Une seconde plainte pénale, déposée à l’encontre de V__________, a par contre donné lieu à un acquittement prononcé par la Cour de cassation le 28 juin 2006 et confirmé par le Tribunal fédéral en date du 17 août 2006. Le règlement civil de l’affaire n’est toutefois, selon le recourant no 1, pas terminé. Or, alors que X__________ SA avait pris des conclusions à hauteur de 2'300'000 fr. à l’encontre de U__________, que celui-ci a été condamné à payer la somme de 800'000 fr. à la société faillie selon jugement pénal, il semblerait que la masse en faillite se soit contentée de négocier les remboursements. Si elle est en droit de le faire, il n’en demeure pas moins, pour le recourant no 1, qu’il ne saurait en supporter les conséquences, en particulier le fait que la non-récupération des créances risque d’avoir pour conséquence de ne pouvoir couvrir les créanciers de deuxième classe dans la faillite de X__________ SA. Quant à la créance de X__________ SA dans la faillite de feu W__________, sa cession à la BCGE n’avait nullement pour but de favoriser un créancier aux dépens des autres, mais de maintenir les crédits bancaires que la banque menaçait de dénoncer. Le recourant no 1 met également en exergue l’investissement de 500'000 fr. qu’il a consenti lors de l’augmentation de capital social du 19 février 2003 (capital passé de 1'000'000 à 1'500'000). Ceci démontre qu’il était convaincu de pouvoir redresser la situation de la société. Il en va de même du fait qu’il se soit porté codébiteur solidaire des dettes bancaires de la société, mesure lourde de conséquences. Enfin, il a mené des négociations avec la famille A__________ qui, jusqu’en février 2004, était tenue pour un futur investisseur de la société, qui apporterait des capitaux substantiels, et il s’est efforcé jusqu’au bout de tenir les engagements passés avec la caisse de compensation, versant notamment dix fois 5'000 fr. entre novembre 2003 et janvier 2004, puis encore 50'000 fr. le 30 mars 2004. Dès lors, S__________ considère avoir pris des mesures concrètes pour sauver l’entreprise, s’est impliqué personnellement, a agi de bonne foi et a respecté dans la mesure du possible les échéances prévues : il ne saurait donc être tenu pour responsable du paiement des montants encore réclamés par la caisse. Quant aux créances récupérées qui se sont révélées inférieures à ce qui était prévu, le recourant no 1 déclare ne pas pouvoir en être tenu pour responsable, vu les circonstances particulières. Quoi qu’il en soit, ce qui compte n’est pas le montant effectivement récupéré, mais la conviction réaliste sur le moment, dépourvue de toute négligence, que la société pourrait être sauvée, ce que la caisse a également indubitablement cru, puisqu’elle a accepté des arrangements de paiement.

Par acte du même jour, T__________ forme également recours contre la décision sur opposition de la caisse (cause A/237/2008). En premier lieu, il fait valoir qu’il se justifie d’opérer une distinction entre la responsabilité de l’administrateur gérant et celle de l’administrateur non gérant. En effet, le recourant no 2 allègue être devenu membre du conseil d’administration à la demande du recourant no 1 et dans un rôle prédéfini : il devait se charger de certaines opérations commerciales ou de négociations, du suivi des clients ou des activités de transports et de logistiques. Ces mandats lui étaient confiés au cas par cas, la gestion et l’administration de l’entreprise étant uniquement exercées par S__________, ce qui est démontré par les contacts établis entre lui seul et la FER CIAM notamment. En outre, le recourant no 2 n’était pas en mesure d’engager l’entreprise, puisqu’il n’était qu’au bénéfice de la signature collective à deux avec S__________. T__________ avance ne pas avoir été investi de l’administration de l’entreprise, mais avoir en tout temps pris des renseignements, conformément à son devoir d’administrateur, du respect des obligations sociales. Il était au courant des accords passés entre la caisse et S__________, ainsi que de l’échelonnage des paiements. Pour le surplus, S__________ l’assurait que tout était en ordre. Le recourant no 2 considère donc avoir rempli son devoir d’administrateur. Quant au reproche formulé à l’encontre de la cession de créance en faveur de la BCGE, il était infondé. En effet, ladite cession n’avait pas été accordée en vue de l’obtention de prêts supplémentaires et n’avait donc pas contribué à augmenter la dette. La masse en faillite n’avait d’ailleurs pas jugé utile de faire usage de l’action révocatoire. Enfin, il n’était pas possible de reprocher au recourant no 2 une quelconque intention ou négligence grave, dès lors que son comportement a été non seulement dépourvu de faute, mais également sans relation de causalité avec le dommage subi par la caisse. Par ailleurs, le fait que l’entreprise se soit régulièrement adressée à la caisse démontre qu’elle ne s’est pas cantonnée dans l’immobilisme et elle a respecté ses engagements jusqu’au jour de la faillite. Quant au reproche relatif au fait que le recourant aurait dû déposer le bilan plus rapidement, il se trouve en totale contradiction avec la stratégie d’assainissement des cotisations impayées adoptée par la FER CIAM, qui a accordé divers sursis au paiement à la société. Pour conclure, le recourant no 2 mentionne encore que le dommage allégué par la caisse n’est pas certain, mais seulement éventuel et, par conséquent, pas réparable. Le recourant n’a pas à supporter les décisions de la masse en faillite qui a visiblement transigé sur le montant à récupérer auprès des anciens dirigeants de la société (U__________ et V__________), alors que les procédures engagées par X__________ SA portaient sur des montants très importants. Ces décisions risquent tout simplement de léser les créanciers de la deuxième classe. Quant au montant du dommage, il y a lieu de considérer que la FER CIAM, de l’avis du recourant no 2, en est en partie responsable, étant donné qu’elle s’est dispensée de réagir lorsque les arrangements passés avec S__________ n’étaient pas régulièrement honorés par la société X__________ SA. La caisse n’a en effet introduit qu’une seule réquisition de poursuite, portant sur une partie seulement des cotisations impayées ; elle a attendu près de deux ans avant de prendre les mesures correctrices nécessaires pour pallier au retard de paiement et a ainsi laissé s’accumuler, en tolérant des paiements échelonnés, un montant total de 323'561 fr. 95 d’arriéré de cotisations dont elle réclame aujourd’hui le remboursement. Si donc il fallait reconnaître une faute à l’encontre du recourant no 2, celui-ci estime qu’il y aurait lieu de retenir aussi une faute concomitante de la part de la caisse et, dans ces circonstances, il serait abusif de lui faire supporter les conséquences de ladite faute concomitante.

L’intimée a répondu aux deux recours par courrier du 25 février 2008.

Concernant le recours de S__________, elle constate tout d’abord qu’il est exact que la société X__________ SA a effectué un versement de 50'000 fr. en date du 30 mars 2004, soit le jour du prononcé de la faillite. Suivant le souhait du recourant no 1, cette somme a été affectée à la part pénale des cotisations de la façon suivante : 22'838 fr. 05 sur le complément 2002, 13'227 fr. 30 pour décembre 2002, 13'227 fr. 30 pour janvier 2003 et 228 fr. 10 pour février 2003. Le montant versé le 30 mars 2004 n’est dès lors pas à porter en déduction de la somme réclamée en réparation du dommage, puisque tel a déjà été le cas. La caisse produit en outre un décompte des versements effectués par S__________ depuis décembre 2005 sur la part pénale des cotisations, qui porte le montant total de la réparation exigée à 356'918 fr. 70 à la date de la réponse au recours. Sur le fond, la FER CIAM estime que le recourant aurait dû prendre des mesures plus drastiques pour pouvoir payer les cotisations sociales. En particulier, la masse salariale aurait dû être réduite et la société n’aurait pas dû être maintenue aussi longtemps. L’issue des procédures intentées par X__________ SA n’était pas certaine (notamment le montant qui aurait pu être obtenu du séquestre de la villa de l’ancien dirigeant de la société) et la somme à réaliser dans la faillite W__________ revenait de toute façon à la banque, réalité qui n’était pas connue de la caisse. Les sursis au paiement octroyés n’étaient nullement basés sur une négligence : ils n’étaient accordés qu’après un premier versement, annulés dès que les conditions n’en étaient plus respectées et ils ont été renouvelés en raison des assurances données par le recourant no 1 relatives aux fonds attendus dans la faillite W__________. Enfin, vu l’état de collocation, avec des créances colloquées en premier rang pour plus de 900'000 fr. au total (créances salariales et du 2ème pilier), il apparaît évident à la caisse que sa créance colloquée en 2ème classe ne touchera pas de dividende.

Quant au recours interjeté par T__________, l’intimée ajoute que ce dernier ne s’est pas suffisamment informé sur la situation financière de la société et les dettes de cotisations et n’a ainsi rien entrepris afin de diminuer le passif. Etant organe formel de la société anonyme, il n’a ainsi pas rempli son devoir de surveillance et doit se voir reprocher une responsabilité, avec le recourant no 1, dans le dommage causé à la caisse.

La caisse conclut donc au rejet des recours et à la confirmation de ses décisions attaquées.

Le 2 avril 2008, le Tribunal de céans a tenu une audience de comparution personnelle des parties, lors de laquelle S__________ a précisé qu’à fin 2000, l’exercice comptable de X__________ mentionnait une perte de plus de 2 millions de francs. L’exercice 2001 avait accusé une perte de 63'000 fr. et celui de 2002 une perte de plus de 300'000 fr. Les bilans des années 2001 à 2003 ne contenaient pas les créances à l’encontre de U__________, ancien dirigeant, pour une raison de prudence comptable. Selon le recourant no 1, les pertes des années 2000 à 2003 étaient notamment dues à la farouche concurrence, en particulier de la société dans laquelle travaillait désormais U__________, ainsi qu’au lancement d’une nouvelle gamme de produits qui avait nécessité des investissements. Il n’y a cependant jamais eu de situation de surendettement et l’augmentation de capital avait permis certains assainissements. A fin 2003, la société faisait des bénéfices. Le dépôt de bilan était donc motivé par une situation difficile du point de vue des liquidités. Deux augmentations de capital conséquentes avaient été décidées en tant que mesures d’assainissement, ainsi que le développement du secteur des articles de 4ème gamme. Le recourant s’est dit avoir été persuadé de l’avenir de la société ; en cas contraire, il n’aurait pas investi (augmentations de capital) à deux reprises ni ne se serait porté codébiteur solidaire. Il a encore ajouté que les salaires ont été honorés jusqu’à la fin. Les cotisations sociales n’étaient par contre plus payées régulièrement depuis fin 2000 en raison des problèmes de liquidités, mais des arrangements avaient été négociés et elles étaient payées mensuellement. En ce qui concerne le recourant no 2, S__________ a exposé lui avoir personnellement demandé d’entrer dans la société en tant qu’administrateur, car il désirait avoir une personne de confiance au sein du conseil d’administration. T__________ s’occupait plus particulièrement de la gestion des débiteurs, mais pas de la gestion quotidienne de la société. Il était régulièrement tenu informé des procédures en cours, notamment avec l’AVS. Le recourant no 1 a exposé ne pas lui avoir demandé d’autorisation pour négocier avec l’AVS car il était administrateur délégué et cette compétence lui incombait. Enfin, il a expliqué qu’après avoir pris connaissance de la pratique des fausses factures permettant de payer les heures supplémentaires des employés au noir utilisée par les anciens dirigeants, il y avait immédiatement mis fin et était allé de son propre chef à la caisse pour régulariser la situation du point de vue des cotisations. Le montant des cotisations paritaires éludées a lors été estimé et la somme y relative a été payée en 1998.

La représentante de l’intimée a pour sa part précisé que le premier sursis au paiement a été octroyé en mars 2002 et portait sur un arriéré de cotisations de plus de 100'000 fr. La moitié a été payée dans le cadre du sursis, qui a été annulé en raison de la négociation d’un second. Ce deuxième sursis, accordé le 26 mai 2003, portait sur plus de 300'000 fr. Il a été annulé le 31 octobre 2003 pour non-paiement. Par ailleurs, pendant l’octroi du sursis, les cotisations courantes n’étaient pas régulièrement payées en 2002, mais l’ont finalement été avec du retard. En 2003, de mars à septembre, aucun acompte n’a été versé.

Le 2 avril 2008 également, le Tribunal a tenu une audience de comparution personnelle des parties dans la cause A/237/2008. A cette occasion, le recourant no 2 a confirmé être entré dans la société X__________ SA - dont il n’était pas actionnaire - en 1998 à la demande de S__________, en qualité d'administrateur. Il était particulièrement chargé de l'analyse des débiteurs douteux. Un système d'assurance de débiteurs avait été mis en place, mais il ne couvrait pas les anciens débiteurs, tel W__________. Le temps consacré à la société était fonction des besoins, peut-être deux heures par jour pendant un certain temps, et c’est son employeur, Y__________, qui percevait la rémunération due à l’administrateur, eu égard à un contrat intervenu entre cette société et X__________ SA. Au moment d'entrer dans la société, il avait été mis au courant de la situation financière de celle-ci et avait eu accès aux bilans. En 1998, la société réalisait un chiffre d'affaires entre 19 et 26 millions, un bénéfice d'environ 8 à 10% et un déchet de marchandise de 2%. La société avait connu une diminution de son chiffre d'affaires dans les années qui ont suivi. Par contre, il n’avait pas eu connaissance des bilans 2001 à 2003 et ne savait pas si la société avait connu des pertes. Il interrogeait très régulièrement le recourant no 1 quant à la question des charges sociales. Il n'avait pas pris de décisions conjointement avec S__________ quant au paiement des charges sociales, mais celui-ci le tenait informé et lui communiquait les accords pris avec la caisse. T__________ a indiqué ne pas maîtriser cette partie d'activité de la société pour émettre des idées quant à la façon d'amortir les charges sociales. Il savait qu'il y avait des arriérés de cotisations mais qui étaient sous contrôle et gérés par le recourant no 1, moyennant notamment des accords avec la caisse. Celle-ci ne l'avait jamais recherché comme interlocuteur et il n’avait aucune raison de venir vers elle dans la mesure où elle avait accepté de reporter les échéances et d'accorder des sursis. La société disposait de créances importantes tant à l'encontre de W__________ que de U__________ et V__________. Tous ces éléments, y compris l’augmentation de capital de 500'000 fr. permettaient d'envisager la poursuite de l'activité de la société. De son point de vue, l'activité de la société était saine, le chiffre d'affaires était important malgré sa réduction, les partenaires étaient fiables, la marge bénéficiaire du secteur des activités confortable. Le lancement de la livraison de produits semi-finis avait nécessité des investissements importants en machines (environ 400'000 fr. : il s’agissait d’un leasing qui se remboursait normalement), mais permis une diminution du personnel (environ dix personnes), vraisemblablement en 2001. C'est S__________ qui avait finalement pris la décision de mettre la société en faillite, le recourant no 2 déclarant n’avoir jamais été l’interlocuteur des fournisseurs, des banques, de l’AVS, etc. S’il avait présenté sa démission peu de temps avant la faillite, c’était en raison du fait qu’il était de moins en moins sollicité et que la distance entre son domicile et son lieu de travail était importante. S__________ avait recherché des partenaires pour investir dans l’affaire, car celle-ci était rentable. C’est, du point de vue du recourant no 2, faute d’avoir pu récupérer des créances que des problèmes étaient survenus.

Le mandataire du recourant no 2 a quant à lui estimé que la caisse aurait dû engager action à l’encontre de M. B__________, voire contre ses héritiers, car il était resté président du conseil d’administration jusqu’au 14 août 2003 et était actionnaire et fondateur de la société.

Par ordonnance du 7 avril 2008, le Tribunal de céans a ordonné la jonction des causes A/235/2008 et A/237/2008.

Le 7 avril 2008 le Tribunal a requis la production, par les juridictions des Prud’hommes et la Cour de Justice, des décisions rendues dans les affaires concernant les anciens administrateurs.

Suite à une demande en paiement déposée par-devant le Tribunal des Prud’hommes par V__________ en date du 13 octobre 1998, X__________ SA, en liquidation, représentée par l’Office des poursuites et faillites, a accepté sur transaction de verser au demandeur la somme totale de 160'904 fr. pour solde de tout compte (procès-verbal de transaction du 4 septembre 2007).

Par jugement du 16 novembre 2005, la Cour correctionnelle sans jury a condamné U__________ à une peine de 24 mois d’emprisonnement pour faux dans les titres et gestion déloyale aggravée. Il l’a par ailleurs condamné à verser à la masse en faillite de X__________ SA, partie civile, la somme de 800'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 22 décembre 1997, ainsi que, conjointement et solidairement avec V__________, la somme de 144'000 fr. avec intérêts à 5 % dès le 22 décembre 1997. La condamnation (tant sur le plan pénal que civil) prononcée le même jour par la Cour correctionnelle à l’encontre de V__________ a été annulée par arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2006, tandis que celle de U__________ a été confirmée. En ce qui concerne le préjudice causé à la société faillie, la Cour correctionnelle a constaté que l’activité délictuelle de U__________ s’était déroulée sur plusieurs années, avec un caractère répétitif et systématique, et que le préjudice total se chiffrait à plus d’un million de francs. Par les agissements du prévenu, X__________ SA a été privée d’une partie substantielle de ses liquidités et d’un fonds de roulement, sans qu’il ne soit possible, faute d’expertise en ce sens, de conclure à une relation de cause à effet directe avec la faillite intervenue en mars 2004 (et qui a laissé un découvert de plus de 10 millions au jour du procès pénal).

Des documents officiels portés à la connaissance du Tribunal, il ressort également que :

Le 19 février 2003, le capital social de X__________ SA a été porté de 1'000'000 fr. à 1'500'000 fr.

Le recourant no 1 s’est porté codébiteur solidaire des créances de la BCGE à l’égard de X__________ SA en juin 2003. Pour pouvoir maintenir les crédits octroyés par ledit établissement bancaire, X__________ SA a également dû verser la totalité des fonds résultant de l’augmentation de son capital-actions (ce qui revenait à un remboursement partiel du crédit), mais aussi fournir une série de garanties supplémentaires (nantissement des actions de X__________ SA, cession de factures et du produit de l’affaire W__________ [créances hypothécaires contre la masse en liquidation concordataire de feu W__________]).

Le février 2004, lors d’une séance du conseil d’administration de X__________ SA à laquelle étaient présents les deux recourants, S__________ a informé le conseil de ce qu’il avait entamé des discussions avec la famille A__________ afin qu’elle rentre dans la société par une augmentation de capital. Celle-ci devait permettre à la société de couvrir la perte d’exploitation de l’année 2003. Lors de la même séance, T__________ a remis une lettre de démission de son poste au Conseil d’administration.

Le 11 juin 2008, le recourant no 2 a observé qu’il n’avait pas à endosser la responsabilité pour le recouvrement très partiel effectué par la masse en faillite des créances importantes dont disposait X__________ SA à l’encontre des anciens dirigeants U__________ et V__________. Par ailleurs, le recourant no 2 met en exergue l’absence d’action intentée par la caisse à l’encontre de B__________. En conséquence, il confirme les conclusions prises dans son mémoire de recours.

Le recourant no 1, dans ses écritures du 16 juin 2008, développe une argumentation similaire et maintient par conséquent également ses conclusions.

Quant à l’intimée, elle estime que vu la situation difficile de la société, le défaut de liquidités pendant plusieurs années et l’issue incertaine des procédures intentées contre U__________ et V__________, la responsabilité des recourants reste engagée pour le non-paiement des cotisations. Le montant réclamé par la caisse s’élève au jour de son courrier (11 juin 2008) à 335'418 fr. 70 pour S__________ et à 323'561 fr. 95 pour T__________.

Le 7 octobre 2008, le Tribunal de céans a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

Conformément à l'art. 56V al. 1 let. a ch.1 de la loi genevoise sur l'organisation judiciaire (LOJ), le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA), relatives à la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l’AVS, notamment en ce qui concerne l’article 52 LAVS. Désormais, la responsabilité de l’employeur y est réglée de manière plus détaillée qu’auparavant et les articles 81 et 82 du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (ci-après : RAVS) ont été abrogés. La LPGA s’appliquera au cas d’espèce, de même que les nouvelles dispositions en vigueur, eu égard au principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminant se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1). In casu, la connaissance du dommage et toute la procédure qui a suivi sont postérieures au 1er janvier 2003, les décisions à l’origine du litige datent du 13 décembre 2005, de sorte que les dispositions légales seront citées dans leur nouvelle teneur.

a) L’ancien art. 82 al. 1 RAVS, qui régissait les effets du temps sur une créance en réparation du dommage, a été abrogé à la suite de l’entrée en vigueur de la LPGA. La question est désormais réglée par l’art. 52 al. 3 LAVS. Selon cette disposition, le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L’employeur peut renoncer à invoquer la prescription. Il s’agit de délais de prescription, non de péremption, comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA (FF 1994 V p. 964 sv., 1999 p. 4422, cité in arrêt du Tribunal fédéral du 30 novembre 2004 en la cause H 96/03).

Le Tribunal fédéral a posé le principe qu’une caisse de compensation a « connaissance du dommage » au sens de la disposition précitée, à partir du moment où elle doit reconnaître, en y prêtant l’attention qu’on est en droit d’attendre d’elle et en tenant compte de la pratique, que les circonstances ne lui permettent plus de recouvrer les cotisations, mais pourraient justifier une obligation de réparer le dommage (cf. ATF 116 V 75, consid. 3b ; 113 V 181, consid. 2 ; 112 V 8, consid. 4d ; RCC 1983, p. 108). Le fait déterminant est donc de constater qu’il n’y a « rien dont on puisse tirer profit, rien à distribuer » (cf. FRITSCHE : Schuldbetreibung und Konkurs II, deuxième édition page 112), d’où résulte la perte de la créance de la Caisse.

Selon la jurisprudence, le dommage est réputé survenu lorsque les cotisations dues ne peuvent plus être perçues, pour des motifs juridiques ou de fait (cf. RCC 1983, p. 477 ; RCC 1988, p. 137). Lorsque les cotisations demeurent impayées en raison de l’insolvabilité de l’employeur (personne morale), le dommage est réputé survenu au moment où les créances de cotisations sont irrécouvrables, c’est-à-dire au moment où, eu égard à l’insolvabilité de l’employeur, les cotisations ne peuvent plus être perçues selon la procédure ordinaire. (cf. MAURER : Schweizeriches Sozialversicherungschreit, volume II, p. 69).

Ainsi, eu égard au principe de la subsidiarité de la responsabilité des organes de la personne morale, une caisse de compensation ne peut invoquer la réparation d'un dommage à l'encontre de ceux-ci que lorsque le débiteur des cotisations arriérées se trouve dans l'impossibilité, en raison de son insolvabilité, de verser les cotisations à sa charge. Dans le cas d'une faillite, le dommage est réputé suffisamment connu lors du dépôt de l'état de collocation (cf. VSI 1993 p. 110 ; ATF 119 V 92).

b) En l’espèce, l’état de collocation a été publié le 17 novembre 2004 et modifié le 14 décembre 2005. C’est donc à cette première date que la caisse a eu connaissance du fait qu’elle allait subir un dommage, puisque l'Office des faillites a indiqué qu'aucun dividende n’était prévu, y compris pour les créanciers de première classe. La décision en réparation du dommage, notifiée le 14 décembre 2005, est par conséquent intervenue dans le délai péremptoire de deux ans prescrit par l’art. 52 al. 3 LAVS. Elle n’était donc non seulement pas tardive, mais pas prématurée non plus, du fait de la collocation en deuxième et troisième classe des créances de la caisse, du montant du découvert laissé par la faillite (plusieurs millions de francs), de l’importance des créances privilégiées (près de 900'000 fr.) et de l’absence de dividende prévisible. L’argument du recourant no 2 selon lequel la caisse aurait agi de façon prématurée doit dès lors être rejeté.

Par ailleurs, les oppositions comme les recours ont été déposés dans les forme et délais légaux. Les recours sont dès lors recevables (art. 52 LAVS et 60 al. 1 LPGA).

a) Aux termes de l’art. 52 al. 1er LAVS, l’employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n’observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l’assurance, est tenu à réparation. Il sied de rappeler que cet article est une disposition spéciale (RCC 1989, p. 117).

La nouvelle teneur de l’art. 52 al. 1er LAVS en vigueur depuis le 1er janvier 2003 reprend l'ancien art. 52 LAVS quasiment sans modification. Les termes « caisse de compensation » sont remplacés par « assurances », sans que cela n’entraîne un changement quand aux conditions de la responsabilité de l’employeur (ATF 129 V 13 s. consid. 3.5). Le TF a ainsi déjà affirmé que l’on ne pouvait inférer ni du message du Conseil fédéral concernant la 11ème révision de l’AVS ni des travaux préparatoires de la LPGA des raisons de s’écarter de la jurisprudence constante relative à l’art. 52 LAVS.

b) En l’espèce, le dommage consiste en la perte de la créance de cotisations subie par la caisse, pour la somme de 372'668 fr. 70 correspondant aux cotisations dues par la société X__________ SA pour les périodes de novembre à décembre 2002, janvier à septembre 2003, janvier à février 2004, ainsi que les compléments 2002 et 2003 et un solde de frais, taxes, amendes et intérêts moratoires.

a) L'art. 14 al. 1er LAVS en corrélation avec les art. 34 et suivants RAVS, prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses, périodiquement, les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions.

L'obligation de payer les cotisations et de fournir les décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. A cet égard, le Tribunal fédéral a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public (ATF 112 V 155, consid. 5; RCC 1987, p. 220). L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 111 V 173, consid. 2; 108 V 186, consid. 1a, 192 consid. 2a; RCC 1985, p. 646, consid. 3a).

b) Lorsque l'employeur est une personne morale, ses organes répondent solidairement, à titre subsidiaire, du dommage causé par celui-ci, notamment quand la personne morale n'existe plus au moment où la responsabilité est engagée (No 6003 des directives de l’Office fédéral des assurances sociales sur la perception des cotisations, ci-après : DP; ATF 114 V 79, consid. 3; 113 V 256, consid. 3c; RCC 1988, p. 136, consid. 3c; ATF 111 V 173, RCC 1985, p. 649, consid. 2.).

Par "organe", il faut entendre toute personne physique qui représente la personne morale à l'extérieur ou qui peut exercer une influence décisive sur le comportement de celle-ci (no 6004 DP). Lorsqu'il est saisi du cas d'une société anonyme, le Tribunal fédéral s'est toujours référé à l'art. 754 al. 1er CO, en corrélation avec l'art. 759 al 1er CO. Conformément à ces articles, toutes les personnes chargées de l'administration, de la gestion ou du contrôle, répondent, à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'elles leur causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs et les personnes qui répondent d'un même dommage en sont tenues solidairement. Sont réputés chargés de l'administration ou de la gestion au sens de l'art. 756 CO "non seulement les organes de décision désignés expressément comme tels, mais également les personnes qui prennent effectivement des décisions relevant des organes, ou qui assument la gestion proprement dite et ont ainsi une part prépondérante à la formation de la volonté au sein de la société" (ATF 107 II 353, consid. 5a; ATF 112 II 1985 et l'arrêt non publié du Tribunal fédéral du 21 avril 1988 en la cause A. ; FORSTMOSER, Die aktienrechtliche Verantwortlichkeit, 2ème éd., p. 209 et ss).

c) Dans le cas d’espèce, S__________, ancien administrateur délégué du 30 mai 1997 au 14 août 2003, puis administrateur délégué et président, du 14 août 2003 au 11 février 2004, avec signature individuelle et inscrit au Registre du commerce est à l’évidence un organe au sens des règles susmentionnées. Tel est également le cas T__________, ancien administrateur avec signature collective à deux inscrit au Registre du commerce.

a) Reste à examiner si ces deux organes peuvent être tenus responsables du dommage subi par la caisse.

b) Le Tribunal fédéral a affirmé expressément que l'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978, p. 259; RCC 1972, p. 687). La caisse de compensation qui constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n'existe pas d'indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l'absence d'une faute (arrêt du TF du 28 juin 1982, in : RCC 1983 p. 101). De jurisprudence constante, notre Haute Cour a reconnu qu’il y a négligence grave lorsque l'employeur ne se conforme pas à ce qui peut être raisonnablement exigé de toute personne capable de discernement, dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (cf. RCC 1972, p. 690). La mesure de ce que l'on est en droit d'exiger à cet égard doit donc être évaluée d'après ce que l'on peut ordinairement attendre, en matière de comptabilité et de gestion, d'un employeur de la même catégorie que l'intéressé. Lorsqu’il s’agit d’une société anonyme, on peut, par principe, poser des exigences sévères en ce qui concerne l’attention qu’elle doit accorder au respect des prescriptions (cf. RCC 1972, p. 690 ; RCC 1978, p. 261). Une différenciation semblable s’impose également, lorsqu’il s’agit d’apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l’employeur (ATF 108 V 202 consid. 3a; RCC 1985, p. 51, consid. 2a et p. 648, consid. 3b).

On rappellera que celui qui entre dans le conseil d’administration d’une société a le devoir de veiller tant au versement des cotisations courantes qu’à l’acquittement des cotisations arriérées, pour une période pendant laquelle il n’était pas encore administrateur. En règle générale, un administrateur répond solidairement de tout le dommage subi par la caisse de compensation en cas de faillite de la société (RCC 1992 p. 262, 268 s. consid. 7b), à l’exception du cas dans lequel la société était déjà surendettée au moment où l’administrateur est entré en fonction. Par ailleurs, si les membres du conseil d’administration qui ne sont pas chargés de la gestion ne sont certes pas tenus de surveiller chaque affaire des personnes chargées de la gestion et de la représentation mais peuvent se limiter au contrôle de la direction et de la marche des affaires, ils doivent cependant, entre autres obligations, se mettre régulièrement au courant de la marche des affaires, exiger des rapports et les étudier minutieusement et, au besoin, demander des renseignements complémentaires et essayer de tirer au clair d’éventuelles erreurs (ATF 114 V 223 consid. 4a ; arrêt du TF en la cause H 265/02 du 3 juillet 2003). Constitue une faute grave le fait d'accepter et de conserver un mandat d'administrateur sans exercer les pouvoirs et les devoirs qui sont attachés à cette charge, ou sans pouvoir la remplir consciencieusement, car dans un tel cas il doit démissionner (cf. ATF 122 III 200). S'accommoder, par passivité, du non-paiement des cotisations est constitutif d'une négligence grave (RCC 1989 p. 114). Enfin, lorsque les administrateurs sauvegardent leurs intérêts alors qu'aucune perspective d'assainissement n'est envisageable ni envisagée, leur responsabilité doit s'apprécier avec une extrême rigueur (cf. ATF 113 II 57). On peut, en effet, attendre des administrateurs propriétaires de l'entreprise qu'ils revoient à tout le moins à la baisse leur rémunération à partir du moment où la mise en liquidation de la société est envisagée et que des dettes importantes de cotisations existent (cf. arrêt du TF du 6 février 2006, en la cause H 174/05).

Dans certaines circonstances, un employeur peut causer intentionnellement un préjudice sans être dans l'obligation de le réparer, lorsqu'il retarde le paiement des cotisations pour maintenir son entreprise en vie, lors d'une passe de trésorerie difficile. Mais il faut alors qu'il ait eu des raisons sérieuses et objectives de penser qu'il pourrait s'acquitter de sa dette dans un délai raisonnable (cf. RCC p. 261 et la jurisprudence citée; ATF 108 V 188).

c) Les recourants soutiennent qu'ils avaient les meilleures raisons de penser que les arriérés de charges sociales pourraient être régularisés. Le recourant no 1 en veut pour preuve, notamment, qu'il avait consenti à des investissements importants dans la société et s’était porté codébiteur solidaire de la société. Les deux recourants invoquent en outre le fait que la société avait introduit des actions (pénales et civiles) à l’encontre des anciens dirigeants de la société qui devaient rapporter à cette dernière le remboursement d’importants montants, et qu’il disposaient d’expectatives pour plusieurs centaines de milliers de francs dans une faillite en cours.

Par ailleurs, ils font observer que la dette de cotisations faisait l’objet de paiements réguliers selon arrangements intervenus avec la caisse intimée, les efforts consentis ayant permis de diminuer la dette totale de plus de 100'000 fr.

Les recourants ne peuvent toutefois pas s'exculper en alléguant qu'ils ont, postérieurement à l’octroi du premier sursis au paiement intervenu en mars 2002, diminué la dette de cotisations. En effet, si l'on suivait leur raisonnement, il suffirait qu'une entreprise ayant accumulé des arriérés de cotisations importants durant une longue période commence à rembourser une partie même importante de sa dette pour que ses dirigeants ne puissent, pour ce seul motif, plus être tenus pour responsables par l'administration de l'AVS. Ce n'est là pas le sens de l'art. 52 LAVS tel que rappelé plus haut.

X__________ SA a bénéficié de fonds privés lors d'une recapitalisation en 2003 (500’000 fr.). Les recourants n'ont pourtant pas saisi l'occasion de les utiliser pour éteindre entièrement la dette de cotisations envers l'intimée; ils les ont affectés à d'autres buts, soit au remboursement partiel d’un crédit bancaire. A partir de ce moment-là, il était dès lors patent que les recourants faisaient supporter à l'assurance sociale le risque inhérent au financement - durable, en l'espèce, puisque les difficultés ont commencé à fin 2000 et n’ont cessé qu’avec le prononcé de la faillite en 2004 - d'une entreprise en difficulté (ATF 108 V 96 consid. 4), ce qui, de jurisprudence constante, n'est pas admissible.

Le critère déterminant pour qualifier le comportement des recourants, au sens de l'art. 52 LAVS, réside dans le fait que les retards dans le paiement des cotisations sociales se sont étendus de septembre 2000 jusqu'à l'ouverture de la faillite en mars 2004. En effet, en pareilles circonstances, les recourants ne peuvent être considérés comme ayant eu des raisons sérieuses et objectives de penser que le retard dans le règlement des cotisations aux assurances sociales n'était que passager, au sens de la jurisprudence rappelée ci-dessus au consid. 2 in fine (a contrario, voir aussi ATF 121 V 243), ce d’autant plus que le montant de l’arriéré ne cessait de s’accroître. Ils avaient certes introduit des procédures judicaires à l’encontre des anciens dirigeants de la société, en vue de récupérer les montants prétendument détournés par ces derniers. Cela étant, de telles procédures sont, par définition, longues et leur issue demeure incertaine, quand bien même la culpabilité, respectivement la responsabilité des personnes incriminées ne fait pas l’objet de doutes (ce qui n’était pas le cas présentement, au vu du contenu des jugements rendus et de l’issue des procès intentés ; cf. en particulier les arrêts rendus dans la poursuite pénale dirigée contre V__________). En effet, le recouvrement des sommes recherchées n’est pas garanti. Quant à la prétention dans la faillite W__________, invoquée par les recourants et sur la base de laquelle la société a obtenu des arrangements de paiement avec la caisse, elle était cédée à un autre créancier (la banque), sans possibilité de permettre à la société de dégager des liquidités supplémentaires pour assurer le paiement des cotisations arriérées. Les recourants n'étaient donc pas autorisés, aux conditions posées par la jurisprudence et sur une aussi longue période, à différer le paiement des cotisations qu'ils avaient retenues sur les salaires payés, sous peine de commettre une négligence grave sanctionnée par l'art. 52 LAVS.

Le recourant no 2 ne saurait non plus faire état de sa qualité d’administrateur non gérant de la société. En effet, étant régulièrement informé du retard important dans le paiement des cotisations, de l’état des liquidités de la société et de la persistance de cette situation difficile, il aurait dû exiger des rapports plus détaillés et proposer des solutions. On doit donc considérer qu’il a conservé son mandat d'administrateur sans en exercer totalement les pouvoirs et les devoirs qui y sont liés, notamment en adoptant une attitude passive et en laissant totale liberté d’action au recourant no 1 sans s’immiscer dans la gestion du problème des cotisations sociales. Ceci constitue une faute grave au sens de la jurisprudence (cf. ATF 122 III 200) qui doit être mise en relation de causalité avec le dommage subi par la caisse, dès lors que si le recourant no 2 avait procédé à des vérifications sérieuses et était intervenu, le montant de cotisations arriérées aurait pu être limité. Autrement, ne remplissant pas l’intégralité de sa tâche, il aurait dû démissionner.

On ajoutera encore, concernant S__________, administrateur propriétaire de l’entreprise, que celui-ci a conservé, durant toute la période incriminée (soit entre 2000 et 2004), une rémunération très importante (oscillant entre 160'000 et 185'000 fr. annuels). On aurait pu attendre de lui à tout le moins qu’il réduise son salaire au vu des difficultés de trésorerie.

a) Les recourants font grief à l’intimée d’avoir tardé à procéder au recouvrement des cotisations et (implicitement) de ne pas avoir procédé, par elle-même, après cession, au recouvrement des créances de la faillie contre ses propres débiteurs, ni à la réalisation du séquestre de la villa de U__________.

b) La jurisprudence admet l'application par analogie des art. 4 LRCF et 44 al. 1 CO, et la réduction de l'obligation de réparer le dommage au sens de l'ancien art. 52 LAVS en raison d'une faute propre de la caisse de compensation intéressée (ATF 122 V 185). Il faut cependant que l'administration ait gravement violé ses devoirs, ce qui sera le cas lorsque la caisse a violé des prescriptions élémentaires en matière de fixation et de perception des cotisations (voir à ce sujet notamment l’art. 34b RAVS qui fixe les conditions d’octroi du sursis au paiement). La violation de ces obligations doit être constitutive de négligence grave et être en relation de causalité avec le dommage subi (ATF 122 V 185 consid. 3c; Nussbaumer, Die Haftung des Verwaltungsrates nach Art. 52 AHVG, PJA 1996, § 9 p. 1081-1982).

c/aa) En l'espèce, l'administration de la faillite a proposé aux créanciers de ne pas intenter d’éventuelles actions revendicatoires à l’encontre de la BCGE (au bénéfice de cessions sur les débiteurs de la société [factures] et sur la créance dans la faillite W__________) ou des personnes à qui des véhicules de la société avaient été vendus peu de temps avant la faillite. L’administration de la faillite jugeait ces procédures hasardeuses et la masse ne disposait de toute manière pas des montants nécessaires à l’introduction de procédures, quelles qu’elles soient. La cession des droits de la masse a dès lors été proposée, ainsi que pour le recouvrement des créances à l’encontre de U__________, pour autant que la proposition de l’administration (acceptation d’un paiement de 319'254 fr. sur la réalisation de la villa U__________) ne soit pas acceptée. Les créanciers ont accepté la proposition de la masse et renoncé à poursuivre les procédures en vue de la réalisation du séquestre de la villa, dont il n’était pas garanti qu’elles apporteraient, ni dans quel délai, un montant supérieur. Quoi qu'en disent les recourants, la caisse intimée ne peut se voir reprocher une faute concomitante, dans le fait de ne pas avoir fait usage des possibilités de revendication ou de cession. D'une part, le dommage était déjà survenu à ce moment et le comportement de la caisse n'a pas contribué à en augmenter le montant. D'autre part, le fait de ne pas avoir risqué les deniers publics dans des procédures de recouvrement aléatoires et onéreuses ne peut en aucun cas être considéré comme un comportement illicite ou la violation d'une obligation de la caisse constitutive d'une négligence grave.

c/bb) Il en va par contre différemment de l’octroi des divers sursis au paiement par la caisse. Si le tribunal ne saurait reprocher à cette dernière d’avoir octroyé un premier arrangement de paiement, en date du 7 mars 2002, à X__________ SA, la conclusion du second arrangement - et par conséquent du troisième - n’aurait jamais dû avoir lieu. En effet, par courrier du 23 décembre 2002, l’intimée a proposé un arrangement de paiement échelonné à la société quand bien même les cotisations courantes n’étaient pas versées (on rappellera que les mois de novembre et décembre 2002 font l’objet de la réclamation à la base du présent litige). Bien plus, les termes de paiement fixés par la caisse n’ont pas été respectés par la société ; dans sa proposition, la FER CIAM fixait une échéance au 10 janvier pour le premier versement. Faute d’exécution, un ultime délai a été agendé au 5 mars 2003, mais il n’a pas été honoré non plus, le paiement ayant finalement été effectué le 13 mars 2003. Parallèlement, la société a continué d’accumuler les dettes de cotisations courantes. La caisse a dès lors accepté de sursoir au recouvrement des arriérés de cotisations durant une période prolongée, alors qu’elle ne pouvait escompter un règlement régulier des cotisations courantes et des acomptes fixés. Ceci est clairement démontré par l’augmentation vertigineuse du montant de cotisations en retard faisant l’objet des arrangements de paiement, respectivement des propositions en vue de tels accords : 101'259 fr. 25 le 7 mars 2002, 139'635 fr. 55 le 23 décembre 2002, 311'965 fr. 55 le 26 mai 2003 et 407'729 fr. 65 le 19 novembre 2003 (soit à peine 4 mois avant le prononcé de la faillite). Dans ces circonstances, on doit considérer que la caisse ne pouvait ignorer que la société ne s’acquitterait pas de ses dettes en temps voulu et que les conditions de l’art. 34b RAVS n’étaient pas réalisées. La situation qui prévalait en janvier 2003 au sein de l’entreprise aurait dû conduire la caisse à introduire des poursuites, mais elle a au contraire octroyé encore deux sursis en mai et novembre 2003. Quant à l’argument avancé par la caisse, à savoir qu’elle s’était fondée sur l’existence d’une importante créance de la société dans la faillite W__________, on peut sans autre déclarer qu’au vu des difficultés de paiement de la société, il apparaissait pour le moins risqué de se fonder sur une expectative sans autres recherches à son propos. De toute manière, les fonds que X__________ SA devait recouvrir dans ce cadre ne lui permettaient nullement de faire face à ses obligations courantes, étant donné que le versement ne devait pas être effectué avant un certain temps.

Les manquements de l’intimée à des prescriptions élémentaires relatives à la fixation et à la perception des cotisations constituent une faute grave, concomitante à celle des recourants, qui justifie de réduire le montant du dommage dont la caisse peut demander la réparation, pour autant que celui-ci entre dans un rapport de causalité (notamment adéquate) avec le comportement illicite qui lui est reproché (cf. ATF 122 V 189 consid. 3c). Or, il y a lieu d’admettre que l’octroi d’un sursis irrégulier, a fortiori de façon répétée, est de nature à favoriser la poursuite d’une entreprise hasardeuse financée sans droit pas l’assurance sociale, et à aggraver, dans une mesure correspondante, le dommage subi dans la faillite de l’employeur, ici X__________ SA.

En regard de l’ensemble des circonstances, en particulier de la faute commise par la caisse intimée et du fait que le solde des cotisations impayées a passé de 139'635 fr. 55 à la fin de l’année 2002 à 372'668 fr. 70, frais et intérêts moratoires compris selon le décompte de la caisse en décembre 2005 (décision en réparation du dommage), il apparaît qu’une réduction à raison de moitié est appropriée.

Pour le surplus, le montant du dommage n'est, en tant que tel, ni contesté ni sujet à discussion, le montant de 50'000 fr. dont le recourant no 1 réclamait la déduction ayant été pris en considération dans le calcul du dommage par la caisse. Celui-ci doit toutefois être réduit dans la mesure susmentionnée, ce qui donne une somme de 186'334 fr. 35 (372'668 fr. 70 selon décision en réparation) pour le recourant no 1 et 161'781 fr. pour le recourant no 2 (323'561 fr. 95 selon décision en réparation), sous réserve de la déduction des sommes versées par le recourant no 1 depuis la notification des décisions litigeuses.

Au vu de ce qui précède, les recours sont partiellement admis et les recourants, représentés par un mandataire professionnel, ont droit chacun à une indemnité de dépens fixée à 1'500 fr. La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

Déclare les recours recevables.

Au fond :

Les admet partiellement.

Dit que la responsabilité solidaire de Monsieur S__________ est engagée à concurrence du montant de 186'334 fr. 35, sous réserve de l’imputation des sommes versées en cours de procédure.

Dit que la responsabilité solidaire de Monsieur T__________ est engagée à concurrence du montant de 161'781 fr, sous réserve de l’imputation des sommes versées en cours de procédure.

Confirme les décisions pour le surplus.

Condamne l’intimée à verser à chacun des recourants la somme de 1'500 fr. à titre de participation à leurs dépens.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Juliana BALDE

 

La secrétaire-juriste : Laurence SCHMID-PIQUEREZ

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le