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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3711/2005

ATAS/1011/2006 du 08.11.2006 ( AVS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3711/2005 ATAS/1011/2006

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 4

du 8 novembre 2006

 

En la cause

Monsieur S_________, domicilié , 1256 TROINEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître ZOELLS Robert

Madame S_________, domiciliée , 1256 TROINEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître ZOELLS Robert

recourants

 

contre

FER CIAM 106.1, sise rue de St-Jean 98, case postale 5278, 1211 GENEVE 11

intimée

 


EN FAIT

La société X_________, Compagnie de Tourisme Automobile SA (ci-après la société), a été constituée à Genève le 29 mars 1958 et inscrite au registre du commerce à cette date. Elle avait pour but social le développement du tourisme par l'automobile, en particulier en louant des voitures avec ou sans chauffeur, l'exploitation d'un service d'autos-taxis ainsi que la fonction d'intermédiaire pour tous moyens de transports.

Monsieur S_________ était inscrit au registre du commerce en qualité d'administrateur président, avec signature collective à deux, du 21 avril 1988 au 5 août 1999, puis comme directeur au bénéfice d'une signature individuelle dès cette date. Son épouse Maud S_________ avait une procuration collective à deux dès le 23 janvier 1998 et a été inscrite en qualité d'administratrice, au bénéfice d'une signature individuelle, dès le 5 août 1999.

La société a été affiliée auprès de la FER CIAM (ci-après la caisse) du 3 avril 1958 au 4 novembre 2002 pour son personnel salarié.

Des difficultés dans le paiement des cotisations paritaires sont survenues dès 1994. Plusieurs arrangements de paiement ont été convenus avec la caisse. Le dernier sursis accordé le 18 novembre 1999, portant sur les cotisations de mai à novembre 1998 et de janvier à mai 1999 a été annulé, la société n'ayant plus effectué de versement après le 18 janvier 2001. Depuis septembre 2000, les cotisations courantes n'ont plus été payées.

Par jugement du 4 novembre 2002, le Tribunal de première instance de la République et canton de Genève a prononcé la faillite de la société.

L'état de collocation a été déposé et publié le 15 octobre 2003. L'Office des faillites a informé la caisse que sa créance en 121'034 fr. était admise en 2ème classe et que le dividende maximum pour les créanciers chirographaires pouvait être évalué à 1 %.

Le 4 mars 2005, l'Office des faillites a délivré à la caisse un acte de défaut de biens d'un montant de 122'759 fr. 90.

Le 16 mars 2005, la caisse a réclamé à Madame S_________ et à Monsieur - S_________, conjointement et solidairement, en leur qualité d'organes de la société faillie, le paiement de la somme de 113'138 fr. 35, à titre de réparation du dommage subi en raison du non paiement des cotisations paritaires. Le montant du dommage correspond aux cotisations paritaires impayées de février à mai 1999, de septembre à décembre 2000, janvier et février 2001, complément mai 1999, et rapport de contrôle portant sur les années 1995 à 1999.

Le 2 mai 2005, les époux S_________, représentés par Me Robert ZOELLS, ont formé opposition auprès de la caisse. Ils invoquaient préalablement la péremption, au motif que le délai d'un an de l'ancien droit devait s'appliquer pour intenter l'action en réparation du dommage et que le délai de 5 ans était acquis pour les faits dommageables survenus avant le 16 mars 2000. Sur le fond, ils contestaient leur responsabilité, au motif que la société s'est trouvée dans une situation de grave crise de liquidités au cours de l'année 1998 en raison de la décision de l'UBS de dénoncer au remboursement intégral les facilités de crédit accordées. Ils ont fait valoir qu'à aucun moment ils n'ont eu l'intention de financer la poursuite de l'activité aux dépens de la caisse de compensation.

Par décisions du 15 septembre 2005, la caisse a rejeté les oppositions formées par les époux S_________. Elle a rappelé que le manque de liquidités de la société était chronique depuis plusieurs années, que Monsieur S_________, lorsqu'il a accepté de reprendre la société, connaissait très bien la situation financière et a pris des risques considérables. Depuis 1993, les charges sociales n'ont été que très rarement payées dans les délais impartis. Bien qu'un administrateur, lors d'une séance du conseil d'administration en janvier 1999, ait attiré l'attention des anciens organes sur la nécessité d'un apport frais d'argent pour faire face aux dettes, ils ont maintenu l'entreprise en vie. Ils ne pouvaient cependant pas s'attendre à une amélioration de la situation financière sans de nouveaux investisseurs. La caisse a considéré qu'ils avaient ainsi commis une négligence grave.

Par actes du 14 octobre 2005, Maud et S_________, par l'intermédiaire de leur mandataire, ont interjeté recours auprès du Tribunal de céans. Le recours de Monsieur S_________ a été enregistré sous le numéro de cause A/3711/2005 et celui de Madame S_________ sous le numéro A/3712/2005. Dans leurs écritures, ils contestent avoir commis une négligence grave et estiment avoir fait tout ce qui était en leur pouvoir pour tenter de sauver la société. Ils allèguent avoir fait preuve de détermination et de courage en continuant les affaires de la société en dépit des difficultés qui se sont accumulées depuis 1997, persuadés qu'ils étaient que les affaires finiraient par se redresser. Ils se sont cependant heurtés à l'intransigeance de la banque. Ils relèvent que la caisse avait connaissance des risques liés à la poursuite des activités de la société et qu'elle a néanmoins accordé à celle-ci des sursis au paiement à plusieurs reprises. Ils sollicitent l'apport du dossier de l'Office des faillites, l'audition du personnel de la caisse et, sur le fond, concluent à l'admission des recours. Subsidiairement, ils estiment que le montant du dommage doit être réduit et que la caisse doit renoncer au paiement des frais et intérêts moratoires.

Dans sa réponse du 15 novembre 2005, la caisse a persisté dans ses conclusions, relevant que le courage des recourants n'est pas mis en cause, mais qu'il ne suffit pas à les disculper. Elle considère que dès le moment où la banque a dénoncé les facilités de crédit, les recourants devaient savoir que la poursuite des activités n'était plus possible sans des apports de liquidités. En outre, les cotisations courantes n'étaient plus payées depuis septembre 2000 et le sursis accordé en novembre 1999 a dû être annulé.

Dans ses écritures du 16 janvier 2006, la recourante fait valoir qu'elle a tout entrepris pour tenter de sauver la société, et qu'elle n'a pas hésité à contracter fin 1996 un emprunt personnel pour souscrire à une augmentation de capital. Elle allègue que le fait que la société qu'elle et son mari dirigent actuellement marche bien et n'a pas de dettes à l'égard de l'AVS prouve qu'ils peuvent faire face à leurs obligations légales quand les créanciers leur en donnent les moyens. Elle rappelle que les trois premiers arrangements ont tous été respectés et que seul le dernier du 18 novembre 1999 a dû être annulé en date du 14 mars 2001. Elle conteste avoir commis une faute grave et conclut à l'annulation de la décision de la caisse, subsidiairement à la réduction du dommage dans une mesure équitable.

Dans sa duplique du 13 février 2006, la caisse a persisté dans ses conclusions.

Par ordonnance du 24 avril 2006, le Tribunal de céans a joint la cause A/3712/2005 à la cause A/3711/2005.

Le Tribunal a convoqué les parties à une audience de comparution personnelle qui s'est tenue le 13 septembre 2006.

Le recourant a expliqué qu'en 1989, il avait investi dans la société, sur conseil de l'UBS, tout l'argent qu'il possédait, soit entre 300'000 à 400'000 francs, provenant de la vente de son commerce. Au départ, il ne travaillait pas dans la société. Une année plus tard, il s'est rendu compte que la société était endettée pour plus de 4 millions, ce qu'il ne savait pas, car la banque s'était bien gardée de le lui dire. En 1995, il est devenu l'actionnaire principal de la société, ce qui correspondait à la contrepartie de son investissement, et administrateur. La société comptait une quarantaine d'employés et il ne pouvait pas laisser aller les choses. L'UBS avait d'ailleurs promis de le soutenir, mais en réalité elle tenait à récupérer les trois millions que la société lui devait, ce qu'elle a fait. Il a exposé qu'en 1999, les intérêts bancaires réclamés par l'UBS étaient passés de 4,5 à 9 %, raison pour laquelle les cotisations de février à mai 1999 n'ont plus pu être payées, car la société n'avait pas suffisamment de liquidités. Elle subissait une pression de la part de la banque qui voulait que sa dette soit amortie beaucoup plus vite. Il avait réussi malgré tout à diminuer l'endettement, tant du point de vue des charges sociales, de la TVA que de la dette bancaire. En 1999, il a dû vendre une petite propriété qu'il possédait en France, afin de rembourser l'UBS; la banque avait en effet une hypothèque légale sur cette propriété et elle menaçait de la faire vendre aux enchères. La banque a été complètement remboursée. Le recourant explique qu'il a pu réduire la dette à l'égard de l'AVS, que les salaires ont toujours été payés ponctuellement, de même que les fournisseurs. Les perspectives étaient bonnes, car ils avaient beaucoup de clients et des contrats de plus en plus importants. Une réduction du personnel n'était pas nécessaire, car il y avait du travail.

La recourante a confirmé les déclarations de son époux et déclaré qu'elle avait investi à titre personnel à concurrence de 170'000 fr. à fin 1996, lorsqu'elle était devenue actionnaire. Dès 1997, les époux ont travaillé à plein temps dans la société. L'UBS a dénoncé les facilités de crédit du jour au lendemain en août 1997 et en 2000, elle a bloqué les fonds sur le compte que la société possédait auprès d'elle, s'appropriant l'argent. En 2001, n'ayant plus d'interlocuteur auprès de la banque, elle et son époux ont trouvé des investisseurs qui ont créé une autre société et repris tout le personnel. Il n'y a pas eu de reprise d'actifs, les véhicules de la société étaient en leasing. Concernant les rapports de contrôle, la recourante a confirmé qu'ils avaient été notifiés à la société, qui ne les a pas contestés. La caisse avait modifié, en 2000, sa façon de calculer les charges sociales; alors qu'elles étaient calculées sur la base d'un forfait journalier pour les chauffeurs depuis 1958, la caisse a demandé à la société de les calculer sur les revenus effectifs totaux perçus par les chauffeurs, ce qui a engendré une reprise de cotisations paritaires. La société n'a cependant pas pu récupérer la part salariale auprès des chauffeurs, une partie d'entre eux ayant quitté l'entreprise. S'agissant des bilans des exercices 2000 et 2001, ils n'ont pas été faits.

La caisse a indiqué que la société a toujours eu des difficultés à s'acquitter des cotisations paritaires dans les délais. Elle confirmé que la recourante avait pris des arrangements de paiement pour le compte de la société. Le dernier sursis accordé en novembre 1999 a dû être annulé, la société n'ayant pu le respecter. D'autre part, les cotisations courantes n'étaient plus payées. La caisse a confirmé que la part salariale avait été entièrement payée, sauf pour les cotisations de l'assurance-chômage. Elle a reconnu avoir modifié sa pratique en 2000 et notifié des rapports de contrôle à la société qui n'ont pas été contestés.

Le Tribunal a imparti un délai au 22 septembre 2006 aux recourants afin de lui faire savoir quelles pièces ils entendaient demander l'apport.

Par courrier du 22 septembre 2006, le conseil des recourants a informé le Tribunal de céans que ses clients renonçaient à requérir des pièces complémentaires de l'Office des faillites.

Ce courrier a été transmis à la caisse le 28 septembre 2006. Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56V al. 1 let. a ch.1 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 /LAVS).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 230 consid. 1.1; 335 consid. 1.2; ATF 129 V 4 consid. 1.2; ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). Les règles de procédure quant à elles s'appliquent sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). La LPGA s’applique donc au cas d’espèce.

Interjeté dans les forme et délais prescrits, les recours sont recevables (art. 56 et 60 LPGA).

Le litige porte sur la responsabilité des recourants pour le dommage subi par l'intimée, en raison de la faillite de la société X_________, Compagnie de Tourisme Automobile SA.

Aux termes de l’art. 52 al. 1 LAVS, en sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2003, l’employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n’observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l’assurance, est tenu à réparation. Cette disposition reprend l’ancien art. 52 LAVS quasiment sans modification : les termes « caisses de compensation » sont remplacés par « assurance », sans que cela entraîne un changement quant aux conditions de la responsabilité de l’employeur (cf. ATF 129 V 13 ss consid. 3.5).

Selon l’art. 52 al. 3 LAVS, le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Contrairement à l’ancien droit, il s’agit de délais de prescription et non de péremption : ces délais peuvent être interrompus et l’employeur peut renoncer à invoquer la prescription (FF 1994 V p. 964 ss, 1999 p. 4422).

Par "connaissance du dommage", il faut entendre, en règle générale, le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaient plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF 128 V 17 consid. 2a, 126 V 444 consid. 2a, 121 III 388 consid. 3b et les références). En cas de faillite, la jurisprudence considère que le dommage est en règle ordinaire suffisamment connu au moment du dépôt de l'état de collocation. En effet, à ce moment-là, le créancier peut ou peut connaître suffisamment son préjudice lorsqu'il est informé de sa collocation dans la liquidation, ainsi que du dividende prévisible (ATF 128 V 17 consid. 2a et les références citées).

En l’espèce, par courrier du 15 octobre 2003, l'Office des faillites a informé l'intimée que l'état de collocation était déposé et publié le même jour. Il a précisé que sa créance était admise à l'état de collocation en 2ème classe et que le dividende maximum prévisible pour les créanciers chirographaires pouvait être évalué à 1 %. C'est à ce moment-là que la caisse a eu connaissance du dommage et que le délai de prescription de deux ans de l'art. 52 al. 3 LAVS a commencé à courir.

Le dommage survient dès que l'on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (cf. ATF 129 V 195 consid. 2.2, 126 V 444 consid. 3a, 121 III 384 consid. 3bb, 388 consid. 3a). Tel est le cas lorsque des cotisations sont frappées de péremption, ou en cas de faillite, en raison de l'impossibilité de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement. Le dommage subi par la caisse est réputé être survenu au moment de l'avènement de la péremption ou le jour de la faillite; ce jour marque également celui de la naissance de la créance en réparation et la date à partir de laquelle court le délai de cinq ans (cf. ATF 129 V 195 consid. 2.2, 123 V 16 consid. 5c), soit, en l'occurrence, le 4 novembre 2002.

Force dès lors est de constater qu'en notifiant ses demandes en réparation du dommage en date du 16 mars 2005, la caisse a respecté les délais de prescription de deux et cinq ans.

a) La condition essentielle de l'obligation de réparer le dommage consiste, selon le texte même de l'art. 52 LAVS, dans le fait que l'employeur a, intentionnellement ou par négligence grave, violé des prescriptions et ainsi causé un préjudice. L'intention et la négligence constituent différentes formes de la faute. L'art. 52 LAVS consacre en conséquence une responsabilité pour faute résultant du droit public. Il n'y a obligation de réparer le dommage, dans un cas concret, que s'il n'existe aucune circonstance justifiant le comportement fautif de l'employeur ou excluant l'intention et la négligence grave. A cet égard, on peut envisager qu'un employeur cause un dommage à la caisse de compensation en violant intentionnellement les prescriptions en matière d'AVS, sans que cela entraîne pour autant une obligation de réparer le préjudice. Tel est le cas lorsque l'inobservation des prescriptions apparaît, au vu des circonstances, comme légitime et non fautive (ATF 108 V 186 consid. 1b, 193 consid. 2b; RCC 1985 p. 603 consid. 2, 647 consid. 3a). Ainsi, il peut arriver qu'en retardant le paiement de cotisations, l'employeur parvienne à maintenir son entreprise en vie, par exemple lors d'une passe délicate dans la trésorerie. Mais il faut alors, pour qu'un tel comportement ne tombe pas ultérieurement sous le coup de l'art. 52 LAVS, que l'on puisse admettre que l'employeur avait, au moment où il a pris sa décision, des raisons sérieuses et objectives de penser qu'il pourrait s'acquitter des cotisations dues dans un délai raisonnable (ATF 108 V 188; RCC 1992 p. 261 consid. 4b).

Selon la jurisprudence, se rend coupable d'une négligence grave l'employeur qui manque de l'attention qu'un homme raisonnable aurait observée dans la même situation et dans les mêmes circonstances. La mesure de la diligence requise s'apprécie d'après le devoir de diligence que l'on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d'un employeur de la même catégorie que celle de l'intéressé. En présence d'une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l'attention qu'elle doit accorder au respect des prescriptions. Une différenciation semblable s'impose également lorsqu'il s'agit d'apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l'employeur (ATF 108 V 202 consid. 3a; RCC 1985 p. 51 consid. 2a et p. 648 consid. 3b).

b) Si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATF 123 V 15 consid. 5b, 122 V 66 consid., 4a, 119 V 405 consid. 2 et les références). Le caractère subsidiaire de la responsabilité des organes d'une personne morale signifie que la caisse de compensation doit d'abord agir contre le débiteur des cotisations, à savoir l'employeur. Ce n'est que lorsque celui-ci n'est plus à même de remplir ses obligations que la caisse est fondée à agir contre les organes responsables, autrement dit en cas d'insolvabilité de l'employeur ou lorsque la personne morale n'existe plus (ATF 113 V 256).

En l'espèce, les recourants, seuls actionnaires de la société depuis 1995, étaient inscrits au Registre du commerce en qualité d'administrateurs, puis de directeur s'agissant du recourant dès 1999, avec signature individuelle. Ils avaient ainsi indiscutablement la qualité d'organes de la société faillie, ce qu'ils ne contestent au demeurant pas.

Ils contestent en revanche avoir commis une négligence grave, alléguant avoir fait tout ce qui était en leur pouvoir pour tenter de sauver la société, en investissant notamment de l'argent. Ils admettent, certes, que la société était à court de liquidités, mais allèguent que c'est en raison de l'attitude de la banque qui a brutalement dénoncé au remboursement, en août 1997, les crédits accordés et, finalement, a bloqué les fonds sur le compte bancaire de la société.

Le Tribunal de céans constate cependant que les difficultés de la société dataient de plusieurs années avant la faillite. Le recourant le reconnaît d'ailleurs lui- même, puisqu'il affirme qu'il avait découvert en 1990 que la société était endettée à hauteur de quelque quatre millions de francs. Le paiement des charges sociales a posé des difficultés depuis plusieurs années déjà, puisque plusieurs plans de paiement ont été octroyés par la caisse, depuis 1994. Le dernier arrangement du 18 novembre 1999, portant sur les cotisations paritaires de mai à novembre 1998 et de janvier à mai 1999 a dû être annulé par l'intimée, aucun versement n'étant intervenu depuis le 18 janvier 2001. En outre, les cotisations courantes n'ont plus été payées depuis septembre 2000. Dans ces conditions, les recourants ne sauraient valablement soutenir qu'il s'agissait d'une crise passagère de liquidités.

Les recourants soutiennent qu'ils ont toujours payé les salaires des employés, ainsi que les fournisseurs. De même, la banque a été totalement remboursée, notamment avec les fonds provenant de le vente d'un bien immobilier appartenant au recourant.

Le Tribunal de céans ne nie pas les efforts des recourants pour payer notamment les salaires et les fournisseurs, mais relève qu'ils ont fait le choix de désintéresser intégralement certains créanciers, plus particulièrement la banque, au détriment de l'AVS. Or, dès 1997, les recourants savaient que faute d'investisseurs injectant des fonds dans la société, la poursuite de l'activité de la société serait compromise. Ils ont accepté cependant de laisser perdurer la situation et n'ont plus acquitté les charges sociales pendant plusieurs mois. Il s'agit-là d'une négligence qu'il convient de qualifier de grave, de sorte que leur responsabilité est engagée au sens de l'art. 52 LAVS.

La conclusion des recourants visant à une réduction équitable du montant du dommage en application de l'art. 44 al. 2 CO est en conséquence irrecevable, étant relevé que les conditions d'une réduction du montant du dommage pour faute concomitante de la caisse ne sont pas remplies, en l'absence d'un acte illicite de sa part (cf. ATFA du 19 août 2003, cause H 142/03).

Au vu de ce qui précède, les recourants répondent entièrement du dommage subi par la caisse.

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

 

Le greffier

 

 

 

 

Walid BEN AMER

 

La présidente

 

 

 

 

Juliana BALDE

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le