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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1426/2000

ATAS/94/2004 du 02.03.2004 ( AVS ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1426/2000 ATAS/94/2004

ARRÊT

DU TRIBUNAL CANTONAL DES
ASSURANCES SOCIALES

du 02 mars 2004

1ère Chambre

En la cause

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FEDERATION DES ENTREPRISES ROMANDES (CIAM)

Rue de Saint-Jean 98, 1211 GENEVE 11

demanderesse en mainlevée d’opposition

contre

Monsieur M__________ et Madame M__________

défendeurs,

ex-administrateur et ex-employeur de fait de la société X__________ SA (faillie)


EN FAIT

La société X__________ SA, a repris l’entreprise exploitée sous la raison individuelle Y__________ « X__________ ». Ayant pour but la fabrication, l’importation, l’exportation, le commerce et la représentation d’appareils électriques et luminaires, elle a été inscrite au Registre du commerce le 25 septembre 1981. La société avait son siège à Genève et une succursale à Lutry (canton de Vaud). Monsieur M__________ figure au Registre du commerce en qualité d’administrateur, titulaire d’une signature individuelle depuis janvier 1982. Madame M__________ a été inscrite à la même date, au bénéfice d’une procuration individuelle.

La société a connu de sérieuses difficultés financières dès le début de l’année 1998, à telle enseigne que les cotisations n’ont plus été versées dans les délais légaux depuis février 1998 ; elles ont cependant été payées jusqu’à octobre 1998. Un plan de paiement a été accordé le 9 juin 1999 à Monsieur M__________, menacé d’une dénonciation pénale. Ce n’est que le 8 juin 1999 que Monsieur M__________ a remis l’attestation annuelle de salaires payés durant l’année 1999, qui lui était réclamée par la caisse.

Par jugement du 23 février 1999, le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de X__________ SA en liquidation. L’état de collocation a été publié le 27 octobre 1999. Il en ressortait que le dividende prévisible pour la 3ème classe ne dépasserait pas 3,5%. L’Office des faillites a confirmé un dividende de 1,83% le 22 août 2000.

Le 26 septembre 2000, la Caisse interprofessionnelle AVS de la fédération des entreprises romandes (ci-après la Caisse) a réclamé aux défendeurs le paiement de la somme de 3'710,55 fr., représentant le dommage subi en raison du non-paiement des cotisations paritaires AVS-AI et contributions AF dues par la société X__________ SA y compris les frais, intérêts moratoires et taxes de sommation. Les intéressés ont formé opposition le 25 octobre 2000.

Le 21 novembre 2000, la Caisse a requis de la Commission cantonale de recours AVS-AI la levée de l’opposition. Elle considère que les époux M__________ se sont rendus coupables de négligence grave, étant précisé que Madame M__________ avait les mêmes obligations que son époux, en tant qu’employeur de fait.

Invités à se déterminer, les intéressés expliquent que le chiffre d’affaires de l’entreprise, partant de zéro lorsque le capital d’actions de la maison X__________ avait été repris, s’était développé jusqu’à atteindre le montant de 2'430'000 fr. en 1993. Ce chiffre réjouissant avait été rendu possible grâce aux relations entretenues avec la maison Siemens éclairages Suisse. Cependant, les propres difficultés rencontrées par cette entreprise avaient impliqué pour la société X__________ l’obligation d’acheter le stock de luminaires Siemens, alors que celui-ci était jusque-là à disposition en consignation. Puis, fin 1996, la société américaine Z__________, à laquelle Siemens avait vendu son département éclairages, avait interdit aux succursales suisses de s’approvisionner ailleurs qu’auprès de leur propre usine en Allemagne. Monsieur M__________ souligne qu’en 1998, il a entrepris plusieurs tentatives de collaboration avec des maisons introduites en Suisse allemande, sans grand succès. Les époux contestent avoir commis une négligence grave ou intentionnelle, du fait que leur perte personnelle s’est élevée à 50'000 fr. en capital d’actions et à 346'091,26 fr. par acte de défaut de biens.

La greffière-juriste alors en charge du dossier a requis la production des bilans et comptes de pertes et profits de la société depuis 1993, les procès-verbaux des dernières assemblées générales et les documents relatifs aux tentatives de collaboration avec les maisons suisses alémaniques.

Le 27 août 2003, les époux M__________ ont produit les pièces comptables relatives aux années 1993 à 1997 ; les procès-verbaux des assemblées générales n’ont en revanche pas pu être versés au dossier. Les défendeurs déclarent encore que les tentatives de vente ou collaboration avec les maisons XX__________ AG et YY__________ aux Cullayes sont restées orales. Ils ajoutent que « l’administratrice B. M__________ n’a plus été salariée à partir du 1er juillet 1985. L’administrateur J. M__________ touchait un salaire brut de 2'000 fr. depuis le 1er janvier 1997 ».


EN DROIT

1. La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l’AVS-AI. Le cas d’espèce reste toutefois régi par les dispositions en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002, eu égard au principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467, consid. 1 ; 121 V 366).

2.a. Aux termes de l'article 82, alinéa 1 du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS teneur au 31 décembre 2002), le droit de demander la réparation d'un dommage se prescrit lorsque la caisse de compensation ne le fait pas valoir par une décision de réparation dans un délai d'une année à compter du moment où elle a eu connaissance du dommage et, en tout cas, à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter du fait dommageable.

Contrairement à la teneur de cette disposition, il s'agit en l'occurrence d'un délai de péremption à considérer d'office (cf. ATF 112 V 8, consid. 4c; RCC 1986 p. 493). Lorsque ce droit dérive d'un acte punissable soumis par le code pénal à un délai de prescription de plus longue durée, ce délai est applicable (article 82, alinéa 2 RAVS).

2.b. Le Tribunal fédéral des assurances (TFA) a posé le principe qu'une caisse de compensation a "connaissance du dommage" au sens de la disposition précitée, à partir du moment où elle doit reconnaître, en y prêtant l'attention qu'on est en droit d'attendre d'elle et en tenant compte de la pratique, que les circonstances ne lui permettent plus de recouvrer les cotisations, mais pourraient justifier une obligation de réparer le dommage (ATF 116 V 75, consid. 3b; 113 V 181, consid. 2; 112 V 8, consid. 4d, 158; 108 V 52, consid. 5; RCC 1983, p. 108). Le fait déterminant est donc de constater qu'il n'y a "rien dont on puisse tirer profit, rien à distribuer" (cf. Fritsche : "Schuldbetreibung und Konkurs II, 2ème éd. p. 112), d'où résulte la perte de la créance de la Caisse.

2.c. En cas de faillite ou de concordat par abandon d'actifs, la caisse n'a pas nécessairement connaissance du dommage au moment seulement où elle peut consulter le tableau de distribution et le compte final établis par l'Office des faillites ou le liquidateur, ou à la date à laquelle elle reçoit un acte de défaut de biens. En effet, celui qui subit une perte dans une faillite ou dans une procédure concordataire et veut intenter une action en dommages-intérêts a, en général, selon la pratique des tribunaux, déjà suffisamment connaissance du dommage, au moment où la collocation des créances lui est notifiée, ou à celui où l'état de collocation et l'inventaire ont été déposés et peuvent être consultés. A ce moment-là, le créancier est, ou devrait être en général, en mesure de connaître l'état des actifs, la collocation de sa créance et le dividende probable (cf. ATF 116 II 161 consid. 4a; 116 V 75, consid 3b = RCC 1990, p. 415, ATF 113 V 182 consid. 2 avec réf. = RCC 1987, p. 607).

2.d. Selon la jurisprudence, le dommage est réputé survenu lorsque les cotisations dues ne peuvent plus être perçues, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 113 V 258, consid. 3c; RCC 1988, p. 137; BGE 109 V 92, consid. 9 et les arrêts cités; RCC 1983, p. 477). Lorsque les cotisations demeurent impayées en raison de l'insolvabilité de l'employeur (personne morale), le dommage est réputé survenu au moment où les créances de cotisations sont irrécouvrables, c'est-à-dire au moment où, eu égard à l'insolvabilité de l'employeur, les cotisations ne peuvent plus être perçues selon la procédure ordinaire (ATF 112 V 157, consid. 2; Maurer, Schweizerisches Sozialversicherungsrecht, volume II, p. 69).

La procédure ordinaire de perception des cotisations relève des règles applicables dans le cadre des articles 14 et suivants LAVS. Selon l'art. 15, al. 1 LAVS, les cotisations non versées après sommation sont perçues sans délai par voie de poursuites, à moins qu'elles ne puissent être compensées avec des rentes échues. Les cotisations seront, en règle générale, recouvrées par voie de saisie également contre un débiteur soumis à la poursuite par voie de faillite (cf. article 15, alinéa 2 LAVS; article 43 LP).

Lors de poursuites par voie de saisie, le créancier qui n'a pas été payé intégralement sur le produit de la réalisation reçoit un acte de défaut de biens définitif après saisie - lequel est fondé sur le résultat de la réalisation - à la différence de l'acte de défaut de biens provisoire après saisie, qui est fondé sur l'estimation de l'office - pour le montant impayé, c'est-à-dire pour le montant de son découvert (cf. article 149, alinéa 1 LP;Gilliéron, Poursuites pour dettes, faillite et concordat, in Collection juridique romande, Lausanne 1985, p. 224). Il peut arriver qu'un acte de défaut de biens définitif après saisie soit délivré sans réalisation préalable. Ainsi, le procès-verbal de saisie vaut acte de défaut de biens définitif, lorsqu'il indique que les biens saisissables font entièrement défaut (article 115, alinéa 1 en relation avec l'article 149 LP; ATF 113 V 258, consid. 3 c), RCC 1988, p. 137; Gilliéron, op. cit. pages 179, 224).

2.e. En l’espèce le Tribunal de Première Instance a prononcé la faillite le 23 février 1999 et l’état de collocation a été publié le 27 octobre 1999. La décision fondée sur l’art. 52 LAVS notifiée par la Caisse le 26 septembre 2000 l’a dès lors été dans le délai utile.

Les défendeurs ont tous deux formé opposition dans les trente jours à compter du 26 septembre 2000. En déposant auprès de la Commission cantonale de recours AVS-AI la requête en mainlevée desdites oppositions le 21 novembre 2000, la Caisse a respecté le délai légal de trente jours (art. 81 al. 3 RAVS), de sorte qu’elle est recevable à la forme.

3. La cause a été transmise d’office au présent Tribunal conformément à l’art. 3, al. 3 de la loi du 14 novembre 2002 modifiant la loi sur l’organisation judiciaire (LOJ).

4.a. Aux termes de l'art. 52 LAVS (teneur au 31 décembre 2002), l'employeur doit couvrir le dommage qu'il a causé en violant les prescriptions intentionnellement ou par négligence grave. Il sied de rappeler que l'art. 52 LAVS est une disposition spéciale (RCC 1989 p. 117).

4.b. En l’espèce, le dommage consiste en la perte de la créance de cotisations subie par la Caisse dans la faillite de la société X__________ SA pour un montant de 3’602,55 fr. représentant les cotisations paritaires AVS-AI impayées pour la période de novembre à décembre 1998, pour janvier 1999 et pour un complément janvier à décembre 1998. Le dommage résultant du non-paiement des contributions AF pour 108 fr. fera l’objet d’un jugement distinct.

5.a. L'art 14 al. 1 LAVS, en corrélation avec les art. 34 et ss. RAVS, prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses périodiquement les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions.

L'obligation de payer les cotisations et de fournir des décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. A cet égard, le Tribunal fédéral des assurances (TFA) a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public (ATF 112 V 155, consid. 5 ; RCC 1987 p. 220). L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 111 V 173, consid. 2 ; 180 V 186, consid. 1a, 192 consid. 2a ; RCC 1985 p. 646, consid. 3a).

5.b. Le TFA a affirmé expressément que l’obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l’employeur, des prescriptions régissant l’AVS (RCC 1978, p. 259 ; RCC 1972, p. 687). La caisse de compensation qui constate qu’elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l’employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n’existe pas d’indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l’absence d’une faute (cf. ATFA du 28 juin 1982, RCC 1983, p. 101).

5.c. Lorsque l'employeur est une personne morale, ses organes répondent solidairement, à titre subsidiaire, du dommage causé par celui-ci, notamment quand la personne morale n'existe plus au moment où la responsabilité est engagée (cf. No 6003 des directives de l'OFAS sur la perception des cotisations - DP; ATF 114 V 79, consid. 3; 113 V 256, consid. 3c; RCC 1988, page 136, consid. 3c; ATF 111 V 173, RCC 1985, page 649, consid. 2.).

Par "organe", il faut entendre toute personne physique qui représente la personne morale à l'extérieur ou qui peut exercer une influence décisive sur le comportement de celle-ci (cf. no 6004 DP). Lorsqu'il est saisi du cas d'une société anonyme, le TFA s'est toujours référé à l'article 754, 1er alinéa, en corrélation avec l'article 759, 1er alinéa du CO. Conformément à ces articles, toutes les personnes chargées de l'administration, de la gestion ou du contrôle, répondent, à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'elle leur cause en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs et les personnes qui répondent d'un même dommage en sont tenues solidairement. Sont réputés chargés de l'administration ou de la gestion au sens de l'article 756 CO "non seulement les organes de décision désignés expressément comme tels, mais également les personnes qui prennent effectivement des décisions relevant des organes, ou qui assument la gestion proprement dite et ont ainsi une part prépondérante à la formation de la volonté au sein de la société" (ATF 107 II 353, consid. 5a; ATF 112 II 1985 et l'arrêt du 21 avril 1988 en la cause A; Forstmoser, Die aktienrechtlische Verantwortlichkeit, 2ème éd., pages 209 et ss).

6.a. En l’occurrence, selon l’extrait du registre du commerce, Monsieur M__________ est inscrit en qualité d’administrateur avec signature individuelle. Il a dès lors indiscutablement la qualité d’organe formel de la société anonyme (cf. Forstmoser, op. cit. N° 654 et 655, p. 2089 ; Guhl, Merz & Kummer, Das schweizerische Obligationenrecht, 7ème édition, p. 691; ATF 86 II 271 et 93 II 22).

6.b. Quant à Madame M__________, certes figure-t-elle au registre du commerce, mais pas en qualité d’administratrice. Il est toutefois relevé qu’elle est au bénéfice d’une procuration individuelle dûment inscrite. Il y a dès lors lieu de déterminer si la qualité d’organe formel doit également lui être reconnue.

Lorsqu’il résulte de l’expertise établie pour les besoins de l’instruction pénale que le défendeur a été directeur de la société jusqu’à la faillite, qu’il a assumé la gestion et tenu la comptabilité de la société, tout d’abord conjointement, puis seul, la qualité d’organe de fait doit être reconnue (ATF 114 V 213 consid. 3 et 4).

N’est pas réputé avoir commis une négligence grave celui qui n’avait plus aucun pouvoir de fait dans la société, même s’il était resté inscrit au Registre du Commerce (ATFA BER du 22.12.1982). Le Tribunal fédéral des assurances a par exemple reconnu la qualité d’organes dirigeants aux deux seuls actionnaires d’une société, qui géraient eux-même celle-ci, en lieu et place d’un administrateur unique nommé à titre fiduciaire. Il en a été de même dans le cas d’une banque dont les représentants participaient de manière effective à la prise des décisions d’une SA, notamment en assistant aux réunions du conseil d’administration.

Les motifs qui sont à la base d’une extension de la notion d’organe en droit civil et qui procèdent de la volonté d’accorder une protection efficace aux créanciers sociaux sont tout aussi valables s’agissant de la responsabilité de droit public instituée par l’article 52 LAVS.

En l’espèce, il appert des déclarations des défendeurs que Madame M__________ ne devait assumer la gestion « qu’en cas de défaillance » de son époux.

Dès lors, au vu de la jurisprudence et bien qu’il soit difficile de déterminer en l’espèce quel est véritablement le degré de sa passivité, si tant est qu’elle ait été passive, du fait que l’opposition et les écritures suivantes ont été déposées par les deux époux, et qu’ils n’ont en général pas distingué les rôles tenus par chacun d’entre eux, Madame M__________ ne peut être considérée comme organe de fait de la société anonyme.

7.a. De jurisprudence constante, le TFA a reconnu qu’il y a négligence grave lorsque l'employeur ne se conforme pas à ce qui peut être raisonnablement exigé de toute personne capable de discernement, dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (cf. RCC 1972, p. 690). La mesure de ce que l'on est en droit d'exiger à cet égard doit donc être évaluée d'après ce que l'on peut ordinairement attendre, en matière de comptabilité et de gestion, d'un employeur de la même catégorie que l'intéressé-e. Lorsqu’il s’agit d’une société anonyme, on peut, par principe, poser des exigences sévères en ce qui concerne l’attention qu’elle doit accorder au respect des prescriptions (cf. RCC 1972, p. 690 ; RCC 1978, p. 261). Une différenciation semblable s’impose également, lorsqu’il s’agit d’apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l’employeur (ATF 108 V 202 consid. 3a; RCC 1985, p. 51, consid. 2a et p. 648, consid. 3b).

7.b. Monsieur M__________ allègue avoir permis à la société d’atteindre le chiffre d’affaire réjouissant de 2'430'000 fr. en 1993. Les difficultés ont commencé dès le début de l’année 1998. Il souligne par ailleurs qu’il a lui-même subi une perte de 500'000 fr en capital actions et de 346'091,26 fr. par acte de défaut de biens. Figurent en effet sur la comptabilité produite comme créances de Monsieur M__________ contre la société de :

- Fr. 249'075.- en 1994

- Fr. 319'970.- en 1995

- Fr. 296'589.- en 1996

et de - Fr. 367'075.- en 1997

Il percevait chaque année un intérêt sur ces créances d’environ 18'000 fr..

Monsieur M__________ dit avoir entrepris plusieurs tentatives dès 1998 de collaboration avec des entreprises introduites en Suisse alémanique. Il avait, selon lui, tout lieu de penser qu’il agissait de la manière adéquate en vue de redresser dans les meilleurs délais la situation financière de la société.

Il résulte cependant de la partie en fait qui précède que les difficultés rencontrées ne pouvaient pas n’être que passagères. En effet, les exercices comptables depuis 1995 déjà s’étaient régulièrement soldés par des pertes, sauf en 1996. Le chiffre d’affaires en 1997 avait chuté pratiquement de moitié et la perte cette année-là avait atteint 38'541,03 fr.. Monsieur M__________ ne pouvait ainsi pas manquer de se rendre compte que la situation exigeait des mesures plus draconniennes. Il a au contraire continué une exploitation déficitaire. Le Tribunal de céans constate qu’il n’a sollicité un plan de paiement de la Caisse qu’après avoir été menacé par celle-ci du dépôt d’une plainte pénale, et qu’il n’a remis l’attestation des salaires 1999 que tardivement. Monsieur M__________ n’allègue à aucun moment avoir veillé de façon prioritaire au paiement des charges sociales. Or, commet une faute grave l’administrateur qui fait passer avant le paiement des cotisations AVS-AI les autres dettes de la société sauf s’il peut être établi, avec un haut degré de vraisemblance, que cette décision était selon une application raisonnable objectivement indispensable à la survie de la société (RCC 1983, p. 102, RCC 1992, p. 261). Or, rien de tel n’est établi en l’occurrence car même si Monsieur M__________ avait des raisons de croire à la possibilité d’un redressement de la situation, sa négligence reste grave, attendu qu’il devait aussi craindre sérieusement un échec. Le fait qu’il ait lui-même été victime d’une perte dans la déconfiture de la société ne change rien quant à la responsabilité fondée sur l’article 52 LAVS, dans la mesure où il s’agit d’actions et d’un prêt accordé à la société.

Force est en conséquence de conclure, qu’au vu de ce qui précède, que Monsieur M__________ a commis, pour le moins, une négligence grave et qu’il répond du dommage envers la société en application de l’article 52 LAVS.

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’article 162 LOJ)

A la forme :

Déclare recevable la requête

Au fond :

Accorde à la Caisse la levée de l’opposition formée par Monsieur M__________ à concurrence de 3'602,55 fr. ;

Refuse la levée de l’opposition formée par Madame M__________ ;

Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu'il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l'enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

La greffière :

Marie-Louise QUELOZ

La Présidente :

Doris WANGELER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe