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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1439/2000

ATAS/171/2003 du 29.10.2003 ( AVS ) , REJETE

Recours TF déposé le 16.12.2003, rendu le 02.04.2004, ADMIS
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1439/2000 ATAS/171/2003

ARRÊT

DU TRIBUNAL CANTONAL DES
ASSURANCES SOCIALES

du 29 OCTOBRE 2003

4ème Chambre

CAISSE DE COMPENSATION DE LA

SOCIETE SUISSE DES ENTREPRENEURS Demanderesse en mainlevée d'opposition

Représentée par Maître Pierre VUILLE

Route de la Terrassière 13

1207 - GENEVE

Contre

Monsieur H. B__________

Monsieur F. B__________

Monsieur O. B__________ Défendeurs

Ex-administrateurs de la société X__________ SA (en sursis concordataire)

Tous trois représentés par

Maître Dominique BURGER

Avenue Léon Gaud 5

1206 GENEVE

Siégeant :

Juliana BALDE, Présidente, M. Roger LOZERON et Mme Christine BULLIARD, juges assesseurs.

EN FAIT

La société X__________ SA, entreprise de génie civil et bâtiment, achat, gestion et vente d'immeubles, a été constituée à Genève et inscrite au Registre du commerce (cf. extrait du Registre du commerce, pièce n°1 Caisse). Elle a pour organes inscrits au Registre du commerce Messieurs H. B__________, administrateur président, au bénéfice d'une signature individuelle, O. B__________, administrateur secrétaire, au bénéfice d'une signature collective à deux et F. B__________, administrateur, au bénéfice d'une signature collective à deux, dès 1976.

La société, qui comptait environ une centaine d'employés en septembre 1998, a mandaté un avocat en octobre 1998, afin d'étudier sa situation financière. En janvier 1999, la société X__________ SA a déposé auprès du Tribunal de Première Instance de la République et canton de Genève une requête en sursis concordataire.

Par jugement du 12 février 1999, le Tribunal de Première Instance de la République et Canton de Genève a accordé à la requérante un sursis concordataire de six mois échéant le 12 août 1999, pour proposer à ses créanciers un projet de concordat-dividende.

Le 9 mars 1999, la Caisse de compensation de la société suisse des entrepreneurs (ci-après la Caisse) a produit dans le cadre du sursis concordataire une créance totale de Fr. 327'448,95.-, représentant les cotisations sociales et conventionnelles impayées d'octobre 1998 à janvier 1999 (cf. pièce n° 2 chargé caisse du 31 mars 2000).

Par jugement du 13 décembre 1999, le Tribunal de Première Instance a homologué le concordat proposé par X__________ SA, portant sur un dividende de 30% (cf. pièce n° 1 chargé défendeurs).

Le 1er février 2000, la Caisse a réclamé à Messieurs H. B__________, F. B__________ et O. B__________, pris conjointement et solidairement, le paiement de Fr. 55'322,85.- à titre de réparation du dommage subi, représentant le montant des cotisations paritaires impayées d'octobre 1998 à janvier 1999 (cf. pièces nos 1 à 3 Caisse). Le 25 février 2000, la Caisse a reçu un dividende de 30 % dans le cadre du concordat, de sorte que sa créance a été réduite à Fr. 38'697,25.-- (cf. pièce n°4 Caisse).

Le 3 mars 2000, Messieurs H., F. et O. B__________, tous trois représentés par Maître Dominique BURGER, ont formé opposition auprès de la Caisse. Ils contestaient avoir agi par négligence grave et relevaient que grâce à leur rapidité de décision, un concordat a pu être homologué et un dividende de 30 % versé à la Caisse. Grâce à toutes ces mesures, la faillite de la société a pu être évitée.

Par requête du 31 mars 2000 formée par devant la Commission cantonale de recours en matière d'assurance-vieillesse et survivants, la Caisse a requis la mainlevée des oppositions formées par les défendeurs, à concurrence du solde de son dommage, soit Fr. 38'697,25.-. Elle considère que les administrateurs non pas fait preuve de la diligence nécessaire pour assurer le paiement des charges sociales.

Dans leur réponse, les défendeurs contestent avoir agi par négligence grave, relevant que la société avait connu un développement florissant et qu'elle n'a pas été épargnée par la crise profonde qui a frappé le secteur du bâtiment et des travaux publics, plus particulièrement à Genève. Ils relèvent qu'au cours de l'année 1998, lorsque la situation de l'entreprise s'est dégradée, ils ont immédiatement mandaté leur avocat en octobre 1998 afin d'examiner de manière très approfondie toutes les voies possibles en s'efforçant de trouver la solution qui permettrait de sauvegarder au mieux les intérêts de leurs ouvriers et de leurs créanciers. Malgré les graves difficultés de trésorerie, les administrateurs ont déployé d'importants efforts pour gérer la situation au mieux et pour déterminer et rassembler tous les éléments et pièces nécessaires qui leur ont permis au mois de janvier 1999 déjà de déposer une requête en sursis concordataire. C'est grâce à leur célérité et aux mesures prises qu'ils ont obtenu un sursis concordataire le 12 février 1999, qui a abouti à un jugement homologuant un concordat avec un dividende de 30 % pour les créanciers de troisième classe. Les défendeurs soutiennent qu'ils avaient toujours honoré la totalité des charges sociales, qui étaient à jour au 30 septembre 1998, et que depuis le mois d'octobre 1998, ils ont veillé prioritairement à régler la totalité des salaires ainsi que les charges sociales retenues sur lesdits salaires. S'agissant de la part patronale, la société ne put malheureusement l'assumer totalement, mais parvint néanmoins à en régler une part substantielle. Les défendeurs concluent dès lors au rejet de la requête en mainlevée déposée par la Caisse, sous suite de dépens.

Dans ses dernières conclusions, la Caisse considère que les administrateurs ont tardé à constater la mauvaise situation financière qui existait en 1997 déjà et se réfère au rapport des commissaires au sursis du 7 juillet 1999, selon lequel la perte cumulée de la société était déjà très importante pour les années 1997 et 1998. Elle considère que les administrateurs ont commis une faute et que le paiement de l'AVS doit passer avant celui d'autres dettes.

Pour le surplus, les divers allégués des parties seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

EN DROIT

A la forme :

Préalablement, il y a lieu de préciser que la loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ E 2 05) a été modifiée par la loi du 14 novembre 2002 et qu’un Tribunal cantonal des assurances sociales a été institué dès le 1er août 2003, statuant en instance unique, notamment sur les contestations relatives à la loi fédérale sur l’assurance- vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (cf. articles 1, lettre r et 56V alinéa 1, lettre a), chiffre 1 LOJ). Selon l’article 3, alinéa 3 des dispositions transitoires, les causes introduites avant l’entrée en vigueur de la loi précitée et pendantes devant la Commission cantonale de recours en matière d’assurance-vieillesse et survivants sont transmises d’office au Tribunal cantonal des assurances sociales. La compétence du Tribunal de céans est dès lors établie pour juger du présent litige.

Il sied de rappeler d’autre part que la loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'AVS, notamment en ce qui concerne l'article 52 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS – RS 831.10). Désormais, la responsabilité de l'employeur est réglée de manière plus détaillée qu'auparavant à l'article 52 LAVS et les articles 81 et 82 du Règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants (RAVS – RS 831.101) ont été abrogés. Le cas d'espèce reste néanmoins régi par les dispositions en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1).

Aux termes de l’article 82, alinéa 1 RAVS, le droit de demander la réparation d’un dommage se prescrit lorsque la Caisse de compensation ne le fait pas valoir par une décision de réparation dans l’année après qu’elle a eu connaissance du dommage. Contrairement à la teneur de cette disposition, il s’agit en l’occurrence d’un délai de péremption à considérer d’office (ATF 113 V 181 = RCC 1987, p. 607, ATF 112 V 8, consid. 4 c = RCC 1986, p. 493). Lorsque ce droit dérive d’un acte punissable soumis par le code pénal à un délai de prescription de plus longue durée, ce délai est applicable (cf. article 82, alinéa 2 RAVS).

Le Tribunal fédéral des assurances (TFA) a posé le principe qu'une caisse de compensation a "connaissance du dommage" au sens de la disposition précitée, à partir du moment où elle doit reconnaître, en y prêtant l'attention qu'on est en droit d'attendre d'elle et en tenant compte de la pratique, que les circonstances ne lui permettent plus de recouvrer les cotisations, mais pourraient justifier une obligation de réparer le dommage (ATF 116 V 75, consid. 3b; 113 V 181, consid. 2; 112 V 8, consid. 4d, 158; 108 V 52, consid. 5; RCC 1983, p. 108). Le fait déterminant est donc de constater qu'il n'y a "rien dont on puisse tirer profit, rien à distribuer" (cf. Fritsche : "Schuldbetreibung und Konkurs II, 2ème éd. p. 112), d'où résulte la perte de la créance de la Caisse.

En cas de faillite ou de concordat par abandon d'actifs, la caisse n'a pas nécessairement connaissance du dommage au moment seulement où elle peut consulter le tableau de distribution et le compte final établis par l'Office des faillites ou le liquidateur, ou à la date à laquelle elle reçoit un acte de défaut de biens. En effet, celui qui subit une perte dans une faillite ou dans une procédure concordataire et veut intenter une action en dommages-intérêts a, en général, selon la pratique des tribunaux, déjà suffisamment connaissance du dommage, au moment où la collocation des créances lui est notifiée, ou à celui où l'état de collocation et l'inventaire ont été déposés et peuvent être consultés. A ce moment-là, le créancier est, ou devrait être en général, en mesure de connaître l'état des actifs, la collocation de sa créance et le dividende probable (cf. ATF 119 V 92 consid. 3; 118 V 196 consid. 3a; VSI 1995, p. 169-170, consid. 2; ATF 116 II 161, consid. 4a; 116 V 75, consid 3b = RCC 1990, p. 415).

Les termes "en règle ordinaire" signifient que, en principe, la caisse de compensation est en mesure d'estimer suffisamment l'étendue de son dommage au moment du dépôt de l'état de collocation. Il se peut toutefois que cette estimation ne soit possible que dans une phase ultérieure de la liquidation, par exemple parce que le montant des actifs dépend du produit de la vente de biens immobiliers et que l'administration de la faillite ne peut fournir aucune indication à propos du dividende prévisible (RCC 1992 p. 266 consid. 5c; Nussbaumer, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d'un dommage selon l'art. 52 LAVS, RCC 1991, p. 406). Inversement, la partie lésée peut exceptionnellement, en raison de circonstances spéciales, acquérir la connaissance nécessaire avant le dépôt de l'état de collocation; c'est en particulier le cas lorsqu'elle apprend de l'administration de la faillite, à l'occasion d'une assemblée des créanciers, qu'aucun dividende ne pourra être distribué aux créanciers de sa classe. L'existence de telles circonstances ne sera cependant admise qu'avec retenue : de simples rumeurs ou des renseignements provenant de personnes non autorisées ne permettent pas encore de fonder et de motiver une demande en justice (ATF 118 V 196 consid. 3b).

Par ailleurs, s'il faut, à juste titre, se montrer sévère dans l'appréciation de la responsabilité d'un employeur - et, par extension, de celle de ses organes s'il s'agit d'une personne morale - qui occasionne un dommage à la caisse de compensation en n'observant pas, intentionnellement ou par négligence grave, des prescriptions de la LAVS (ATF 114 V 220 sv.), il faut de même se montrer exigeant à l'égard de l'administration en ce qui concerne le respect des conditions formelles de l'action en responsabilité fondée sur l'art. 52 LAVS (ATF 119 V 96 = VSI 1993 p. 110).

En l'espèce, la société X__________ SA a obtenu, par jugement du 12 février 1999, un sursis concordataire de six mois pour proposer à ses créanciers un projet de concordat-dividende. Le 9 mars 1999, la demanderesse a produit sa créance globale de Fr. 327'448,95.-, dont un montant de Fr. 55'322,85.- relatif aux cotisations paritaires AVS-AI-APG et assurance-chômage (cf. pièce n° 2, chargé caisse du 31 mars 2000). Dans leur rapport du 29 juin 1999 à l'attention de l'assemblée des créanciers du 7 juillet 1999, les commissaires au sursis concluaient au paiement d'un dividende de 20 pour cent aux créanciers de la société (cf. pièce n°1, chargé caisse du 20 mars 2003).

Enfin, par jugement du 13 décembre 1999, le Tribunal de Première Instance a homologué le concordat proposé par la société portant sur un dividende de 30 pour cent des créances ordinaires, payable dans un délai de 60 jours dès l'entrée en force du jugement, après le règlement des créances privilégiées et des dettes nées pendant la période du sursis concordataire (cf. pièce n° 1, chargé défendeurs du 24 mai 2000). En conséquence, c'est au moment du dépôt du rapport des commissaires au sursis le 29 juin 1999 au plus tôt, mais au plus tard au moment du jugement d'homologation du concordat- dividende du 12 décembre 1999 que la caisse a eu connaissance du dommage. Cet événement autorise la caisse à agir contre les organes de la société insolvable et fait courir le délai de péremption d'une année de l'article 82 alinéa 1 RAVS. En notifiant ses demandes en réparation du dommage à l'encontre des défendeurs le 1er février 2000, la demanderesse a respecté le délai péremptoire d'un an.

Les défendeurs ont formé opposition auprès de la caisse le 2 mars 2000, reçu par cette dernière le 3 mars 2000 et la caisse en a requis la mainlevée par actes du 31 mars 2000; Il s'ensuit que tant les oppositions que les requêtes en mainlevée sont recevables en la forme (articles 81 et 82 RAVS).

Au fond :

Aux termes de l'article 52 LAVS, l'employeur doit couvrir le dommage qu'il a causé en violant les prescriptions intentionnellement ou par négligence grave. Il sied de rappeler que l'article 52 LAVS est une disposition spéciale (cf. RCC 1989, page 117).

En l'espèce, le dommage consiste en la perte de la créance de cotisations subie par la Caisse, en raison de l'insolvabilité de la société X__________ SA, pour un montant de Frs. 38'697,25.-, après réception du dividende dans le cadre du sursis concordataire, représentant les cotisations sociales impayées pour la période d'octobre 1998 à janvier 1999 (cf. pièce n° 2, et annexe pièces n°3, chargé caisse du 31 mars 2000).

L'article 14, alinéa 1 LAVS en corrélation avec les articles 34 et suivants RAVS, prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses, périodiquement, les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions.

L'obligation de payer les cotisations et de fournir les décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. A cet égard, le Tribunal fédéral des assurances a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'article 52 LAVS est liée au statut de droit public (ATF 112 V 155, consid. 5; RCC 1987, page 220). L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'article 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 111 V 173, consid. 2; 180 V 186, consid. 1a, 192 consid. 2a; RCC 1985, page 646, consid. 3a).

Le TFA a affirmé expressément que l'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'AVS (RCC 1978, page 259; RCC 1972, page 687). La caisse de compensation qui constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n'existe pas d'indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l'absence d'une faute (cf. ATFA du 28 juin 1982, RCC 1983, page 101).

Lorsque l'employeur est une personne morale, ses organes répondent solidairement, à titre subsidiaire, du dommage causé par celui-ci, notamment quand la personne morale n'existe plus au moment où la responsabilité est engagée (cf. No 6003 des directives de l'OFAS sur la perception des cotisations - DP; ATF 114 V 79, consid. 3; 113 V 256, consid. 3c; RCC 1988, page 136, consid. 3c; ATF 111 V 173, RCC 1985, page 649, consid. 2.).

Par "organe", il faut entendre toute personne physique qui représente la personne morale à l'extérieur ou qui peut exercer une influence décisive sur le comportement de celle-ci (cf. no 6004 DP). Lorsqu'il est saisi du cas d'une société anonyme, le TFA s'est toujours référé à l'article 754, 1er alinéa, en corrélation avec l'article 759, 1er alinéa du CO. Conformément à ces articles, toutes les personnes chargées de l'administration, de la gestion ou du contrôle, répondent, à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'elle leur cause en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs et les personnes qui répondent d'un même dommage en sont tenues solidairement. Sont réputés chargés de l'administration ou de la gestion au sens de l'article 756 CO "non seulement les organes de décision désignés expressément comme tels, mais également les personnes qui prennent effectivement des décisions relevant des organes, ou qui assument la gestion proprement dite et ont ainsi une part prépondérante à la formation de la volonté au sein de la société" (ATF 107 II 353, consid. 5a; ATF 112 II 1985 et l'arrêt du 21 avril 1988 en la cause A; Forstmoser, Die aktienrechtliche Verantwortlichkeit, 2ème éd., pages 209 et ss).

En l'espèce, les défendeurs étaient inscrits au Registre du commerce en qualité d'administrateur-président, d'administrateur-secrétaire et d'administrateur, au bénéfice d'une signature individuelle pour l'administrateur-président et d'une signature collective à deux pour les deux autres organes (cf. extrait du registre du commerce, pièce n° 1, chargé caisse du 31 mars 2000). Ils avaient ainsi indiscutablement la qualité d'organe de la société, ce qu'ils ne contestent au demeurant pas (article 754 alinéa 1 CO).

De jurisprudence constante, le TFA a reconnu qu'il y a négligence grave lorsque l'employeur ne se conforme pas à ce qui peut être raisonnablement exigé de toute personne capable de discernement, dans une situation identique et dans les même circonstances (cf. RCC 1972 p. 690). La mesure de ce que l'on est en droit d'exiger à cet égard doit donc être évaluée d'après ce que l'on peut ordinairement attendre, en matière de comptabilité et de gestion, d'un employeur de la même catégorie que l'intéressé. Une différenciation semblable s'impose également lorsqu'il s'agit d'apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l'employeur (cf. ATF 108 V 202 consid. 3a; RCC 1985 p. 51 consid. 2a et p. 648 consid. 3b). Lorsqu'il s'agit d'une société anonyme, on peut pas par principe, poser des exigences sévères en ce qui concerne l'attention qu'elle doit accorder au respect des prescriptions (cf. RCC 1972 p. 690; RCC 1978 p. 261).

La demanderesse considère que les défendeurs ont commis une faute, dans la mesure où ils n'ont pas versé les cotisations malgré ses injonctions et qu'ils n'ont pas pris les mesures adéquates pour que ces versements soient effectués. Elle estime que l'absence de paiement de cotisations sur une période de quatre mois pour une société qui comptait plus de 100 employés constitue un manque de diligence nécessaire qu'une personne raisonnable aurait observé dans la même situation et dans les même circonstances. Elle considère également que de manière générale, le dépôt de bilan, le sursis concordataire ou la mise en faillite d'une société sont synonymes d'une mauvaise gestion et de négligence grave d'un employeur. La caisse relève qu’à teneur du rapport des commissaires au sursis à l'assemblée des créanciers du 7 juillet 1999, la société X__________ SA a connu des difficultés financières dès 1997 déjà, lors de la perte de plusieurs gros contrats liée notamment à l'ouverture des marchés publics. La perte cumulée des années 1997 et 1998 se montait en effet à Fr. 3'894'486,09.-. Or, ce n'est qu'en octobre 1998 que les administrateurs de la société envisagèrent de trouver des solutions pour sauvegarder les intérêts des employés et des créanciers. Dès lors, ce n'est qu'environ une année après la constatation de la mauvaise situation financière que les administrateurs ont réagi.

Les défendeurs contestent avoir commis une faute intentionnelle ou une négligence grave au sens de l'article 52 LAVS. Ils soutiennent qu'au contraire ils ont continué leur activité en assumant la totalité des charges sociales jusqu'au 30 septembre 1998, ce en dépit de la crise. Suite à la perte d'un marché public extrêmement intéressant en automne 1998, les administrateurs ont immédiatement examiné de manière très approfondie toutes les voies possibles en s'efforçant de trouver la solution qui permettrait de sauvegarder au mieux les intérêts de leurs ouvriers et de leurs créanciers. Ils rappellent qu'à mi-octobre 1998 déjà ils mandataient l'étude de leur conseil pour les assister dans le choix des mesures à prendre et pour former la requête jugée la plus opportune en fonction de la situation. Grâce à leur rapidité de réaction et aux efforts fournis, quatre mois ont suffit pour déposer une demande de sursis concordataire, qui a été accordée par jugement du 12 février 1999. Ils soutiennent également que grâce à leurs efforts, le Tribunal de Première Instance a homologué, par jugement du 13 décembre 1999, le concordat portant sur un dividende pour les créanciers de troisième classe de 30 pour cent. C'est ainsi que la caisse a pu percevoir le dividende de 30 pour cent, de sorte que son dommage résultant des 25 pour cent de charges sociales impayées a pu être encore diminué.

Le Tribunal cantonal des assurances sociales constate que malgré la situation financière difficile à laquelle la société s'est trouvée confrontée en 1977, en raison de la perte de plusieurs gros contrats liée notamment à l'ouverture des marchés publics, telle que décrite par les commissaires au sursis dans leur rapport à l'attention de l'assemblée des créanciers du 7 juillet 1999 (cf. pièce n°1, chargé caisse du 20 mars 2003), les défendeurs ont toujours respecté leurs obligations en matière d'AVS, puisque les charges sociales étaient entièrement réglées au 30 septembre 1998, ce que la demanderesse ne conteste pas. Les reproches de la caisse quant à la prétendue tardiveté des administrateurs d'avoir réagi à la situation financière désastreuse de la société ne sont ici pas relevants. En effet, à la suite de la perte d'une adjudication d'un marché public extrêmement intéressante en automne 1998, les défendeurs ont mandaté leur avocat dès la mi-octobre 1998, afin que ce dernier les assiste dans le choix de la mesure à prendre pour former la requête jugée la plus opportune en fonction de la situation. En dépit des graves difficultés de trésorerie que l'entreprise connaissait, les administrateurs ont déployé d'importants efforts pour gérer la situation au mieux et pour déterminer et rassembler tous les éléments et pièces nécessaires ; c'est ainsi qu'au mois de janvier 1999, ils ont déposé auprès du Tribunal de Première Instance de la République et canton de Genève une requête en sursis concordataire. Le 12 février 1999, le Tribunal a accordé à la société un sursis concordataire de six mois et finalement, le 13 décembre 1999, le Tribunal de Première Instance a homologué le concordat octroyant un dividende de 30 pour cent aux créanciers de la société (cf. pièce n° 1, chargé défendeurs).

Le Tribunal de céans relève également que les commissaires au sursis ont souligné que les membres du conseil d'administration de la société se sont efforcés de mener à bien, avec le concours des commissaires, les chantiers en cours, avec l'effectif de l'entreprise, ainsi que de négocier des délais de paiement dans le souci d'éviter des pertes supplémentaires liées à une interruption forcée d'activité. En procédant de la sorte, la société a redonné confiance aux maîtres d'ouvrages de ses chantiers, qui ont repris le paiement des situations qui leur étaient présentées, permettant par-là même à l'entreprise d'assurer le paiement des salaires et des charges sociales, ainsi que de régler ses fournisseurs et ses sous-traitants durant la phase du sursis. Puis, fin mars 1999, la décision a été prise de licencier tous le personnel en respectant les préavis de congé légaux et conventionnels et, au fur et à mesure de leur disponibilité, les employés ont été replacés auprès d'autres entreprises de la place. Enfin, les commissaires au sursis ont exposé avoir choisi la solution d'un concordat- dividende plutôt qu'un concordat par abandon d'actifs, dès lors que ce dernier entraîne des frais de masse importants, liés à la mise en place d'une véritable structure de liquidation et qu'il ne permet pas de garantir le dividende qui sera versé aux créanciers, puisque celui-ci découle exclusivement des opérations de liquidation. Dans le cas d'un concordat par abandon d'actifs, le dividende pouvait se situer aux environs de 20 pour cent estimé sur la base de la situation financière au 17 juin 1999 (cf. rapport des commissaires au sursis, pièce n° 1, chargé caisse du 20 mars 2003). En homologuant le concordat proposé par la société portant sur un dividende de 30 pour cent des créances ordinaires, le Tribunal de Première Instance a d’ailleurs rappelé que les commissaires au sursis avaient souligné les efforts personnels des actionnaires de la société en vue de concrétiser le versement du dividende proposé (cf. pièce n°1 p. 4, chargé défendeurs du 24 mai 2000).

Le Tribunal de céans constate ainsi que les défendeurs ont veillé au strict respect de leurs obligations d'employeur durant de nombreuses années; dès qu'ils ont constaté que les travaux sur lesquels ils comptaient leurs échappaient et qu'ils n'auraient pas les moyens de poursuivre leur activité, ils ont réagi en prenant très rapidement les mesures opportunes pour éviter la faillite de l'entreprise, pour requérir un sursis concordataire et, enfin, proposer un concordat qui a permis d'aboutir à un dividende de 30 pour cent pour les créanciers de troisième classe. Certes n'ont-ils pas pu, durant une période de quatre mois, d'octobre 1998 à janvier 1999, couvrir la totalité des charges sociales; cependant, il y a lieu de relever que durant cette période ils se sont attachés à payer les salaires, ainsi que les cotisations sociales déduites des salaires des employés, ce que la demanderesse ne conteste pas. Ils ont encore dès le mois de février 1999 rempli toutes leurs obligations puisque les charges sociales ont été couvertes.

Dans ces conditions, force est de constater que les défendeurs ont agi avec toutes la diligence nécessaire que leur imposait leur qualité d'administrateurs de la société : ils ont veillé à ce que la solution la plus favorable possible aux créanciers fût choisie, à savoir le concordat-dividende, et enfin ils ont diminué le dommage de la caisse, en lui permettant d'obtenir un dividende de 30 pour cent dans le cadre dudit concordat. En raison des efforts déployés, seules sont demeurées impayées les cotisations patronales couvrant une période de quatre mois, soit les factures émises par la caisse en date des 5 novembre 1998, 4 décembre 1998, 4 janvier et 4 février 1999 (cf. pièces n° 2 à 5, chargé défendeurs).

Au vu de ce qui précède, compte tenu des circonstances concrètes du cas d'espèce, eu égard aussi au fait que les cotisations sociales étaient entièrement à jour au 30 septembre 1998, que la période durant laquelle la part patronale des cotisations demeurée impayée est relativement courte, le Tribunal de céans considère qu'on ne saurait reprocher aux défendeurs d'avoir agi par négligence grave au sens de l'article 52 LAVS. Partant, ils n'encourent aucune responsabilité et ne répondent pas du dommage subi par la caisse.

* * *


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

Reçoit les requêtes en mainlevée d’opposition;

Au fond :

Les rejette ;

Alloue à chacun des défendeurs la somme de Fr. 1'000.- à titre de participation à leurs frais et dépens ainsi qu'à ceux de leur avocate ;

Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions ;

Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement qu'elle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu'il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l'enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

Le greffier:

W. BEN AMER

La présidente :

J. BALDE

Copie conforme du présent arrêt a été notifiée aux parties, ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales,