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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2794/2019

ATA/1248/2020 du 08.12.2020 sur JTAPI/94/2020 ( ICCIFD ) , ADMIS

Recours TF déposé le 11.01.2021, rendu le 07.05.2021, ADMIS, 2C_22/2021
Descripteurs : IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;DROIT FISCAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;IMPÔT;REVENU;REVENU DE LA FORTUNE MOBILIÈRE(DROIT FISCAL);VALEUR LOCATIVE;LOYER CONTRÔLÉ;SURVEILLANCE ÉTATIQUE;ZONE DE DÉVELOPPEMENT
Normes : LIFD.16; LIPP.17; LIFD.21; LHID.1.al1; LHID.7.al1; LIPP.24.al1.letb; LIFD.21.al1.letb; LIPP.24.al2; LGZD.1; aLGZD.5.al1.letb; aLGZD.5.al3
Résumé : Le TAPI n'était pas en droit de s'écarter d'une jurisprudence dont les principes étaient transposables au cas d'espèce. L'autorité fiscale n'est pas liée par le loyer maximum autorisé d'un immeuble sis en zone de développement pour le calcul de la valeur locative fiscale dudit immeuble, notamment pour des motifs d'égalité de traitement entre tous les contribuables propriétaires occupant leur propre logement dans le canton de Genève. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2794/2019-ICCIFD ATA/1248/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 décembre 2020

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Monsieur A______

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 janvier 2020 (JTAPI/94/2020)


EN FAIT

1) Le litige porte sur l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et sur l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) pour l'année fiscale 2017 de Monsieur A______, domicilié à B______ durant la période litigieuse.

2) Depuis le 15 septembre 2016, M. A______ est propriétaire d'un appartement se trouvant dans un immeuble sis chemin C______, à D______, qui se trouve en zone de développement dans la commune de B______. Une place de parking complète sa propriété. Il y est domicilié depuis le 1er janvier 2017.

3) Le 12 mars 2018, M. A______ a remis à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) sa déclaration fiscale 2017.

Il a indiqué une valeur locative brute de son logement de CHF 15'528.- pour l'IFD et une valeur locative après abattement de CHF 14'907.- pour l'ICC.

M. A______ a joint à sa déclaration fiscale 2017 le « Questionnaire de valeur locative 2013-2017 destiné aux propriétaires d'appartements et de villas » (ci-après : le questionnaire) pour les personnes physiques.

Selon ce document, un coefficient « nuisances » de 0,7695 était indiqué. La valeur locative brute 2013-2017 s'élevait à CHF 18'770.-.

Dans les observations, M. A______ a précisé que compte tenu de la limite légale obligatoire imposée par la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35), la valeur locative ne pouvait en aucun cas être supérieure au montant fixé par l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF), soit CHF 15'528.-/an.

Un courrier de l'OCLPF du 17 janvier 2018 était également annexé. L'OCLPF précisait que le loyer maximum admis était de CHF 14'280.- l'an pour l'appartement et de CHF 1'248.- pour la place de parking, soit un total de CHF 15'528.-.

4) Par bordereaux du 8 avril 2019, l'AFC-GE a taxé M. A______ pour l'année 2017.

Elle a arrêté la valeur locative brute à CHF 24'392.- pour l'IFD et à CHF 23'416.- pour l'ICC.

Dans les remarques de l'avis de taxation immobilier, l'AFC-GE a précisé que le coefficient « nuisances » était de 1,0 et non de 0,7695, car le bien immobilier ne se situait pas à moins de 50 m d'un carrefour bruyant, ne se situait pas à moins de 1.5 km d'une station d'épuration, ni dans le périmètre des nuisances aéroportuaires. Avec le coefficient de 1,0, la valeur locative brute 2013-2017 était de CHF 24'392.-.

5) Le 10 avril 2019, M. A______ a élevé réclamation contre ces bordereaux, concluant à ce que la valeur locative maximale soit arrêtée à CHF 15'528.- annuels, tant pour l'IFD que pour l'ICC.

Son logement était situé en zone de développement au sens de la LGZD. Dès lors, ce logement ne pouvait pas être loué à un prix supérieur à celui déterminé par l'OCLPF. Toute location excédant le montant imposé serait passible de sanctions.

Or, selon la décision du 17 janvier 2018, l'OCLPF avait arrêté le loyer maximal de son logement et de la place de parking associée à CHF 15'528.-.

Par conséquent et en aucun cas, la valeur locative de son logement ne pouvait être supérieure à CHF 15'528.- annuels.

6) Par décisions sur réclamation ICC et IFD 2017 du 18 juillet 2018, l'AFC-GE a rejeté la réclamation.

Les documents fournis de l'OCLPF concernant un loyer maximum autorisé ne s'appliquaient pas au cas d'espèce, dans la mesure où le bien immobilier était occupé par le propriétaire et non pas loué. De ce fait, le questionnaire de valeur locative faisait foi.

Conformément à la jurisprudence rendue en première instance en 2009, il convenait d'appliquer les normes de droit fiscal, en tant que lex specialis, dans la mesure où d'autres lois de rang supérieur ne prescrivaient pas le contraire.

Par conséquent, la valeur locative était calculée conformément à l'information n° 5/2007 relative à la nouvelle détermination de la valeur locative genevoise du 28 juin 2007 (ci-après : l'information) et l'AFC-GE ne tenait pas compte du prix fixé par l'OCLPF.

7) Par acte du 29 juillet 2019, M. A______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l'encontre de ces décisions, concluant à ce que la valeur locative de son appartement soit arrêtée à CHF 15'528.- par an, tant pour l'IFD que pour l'ICC.

Il a repris et développé sa précédente argumentation.

8) Le 2 août 2018 (recte : 2019), M. A______ a complété son recours.

Selon une jurisprudence du Tribunal fédéral, il convenait d'intégrer les normes de droit public restreignant le droit d'usage des bâtiments lors d'une estimation. Dès lors et pour sa situation, il convenait de prendre en compte le prix de location maximal fixé en vertu de la LGZD.

9) Le 10 septembre 2019, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La valeur locative n'entrait pas dans le champ d'application de la LGZD. Par ailleurs, le Tribunal fédéral avait validé l'utilisation du questionnaire pour fixer la valeur locative. N'était pas déterminant le fait qu'elle dépassait le loyer fixé par l'OCLPF.

10) Le 16 septembre 2019, M. A______ a indiqué qu'il n'avait pas d'observations à formuler sur la réponse de l'AFC-GE.

11) Par jugement du 27 janvier 2020, le TAPI a admis le recours et renvoyé le dossier à l'AFC-GE pour nouvelles décisions de taxation dans le sens des considérants.

Même si c'était à juste titre que la DCCR/970/2009 précitée retenait que la valeur locative devait être déterminée « en fonction des loyers usuels pratiqués dans la localité pour des logements semblables », soit au moyen du questionnaire, dans le canton de Genève, la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA) avait omis de prendre en considération le fait qu'une estimation individuelle de chaque bien demeurait réservée.

L'appartement occupé par M. A______ se situait dans le canton de Genève, de sorte que sa valeur locative devait, en principe, être déterminée par l'utilisation du questionnaire, cette méthode ayant été approuvée par le Tribunal fédéral. Cela étant, une estimation individuelle de ce logement demeurait admissible.

L'emploi du questionnaire aboutissait à une valeur locative de CHF 18'770.- voire à CHF 24'392.-, montant retenu en taxation. La question se posait de savoir si ces valeurs correspondaient au loyer objectif du marché. À cet égard, était déterminant le montant que M. A______ pourrait obtenir en louant son appartement aux conditions locales usuelles. Par décision du 17 janvier 2018, l'OCLPF avait fixé le loyer maximum de ce bien (place de parking comprise) à CHF 15'528.-. Ce plafond devait être considéré comme le loyer du marché de l'appartement de l'intéressé, durant la période décennale au cours de laquelle l'État exerçait son contrôle. En effet, si l'intéressé, nonobstant son obligation d'occuper personnellement son logement, souhaitait néanmoins le louer - en se prévalant des justes motifs énoncés à l'art. 5 al. 1 let. b LGZD - il ne saurait en aucun cas être autorisé à fixer un loyer annuel supérieur à CHF 15'528.- sauf à s'exposer à une amende administrative et à l'obligation de restituer les loyers perçus en trop.

L'AFC-GE n'était donc pas fondée à arrêter la valeur locative dudit appartement en ignorant purement et simplement le loyer maximum arrêté par l'OCLPF, qui était un autre service de l'État de Genève. M. A______ devait dès lors être taxé sur une valeur locative de CHF 15'528.-.

12) Par acte du 28 février 2020, l'AFC-GE a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à la confirmation des décisions sur réclamation ICC et IFD 2017 du 18 juillet 2019.

En admettant l'application du loyer maximum admis par l'OCLPF comme valeur locative, le TAPI avait violé la loi fiscale et fait une mauvaise interprétation de la LGZD, dans la mesure où le loyer maximum admis ne correspondait pas à la réalité du marché.

Dès lors que l'application du loyer maximum admis par l'OCLPF avait été substituée à la détermination de la valeur locative prévue par le droit fédéral, le principe de la force dérogatoire du droit fédéral était violé.

Le jugement attaqué aboutissait à admettre qu'en lieu et place de la législation et jurisprudence fiscale, une loi cantonale non fiscale (notamment la LGZD), appliquée par un service qui n'était pas l'administration fiscale (soit l'OCLPF), puisse régler la détermination de la valeur locative.

En outre, la valeur locative devait être déterminée selon des critères objectifs, ce qui n'était pas le cas du calcul du loyer théorique établi par l'OCLPF. Ce calcul, qui était purement mécanique, était fondé sur la valeur d'acquisition du bien. Par ailleurs, l'OCLPF avait adopté une nouvelle pratique valable dès 2019.

L'AFC-GE se devait de suivre, pour la détermination de la valeur locative 2017, les principes indiqués dans l'information, qui avait elle-même pour but de se conformer aux principes énoncés par la circulaire et les directives fédérales. En outre, si l'on considérait que la valeur locative, telle que prévue par la législation fiscale fédérale et cantonale, ne correspondait déjà pas à la réalité du marché, bien qu'elle en ait la vocation (dans le cas d'espèce, la valeur locative brute selon le questionnaire correspondait à un loyer mensuel de CHF 2'032.- pour un cinq pièces neuf de 104 m2, ce qui était bien inférieur au prix du marché), l'on voyait mal comment le loyer fixé par l'OCLPF (qui correspondait à un loyer mensuel de CHF 1'294.-) pourrait correspondre à la réalité.

Par ailleurs, la méthode de calcul du loyer maximum admis, au sens de la LGZD, ne s'appliquait qu'aux propriétaires de biens sis en zone de développement et se basait exclusivement sur le prix d'achat contrôlé et fixé par l'État dans une zone de développement. Son application, afin de déterminer la valeur locative, en dérogation à l'application uniforme de l'information, ne garantissait pas le respect du principe de l'égalité de traitement entre propriétaires occupant leur propre bien immobilier.

Une telle exception au principe de fixation de la valeur locative tel que prévu par le droit fédéral et cantonal n'était pas admissible.

En principe, l'appartement de M. A______ n'avait pas vocation à être loué, sauf exception prévue par la LGZD. Suivre le raisonnement du TAPI revenait à considérer que tous les appartements en zone de développement pouvaient être loués et qu'il existait un marché pour des biens de ce type. Or, cela allait à l'encontre du but historique de la LGZD et ne respectait pas la volonté du législateur en matière de détermination de la valeur locative.

Il n'était dès lors pas possible d'admettre qu'un contribuable pourrait payer le loyer défini par l'OCLPF (soit CHF 1'294.- par mois) pour occuper un appartement de cinq pièces neuf. Ledit contribuable ne trouverait jamais une location à Genève à ce prix. Il était en outre erroné de partir du postulat que le contribuable trouverait à se loger dans un appartement soumis au contrôle de l'État puisque par définition ces appartements devaient en principe être occupés par leur propriétaire. Il n'y avait donc pas de marché pour ce type de bien.

13) Le 10 mars 2020, M. A______ a conclu au rejet du recours.

L'utilisation de guides-barèmes et de questionnaires standardisés devait être refusée lorsqu'il existait un loyer objectif certain déterminé par l'application de règles de droit public de rang législatif. Or, son loyer avait été déterminé par l'OCLPF fixé en vertu de la LGZD. Il était donc objectif et certain. En outre, le loyer déterminant était celui qui devrait être payé pour pouvoir occuper le logement en question, dès lors que l'appréciation de la valeur locative devait être individualisée.

La loi fiscale n'imposait pas de méthode de calcul spécifique pour la détermination de la valeur locative. Elle ne constituait donc pas une lex specialis puisqu'elle ne contenait aucune disposition « spéciale » réglementant les modalités de la valeur locative.

La loi faisait elle-même expressément référence aux conditions locales, ce qui était le cas du droit public cantonal. En outre, le Tribunal fédéral avait rappelé que les restrictions de droit public cantonal devaient être prises en compte dans les autres domaines du droit aux fins de procéder aux estimations de valeur. L'argument de la lex specialis était ainsi infondé.

Le prix d'achat de l'appartement constituait un « critère objectif » pour le calcul de la valeur locative. La nouvelle pratique de l'OCLPF valable dès 2019 n'était pas pertinente puisque l'objet du litige portait sur l'imposition de l'année 2017. En outre, la décision de l'OCLPF était toujours en force.

Le fait que le loyer maximal admis par l'OCLPF soit « bien inférieur au prix du marché » était certes regrettable d'un point de vue économique, mais il correspondait à la volonté exprimée et assumée du législateur de procéder à une limitation des loyers afin d'enrayer la hausse de ceux-ci et de mettre sur le marché des logements de qualité à des loyers abordables. L'AFC-GE n'avait pas pour rôle de substituer ses propres considérations à la volonté exprimée du législateur.

Le loyer maximal déterminé par l'OCLPF était une estimation individuelle ayant une portée juridique concrète.

Enfin, il avait acquis son appartement le 15 septembre 2016, soit avant l'entrée en vigueur de l'art. 5 al. 1 let. b LGZD qui ne lui était pas applicable. L'ancien article applicable à sa situation ne comportait aucune obligation d'habiter personnellement le logement, et la volonté du législateur, à l'époque, était de contrôler les loyers pratiqués pour la location des logements en zones de développement, et non la personne qui y résidait.

14) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L'objet du litige consiste à déterminer si l'AFC-GE est en droit d'arrêter la valeur locative de l'appartement du recourant sans tenir compte du loyer maximum arrêté par l'OCLPF pour l'année fiscale 2017.

3) a. De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (ATA/1100/2019 du 25 juin 2019 consid. 3b et les références citées).

b. Le présent litige concernant la période fiscale 2017, la cause est ainsi régie par le droit en vigueur durant cette période, à savoir respectivement les dispositions de la LIFD, de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et celles de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08).

Par ailleurs, la question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme l'admet la jurisprudence (ATA/440/2020 du 30 avril 2020 consid. 3b ; ATA/1834/2019 du 17 décembre 2019 consid. 2b et la référence citée).

4) Selon l'art. 16 LIFD, l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. Sont aussi considérés comme revenus les prestations en nature de tout genre dont le contribuable bénéficie, notamment la pension et le logement. La notion de revenu est similaire en matière d'ICC, l'art. 17 LIPP prévoyant que l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques, en espèce ou en nature et quelle qu'en soit l'origine.

Parmi les revenus soumis à imposition figure la valeur locative d'un bien immobilier, propriété du contribuable. Il s'agit d'un revenu en nature dont la valeur économique correspond au loyer que le contribuable aurait pu obtenir d'un tiers en louant son logement (ATF 131 I consid. 2.2 ; 112 I a 242 ; ATA/440/2020 précité consid. 5 ; Yves NOËL in Danielle YERSIN/Yves NOËL [éd.], Impôt fédéral direct, Commentaire de la LIFD, 2ème éd., 2017, n. 55 ad art. 16 LIFD).

5) a. En matière d'imposition fédérale, la valeur locative d'un bien immobilier dont le contribuable se réserve l'usage en raison de son droit de propriété ou d'un droit de jouissance obtenu à titre gratuit est imposable comme revenu au titre de rendement de la fortune immobilière (art. 21 al. 1 let. b LIFD). La valeur locative est déterminée compte tenu des conditions locales et de l'utilisation effective du logement ou du domicile du contribuable (art. 21 al. 2 LIFD).

b. En matière d'imposition cantonale, la LHID, qui a pour objet de désigner les impôts directs que les cantons doivent prélever et fixer les principes selon lesquels la législation cantonale les établit (art. 1 al. 1 LHID), prévoit que l'impôt sur le revenu a notamment pour objet la valeur locative de l'habitation du contribuable dans son propre immeuble (art. 7 al. 1 LHID), sans donner d'autres détails.

Sur cette base, le législateur cantonal a édicté l'art. 24 al. 1 let. b LIPP, lequel est d'une teneur similaire à celle de l'art. 21 al. 1 let. b LIFD.

c. La notion de valeur locative est définie à l'art. 24 al. 2 LIPP, entré en vigueur avec la LIPP le 1er janvier 2010, dont la teneur reprend le dispositif retenu à l'art. 7 al. 2 aLIPP-IV. Celle-ci est déterminée en tenant compte des conditions locales. Le loyer théorique des villas et des appartements en copropriété par étages occupés par leurs propriétaires est fixé en fonction notamment de la surface habitable, du nombre de pièces, de l'aménagement, de la vétusté, de l'ancienneté, des nuisances éventuelles et de la situation du logement. Le loyer théorique est pondéré par la durée d'occupation continue de l'immeuble, conformément au barème applicable en matière d'évaluation des immeubles situés dans le canton ; il ne saurait excéder un taux d'effort de 20 % des revenus bruts totaux. Ce taux d'effort est calculé sur les revenus bruts totaux, mais au minimum sur le montant de la première tranche exonérée d'impôt, selon le barème inscrit à l'art. 41 al. 1 LIPP, pour les personnes seules, et sur le double de ce montant pour les contribuables visés à l'art. 41 al. 2 et 3 LIPP. La valeur locative limitée à ce taux d'effort n'est toutefois prise en considération qu'à la condition que les intérêts sur le financement de l'immeuble ne soient pas supérieurs à ce montant.

6) a. D'après la jurisprudence, afin d'assurer l'application uniforme de certaines dispositions légales, l'administration peut expliciter l'interprétation qu'elle leur donne dans des directives. Celles-ci n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l'administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d'espèce. Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; ATA/287/2020 du 10 mars 2020 consid. 5 et la référence citée). En matière de détermination de la valeur locative, l'objectif poursuivi par l'adoption de circulaires est d'atteindre l'égalité de traitement entre tous les contribuables, soit entre contribuables occupant leur propre logement, ou entre de tels contribuables, et les contribuables propriétaires d'immeubles locatifs. Il est en principe impossible de s'écarter des règles énoncées dans ces directives, sauf pour les cas qui ne sont pas visés par celles-ci, sous peine de violer le principe de l'égalité de traitement (Nicolas MERLINO in Yves NOËL/ Florence AUBRY GIRARDIN, LIFD, Commentaire romand 2e éd. 2017, n. 109 ad art. 21 LIFD).

b. À teneur de la circulaire et des directives de l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) du 25 mars 1969 concernant la détermination du rendement locatif imposable des maisons habitables (ci-après : la circulaire de 1969 ; Archive n° 38, p. 121 ss), la valeur locative se détermine en principe d'après une procédure d'estimation individuelle ou sur la base de l'estimation cantonale, pour autant que celles-ci existent et aient été effectuées selon des règles uniformes (ATA/223/2019 du 5 mars 2019 consid. 13a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_886/2010 du 27 avril 2011 consid. 4.1). Ainsi, en pratique, la valeur retenue pour l'IFD est la même que celle retenue pour l'impôt cantonal fixé par les cantons, à qui l'on reconnaît une grande liberté dans la détermination de la valeur locative des immeubles sis sur leur territoire (Thierry OBRIST, Introduction au droit fiscal suisse, 2016, p. 118).

Dans tous les cas, la valeur locative retenue par le canton en matière d'IFD ne doit toutefois pas se situer en deçà du 70 % de la valeur du marché (ATF 123 II 9 consid. 4b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1/2019 du 16 janvier 2020 consid. 4.1 et les arrêts cités).

c. L'AFC-GE a édicté l'information, exposant la façon dont était redéfinie la méthode de détermination de la valeur locative de base.

La valeur locative des biens immobiliers occupés par leurs propriétaires est calculée par l'AFC-GE, tant pour l'ICC que pour l'IFD, à partir des réponses données par les contribuables concernés au « questionnaire destiné aux propriétaires d'appartement et de villa ». Une valeur locative brute est déterminée d'après une valeur locative de base, qui est fonction de la surface habitable et du nombre de pièces. La valeur locative de base est ensuite multipliée par des coefficients pour tenir compte du type d'habitation, de l'aménagement, de la vétusté, des nuisances et de la situation. Le résultat est finalement adapté à l'indice genevois des loyers. La valeur locative brute obtenue fait ensuite l'objet de pondération en fonction de la durée d'occupation et du taux d'effort.

Selon le point C de l'information, la nouvelle valeur locative est définie sur la base des données statistiques relatives au loyer libre mensuel moyen des logements par m2, époque de construction 1971-1980, fournies par l'office cantonal de la statistique.

Cette méthode d'évaluation est admise par la jurisprudence (arrêts du Tribunal fédéral 2C_354/2012 du 4 octobre 2010 ; 2C_469/2007 du 8 janvier 2008 ; ATA/223/2019 précité consid. 13b ; ATA/159/2010 du 9 mars 2010 consid. 4c ; ATA/442/2007 du 4 septembre 2007 consid. 5).

7) a. La zone de développement a pour l'essentiel comme objectif de favoriser la construction de logements répondant à un besoin d'intérêt public (ATA/1000/2020 du 6 octobre 2020 consid. 4a ; Alain MAUNOIR, Les zones de développement dans le canton de Genève, in RDAF 1998 I p. 266 et 267).

b. Selon l'art. 1 LGZD, cette loi fixe les conditions applicables à l'aménagement et l'occupation rationnelle des zones de développement affectées à l'habitat, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire, ainsi que les conditions auxquelles le Conseil d'État peut autoriser l'application des normes d'une telle zone. Le Conseil d'État peut également autoriser des activités artisanales dans les zones de développement précitées lorsqu'elles ne sont pas susceptibles de provoquer des inconvénients graves pour le voisinage ou le public.

c. L'art. 5 al. 1 let. b aLGZD dans sa teneur avant le 19 novembre 2016 prévoyait que les bâtiments d'habitation destinés à la vente, quel que soit le mode d'aliénation (notamment cession de droits de copropriété d'étages ou de parties d'étages, d'actions ou de parts sociales) répondent, par le nombre, le type et le prix de logements prévus à un besoin prépondérant d'intérêt général.

Les prix et les loyers des bâtiments visés sous al. 1 let. a et b sont soumis au contrôle de l'État pendant une durée de dix ans dès la date d'entrée moyenne dans les logements ou locaux, selon les modalités prévues au chapitre VI (art. 42 à 48) de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05 ; art. 5 al. 3 aLGZD).

8) Dans un dossier traité par la CCRA (DCCR/970/2009 précité), devenue depuis le 1er janvier 2011 le TAPI, les recourants soutenaient que la valeur locative de leur logement devait être calculée sur la base d'un calcul ne dépassant pas la fourchette prévue par la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 ( LDTR - L 5 20), dès lors que la rénovation de leur appartement était soumise à cette loi.

La CCRA a considéré que la valeur locative fiscale ne tombait pas dans le champ d'application de la LDTR, laquelle ne pouvait de surcroît pas être appliquée en vertu du principe de lex specialis. Par ailleurs, le fait que la valeur locative dépasse le loyer fixé par la LDTR n'était pas déterminant étant donné que la notion de la valeur locative du droit fiscal fédéral et genevois n'était pas identique à celle du droit de la police des constructions. Les critères retenus par la LDTR étaient différents des règles établies par le droit fiscal pour la fixation de la valeur locative. La LDTR ne visait que le loyer « accessible à la majorité de la population », alors que les législations fiscales fédérale et cantonale faisaient appel notamment à la notion de « loyer libre » et de la valeur locative du logement du contribuable dans sa propre maison qui devait être déterminée en fonction « des loyers usuels pratiqués dans la localité pour des logements semblables ». Si l'on suivait le raisonnement des recourants, la valeur locative fiscale d'aucun bien immobilier sis à Genève ne pourrait dépasser le plafond fixé par la LDTR. La plupart des éléments de pondération que la législation fiscale prenait en compte pour fixer la valeur locative imposable n'aurait ainsi plus aucune finalité (consid. 7).

9) En l'espèce, le TAPI s'est écarté de cette jurisprudence dont les principes sont pourtant transposables au cas d'espèce.

En effet, force est de constater que le champ d'application de l'art. 1 LGZD ne comporte aucune référence à la question de l'examen de la valeur locative fiscale.

En outre, les critères relatifs à la notion de la valeur locative du droit fédéral et genevois ne sont pas identiques à ceux découlant de l'application de la LGZD pour arrêter le loyer maximum admis. Il ressort en effet de la décision de l'OCLPF du 17 janvier 2018 que les loyers sont calculés sur la base d'un endettement théorique de 60 % actualisés au taux d'intérêt de référence publié par l'office fédéral du logement (ci-après : OFL), soit 1,5 % actuellement. Le rendement sur fonds propres admissible était actuellement de 2 % (taux OFL + 0,5 %).

Or, selon le questionnaire, d'autres critères sont pertinents pour fixer la valeur locative, tels que la surface habitable, le nombre de pièces, le type d'habitation (appartement en propriété par étages, villa, maison individuelle), l'aménagement de l'immeuble (isolation, simple/double vitrage etc.), la vétusté, les nuisances (aéroport, carrefour, etc.) et la situation générale (ensoleillement).

Par ailleurs, le point C de l'information fait clairement référence à la notion de « loyer libre », de sorte que l'AFC-GE n'est aucunement liée par le calcul relatif au loyer maximum arrêté par l'OCLPF dans sa décision du 17 janvier 2018.

Le fait que l'intimé pourrait s'exposer à une amende et à l'obligation de restituer les loyers perçus en trop en cas de mise en location à un loyer annuel supérieur à CHF 15'528.- n'est pas pertinent eu égard à la question juridique à résoudre qui a trait spécifiquement au calcul de la valeur locative fiscale.

La jurisprudence citée par l'intimé (ATF 143 III 532) ne lui est d'aucun secours puisqu'elle s'inscrit dans un contexte d'estimation de la valeur vénale des immeubles à réaliser et non pas dans l'estimation de leur valeur locative fiscale.

Enfin, retenir le loyer annuel maximum fixé par l'OCLPF pour arrêter la valeur locative fiscale serait constitutif d'une inégalité de traitement entre tous les contribuables propriétaires occupant leur propre logement dans le canton de Genève, ce d'autant plus que de nombreux logements sont situés en zone de développement sans être pour autant soumis au contrôle des loyers.

Il s'ensuit que le recours sera admis.

Le jugement entrepris sera par conséquent annulé et les décisions litigieuses de l'AFC-GE rétablies.

10) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Malgré cette issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée, l'autorité recourante ayant recouru dans son propre intérêt et disposant d'un service juridique propre (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 février 2020 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 janvier 2020 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 janvier 2020 ;

rétablit les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 18 juillet 2019 ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l'administration fiscale cantonale, à Monsieur A______, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :