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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1523/2020

ATA/1245/2020 du 08.12.2020 ( FORMA ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1523/2020-FORMA ATA/1245/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 décembre 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Aleksandra Petrovska, avocate

contre

SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1993, a déposé le 20 septembre 2018 auprès du service des bourses et prêts d'études (ci-après : SBPE) une demande de bourse ou prêt d'études pour l'année académique 2018/2019. Il était inscrit en troisième année à la Haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture de Genève (ci-après : HEPIA) en vue d'obtenir un baccalauréat en ingénierie des technologies de l'information à plein temps. Il était déjà titulaire d'un diplôme universitaire de technologie de l'université B______ (France).

2) Les 16 novembre 2018 et 18 juin 2019, le SBPE a demandé diverses pièces - la même liste dans les deux cas - à M. A______.

3) Le 15 juillet 2019, M. A______, par l'intermédiaire d'un avocat, a fait valoir qu'il n'avait plus de contact avec son père et ne pouvait fournir les pièces demandées à son sujet.

4) Par décision du 9 août 2019, le SBPE a refusé la demande présentée par M. A______.

Dès lors qu'il n'avait pas accès aux revenus de ses deux parents, il ne pouvait calculer les budgets nécessaires à l'étude de son droit à une prestation.

5) Le 23 août 2019, M. A______ a élevé réclamation contre la décision précitée.

Il n'avait plus aucun contact avec son père et était dans l'impossibilité de fournir les pièces relatives à ce dernier. Il avait en revanche fourni toutes les pièces utiles au traitement de sa demande, notamment celles relatives à la situation financière de sa mère.

6) Le 9 octobre 2019, M. A______ s'est adressé au SBPE, qu'il remerciait de lui faire savoir la suite donnée à sa réclamation.

7) Le 28 octobre 2019, M. A______ s'est à nouveau adressé au SBPE. Il n'avait même pas reçu un accusé de réception à la suite de sa réclamation.

Le refus de statuer du SBPE constituait un déni de justice. Un délai au 10 novembre 2019 lui était imparti pour statuer, à défaut de quoi il se réservait le droit de saisir les instances judiciaires.

8) Par acte posté le 29 mai 2020, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) pour retard injustifié, concluant principalement à ce qu'il soit ordonné au SBPE de reprendre l'instruction de la réclamation et de statuer sans délai, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

9) Le 2 juillet 2020, le SBPE a conclu au rejet du recours.

Il reconnaissait qu'il aurait dû statuer dans les trente jours sur la réclamation de M. A______. Toutefois, sa décision contestée était justifiée sur le fond.

10) Le 7 août 2020, M. A______ a persisté dans ses conclusions. Le SBPE reconnaissait qu'il aurait dû statuer dans les trente jours, mais n'avait pas jugé utile de le faire malgré le dépôt de son recours.

11) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté devant la juridiction compétente et non soumis à un délai en raison de l'objet du litige, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l'autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l'art. 4 al. 4 LPA (art. 62 al. 6 LPA). Toutefois, lorsque l'autorité compétente refuse expressément de rendre une décision, les règles de la bonne foi (art. 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) imposent que le recours soit interjeté dans le délai légal, sous réserve éventuelle d'une fausse indication quant audit délai (ATA/1722/2019 du 26 novembre 2019 consid. 2b et les références citées).

b. Pour pouvoir se plaindre de l'inaction de l'autorité, encore faut-il que l'administré ait effectué toutes les démarches adéquates en vue de l'obtention de la décision qu'il sollicite (ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 2d). Les conclusions en déni de justice sont irrecevables lorsque le recourant n'a pas procédé à la mise en demeure prévue à l'art. 4 al. 4 LPA (ATA/1210/2018 du 13 novembre 2018 consid. 5c et 6).

c. Une autorité qui n'applique pas ou applique d'une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu'elle ferme l'accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l'autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu'elle en a l'obligation. Un tel déni constitue une violation de l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 135 I 6 consid. 2.1).

En cas de recours contre la seule absence de décision, les conclusions ne peuvent tendre qu'à contraindre l'autorité à statuer (ATA/595/2017 du 23 mai 2017 consid. 6c). En effet, conformément à l'art. 69 al. 4 LPA, si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renvoie l'affaire à l'autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives (ATA/373/2020 du 16 avril 2020 consid. 6a).

d. La reconnaissance d'un refus de statuer ne peut être admise que si l'autorité mise en demeure avait le devoir de rendre une décision ou, vu sous un autre angle, si le recourant avait un droit à en obtenir une de sa part (ATF 135 II 60 consid. 3.1.2 ; ATA/7/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3b). Au stade de l'examen de la recevabilité, la chambre de céans doit examiner si la décision dont l'absence est déplorée pourrait faire l'objet d'un recours devant elle au cas où ladite décision avait été prise et si le recourant disposerait de la qualité pour recourir contre elle (ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 2d).

3) Selon l'art. 28 al. 1 de la loi sur les bourses et prêts d'études du 17 décembre 2009 (LBPE - C 1 20), les décisions prises en application de la LBPE peuvent faire l'objet d'une réclamation écrite auprès du SBPE, avec indication du motif et, s'il y a lieu, dépôt des pièces justificatives, dans un délai de trente jours à compter de la notification. Le service statue sur la réclamation dans les trente jours dès son dépôt (al. 2).

4) En l'espèce, le SBPE devait statuer sur la réclamation formée contre sa décision, laquelle était bien rendue en application de la LBPE, en principe dans les trente jours suivant le 23 août 2019. Il le reconnaît du reste lui-même dans sa réponse.

Pour le surplus, les arguments contenus dans celle-ci ne sont pas pertinents, en tant qu'ils portent sur le fond et non sur le retard à statuer.

Enfin, le recourant a bien mis en demeure l'autorité intimée, par courrier du 28 octobre 2019.

Le recours sera dès lors admis. Le retard à statuer sera ainsi constaté, et il sera ordonné à l'autorité intimée de statuer sur la réclamation du recourant d'ici au 8 janvier 2021.

5) Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée au recourant, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 mai 2020 par Monsieur A______ contre le retard injustifié du service des bourses et prêts d'études  ;

au fond :

l'admet ;

constate que le service des bourses et prêts d'études a tardé à statuer ;

lui ordonne de statuer sur la réclamation formée le 23 août 2019 au plus tard le 8 janvier 2021 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Aleksandra Petrovska, avocate du recourant, ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :