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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/69/2019

ATA/1334/2020 du 22.12.2020 sur JTAPI/423/2020 ( LDTR ) , ADMIS

Recours TF déposé le 08.02.2021, rendu le 06.09.2021, REJETE, 1C_86/2021
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/69/2019-LDTR ATA/1334/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 décembre 2020

 

dans la cause

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

contre

Messieurs Y. et X. A______

B______

représentés par E______, mandataire

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mai 2020 (JTAPI/423/2020)


EN FAIT

1) a. Monsieur C______ est administrateur président avec signature individuelle de D______, société dont la raison sociale est devenue E______ le 30 juillet 2020 (ci-après : E______) et dont le siège se situe rue F______ à Genève.

b. G______ (ci-après : G______) a pour but le commerce, l'importation et l'exportation, le courtage et la représentation de matières premières, de matériaux et de produits en tous genres, l'acquisition et l'exploitation de brevets, ainsi que la participation à d'autres entreprises. Depuis le 9 avril 2013, elle a son siège auprès de E______ et M. C______ en est administrateur président avec signature individuelle.

c. B______ (ci-après : B______) a pour but la distribution de produits biométriques et informatiques, l'octroi ou la garantie de prêts à ses actionnaires ou à des tiers et, pour son compte ou celui de tiers, toutes opérations commerciales, financières et immobilières se rapportant au but. M. C______ en est administrateur avec signature individuelle.

2) Le 3 décembre 2003, G______ est devenue propriétaire de l'immeuble comportant trente-quatre appartements sis, avenue H______, sur la parcelle no 1______, feuillet 2______ de la commune de I______, située en troisième zone de développement (ci-après : l'immeuble).

3) Dès le 21 septembre 2007, l'immeuble a été soumis au régime de la propriété par étages (ci-après : PPE).

4) a. En février 2013, M. C______, en sa qualité d'actionnaire de G______, a cédé des actions de la société à différentes personnes morales, dont il était administrateur ou administrateur président, et physiques.

b. Le 26 février 2013, M. C______ a ainsi notamment vendu à Messieurs A______ le certificat d'actions no 3______, comportant trente-deux actions nos 4______ à 5______125, soit 3,2 % du capital-actions, au prix de CHF 254'000.-. CHF 74'000.- étaient payables sur le compte de E______ d'ici au 28 mars 2013. CHF 180'000.- faisaient l'objet d'un prêt vendeur à 2 %, remboursable lors de la liquidation et nanti par le certificat d'actions, remis en pleine propriété. Une modification des statuts de G______ était en cours, en vue de partager le capital-actions en mille actions de CHF 50.-. La vente était basée sur la répartition future du capital-actions.

5) Le 6 mai 2013, les statuts de G______ ont été modifiés, cette dernière devenant une société immobilière d'actionnaires-locataires (ci-après : SIAL). La propriété d'un certificat d'actions de la société conférait à l'actionnaire le droit de louer une partie déterminée des immeubles sociaux et/ou de leurs dépendances, selon le tableau de concordance (art. 38). L'actionnaire concluait alors avec la société un bail conforme aux prescriptions légales et aux usages locaux (art. 39).

Le tableau de concordance liait le certificat d'actions no 4 au lot de PPE n9______, correspondant à un appartement de quatre pièces de 89,4 m2 au premier étage avec balcon de 11,4 m2 et locaux annexes no 5'711 (cave et box).

Cet appartement était loué à des tiers depuis le 1er avril 2012, conformément au contrat de bail du 16 février 2012 conclu avec G______ et à l'avis de majoration du loyer émis par cette dernière le 7 novembre 2014.

6) a. Entre les mois de janvier et avril 2014, G______ a transféré à certains de ses actionnaires la propriété des lots de PPE de l'immeuble correspondant à leurs certificats d'actions.

b. Le 9 avril 2014, le registre foncier (ci-après : RF) a adressé aux études de notaires genevoises une note relative aux « opérations de liquidation des SIAL et transformation des cessionnaires détenteurs de certificats d'actions en propriétaires d'étages », visant à transformer les actionnaires en propriétaires de parts de PPE. Depuis 1995 au moins, ces opérations n'étaient pas soumises à autorisation de vente au regard de la législation sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation. Il était toutefois apparu que les exigences légales pouvaient être contournées par diverses opérations juxtaposées dans l'application de cette pratique. Cette dernière était dès lors momentanément suspendue et les opérations en cause devraient dorénavant être soumises à la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC), rattachée au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : DT), pour décision sur la question de l'assujettissement ou non à la législation sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation.

c. Par arrêtés du 27 juillet 2015 (VA 6______ à VA 7______), le DT a refusé la délivrance des autorisations d'aliéner sollicitées par E______ concernant les actes de transfert de janvier à avril 2014. Ces arrêtés ont été confirmés sur recours par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le 17 mai 2016 (JTAPI/487/2016), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 17 janvier 2017 (ATA/38/2017) et le Tribunal fédéral le 23 novembre 2017 (arrêt du Tribunal fédéral 1C_124/2017).

7) Le 19 juin 2018, MM. A______ ont conclu une convention de cession du certificat d'actions no 3______ de G______ avec B______. Le prix de vente était fixé à CHF 254'000.-.

8) Par requête du 3 juillet 2018, G______, sur papier à en-tête de E______, a sollicité auprès de l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF), rattaché au DT, l'autorisation que MM. A______ cèdent à B______ le certificat d'actions no 3______. E______ a réitéré cette demande les 3 et 24 octobre ainsi que 20 novembre 2018.

Vu l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_124/2017 précité, MM. A______ ne voulaient pas rester dans G______. Ils avaient trop de « liquidités bloquées par empêchement de financement en SIAL et a[vait] besoin de liquidités ». M. C______ proposait de leur reprendre leur certificat d'actions par le biais de sa société B______. S'agissant d'un objet de rendement acquis par une société d'investissement, cet appartement resterait sur le marché locatif. La cession du certificat d'actions ne péjorerait aucunement la situation de l'objet. La pesée des intérêts commandait la délivrance de l'autorisation sollicitée.

9) Par arrêté du 3 décembre 2018 (VA 8______), remplaçant et annulant celui du 30 novembre 2018, le DT a refusé de délivrer l'autorisation d'aliéner.

Le DT ne pouvait valider une opération subséquente à une opération menée dans le but de violer la législation sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation. Aucun des motifs d'autorisation n'était réalisé. MM. A______ ne justifiaient d'aucun motif permettant de conclure à un intérêt privé prépondérant.

10) Par acte du 7 janvier 2019, MM. A______ et B______, représentés par E______, ont recouru auprès du TAPI contre cet arrêté, concluant à son annulation et à la délivrance de l'autorisation d'aliéner.

Le DT contraignait les cédants à rester indéfiniment propriétaires de leur unique bien dans l'immeuble, dont l'aliénation correspondait à une vente en bloc. Il s'était laissé guider par son ressentiment envers M. C______. La fraude à la loi n'avait porté que sur le fait d'avoir voulu faire inscrire en nom propre certains titulaires de certificats d'action au RF. L'aliénation de l'appartement ne lui ferait pas perdre son affectation locative, vu l'institution même de la SIAL. S'agissant d'un investissement, l'appartement resterait sur le marché locatif. B______ rachetait le certificat d'actions quasiment au même prix d'acquisition par MM. A______. Le prix était raisonnable et ne pourrait justifier une augmentation de loyer. L'intérêt public n'était pas atteint ou mis en danger. Rien ne justifiait la restriction à la liberté du propriétaire de disposer de son bien.

11) Le 11 mars 2019, le DT a conclu au rejet du recours.

Aucune des configurations dans lesquelles le DT devait délivrer l'autorisation d'aliéner n'était réalisée. Pour préserver la sécurité du droit et la bonne foi des administrées et administrés, le DT ne pouvait plus revenir sur l'aliénation du certificat d'actions no 3______ à MM. A______, bien qu'elle ait constitué une fraude à la loi. Le souci invoqué, aucunement démontré, n'était pas l'expression d'un intérêt privé prédominant. MM. A______ n'étaient pas contraints à garder indéfiniment leur bien, pouvant requérir une vente en faveur de G______ et ainsi réparer la fraude à la loi. M. C______ montrait sa volonté de reprendre la maîtrise du lot considéré au travers d'une société dont il était administrateur, ce qu'il pouvait faire par le biais de G______, déjà propriétaire d'autres lots, évitant une individualisation qui se matérialiserait en cas de vente à B______, propriétaire d'aucun lot ou logement dans l'immeuble. Le DT avait procédé à la pesée des intérêts en toute objectivité.

12) Le 17 avril 2019, MM. A______ et B______ ont maintenu leur recours, soulignant que la législation sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation ne pouvait autoriser une autorité administrative à imposer à la vendeuse ou au vendeur la personne co-contractante.

13) Les 24 mai et 4 juin 2019, le DT, d'une part, ainsi que MM. A______ et B______, d'autre part, ont chacun persisté dans leurs conclusions.

14) Le 27 août 2019, le TAPI a tenu une audience de comparution personnelle.

a. Selon MM. A______, ils avaient acheté le certificat d'actions pour investir dans l'immobilier, étant précisé que leur famille vivait à I______. Leur père avait entendu parler de l'opportunité par une connaissance, qui elle-même connaissait M. C______. L'idée était d'acheter d'abord un certificat d'actions puis de suivre une procédure qui permettrait finalement de passer en PPE. Ils savaient qu'il y avait un locataire et l'idée n'était pas d'occuper eux-mêmes l'appartement. Ils s'étaient dits que cela offrirait peut-être un jour à leur père, qui habitait chez M. X. A______, la possibilité d'aller y vivre. Ils avaient perçu une part des loyers correspondant à l'appartement, puisqu'ils s'étaient notamment acquittés des charges de la propriété, qui impliquaient notamment des travaux de rénovation. Pour le paiement du solde de CHF 180'000.-, ils avaient déjà entamé des discussions avec une banque en vue de la constitution d'une hypothèque une fois qu'ils seraient devenus propriétaires de l'appartement. Ayant entendu qu'il était très difficile de vendre des certificats d'actions d'une société immobilière, ils ne souhaitaient pas prendre de risques quant à la possibilité de revendre leurs actions et avaient saisi la possibilité que leur offrait M. C______ de pouvoir les lui revendre. Ils avaient également besoin de liquidités.

b. M. C______ a expliqué que la revente en 2018 avait été faite au même prix qu'en 2013, sans qu'il ne soit question de rembourser les cédants des intérêts qu'ils avaient payés, puisqu'ils avaient quand même pu tirer un certain revenu du loyer de l'appartement.

15) a. Le 25 septembre 2019, MM. A______ et B______ ont maintenu leur position.

La fraude avait été retenue uniquement par rapport au transfert, aux actionnaires, de la propriété des lots correspondant à leurs certificats, et non par rapport à l'aliénation initiale des certificats d'actions par G______ ou par rapport à la transformation de celle-ci en SIAL. Ces actes passés n'étaient pas soumis à la législation sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, ou à admettre une violation de ladite législation, ces violations n'étaient pas graves, ni manifestes et, au regard de la sécurité du droit, n'engendraient pas la nullité. Le DT ne pouvait en tenir compte dans l'instruction de la demande d'aliénation litigieuse. G______ n'avait pas les moyens de racheter les actions. Le prix avait été fixé en tenant compte du fait que les actionnaires avaient dû participer aux coûts, importants, des travaux dans l'immeuble.

b. Ils ont notamment produit les bilans de G______ aux 31 décembre 2017 et 2018 ainsi que des pièces destinées à démontrer le coût de travaux dans l'immeuble.

16) Le 27 septembre 2019, le DT a maintenu sa position.

MM. A______ étaient perturbateurs par situation. Le DT était habilité à refuser toute transaction ne visant pas à rétablir une situation conforme au droit et ainsi à imposer à ces derniers de rester propriétaires de leur bien tant qu'une opération permettant de réparer la fraude à la loi n'était pas proposée et ce, même si MM. A______ n'avaient pas participé aux opérations frauduleuses par volonté délictuelle.

17) Par jugement du 19 mai 2020, notifié au DT le 27 mai 2020, le TAPI a admis le recours, annulé l'arrêté du DT et renvoyé le dossier à ce dernier pour nouvelle décision afin qu'il délivre l'autorisation requise.

La motivation de l'arrêté était suffisante. Il n'y avait pas de vente en bloc, MM. A______ possédant un seul lot dans l'immeuble, ni de motifs d'assainissement financier. La requête devait être examinée sous l'angle de la pesée des intérêts. MM. A______ et B______ ne démontraient pas que les cédants seraient financièrement dans l'urgence de céder leurs parts dans la SIAL. Le transfert n'avait pas pour effet de faire perdre l'affectation locative du logement, le titulaire du certificat d'actions restant légalement un locataire. L'aliénation en cause, qui consistait en un simple changement d'actionnariat, ne permettait pas, d'une manière ou d'une autre, de parachever le processus d'individualisation de l'appartement concerné. Aucune étape supplémentaire n'était franchie dans la poursuite du but de faire sortir l'appartement du marché locatif, l'opération litigieuse ne faisant que répéter, sous l'angle juridique, l'opération lors de laquelle le certificat d'actions était passé de la propriété de G______ à MM. A______. L'intérêt public n'était aucunement atteint par la cession litigieuse, l'opération n'ayant en outre aucun caractère spéculatif. Les cédants n'étaient pas des professionnels de l'immobilier et n'avaient pas compris les enjeux des opérations auxquelles ils avaient participé, ni eu conscience qu'elles étaient constitutives d'une fraude à la loi. Le refus d'autorisation d'aliéner les contraignait à rester propriétaires, ce qui entraînait un certain nombre de conséquences juridiques, de responsabilités et d'enjeux financiers dont ils pouvaient légitimement vouloir se dégager. Une situation de blocage telle que celle entraînée par l'arrêté litigieux violait manifestement la garantie de la propriété. La loi ne permettait pas d'imposer à la vendeuse ou au vendeur la personne co-contractante, de sorte que le DT ne pouvait conditionner la vente à la seule faveur de G______. L'intérêt privé des cédants était suffisant pour autoriser l'aliénation.

18) Par acte du 26 juin 2020, le DT a recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation et à la confirmation de son arrêté du 3 décembre 2018.

Les cédants n'avaient pas démontré être financièrement dans l'urgence de céder leurs parts dans la SIAL. L'aliénation du certificat d'actions à une société qui ne détenait aucun autre titre ou logement dans l'immeuble matérialisait une individualisation du logement considéré, faisant courir le risque que ce titre ou ce logement ne soit revendu de façon individualisée par la suite. L'intérêt public était atteint par la cession du certificat d'actions en cause. Le fait que les cédants ne soient pas des professionnels de l'immobilier ne démontrait pas qu'ils n'avaient pas compris les enjeux et n'avaient pas eu conscience qu'elles étaient constitutives d'une fraude à la loi. Vu la particularité de l'opération, dans laquelle une personne prêtait de l'argent à une autre personne pour que celle-ci lui achète quelque chose, il était peu probable que les cédants aient totalement ignoré les enjeux liés aux opérations effectuées. La situation devenait totalement inusuelle au stade considéré, puisque les cédants souhaitaient revendre le certificat d'actions appartenant à M. C______, acquis grâce à un emprunt auprès de ce dernier, à une autre société dont M. C______ était également administrateur président. Il s'agissait d'une forme d'opération de passe-passe au sein des avoirs de M. C______ permettant de matérialiser la fraude reconnue par le Tribunal fédéral. Une telle aliénation était contraire au but poursuivi par la loi. Le procédé d'individualisation, issu à l'origine de la fraude reconnue par le Tribunal fédéral, se perpétuerait par l'aliénation projetée. Les cédants n'étaient pas contraints de garder indéfiniment leur bien, puisqu'ils pourraient requérir une vente en faveur de G______, réparant ainsi la fraude à la loi. Aucun motif d'intérêt privé, des cédants ou de la cessionnaire, ne pouvait l'emporter sur l'intérêt public et général visant à préserver l'affectation locative du logement.

19) Par réponse du 17 juillet 2020, MM. A______ et B______ ont conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, et à la condamnation du DT aux dépens. Préalablement, ils demandaient la production par le DT des cinquante dernières décisions favorables d'octroi d'une autorisation d'aliéner un appartement. Ils ont maintenu l'argumentation développée précédemment, sous réserve de celle relative à la vente en bloc, abandonnée.

Le délai de recours arrivait à échéance le 25 juin 2020, de sorte que le recours était tardif et irrecevable. Les griefs souffraient d'un défaut de motivation, conduisant à leur irrecevabilité et à celle du recours.

La cessionnaire était déjà titulaire d'un autre certificat d'actions. Le DT délivrait de nombreuses autorisations d'aliéner un seul appartement en y insérant une clause réservant une prochaine aliénation sur la base de l'autorisation ainsi accordée. Le DT avait contredit ses dernières écritures devant la TAPI en affirmant qu'il n'était pas démontré que MM. A______ n'avaient pas compris les enjeux et n'avaient pas eu conscience de l'existence d'une fraude à la loi.

20) Par réplique du 21 août 2020, le DT a maintenu ses conclusions.

La vente apparaissait comme une opération spéculative ou purement commerciale, intérêt qui n'était pas prépondérant. L'audience avait démontré que le but initial était de faire sortir l'appartement du marché locatif. La fraude se perpétuerait par l'aliénation projetée. L'institution de la SIAL n'empêchait pas la perte de l'affectation locative, puisque cette forme était analogue à la PPE. Le nombre considérable d'appartements situés dans l'immeuble visés par des ventes d'actions de G______ à différentes personnes physiques et morales dont l'ayant droit économique était M. C______ démontrait une volonté de démanteler l'immeuble et, par conséquent, le parc locatif genevois.

21) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente, le recours est de ces points de vue recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les intimés contestent la recevabilité du recours, qui ne serait pas suffisamment motivé.

a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions de la recourante ou du recourant (al. 1). En outre, il doit contenir l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose la personne recourante doivent être jointes. À défaut, un bref délai pour satisfaire à ces exigences est fixé à cette dernière, sous peine d'irrecevabilité (al. 2).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions de la personne recourante. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est pas en soi un motif d'irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins de la recourante ou du recourant (ATA/595/2020 du 16 juin 2020 consid. 2b).

c. L'exigence de motivation de l'art. 65 al. 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l'objet du litige qui lui est soumis et de donner l'occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre. Elle signifie que la personne recourante doit expliquer en quoi et pourquoi elle s'en prend à la décision litigieuse (ATA/1672/2019 du 12 novembre 2019 consid. 6a ; Pierre MOOR/étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 803 ss n. 8.8.1.3). L'exigence de la motivation est considérée comme remplie lorsque les motifs du recours, sans énoncer les conclusions formelles, permettent de comprendre aisément ce que la personne recourante désire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_823/2017 du 23 mars 2018 consid. 4 ; ATA/1588/2019 du 29 octobre 2019 consid. 5b).

d. En l'espèce, l'autorité recourante a conclu à l'annulation du jugement du TAPI et à la confirmation de son arrêté. Elle a par ailleurs expliqué de manière détaillée dans son acte de recours les points du jugement du TAPI qu'elle contestait, développant son argumentation en droit sur environ quatre pages. Elle a ainsi exposé les bases légales sur lesquelles elle fondait son argumentation et a ensuite expliqué pourquoi, à son avis, la solution retenue par le TAPI était erronée, ce qui permet à la chambre de céans de déterminer clairement l'objet du litige et aux intimés de répondre aux griefs soulevés, ces derniers ayant d'ailleurs développé leur réponse sur une quinzaine de pages.

Le recours est pas conséquent suffisamment motivé et sera déclaré recevable.

3) Le litige porte sur la conformité au droit du jugement du TAPI annulant l'arrêté de l'autorité recourante et ordonnant à cette dernière de délivrer l'autorisation sollicitée, soit d'autoriser MM. A______ à céder à B______ le certificat d'actions no 3______ de G______, conférant le droit de louer l'appartement n9______.

4) Les intimés demandent la production des cinquante dernières décisions octroyant des autorisations d'aliéner un appartement.

a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend notamment le droit pour la personne concernée de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l'administration des preuves (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2). Ce droit n'empêche cependant pas la juridiction saisie de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 136 I 229 consid. 5.2).

b. En l'espèce, la demande de production est formulée dans le but de démontrer que l'autorité recourante aurait une pratique tendant à la délivrance d'autorisations d'aliéner assorties d'une réserve concernant l'application ultérieure de l'art. 39 al. 4 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20). Néanmoins, l'existence d'une telle pratique n'est pas déterminante dans le cas d'espèce, compte tenu de ce qui suit, et la chambre administrative dispose d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause.

Il ne sera par conséquent pas donné suite à la requête des intimés.

5) L'autorité recourante affirme que l'autorisation d'aliéner ne devrait pas être délivrée.

a. L'aliénation sous quelque forme que ce soit (notamment cession de droits de copropriété d'étages ou de parties d'étages, d'actions, de parts sociales), d'un appartement à usage d'habitation jusqu'alors offert en location est soumise à autorisation dans la mesure où l'appartement entre, à raison de son loyer ou de son type, dans une catégorie de logements où sévit la pénurie (art. 39 al. 1 LDTR). Pour remédier à la pénurie d'appartements locatifs dont la population a besoin, tout appartement jusqu'alors destiné à la location doit conserver son affectation locative, dans les limites du chapitre relatif aux mesures visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs (art. 25 al. 1 LDTR). Il y a pénurie d'appartements lorsque le taux des logements vacants considéré par catégorie est inférieur à 2 % du parc immobilier de la même catégorie (art. 25 al. 2 LDTR). Les appartements de plus de sept pièces n'entrent pas dans une catégorie où sévit la pénurie (art. 25 al. 3 LDTR).

b. Selon l'art. 11 al. 3 du règlement d'application de la LDTR du 29 avril 1996 (RDTR - L 5 20.01), par appartement jusqu'alors offert en location, au sens de l'art. 39 al. 1 LDTR, il faut entendre l'appartement loué lors du dépôt de la requête en autorisation d'aliéner (let. a), l'appartement vide ou vacant lors du dépôt de la requête en autorisation d'aliéner, mais qui a précédemment été loué par sa ou son propriétaire actuel (let. b), ou l'appartement occupé, lors du dépôt de la requête en autorisation d'aliéner, par sa ou son propriétaire, si celle-ci ou celui-ci a précédemment loué l'appartement considéré (let. c). Nonobstant la teneur de l'art. 11 al. 3 RDTR, une autorisation d'aliéner doit impérativement être requise en cas de vente d'un ou plusieurs appartement(s) acquis par voie d'adjudication (art. 11 al. 4 RDTR).

c. Les catégories de logements où sévit la pénurie sont déterminées chaque année par arrêté du Conseil d'État en fonction du nombre de pièces par appartement (art. 11 al. 1 RDTR). Le Conseil d'État a constaté en 2018, 2019 et 2020 qu'il y avait pénurie, au sens des art. 25 et 39 LDTR, dans toutes les catégories des appartements d'une à sept pièces inclusivement (arrêtés du Conseil d'État déterminant les catégories de logements où sévit la pénurie en vue de l'application des art. 25 à 39 LDTR des 29 novembre 2017, 19 décembre 2018 et 1er juillet 2020 - ArAppart - L 5 20.03).

d. En l'espèce, l'appartement concerné - situé dans un immeuble d'habitation en troisième zone de développement et donc assujetti à la LDTR (art. 2 LDTR) - entre, par son nombre de pièces, dans une catégorie de logements où sévit la pénurie et est actuellement offert à la location. Son aliénation, notamment par le biais du transfert du certificat d'actions de la SIAL correspondant, est par conséquent soumise à autorisation, conclusion qui n'est d'ailleurs contestée ni par l'autorité recourante, ni par les intimés.

6) a. Le DT autorise l'aliénation d'un appartement si celui-ci a été dès sa construction soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue, sous réserve du régime applicable à l'aliénation d'appartements destinés à la vente régi par l'article 8A de loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35 ; let. a) ; était, le 30 mars 1985, soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue et qu'il avait déjà été cédé de manière individualisée (let. b) ; n'a jamais été loué (let. c) ; a fait une fois au moins l'objet d'une autorisation d'aliéner en vertu de la LDTR (let. d). L'autorisation ne porte que sur un appartement à la fois. Une autorisation de vente en bloc peut toutefois être accordée en cas de mise en vente simultanée, pour des motifs d'assainissement financier, de plusieurs appartements à usage d'habitation ayant été mis en PPE et jusqu'alors offerts en location, avec pour condition que la personne acquéreuse ne peut les revendre que sous la même forme, sous réserve de l'obtention d'une autorisation individualisée (art. 39 al. 4 LDTR).

En cas de réalisation de l'une des hypothèses de l'art. 39 al. 4 LDTR, le DT est tenu de délivrer l'autorisation d'aliéner. Il n'y a donc, le cas échéant, pas de place pour une pesée des intérêts au sens de l'art. 39 al. 2 LDTR. Les conditions posées à l'art. 39 al. 4 LDTR sont alternatives (ATA/725/2020 du 4 août 2020 consid. 2f ; ATA/870/2019 du 7 mai 2019 consid. 4b)

b. Au vu de la marge d'appréciation dont elle dispose, lorsqu'aucun des motifs d'autorisation expressément prévus par l'art. 39 al. 4 LDTR n'est réalisé, l'autorité doit rechercher si l'intérêt public l'emporte sur l'intérêt privé de la personne à aliéner l'appartement dont elle est propriétaire (arrêts du Tribunal fédéral 1C_137/2011 ; 1C_139/2011 ; 1C_141/2011 ; 1C_143/2011 du 14 juillet 2011 ; ATA/545/2020 du 29 mai 2020 consid. 5).

Dans le cadre de l'examen de la requête en autorisation, le DT procède à la pesée des intérêts publics et privés en présence (art. 13 al. 1 RDTR). L'intérêt privé est présumé l'emporter sur l'intérêt public lorsque la ou le propriétaire doit vendre l'appartement par nécessité de liquider un régime matrimonial ou une succession (let. a), par nécessité de satisfaire aux exigences d'un plan de désendettement (let. b), ou du fait de la prise d'un nouveau domicile en dehors du canton (let. c ; art. 13 al. 3 RDTR). Le DT refuse l'autorisation lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose. L'intérêt public et l'intérêt général résident dans le maintien, en période de pénurie de logements, de l'affectation locative des appartements loués (art. 39 al. 2 LDTR).

La politique prévue par la LDTR, qui tend à préserver l'habitat et les conditions de vie existants, en restreignant notamment le changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 1 et 2 let. a LDTR), procède d'un intérêt public important (arrêts du Tribunal fédéral 1C_416/2016 du 27 mars 2017 consid. 2.3 ; 1C_68/2015 du 5 août 2015 consid. 2.3 ; 1C_143/2011 du 14 juillet 2011). Le refus de l'autorisation de vendre un appartement loué lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose n'est pas contraire au principe de la proportionnalité, dès lors qu'il est consécutif, de la part de l'autorité administrative, à une pesée des intérêts en présence et à une évaluation de l'importance du motif de refus envisagé au regard des intérêts privés en jeu. En effet, la restriction à la liberté individuelle ne doit pas entraîner une atteinte plus grave que ne l'exige le but d'intérêt public recherché (ATF 113 Ia 126 consid. 7b/aa ; ATA/1313/2019 du 3 septembre 2019 consid. 7).

Dans le cas d'appartements en PPE, la vente en bloc de ces derniers doit être préférée à la vente par unités séparées, ce procédé-là ne mettant en principe pas en péril les buts de la LDTR (arrêt du Tribunal fédéral 1C_137/2011 précité consid. 3.3). Toutefois, même dans ce cadre, la vente en bloc de petits lots d'appartements augmente la probabilité d'une vente ultérieure de logements individualisés aux locataires en place et, partant, le risque d'atteinte au parc immobilier locatif protégé par la LDTR. Il y a donc lieu de privilégier une approche stricte de la protection conférée par cette loi pour éviter une telle atteinte par des « ventes à la découpe ». Ainsi, même en cas de vente en bloc, l'aliénatrice ou aliénateur doit justifier d'un intérêt privé particulier (arrêt du Tribunal fédéral 1C_137/2011 précité consid. 3.3).

7) a. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administrée ou l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 568 p. 203).

b. Il y a fraude à la loi - forme particulière d'abus de droit - lorsqu'une ou un justiciable évite l'application d'une norme imposant ou interdisant un certain résultat par le biais d'une autre norme permettant d'aboutir à ce résultat de manière apparemment conforme au droit (ATF 142 II 206 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_124/2017 précité consid. 4.1). La norme éludée doit alors être appliquée nonobstant la construction juridique destinée à la contourner (ATF 142 II 206 consid. 2.3 ; 134 I 65 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_124/2017 précité consid. 4.1). Pour être sanctionné, un abus de droit doit apparaître manifeste. L'autorité qui entend faire appliquer la norme éludée doit établir l'existence d'une fraude à la loi, ou du moins démontrer l'existence de soupçons sérieux dans ce sens. Cette appréciation doit se faire au cas par cas, en fonction des circonstances d'espèce (ATF 144 II 49 consid. 2.2).

8) En l'espèce, le TAPI a constaté, à juste titre, qu'aucun des cas de délivrance des autorisations d'aliéner selon l'art. 39 al. 4 LDTR n'était réalisé, conclusion qui n'est pas contestée devant la chambre administrative, les intimés ayant abandonné leur argumentation selon laquelle le cas d'espèce constituerait une vente en bloc. L'autorité recourante remet cependant en cause la pesée des intérêts effectuée par l'instance précédente en application de l'art. 39 al. 2 LDTR.

9) a. Les intérêts qui s'opposent sont, d'une part, les intérêts privés des cédants à vendre le certificat d'actions no 4, emportant le droit de louer l'appartement n9______, à la cessionnaire et ceux de cette dernière à l'acquérir ainsi que, d'autre part, l'intérêt public à la protection du parc locatif genevois.

Le TAPI a retenu que les intérêts invoqués par les intimés n'étaient pas « spécialement importants », mais que l'aliénation de l'appartement considéré, par le biais de la cession du certificat d'actions attaché à celui-ci, n'avait pas pour effet de faire perdre l'affectation locative du logement - l'immeuble demeurant en SIAL et le titulaire du certificat d'actions restant légalement un locataire - et ne parachevait pas le processus d'individualisation de l'appartement en question - n'impliquant en réalité aucun changement de la situation.

b. MM. A______ ont fait valoir, à l'appui de leur requête en autorisation d'aliéner, leur volonté de ne pas rester dans la SIAL suite à l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_124/2017 précité et son besoin de liquidités.

Le fait de vouloir sortir de la SIAL car la fraude à la loi n'a pas pu aboutir, contrairement à ce qui était prévu par l'intermédiaire de la succession d'opérations mises en place, destinée à aboutir à l'acquisition du lot de PPE sans devoir requérir d'autorisation d'aliéner, ne peut constituer un intérêt à prendre en compte dans la pesée des intérêts, sauf à récompenser ladite fraude à loi. Certes, MM.  A______ n'étaient pas partie à la procédure qui a donné lieu à l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_124/2017 précité, de sorte que la constatation de fraude à la loi intervenue dans cette procédure ne leur est pas directement opposable.

Néanmoins, l'acte de cession de 2013 mentionnait déjà la future modification des statuts et prévoyait en outre que l'échéance du « prêt vendeur », soit du prêt accordé par M. C______, était fixée à la liquidation de la SIAL, ce qui instaurait dans les faits un paiement en deux temps : le premier lors de la conclusion de l'acte de cession et le second lorsque la part de PPE aurait été transférée et la SIAL liquidée. Le prêt n'est d'ailleurs en lui-même qu'un indice de plus de la fraude à la loi, puisque, dans le montage tel que prévu initialement, il permettait aux protagonistes d'instaurer dans les faits le paiement en deux temps mais également à M. C______ de rester économiquement propriétaire des actions tant que la part de PPE n'était pas transférée et la SIAL liquidée. Ceci démontre que, contrairement à ce qu'a retenu l'instance précédente, les cédants n'étaient pas en marge du système mis en place mais y ont participé dès la conclusion de la première cession. MM. A______ ont d'ailleurs eux-mêmes confirmé cette appréciation en expliquant devant le TAPI qu'ils avaient initialement acheté les actions dans le but, après avoir « suiv[i] une procédure », de rentrer dans la PPE et donc de devenir à terme propriétaire de l'appartement, ceci alors même qu'il ne s'agissait alors pas d'acheter une part de PPE - même si l'immeuble était pourtant déjà soumis au régime de la PPE -, ni même des actions dans une SIAL, mais simplement les actions d'une société propriétaire d'un immeuble, puisque G______ a été transformée en SIAL postérieurement à l'achat des actions. Ils ont également expliqué avoir eu l'intention de rembourser le prêt en contractant une hypothèque sur leur part de PPE, confirmant le mécanisme de paiement en deux temps. Dans ce contexte, l'intérêt de MM. A______ à sortir d'un système dans lequel ils sont sciemment entrés, et mis en place afin de contourner la loi, ne peut en tant que tel être protégé.

Quant au prétendu besoin de liquidités, réitéré lors de l'audience devant le TAPI, MM. A______ n'ont apporté aucune substance à leur allégation. Ils n'ont ainsi pas démontré l'état de leur situation financière ni expliqué pourquoi ils auraient besoin de ces liquidités.

En réalité, il ressort de leurs déclarations lors de l'audience devant le TAPI que MM. A______ n'avaient pas de réel besoin de vendre leurs actions mais ont saisi l'opportunité lorsqu'elle s'est présentée. Ils ont en effet expliqué avoir entendu dire que les actions d'une société immobilière étaient difficiles à vendre et ont donc saisi la possibilité offerte par M. C______ de lui revendre leur certificat d'actions.

Au vu de ce qui précède, les intérêts évoqués n'ont pas de substance et les cédants n'ont pas établi d'autres intérêts que leur pure convenance personnelle pour justifier leur volonté d'aliéner l'appartement.

Il sera à cet égard constaté que les deux intérêts invoqués par MM. A______ dans leur requête d'autorisation d'aliéner sont en réalité des intérêts génériques qui ont également été invoqués pour d'autres aliénations d'actions de la même SIAL et d'une autre SIAL également liée à M. C______ dans des causes parallèles, dans la plupart des cas avec exactement les mêmes mots, ce qui ne fait que confirmer que leur intérêt relève en réalité de la convenance personnelle.

c. En ce qui concerne les intérêts privés de la cessionnaire, les intimés ont indiqué que B______ achetait le certificat d'actions à titre d'investissement, soit pour des motifs commerciaux.

10) Face à ces intérêts privés, purement commerciaux et de convenance personnelle, se trouve l'intérêt public au maintien de l'affectation locative de l'appartement, sur lequel le TAPI s'est en définitive basé pour retenir que l'autorisation d'aliéner devait être accordée, puisqu'il ne serait aucunement affecté par la cession en cause.

Toutefois, contrairement à ce qu'a retenu le TAPI, ladite cession ne fait pas que répéter l'opération lors de laquelle le certificat d'actions est passé de G______ (recte : M. C______) à MM. A______, puisque G______ n'était alors pas constituée sous forme de SIAL et qu'il y a alors eu uniquement un transfert d'actions sans lien avec un appartement précis. En réalité, et contrairement au raisonnement de l'instance précédente, la cession litigieuse ne peut être considérée isolément de l'ensemble des opérations effectuées par rapport à l'immeuble. En effet, dans le cadre du litige relatif aux demandes d'autorisation d'aliéner des parts de PPE aux actionnaires correspondants, le Tribunal fédéral a constaté que la succession des opérations - mise en PPE de l'immeuble en 2007, vente des actions en février 2013, constitution sous forme de SIAL en mai 2013 et transfert des lots de PPE entre janvier et avril 2014 - faisait apparaître qu'il s'agissait d'un montage mis sur pied dès l'origine (arrêt du Tribunal fédéral 1C_124/2017 précité consid. 4.4). Or, si l'opération présentement considérée n'a quant à elle pas été envisagée dès l'origine, il s'agit d'une solution alternative adoptée en raison de l'impossibilité d'aliéner les parts de PPE, laquelle permet de parachever, à l'issue de toutes les opérations préalables, l'individualisation de l'appartement concerné et de légitimer cette individualisation si elle était validée par autorisation d'aliéner. En dépit de son caractère subsidiaire, il n'en demeure donc pas moins qu'il s'agit d'une étape finale de la fraude à la loi mise sur pied dès l'origine et constatée par le Tribunal fédéral.

Comme le souligne l'autorité recourante, le caractère insolite de l'ensemble des opérations est d'autant plus confirmé dans le cas d'espèce par l'omniprésence de M. C______. En effet, MM. A______ ont contracté un prêt auprès de M. C______ pour acheter à M. C______ des actions d'une première société dont M. C______ est administrateur président, G______, et qui a son siège auprès d'une deuxième société, E______, dont M. C______ est également administrateur président. MM. A______ souhaitent à présent revendre les actions de la première société, G______, après sa transformation en SIAL, à une troisième société dont M. C______ est aussi administrateur, B______, les deux parties se faisant de plus représenter, dans le cadre du litige sur l'autorisation d'aliéner, par E______. La requête en autorisation d'aliéner indique expressément qu'il s'agit en réalité d'une ré-acquisition par M. C______, ceci par l'intermédiaire de l'une de ses sociétés, les cédants ayant d'ailleurs indiqué que ce dernier leur avait offert l'opportunité de lui revendre leurs actions.

Ce qui précède démontre l'ampleur et la finesse du montage mis sur pied afin d'aboutir au final à l'individualisation de l'appartement, par le biais d'une fraude à la loi, stratégie dans laquelle les protagonistes ont persisté en dépit de sa constatation par les instances judicaires, y compris le Tribunal fédéral. Or, l'octroi de l'autorisation d'aliéner reviendrait à valider ladite fraude à la loi et à la couronner de succès, par la finalisation de l'individualisation de l'appartement malgré l'absence d'intérêts privés substantiels, un tel résultat se heurtant à un intérêt public évident. À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce que soutiennent les intimés et à ce qu'a retenu le TAPI, le fait que l'appartement demeure dans la SIAL et que l'actionnaire garde un droit de location sur cet appartement ne permet pas de conclure que tout risque de sortie du parc locatif est exclu, puisque la location existant dans le cadre de la SIAL constitue une forme analogue à la propriété (ATA/80/2014 du 12 février 2014 consid. 7). C'est d'ailleurs précisément pour cette raison que le transfert du certificat d'actions est soumis à autorisation conformément au texte de l'art. 39 al. 1 LDTR. Il n'est au surplus pas établi que MM. A______ seraient devenus locataires. En effet, leur statut d'actionnaires de la SIAL leur confère le droit de louer l'appartement mais non l'obligation de le faire et le dernier avis de majoration de loyer figurant au dossier, postérieur à la première cession et à la transformation en SIAL, désigne G______ comme bailleresse, et non MM. A______.

Le montage mis sur pied pour aboutir finalement, sans intérêt privé prépondérant, à l'individualisation de l'appartement, n'est que confirmé par la proximité temporelle avec laquelle d'autres actionnaires de la SIAL et d'une autre SIAL également liée à M. C______ - qui a fait l'objet de l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_123/2017 du 23 novembre 2017 - ont également sollicité des autorisations d'aliéner leurs certificats d'actions, toujours à des sociétés ayant des liens avec M. C______. Comme relevé par le TAPI, ces demandes ont aussi fait l'objet de refus et font l'objet de causes parallèles, également délibérées ce jour.

Au surplus, il sera relevé que contrairement à ce qu'ont retenu l'autorité intimée et le TAPI, pour rétablir la situation initiale, il faudrait que les actions soient cédées à M. C______, cédant en 2013, et non à G______, de sorte que la situation financière de cette dernière n'est pas pertinente. L'absence de moyens financiers de G______, telle qu'alléguée par les recourants, tendrait tout au plus à confirmer qu'elle n'aurait pas fonctionné comme une véritable propriétaire depuis la répartition du capital-actions entre les différents acquéreuses et acquéreurs en 2013. À cet égard, il sera relevé que la prise en charge de travaux par les cédants, telle qu'alléguée pour justifier de l'absence de caractère spéculatif du prix de vente, suggère par exemple que G______ n'aurait pas constitué de réserves pour les travaux, alors que leur prise en charge lui incombait, en tant que propriétaire, contrairement aux actionnaires de la SIAL, qui ne doivent les assumer ni en tant que tels ni en tant qu'éventuels locataires. Ces éléments ne constituent en définitive que des indices supplémentaires du caractère fictif du montage mis en place.

Pour le reste, s'il ne revient pas à l'autorité recourante, ni à la chambre de céans de trouver la solution permettant aux cédants de sortir de la situation dans laquelle ils se retrouvent du fait même de la tentative de fraude à la loi, il sera relevé que le rétablissement de la situation initiale apparaît d'autant plus aisé que M. C______ a lui-même financé la cession initiale de 2013.

Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, l'intérêt public est largement prépondérant et l'emporte sur les intérêts privés invoqués. L'instance précédente a par conséquent abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant le contraire et le grief sera admis.

11) Enfin, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral applicable au vu de la large prépondérance de l'intérêt public en l'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 1C_124/2017 du 23 novembre 2017 consid. 3.2), la restriction est conforme à la garantie de la propriété consacrée par l'art. 26 Cst.

Dans ces circonstances, le jugement du TAPI sera annulé et l'arrêté sera rétabli.

12) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge solidaire des intimés (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 juin 2020 par le département du territoire contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mai 2020 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mai 2020 ;

rétablit l'arrêté VA 8______ du département du territoire du 3 décembre 2018 ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge solidaire de Messieurs A______ ainsi que B______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au département du territoire, à E______, mandataire des intimés, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :