Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1683/2019

ATA/1338/2020 du 22.12.2020 sur JTAPI/419/2020 ( LDTR ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1683/2019-LDTR ATA/1338/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 décembre 2020

 

dans la cause

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

contre

A______ SA

B______ SA

représentées par C______ SA, mandataire

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mai 2020 (JTAPI/419/2020)


EN FAIT

1) a. M. D______ est administrateur président avec signature individuelle de E______ SA, société dont la raison sociale est devenue C______ SA le 30 juillet 2020 (ci-après : la régie C______) et dont le siège se situe au ______, rue F______ à Genève.

b. G______ SA (ci-après : G______) a pour but le commerce, l'importation et l'exportation, le courtage et la représentation de matières premières, de matériaux et de produits en tous genres, l'acquisition et l'exploitation de brevets, ainsi que la participation à d'autres entreprises. Depuis le 9 avril 2013, elle a son siège auprès de la régie C______ et M. D______ en est administrateur président avec signature individuelle.

c. A______ SA (ci-après : A______) a pour but les achats et ventes immobilières, l'exploitation d'immeubles ainsi que la gestion de patrimoine. Depuis le 30 janvier 2013, elle a également son siège auprès de la régie C______ et M. D______ en est aussi administrateur président avec signature individuelle.

d. B______ SA (ci-après : B______), fondée le 25 juillet 2016, a pour but toutes opérations immobilières, sur titres et financières, l'achat et la vente d'immeubles ainsi que le courtage. Elle a également son siège auprès de la régie C______.

2) Le 3 décembre 2003, G______ est devenue propriétaire de l'immeuble comportant trente-quatre appartements sis aux ______ et ______, avenue de H______, sur la parcelle no 1______, feuillet 2______ de la commune de I______, située en troisième zone de développement (ci-après : l'immeuble).

3) Dès le 21 septembre 2007, l'immeuble a été soumis au régime de la propriété par étages (ci-après : PPE).

4) a. En février 2013, M. D______, en sa qualité d'actionnaire de G______, cédé des actions de la société à différentes personnes morales, dont il était administrateur ou administrateur président, et physiques.

b. Le 25 février 2013, M. D______ a ainsi notamment vendu à A______ le certificat d'actions no 26, comportant vingt-cinq actions nos 783 à 807, soit 2,5 % du capital-actions, au prix de CHF 121'000.-.

Selon la version longue de la convention de cession, ce certificat d'actions emportait la jouissance du lot de propriété par étage (ci-après : PPE) no 3______, correspondant à un appartement de trois pièces de 74,2 m2 au septième étage avec balcon de 11,2 m2 et locaux annexes no 5'575 (cave et box), selon la modification statutaire prévue en avril 2013 (points 2 et 3). L'administrateur de G______ envisageait une liquidation totale ou partielle de la société. La cessionnaire acceptait que les autres actionnaires fassent une liquidation partielle si elle ne désirait pas elle-même sortir. Elle donnait procuration à M. D______ pour la représenter aux assemblées générales où elle ne serait pas présente. M. D______ serait nommé liquidateur, la cessionnaire s'engageant à voter dans ce sens. La liquidation de la SIAL n'était pas soumise à l'autorisation du DT, vu l'absence de transfert économique. Le cédant attirait l'attention de la cessionnaire que la liquidation pourrait à l'avenir être soumise à autorisation (point 8). En cas de location à des tiers du lot 3______, la cessionnaire s'engageait à laisser la gestion des lots à la régie C______ et acceptait que la PPE soit gérée par ladite régie jusqu'au 31 décembre 2017. Si la liquidation était décidée, la cessionnaire s'engageait à voter pour M. D______ en tant que liquidateur, lequel ne prendrait pas d'honoraires (point 10). L'appartement n3______ était loué à une locataire. La cessionnaire reprenait les droits et obligations du bail en cours (point 11). La cessionnaire acceptait la stricte confidentialité de la convention et du montage correspondant qu'elle s'engageait à ne pas utiliser pour d'autres immeubles (point 13).

5) Le 6 mai 2013, les statuts de G______ ont été modifiés, cette dernière devenant une société immobilière d'actionnaires-locataires (ci-après : SIAL). La propriété d'un certificat d'actions de la société conférait à l'actionnaire le droit de louer une partie déterminée des immeubles sociaux et/ou de leurs dépendances, selon le tableau de concordance (art. 38). L'actionnaire concluait alors avec la société un bail conforme aux prescriptions légales et aux usages locaux (art. 39).

Comme annoncé dans la convention de cession du capital-actions, le tableau de concordance liait le certificat d'actions no 26 au lot de PPE no 3______.

6) a. Entre les mois de janvier et avril 2014, G______ a transféré à certains de ses actionnaires la propriété des lots de PPE de l'immeuble correspondant à leurs certificats d'actions. Elle a ainsi notamment transféré la propriété du lot de PPE n3______ à A______ le 28 janvier 2014.

b. Le 9 avril 2014, le registre foncier (ci-après : RF) a adressé aux études de notaires genevoises une note relative aux « opérations de liquidation des SIAL et transformation des cessionnaires détenteurs de certificats d'actions en propriétaires d'étages », visant à transformer les actionnaires en propriétaires de parts de PPE. Depuis 1995 au moins, ces opérations n'étaient pas soumises à autorisation de vente au regard de la législation sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation. Il était toutefois apparu que les exigences légales pouvaient être contournées par diverses opérations juxtaposées dans l'application de cette pratique. Cette dernière était dès lors momentanément suspendue et les opérations en cause devraient dorénavant être soumises à la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC), rattachée au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : DT), pour décision sur la question de l'assujettissement ou non à la législation sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation.

c. Par arrêtés du 27 juillet 2015 (VA 12'490 à VA 12'510), le DT a refusé la délivrance des autorisations d'aliéner sollicitées par la régie C______ concernant les actes de transfert de janvier et avril 2014, notamment le transfert du lot de PPE no 3______ à A______. Ces arrêtés ont été confirmés sur recours, notamment interjetés par A______, par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le 17 mai 2016 (JTAPI/487/2016), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 17 janvier 2017 (ATA/38/2017) et le Tribunal fédéral le 23 novembre 2017 (arrêt du Tribunal fédéral 1C_124/2017).

7) Le 4 avril 2018, A______ a conclu une convention de cession du certificat d'actions no 26 de G______ avec B______. Le prix de vente était fixé à CHF 161'000.-. La cessionnaire s'engageait à laisser la gestion des lots à la régie C______.

8) a. Par requête du même jour, la régie C______, a sollicité auprès de l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF), rattaché au DT, l'autorisation que A______ cède à B______ le certificat d'actions no 26. La régie C______ a réitéré cette demande les 7 juin,
10 juillet et 6 août 2018.

A______ avait acquis à Neuchâtel un terrain afin de construire un immeuble locatif, pour lequel elle avait obtenu l'autorisation de construire, les travaux devant débuter pendant le deuxième trimestre 2018, pour un coût total de CHF 5'000'000.-, financé par un prêt bancaire de CHF 4'000'000.-. L'acquisition du terrain et les dépenses déjà payées représentaient environ trois quart des fonds propres (soit environ CHF 600'000.-), le solde des fonds propres devant être constitués par la vente du certificat d'actions. B______ était déjà propriétaire de plusieurs appartements et son objectif était l'investissement et la location de l'appartement no 3______. Le risque que l'appartement sorte du parc locatif était inexistant, s'agissant d'une aliénation de personne morale à personne morale.

Elle a notamment versé à l'appui de la demande un avis de majoration du loyer de l'appartement émis par G______ à l'attention de la locataire de ce dernier le 22 juillet 2014.

b. Le 4 mars 2019, le DT a informé A______ du fait que, s'il devait statuer formellement sur ce dossier, il se verrait contraint de rendre une décision de refus.

c. Le 7 mars 2019, la régie C______ a sollicité le prononcé d'une décision formelle.

9) Par arrêté du 22 mars 2019 (VA 13'597), le DT a refusé de délivrer l'autorisation d'aliéner.

Le DT ne pouvait valider une opération subséquente à une opération menée dans le but de violer la législation sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation. Aucun des motifs d'autorisation n'était réalisé. A______ ne justifiait d'aucun motif permettant de conclure à un intérêt privé prépondérant.

10) Par acte du 29 avril 2019, A______ et B______, représentées par la régie C______, ont recouru auprès du TAPI contre cet arrêté, concluant à son annulation et à la délivrance de l'autorisation d'aliéner.

L'appartement était actuellement vacant. Le DT contraignait la cédante à rester indéfiniment propriétaire de son unique bien dans l'immeuble, dont l'aliénation correspondait à une vente en bloc. Il s'était laissé guider par son ressentiment envers M. D______. La fraude à la loi n'avait porté que sur le fait d'avoir voulu faire inscrire en nom propre certains titulaires de certificats d'action au RF. L'aliénation de l'appartement ne lui ferait pas perdre son affectation locative, vu l'institution même de la SIAL. B______ était une société d'investissement, de sorte que l'appartement resterait sur le marché locatif. Elle rachetait le certificat d'actions quasiment au même prix d'acquisition par A______, simplement avec ajout des frais classiques d'acquisition, étant précisé qu'elle avait dû investir pour des frais dans l'immeuble. Le prix était raisonnable et ne pourrait justifier une augmentation de loyer. Vu le besoin d'aliéner de A______ pour avoir des fonds dans le cadre de la construction neuchâteloise, son intérêt était indéniablement prépondérant. L'intérêt public n'était pas atteint ou mis en danger. Rien ne justifiait la restriction à la liberté de la propriétaire de disposer de son bien.

11) Le 3 juin 2019, le DT a conclu au rejet du recours.

Aucune des configurations dans lesquelles le DT devait délivrer l'autorisation d'aliéner n'était réalisée. Pour préserver la sécurité du droit et la bonne foi des administrées et administrés, le DT ne pouvait plus revenir sur l'aliénation du certificat d'actions no 26 à A______, bien qu'elle ait constitué une fraude à la loi. Le souci invoqué ne pouvait être prédominant dès lors que A______, qui n'était pas contrainte de garder indéfiniment son bien, avait toujours la possibilité de requérir une vente en faveur de G______. Par cette opération, M. D______ montrait sa volonté de procéder à l'individualisation du logement, faisant courir le risque que ce titre ou ce logement ne soit revendu de façon individualisée par la suite. Il y avait un intérêt public majeur à ce que le certificat d'actions revienne à G______, de façon à rétablir la situation antérieure aux opérations de fraude à la loi. Le DT avait procédé à la pesée des intérêts en toute objectivité.

12) Le 19 juin 2019, A______ et B______ ont maintenu leur recours, soulignant que la législation sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation ne pouvait autoriser une autorité administrative à imposer à la vendeuse ou au vendeur la personne co-contractante.

13) Les 12 et 17 juillet 2019, le DT, d'une part, ainsi que A______ et B______, d'autre part, ont chacun persisté dans leurs conclusions.

14) Le 27 août 2019, le TAPI a tenu une audience de comparution personnelle.

a. M. D______ a expliqué que A______ était une petite société immobilière dans laquelle il était actionnaire minoritaire pour un tiers du capital. En 2013, elle cherchait à faire quelques petites opérations immobilières ici et là. Elle avait ensuite eu la possibilité de lancer la construction de logements à Neuchâtel mais cela supposait des fonds propres dont elle ne disposait pas et que les autres actionnaires ne souhaitaient pas mettre personnellement. La solution avait été la revente du certificat d'actions. Le certificat d'actions et le terrain payé CHF 300'000.- étaient les deux premiers et uniques investissements de A______ jusqu'à la construction dudit terrain. La marge de CHF 40'000.- découlait du fait que ses deux coactionnaires dans A______ lui avaient demandé de retirer un prix un peu plus intéressant.

b. Selon M. H______, administrateur de B______, cette dernière était une société dont il était actionnaire majoritaire et son épouse actionnaire minoritaire. Ils l'avaient constitué dans le but de faire quelques investissements immobiliers dans les limites de leurs moyens. Il était en contact avec M. D______, qui lui avait parlé de l'occasion qui se présentait. Les époux souhaitaient conserver leurs biens dans le long terme.

15) a. Le 25 septembre 2019, A______ et B______ ont maintenu leur position.

La fraude avait été retenue uniquement par rapport au transfert, aux actionnaires, de la propriété des lots correspondant à leurs certificats, et non par rapport à l'aliénation initiale des certificats d'actions par G______ ou par rapport à la transformation de celle-ci en SIAL. Ces actes passés n'étaient pas soumis à la législation sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation, ou à admettre une violation de ladite législation, ces violations n'étaient pas graves, ni manifestes et, au regard de la sécurité du droit, n'engendraient pas la nullité. Le DT ne pouvait en tenir compte dans l'instruction de la demande d'aliénation litigieuse. G______ n'avait pas les moyens de racheter les actions. B______ entendait uniquement continuer à investir dans l'immobilier et percevoir les fruits du revenu locatif de la locataire dont elle s'engageait à maintenir le contrat de bail en cours. La différence de prix était notamment due aux investissements de A______ dans les frais de l'immeuble.

b. Elles ont notamment produit les bilans de G______ au 31 décembre 2017 et 2018 ainsi que des pièces destinées à démontrer le coût de travaux dans l'immeuble.

16) Le 27 septembre 2019, le DT a maintenu sa position.

Les enquêtes avaient permis de démontrer que MM. D______ et H______ se connaissaient très bien. A______ était perturbatrice par situation. Le DT était habilité à refuser toute transaction ne visant pas à rétablir une situation conforme au droit et ainsi à imposer à cette dernière de rester propriétaire de son bien tant qu'une opération permettant de réparer la fraude à la loi n'était pas proposée et ce, même si A______ n'avait pas participé directement aux opérations frauduleuses.

17) Par jugement du 19 mai 2020, notifié au DT le 27 mai 2020, le TAPI a admis le recours, annulé l'arrêté du DT et renvoyé le dossier à ce dernier pour nouvelle décision afin qu'il délivre l'autorisation requise.

La motivation de l'arrêté était suffisante. Il n'y avait pas de vente en bloc, A______ possédant un seul lot dans l'immeuble, ni de motifs d'assainissement financier. La requête devait être examinée sous l'angle de la pesée des intérêts. A______ n'avait pas pu apporter la preuve documentée de l'opération à Neuchâtel, ni son impossibilité de la financer par d'autres moyens que la vente de son certificat d'actions. Le transfert n'avait pas pour effet de faire perdre l'affectation locative du logement, le titulaire du certificat d'actions restant légalement un locataire. L'aliénation en cause, qui consistait en un simple changement d'actionnariat, ne permettait pas, d'une manière ou d'une autre, de parachever le processus d'individualisation de l'appartement concerné. Aucune étape supplémentaire n'était franchie dans la poursuite du but de faire sortir l'appartement du marché locatif, l'opération litigieuse ne faisant que répéter, sous l'angle juridique, l'opération lors de laquelle le certificat d'actions était passé de la propriété de G______ à A______. L'intérêt public n'était aucunement atteint par la cession litigieuse, l'opération n'ayant en outre aucun caractère spéculatif. Il n'apparaissait pas que la cédante avait réalisé, lorsqu'elle avait acheté son certificat d'actions, qu'elle participait à une tentative de fraude à la loi. Le refus d'autorisation d'aliéner la contraignait à rester propriétaire, ce qui était de nature à la freiner, voire à la bloquer dans le développement de ses activités. L'arrêté litigieux violait manifestement la garantie de la propriété. La loi ne permettait pas d'imposer à la vendeuse ou au vendeur la personne co-contractante, de sorte que le DT ne pouvait conditionner la vente à la seule faveur de G______. L'intérêt privé du cédant était suffisant pour autoriser l'aliénation.

18) Par acte du 26 juin 2020, le DT a recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation et à la confirmation de son arrêté du 22 mars 2019.

La cédante n'avait pas démontré être financièrement dans l'urgence de céder ses parts dans la SIAL. L'aliénation du certificat d'actions à une société qui ne détenait aucun autre titre ou logement dans l'immeuble matérialisait une individualisation du logement considéré, faisant courir le risque que ce titre ou ce logement ne soit revendu de façon individualisée par la suite. L'intérêt public était atteint par la cession du certificat d'actions en cause. Les organes des deux sociétés avaient parfaitement compris les enjeux des opérations auxquelles elles avaient participé et savaient que lesdites opérations visaient à mettre en échec les dispositions de la loi. L'opération avait clairement un but spéculatif, vu le gain de CHF 40'000.-. Une telle aliénation était contraire au but poursuivi par la loi. Le procédé d'individualisation, issu à l'origine de la fraude reconnue par le Tribunal fédéral, se perpétuerait par l'aliénation projetée. La cédante n'était pas contrainte de garder indéfiniment son bien, puisqu'elle pourrait requérir une vente en faveur de G______, réparant ainsi la fraude à la loi. Aucun motif d'intérêt privé, de la cédante ou de la cessionnaire, ne pouvait l'emporter sur l'intérêt public et général visant à préserver l'affectation locative du logement.

19) Par réponse du 17 juillet 2020, A______ et B______ ont conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, et à la condamnation du DT aux dépens. Préalablement, elles demandaient la production par le DT des cinquante dernières décisions favorables d'octroi d'une autorisation d'aliéner un appartement. Elles ont maintenu l'argumentation développée précédemment, sous réserve de celle relative à la vente en bloc, abandonnée.

Le délai de recours arrivait à échéance le 25 juin 2020, de sorte que le recours était tardif et irrecevable. Les griefs souffraient d'un défaut de motivation, conduisant à leur irrecevabilité et à celle du recours.

Le DT délivrait de nombreuses autorisations d'aliéner un seul appartement en y insérant une clause réservant une prochaine aliénation sur la base de l'autorisation ainsi accordée. M. H______ n'avait aucun lien avec A______, sauf à connaître M. D______. Le DT n'avait jamais auparavant retenu le caractère spéculatif de l'opération. Il s'agissait d'une opération blanche, le prix de vente ayant été fixé au regard des coûts et frais que la cédante avait supporté depuis l'achat des actions.

20) Par réplique du 21 août 2020, le DT a maintenu ses conclusions.

La vente apparaissait comme une opération spéculative ou purement commerciale, intérêt qui n'était pas prépondérant. Le but initial était de faire sortir l'appartement du marché locatif. La fraude se perpétuerait par l'aliénation projetée. L'institution de la SIAL n'empêchait pas la perte de l'affectation locative, puisque cette forme était analogue à la PPE. Le nombre considérable d'appartements situés dans l'immeuble visés par des ventes d'actions de G______ à différentes personnes physiques et morales dont l'ayant droit économique était M. D______ démontrait une volonté de démanteler l'immeuble et, par conséquent, le parc locatif genevois.

21) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente, le recours est de ces points de vue recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les intimées contestent la recevabilité du recours, qui ne serait pas suffisamment motivé.

a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions de la recourante ou du recourant (al. 1). En outre, il doit contenir l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose la personne recourante doivent être jointes. À défaut, un bref délai pour satisfaire à ces exigences est fixé à cette dernière, sous peine d'irrecevabilité (al. 2).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions de la personne recourante. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est pas en soi un motif d'irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins de la recourante ou du recourant (ATA/595/2020 du 16 juin 2020 consid. 2b).

c. L'exigence de motivation de l'art. 65 al. 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l'objet du litige qui lui est soumis et de donner l'occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre. Elle signifie que la personne recourante doit expliquer en quoi et pourquoi elle s'en prend à la décision litigieuse (ATA/1672/2019 du 12 novembre 2019 consid. 6a ; Pierre MOOR/étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 803 ss n. 8.8.1.3). L'exigence de la motivation est considérée comme remplie lorsque les motifs du recours, sans énoncer les conclusions formelles, permettent de comprendre aisément ce que la personne recourante désire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_823/2017 du 23 mars 2018 consid. 4 ; ATA/1588/2019 du 29 octobre 2019 consid. 5b).

d. En l'espèce, l'autorité recourante a conclu à l'annulation du jugement du TAPI et à la confirmation de son arrêté. Elle a par ailleurs expliqué de manière détaillée dans son acte de recours les points du jugement du TAPI qu'elle contestait, développant son argumentation en droit sur environ quatre pages. Elle a ainsi exposé les bases légales sur lesquelles elle fondait son argumentation et a ensuite expliqué pourquoi, à son avis, la solution retenue par le TAPI était erronée, ce qui permet à la chambre de céans de déterminer clairement l'objet du litige et aux intimées de répondre aux griefs soulevés, ces dernières ayant d'ailleurs développé leur réponse sur une quinzaine de pages.

Le recours est pas conséquent suffisamment motivé et sera déclaré recevable.

3) Le litige porte sur la conformité au droit du jugement du TAPI annulant l'arrêté de l'autorité recourante et ordonnant à cette dernière de délivrer l'autorisation sollicitée, soit d'autoriser A______ à céder à B______ le certificat d'actions no 26 de G______, conférant le droit de louer l'appartement no 3______.

4) Les intimées demandent la production des cinquante dernières décisions octroyant des autorisations d'aliéner un appartement.

a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend notamment le droit pour la personne concernée de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l'administration des preuves (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2). Ce droit n'empêche cependant pas la juridiction saisie de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 136 I 229 consid. 5.2).

b. En l'espèce, la demande de production est formulée dans le but de démontrer que l'autorité recourante aurait une pratique tendant à la délivrance d'autorisations d'aliéner assorties d'une réserve concernant l'application ultérieures de l'art. 39 al. 4 de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20). Néanmoins, l'existence d'une telle pratique n'est pas déterminante dans le cas d'espèce, compte tenu de ce qui suit, et la chambre administrative dispose d'un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause.

Il ne sera par conséquent pas donné suite à la requête des intimées.

5) L'autorité recourante affirme que l'autorisation d'aliéner ne devrait pas être délivrée.

a. L'aliénation sous quelque forme que ce soit (notamment cession de droits de copropriété d'étages ou de parties d'étages, d'actions, de parts sociales), d'un appartement à usage d'habitation jusqu'alors offert en location est soumise à autorisation dans la mesure où l'appartement entre, à raison de son loyer ou de son type, dans une catégorie de logements où sévit la pénurie (art. 39 al. 1 LDTR). Pour remédier à la pénurie d'appartements locatifs dont la population a besoin, tout appartement jusqu'alors destiné à la location doit conserver son affectation locative, dans les limites du chapitre relatif aux mesures visant à lutter contre la pénurie d'appartements locatifs (art. 25 al. 1 LDTR). Il y a pénurie d'appartements lorsque le taux des logements vacants considéré par catégorie est inférieur à 2 % du parc immobilier de la même catégorie (art. 25 al. 2 LDTR). Les appartements de plus de sept pièces n'entrent pas dans une catégorie où sévit la pénurie (art. 25 al. 3 LDTR).

b. Selon l'art. 11 al. 3 du règlement d'application de la LDTR du 29 avril 1996 (RDTR - L 5 20.01), par appartement jusqu'alors offert en location, au sens de l'art. 39 al. 1 LDTR, il faut entendre l'appartement loué lors du dépôt de la requête en autorisation d'aliéner (let. a), l'appartement vide ou vacant lors du dépôt de la requête en autorisation d'aliéner, mais qui a précédemment été loué par sa ou son propriétaire actuel (let. b), ou l'appartement occupé, lors du dépôt de la requête en autorisation d'aliéner, par sa ou son propriétaire, si celle-ci ou celui-ci a précédemment loué l'appartement considéré (let. c). Nonobstant la teneur de l'art. 11 al. 3 RDTR, une autorisation d'aliéner doit impérativement être requise en cas de vente d'un ou plusieurs appartement(s) acquis par voie d'adjudication (art. 11 al. 4 RDTR).

c. Les catégories de logements où sévit la pénurie sont déterminées chaque année par arrêté du Conseil d'État en fonction du nombre de pièces par appartement (art. 11 al. 1 RDTR). Le Conseil d'État a constaté en 2018, 2019 et 2020 qu'il y avait pénurie, au sens des art. 25 et 39 LDTR, dans toutes les catégories des appartements d'une à sept pièces inclusivement (arrêtés du Conseil d'État déterminant les catégories de logements où sévit la pénurie en vue de l'application des art. 25 à 39 LDTR des 29 novembre 2017, 19 décembre 2018 et 1er juillet 2020 - ArAppart - L 5 20.03).

d. En l'espèce, l'appartement concerné - situé dans un immeuble d'habitation en troisième zone de développement et donc assujetti à la LDTR (art. 2 LDTR) - entre, par son nombre de pièces, dans une catégorie de logements où sévit la pénurie et était, au moment de la requête en autorisation d'aliéner, offert à la location. Son aliénation, notamment par le biais du transfert du certificat d'actions de la SIAL correspondant, est par conséquent soumise à autorisation, conclusion qui n'est d'ailleurs contestée ni par l'autorité recourante, ni par les intimées.

6) a. Le DT autorise l'aliénation d'un appartement si celui-ci a été dès sa construction soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue, sous réserve du régime applicable à l'aliénation d'appartements destinés à la vente régi par l'article 8A de loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35 ; let. a) ; était, le 30 mars 1985, soumis au régime de la PPE ou à une forme de propriété analogue et qu'il avait déjà été cédé de manière individualisée (let. b) ; n'a jamais été loué (let. c) ; a fait une fois au moins l'objet d'une autorisation d'aliéner en vertu de la LDTR (let. d). L'autorisation ne porte que sur un appartement à la fois. Une autorisation de vente en bloc peut toutefois être accordée en cas de mise en vente simultanée, pour des motifs d'assainissement financier, de plusieurs appartements à usage d'habitation ayant été mis en PPE et jusqu'alors offerts en location, avec pour condition que la personne acquéreuse ne peut les revendre que sous la même forme, sous réserve de l'obtention d'une autorisation individualisée (art. 39 al. 4 LDTR).

En cas de réalisation de l'une des hypothèses de l'art. 39 al. 4 LDTR, le DT est tenu de délivrer l'autorisation d'aliéner. Il n'y a donc, le cas échéant, pas de place pour une pesée des intérêts au sens de l'art. 39 al. 2 LDTR. Les conditions posées à l'art. 39 al. 4 LDTR sont alternatives (ATA/725/2020 du 4 août 2020 consid. 2f ; ATA/870/2019 du 7 mai 2019 consid. 4b)

b. Au vu de la marge d'appréciation dont elle dispose, lorsqu'aucun des motifs d'autorisation expressément prévus par l'art. 39 al. 4 LDTR n'est réalisé, l'autorité doit rechercher si l'intérêt public l'emporte sur l'intérêt privé de la personne à aliéner l'appartement dont elle est propriétaire (arrêts du Tribunal fédéral 1C_137/2011 ; 1C_139/2011 ; 1C_141/2011 ; 1C_143/2011 du 14 juillet 2011 ; ATA/545/2020 du 29 mai 2020 consid. 5).

Dans le cadre de l'examen de la requête en autorisation, le DT procède à la pesée des intérêts publics et privés en présence (art. 13 al. 1 RDTR). L'intérêt privé est présumé l'emporter sur l'intérêt public lorsque la ou le propriétaire doit vendre l'appartement par nécessité de liquider un régime matrimonial ou une succession (let. a), par nécessité de satisfaire aux exigences d'un plan de désendettement (let. b), ou du fait de la prise d'un nouveau domicile en dehors du canton (let. c ; art. 13 al. 3 RDTR). Le DT refuse l'autorisation lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose. L'intérêt public et l'intérêt général résident dans le maintien, en période de pénurie de logements, de l'affectation locative des appartements loués (art. 39 al. 2 LDTR).

La politique prévue par la LDTR, qui tend à préserver l'habitat et les conditions de vie existants, en restreignant notamment le changement d'affectation des maisons d'habitation (art. 1 al. 1 et 2 let. a LDTR), procède d'un intérêt public important (arrêts du Tribunal fédéral 1C_416/2016 du 27 mars 2017 consid. 2.3 ; 1C_68/2015 du 5 août 2015 consid. 2.3 ; 1C_143/2011 du 14 juillet 2011). Le refus de l'autorisation de vendre un appartement loué lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose n'est pas contraire au principe de la proportionnalité, dès lors qu'il est consécutif, de la part de l'autorité administrative, à une pesée des intérêts en présence et à une évaluation de l'importance du motif de refus envisagé au regard des intérêts privés en jeu. En effet, la restriction à la liberté individuelle ne doit pas entraîner une atteinte plus grave que ne l'exige le but d'intérêt public recherché (ATF 113 Ia 126 consid. 7b/aa ; ATA/1313/2019 du 3 septembre 2019 consid. 7).

Dans le cas d'appartements en PPE, la vente en bloc de ces derniers doit être préférée à la vente par unités séparées, ce procédé-là ne mettant en principe pas en péril les buts de la LDTR (arrêt du Tribunal fédéral 1C_137/2011 précité consid. 3.3). Toutefois, même dans ce cadre, la vente en bloc de petits lots d'appartements augmente la probabilité d'une vente ultérieure de logements individualisés aux locataires en place et, partant, le risque d'atteinte au parc immobilier locatif protégé par la LDTR. Il y a donc lieu de privilégier une approche stricte de la protection conférée par cette loi pour éviter une telle atteinte par des « ventes à la découpe ». Ainsi, même en cas de vente en bloc, l'aliénatrice ou aliénateur doit justifier d'un intérêt privé particulier (arrêt du Tribunal fédéral 1C_137/2011 précité consid. 3.3).

7) a. Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l'une et l'autre se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administrée ou l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part
(ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 568 p. 203).

b. Il y a fraude à la loi - forme particulière d'abus de droit - lorsqu'une ou un justiciable évite l'application d'une norme imposant ou interdisant un certain résultat par le biais d'une autre norme permettant d'aboutir à ce résultat de manière apparemment conforme au droit (ATF 142 II 206 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_124/2017 précité consid. 4.1). La norme éludée doit alors être appliquée nonobstant la construction juridique destinée à la contourner
(ATF 142 II 206 consid. 2.3 ; 134 I 65 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_124/2017 précité consid. 4.1). Pour être sanctionné, un abus de droit doit apparaître manifeste. L'autorité qui entend faire appliquer la norme éludée doit établir l'existence d'une fraude à la loi, ou du moins démontrer l'existence de soupçons sérieux dans ce sens. Cette appréciation doit se faire au cas par cas, en fonction des circonstances d'espèce (ATF 144 II 49 consid. 2.2).

8) En l'espèce, le TAPI a constaté, à juste titre, qu'aucun des cas de délivrance des autorisations d'aliéner selon l'art. 39 al. 4 LDTR n'était réalisé, conclusion qui n'est pas contestée devant la chambre administrative, les intimées ayant abandonné leur argumentation selon laquelle le cas d'espèce constituerait une vente en bloc. L'autorité recourante remet cependant en cause la pesée des intérêts effectuée par l'instance précédente en application de l'art. 39 al. 2 LDTR.

9) a. Les intérêts qui s'opposent sont, d'une part, les intérêts privés de la cédante à vendre le certificat d'actions no 26, emportant le droit de louer l'appartement n3______, à la cessionnaire et ceux de cette dernière à l'acquérir ainsi que, d'autre part, l'intérêt public à la protection du parc locatif genevois.

Le TAPI a retenu que les intérêts invoqués par les intimées n'étaient pas « spécialement importants », mais que l'aliénation de l'appartement considéré, par le biais de la cession du certificat d'actions attaché à celui-ci, n'avait pas pour effet de faire perdre l'affectation locative du logement - l'immeuble demeurant en SIAL et la titulaire du certificat d'actions restant légalement une locataire - et ne parachevait pas le processus d'individualisation de l'appartement en question - n'impliquant en réalité aucun changement de la situation.

b. A______ a fait valoir, à l'appui de sa requête en autorisation d'aliéner, son besoin de fonds propres pour un projet de construction à Neuchâtel, besoin qu'elle a réaffirmé lors de l'audience de comparution personnelle devant le TAPI. Elle n'a toutefois apporté aucune substance à son allégation. En effet, en dépit du fait que le TAPI avait retenu qu'elle n'avait pas apporté la preuve documentée de cette opération, elle n'a versé aucune pièce de nature à la démontrer, ainsi que son coût et le mode de financement, à la procédure devant la chambre administrative. De même, malgré le fait que l'instance précédente avait considéré qu'elle n'avait pas prouvé l'impossibilité de financer cette opération par d'autres moyens que la vente de son certificat d'actions, elle n'a pas non plus produit d'éléments sur ce point devant la chambre de céans.

Les intérêts évoqués n'ont ainsi pas de substance et la cédante n'a dès lors pas établi d'autres intérêts que sa pure convenance personnelle pour justifier sa volonté d'aliéner l'appartement.

Or, si des intérêts ayant trait à la convenance personnelle ne revêtent généralement qu'un poids relatif, ils en revêtent d'autant moins lorsque ladite convenance personnelle s'inscrit dans le cadre d'une tentative de fraude à la loi, à laquelle a pleinement participé A______, comme constaté par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_124/2017 précité - procédure à laquelle cette dernière était partie - et comme cela ressort clairement de la version longue de l'acte de cession de 2013 versé la procédure. Cet acte de cession a certes été conclu, en adoptant une vision externe, alors même que, dans les faits, il ne s'agissait alors pas d'acheter une part de PPE - même si l'immeuble était pourtant déjà soumis au régime de la PPE -, ni même des actions dans une SIAL, mais simplement les actions d'une société propriétaire d'un immeuble, puisque G______ a été transformée en SIAL postérieurement à l'achat des actions. Il en ressort cependant clairement la volonté d'aboutir au transfert de la propriété de l'appartement sans autorisation d'aliéner, le terme de « montage » étant même expressément utilisé et la confidentialité sur celui-ci imposée. Cela démontre que, contrairement à ce qu'a retenu l'instance précédente, la cédante n'était pas en marge du système mis en place mais y a participé.

c. En ce qui concerne les intérêts privés de la cessionnaire, les intimées ont indiqué que B______ achetait le certificat d'actions à titre d'investissement, soit pour des motifs commerciaux.

10) Face à ces intérêts privés, purement commerciaux et de convenance personnelle, dans un contexte de tentative de fraude à la loi, se trouve l'intérêt public au maintien de l'affectation locative de l'appartement, sur lequel le TAPI s'est en définitive basé pour retenir que l'autorisation d'aliéner devait être accordée, puisqu'il ne serait aucunement affecté par la cession en cause.

Toutefois, contrairement à ce qu'a retenu le TAPI, ladite cession ne fait pas que répéter l'opération lors de laquelle le certificat d'actions est passé de G______ (recte : M. D______) à A______, puisque G______ n'était alors pas constituée sous forme de SIAL et qu'il y a alors eu uniquement un transfert d'actions sans lien avec un appartement précis. En réalité, et contrairement au raisonnement de l'instance précédente, la cession litigieuse ne peut être considérée isolément de l'ensemble des opérations effectuées par rapport à l'immeuble. En effet, dans le cadre du litige relatif aux demandes d'autorisation d'aliéner des parts de PPE aux actionnaires correspondants, parmi lesquels la cédante, le Tribunal fédéral a constaté que la succession des opérations - mise en PPE de l'immeuble en 2007, vente des actions en février 2013, constitution sous forme de SIAL en mai 2013 et transfert des lots de PPE entre janvier et avril 2014 - faisait apparaître qu'il s'agissait d'un montage mis sur pied dès l'origine (arrêt du Tribunal fédéral 1C_124/2017 précité consid. 4.4). Or, si l'opération présentement considérée n'a quant à elle pas été envisagée dès l'origine, il s'agit d'une solution alternative adoptée en raison de l'impossibilité d'aliéner les parts de PPE, laquelle permet de parachever, à l'issue de toutes les opérations préalables, l'individualisation de l'appartement concerné et de légitimer cette individualisation si elle était validée par autorisation d'aliéner. En dépit de son caractère subsidiaire, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une étape finale de la fraude à la loi mise sur pied dès l'origine et constatée par le Tribunal fédéral.

Le caractère insolite de l'ensemble des opérations est confirmé dans le cas d'espèce par l'omniprésence de M. D______ à chaque étape des opérations successives, qui s'ajoute au contenu susmentionné de la version longue de la convention de cession de 2013. En effet, une première société, A______, dont M. D______ est administrateur président et qui est domiciliée auprès d'une deuxième société, la régie C______, dont M. D______ est également administrateur président, a acheté à M. D______ des actions d'une troisième société dont M. D______ est aussi administrateur président, G______, et qui a également son siège auprès de la régie C______, dans le cadre d'un « montage » soumis à confidentialité. Selon la convention de cession de 2013, M. D______ devait représenter la première société aux assemblées générales où elle ne serait pas présente et devait être nommé liquidateur de la troisième société en cas de liquidation totale ou partielle, telle que prévue, tandis que la deuxième société devait être chargée de la gestion du lot. Il sera à cet égard relevé que son statut d'actionnaire de la SIAL confère à A______ le droit de louer l'appartement n3______, mais non l'obligation de le faire. Or, l'avis de majoration de loyer versé à la procédure, postérieur à la constitution sous forme de SIAL, mentionne G______ comme bailleresse face à l'ancienne locataire, et non A______, de sorte qu'il n'est pas établi le bail avait, après la cession, été transféré de G______ à A______ et que cette dernière serait effectivement devenue locataire et l'ancienne locataire sous-locataire. En toute état, A______ souhaite à présent revendre les actions de G______, après sa transformation en SIAL, à une quatrième société, B______, qui a elle encore son siège auprès de la régie C______, les deux parties se faisant de plus représenter, dans le cadre du litige sur l'autorisation d'aliéner, par la régie C______.

Ce qui précède démontre l'ampleur et la finesse du montage mis sur pied afin d'aboutir au final à l'individualisation de l'appartement, par le biais d'une fraude à la loi, stratégie dans laquelle les protagonistes ont persisté en dépit de sa constatation par les instances judicaires, y compris le Tribunal fédéral. Or, l'octroi de l'autorisation d'aliéner reviendrait à valider ladite fraude à la loi et à la couronner de succès, par la finalisation de l'individualisation de l'appartement malgré l'absence d'intérêts privés substantiels, un tel résultat se heurtant à un intérêt public évident. À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce que soutiennent les intimées et à ce qu'a retenu le TAPI, le fait que l'appartement demeure dans la SIAL et que l'actionnaire garde un droit de location sur cet appartement ne permet en aucun cas de conclure que tout risque de sortie du parc locatif est exclu, puisque la location existant dans le cadre de la SIAL constitue une forme analogue à la propriété (ATA/80/2014 du 12 février 2014 consid. 7). C'est d'ailleurs précisément pour cette raison que le transfert du certificat d'actions est soumis à autorisation conformément au texte de l'art. 39 al. 1 LDTR.

Le montage mis sur pied pour aboutir finalement, sans intérêt privé prépondérant, à l'individualisation de l'appartement, n'est que confirmé par la proximité temporelle avec laquelle d'autres actionnaires de la SIAL et d'une autre SIAL également liée à M. D______ - qui a fait l'objet de l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_123/2017 du 23 novembre 2017 - ont également sollicité des autorisations d'aliéner leurs certificats d'actions, toujours à des sociétés ayant des liens avec M. D______. Comme relevé par le TAPI, ces demandes ont aussi fait l'objet de refus et font l'objet de causes parallèles, également délibérées ce jour.

Finalement, il sera constaté que l'intérêt public est d'autant plus mis à mal dans le cas d'espèce que les intimées ont indiqué au TAPI que l'appartement était vacant, sans établir qu'il aurait depuis lors à nouveau été loué à une tierce personne, ce qui concrétise d'autant plus le risque de sortie dudit appartement du marché locatif.

Au surplus, il sera relevé que contrairement à ce qu'ont retenu l'autorité intimée et le TAPI, pour rétablir la situation initiale, il faudrait que les actions soient cédées à M. D______, cédant en 2013, et non à G______, de sorte que la situation financière de cette dernière n'est pas pertinente. L'absence de moyens financiers de G______, telle qu'alléguée par les recourantes, tendrait tout au plus à confirmer qu'elle n'aurait pas fonctionné comme une véritable propriétaire depuis la répartition du capital-actions entre les différents acquéreuses et acquéreurs en 2013. À cet égard, il sera relevé que la prise en charge de travaux par la cédante, telle qu'alléguée pour justifier de l'absence de caractère spéculatif du prix de vente, suggère par exemple que G______ n'aurait pas constitué de réserves pour les travaux, alors que la prise en charge de travaux lui incombait, en tant que propriétaire, contrairement aux actionnaires de la SIAL, qui ne doivent les assumer ni en tant que tels ni en tant qu'éventuels locataires. Ces éléments ne constituent en définitive que des indices supplémentaires du caractère fictif du montage mis en place.

Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, l'intérêt public est largement prépondérant et l'emporte sur les intérêts privés invoqués. L'instance précédente a par conséquent abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant le contraire et le grief sera admis.

11) Enfin, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral applicable au vu de la large prépondérance de l'intérêt public en l'espèce (arrêt du Tribunal fédéral 1C_124/2017 du 23 novembre 2017 consid. 3.2), la restriction est conforme à la garantie de la propriété consacrée par l'art. 26 Cst., étant à cet égard relevé qu'il ne revient pas à l'autorité recourante, ni à la chambre de céans de trouver la solution permettant à la cédante de sortir de la situation dans laquelle elle se retrouve du fait même de la tentative de fraude à la loi.

Dans ces circonstances, le jugement du TAPI sera annulé et l'arrêté sera rétabli.

12) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge solidaire des intimées (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 juin 2020 par le département du territoire contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mai 2020 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mai 2020 ;

rétablit l'arrêté VA 13'597 du département du territoire du 22 mars 2019 ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge solidaire de A______ SA et B______ SA ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au département du territoire, à C______ 
SA, mandataire des intimées, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory,
Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Balzli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :