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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4065/2020

ATA/1367/2020 du 24.12.2020 sur JTAPI/1107/2020 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4065/2020-MC ATA/1367/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 décembre 2020

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Magali Buser, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 décembre 2020 (JTAPI/1107/2020)


EN FAIT

1) Le 12 juin 2015, Monsieur A______, né le ______ 1977, originaire d'Éthiopie (alias B______, né le ______1986, alias C______, né le ______1977), a déposé une demande d'asile en Suisse.

2) Par décision du 3 février 2017, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a rejeté cette demande et prononcé le renvoi de Suisse de M. A______, qui devait quitter le pays au plus tard le 31 mars 2017, sous peine de s'exposer à des mesures de contrainte. Le canton de Genève était chargé de l'exécution du renvoi.

Cette décision est entrée en force le 31 mai 2017, à la suite du rejet du recours formé à son encontre.

3) Par décision du 22 juin 2017, le SEM a rejeté la demande de reconsidération de la décision du 3 février 2017.

4) Entendu par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 27 juin 2017, M. A______ a indiqué qu'il ne voulait pas retourner en Éthiopie. Il a noté qu'il s'exposait à des mesures de contrainte dans l'hypothèse où il ne collaborerait pas à l'organisation de son renvoi.

5) Le même jour, l'OCPM a demandé le soutien du SEM en vue de l'obtention de documents de voyage en faveur de M. A______.

6) Par courrier du 28 juin 2017, le SEM a indiqué à l'OCPM que seul un retour volontaire en Éthiopie était possible, au vu de l'attitude négative des autorités de ce pays de mener des entretiens permettant l'identification de personnes.

7) Par courrier du 7 juin 2018, l'OCPM a avisé le SEM de la disparition, depuis le 4 juin 2018, de l'intéressé du foyer de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) où il était hébergé.

8) Il ressort de l'extrait du registre Symic du 7 septembre 2020 produit au dossier qu'en date du 30 avril 2019, la Suisse a accepté, en application de la procédure Dublin, la reprise en charge de M. A______ sollicitée par les autorités françaises et que le 25 juillet 2019, ce dernier a été transféré de France en Suisse.

Le même jour, il a été repris en charge par l'hospice, et l'OCPM l'a invité à se présenter auprès de la Croix-Rouge en vue d'organiser son retour volontaire au plus tard le 29 juillet 2019, délai qu'il n'a toutefois pas respecté.

 

9) Le 21 octobre 2019, le SEM a informé l'OCPM que M. A______ avait été reconnu par les autorités éthiopiennes à la suite des auditions centralisées du 15 octobre 2019 organisées à Berne. Cette identification était toutefois provisoire et devait être vérifiée par le service d'immigration à Addis-Abeba par voie diplomatique.

10) Par courriel du 10 janvier 2020, le SEM a indiqué à l'OCPM que les autorités éthiopiennes avaient reconnu M. A______ en tant que citoyen éthiopien, et qu'il allait prochainement solliciter un laissez-passer auprès de l'ambassade d'Éthiopie à Genève.

11) Le 20 janvier 2020, l'OCPM s'est entretenu avec M. A______. Ce dernier, après avoir pris note qu'il avait été reconnu par les autorités d'Éthiopie comme ressortissant de ce pays et qu'un document de voyage permettant d'effectuer son retour dans son pays d'origine allait être établi, a indiqué qu'il ne voulait pas y retourner.

M. A______ a également pris note que s'il ne se présentait pas au service d'aide au retour de la Croix-Rouge d'ici au 23 janvier 2020 pour organiser son départ volontaire, l'OCPM transmettrait son dossier à la police pour qu'elle se charge d'effectuer son renvoi, ce qui pouvait impliquer le prononcé de mesures de contrainte.

12) Par courriel du 18 février 2020, la Croix-Rouge a indiqué à l'OCPM que M. A______, qui avait rendez-vous chez elle le 31 janvier 2020, n'avait pas entrepris les démarches pour savoir s'il pouvait participer au « projet pilote Éthiopie du SEM », consistant en une aide pécuniaire au retour. Il lui avait indiqué qu'il voulait entreprendre des démarches pour savoir si un recours contre la décision de renvoi du SEM était possible.

13) Le 24 février 2020, l'OCPM a fait savoir à M. A______ que, dans la mesure où il ne souhaitait pas organiser son retour via la Croix-Rouge genevoise, son départ serait organisé par les services de police. M. A______ a répondu qu'il ne quitterait pas la Suisse et tenterait de mettre fin à ses jours s'il était contraint de retourner en Éthiopie.

14) Le 28 juillet 2020, l'OCPM a requis des services de police d'exécuter le renvoi de l'intéressé à destination de l'Éthiopie.

15) Le 7 septembre 2020, les services de police ont interpellé M. A______ en faveur duquel, le 24 août 2020, les autorités éthiopiennes avaient délivré un laissez-passer valable jusqu'au 17 septembre 2020.

16) Un vol sans escorte policière (DEPU) à destination de l'Éthiopie a été réservé pour le 16 septembre 2020, à 22h45 au départ de Genève.

17) Le 7 septembre 2020, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de soixante jours sur la base de l'art. 77 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

18) Par jugement du 9 septembre 2020, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a confirmé l'ordre de mise en détention pour une durée de soixante jours, soit jusqu'au 7 novembre 2020.

Les conditions posées par l'art. 77 al. 1 LEI étaient réunies. On ne voyait pas quelle autre mesure moins coercitive était à même d'assurer la mise en oeuvre de la décision de renvoi en cause, M. A______ ayant toujours indiqué s'opposer à son renvoi en Éthiopie. La durée de la détention respectait la loi et n'apparaissait pas disproportionnée, notamment car l'autorité devait disposer du temps nécessaire pour obtenir la réservation sur un nouveau vol, voire d'un degré supérieur (DEPA) et obtenir un nouveau laissez-passer des autorités éthiopiennes. Rien ne permettait de penser qu'un nouveau laissez-passer ne serait pas délivré.

Aucun élément n'établissait par ailleurs que le renvoi de l'intéressé serait impossible pour des motifs d'ordre juridique ou technique. Le fait que les autorités éthiopiennes n'accepteraient que les retours volontaires n'était pas pertinent puisque c'était par un vol DEPU que le renvoi du 16 septembre 2020 était envisagé. L'impossibilité supposait notamment que l'étranger ne puisse pas, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre son État d'origine, de provenance ou un État tiers ; tant que l'impossibilité du renvoi dépendait de la volonté de l'étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne pouvait s'en prévaloir. Si l'intéressé s'opposait à l'exécution du renvoi, les autorités pourraient au demeurant toujours envisager une détention pour insoumission.

19) Le 16 septembre 2020, M. A______ a refusé d'embarquer sur le vol devant le rapatrier.

20) Le 23 septembre 2020, les services de police ont obtenu la confirmation qu'une place à bord d'un avion de ligne avec escorte policière à destination de l'Éthiopie avait été réservée pour le 14 octobre 2020 en faveur de M. A______.

21) Par arrêt du 28 septembre 2020, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) a rejeté le recours formé par M. A______ contre le jugement du TAPI du 9 septembre 2020.

Les conditions nécessaires et cumulatives de l'art. 77 al. 1 LEI étaient remplies. Il ne pouvait être considéré que M. A______ avait quitté le pays dans le délai qui lui avait été imparti, puisque c'était en France qu'il s'était rendu illégalement en 2018, soit un État partie aux accords de Dublin dans lequel il n'avait pas le droit d'entrer. Enfin, les autorités suisses avaient dû se procurer elles-mêmes les documents de voyage pour l'intéressé qui n'avait entrepris aucune démarche en vue de son départ et avait indiqué à plusieurs reprises qu'il n'entendait pas retourner en Éthiopie, le répétant encore dans son acte de recours.

Le principe de célérité avait ainsi été respecté. Dès lors que la détention était due à l'absence de coopération de l'intéressé avec les autorités chargées de l'exécution de son renvoi et son refus le 16 septembre 2020 de prendre le vol à destination de son pays d'origine, la décision de mise en détention administrative pour soixante jours respectait le cadre légal. Dans la mesure où le plafond posé par l'art. 77 LEI était beaucoup plus bas que celui qui prévalait en lien avec les autres motifs de mise en détention administrative, il apparaissait normal qu'il soit fréquemment atteint, étant précisé que si le recourant prenait le vol du 14 octobre 2020, cette durée maximale ne le serait pas.

22) Le 28 septembre 2020, les autorités éthiopiennes ont délivré un
laissez-passer en faveur de M. A______ valable jusqu'au 27 mars 2021.

23) Le 14 octobre 2020, M. A______ a de nouveau refusé d'embarquer sur le vol devant le rapatrier. Il a été arrêté par les services de police à l'aéroport international de Genève et prévenu d'infraction à l'art. 115 al. 1 LEI (séjour illégal) et d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0), puis mis à disposition du Ministère public.

Après s'être fait entraver les jambes afin d'être conduit dans l'avion, l'intéressé était devenu virulent et s'était vivement débattu. L'usage de la force avait été nécessaire pour le conduire à la porte de l'avion et au cours de cet épisode, une gendarme avait été légèrement blessée au genou droit. Arrivés à la porte de l'avion, l'hôtesse de l'air avait refusé d'embarquer M. A______.

24) Par ordonnance pénale du 15 octobre 2020, le Ministère public a condamné M. A______ pour les faits ayant mené à son arrestation.

25) Le 15 octobre 2020 le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de deux mois, sur la base de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI. Les démarches en vue de l'inscription de M. A______ sur un vol spécial, organisé par FRONTEX à destination de l'Éthiopie, étaient en cours.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi. Il n'était pas en bonne santé et suivait un traitement médical contre la dépression, le stress et le manque de sommeil. Sa vie serait en danger s'il retournait en Éthiopie du fait qu'il faisait partie du groupe ethnique oromo.

26) Entendu le 19 octobre 2020 par le TAPI, M. A______ a déclaré qu'il était opposé à son renvoi en Éthiopie. Son père et sa mère y avaient été tués et il craignait pour sa vie s'il devait y retourner, ceci en raison de la situation politique. Ses frères et ses soeurs étaient contraints de se déplacer constamment, et il ignorait où ils demeuraient. À Genève, il logeait au foyer d'Anières.

Entendue à la même audience, la représentante du commissaire de police a confirmé qu'une demande de réservation sur un vol spécial avait été effectuée. Le renvoi devait pouvoir être exécuté dans le délai de deux mois prévu par l'ordre de mise en détention. Il n'y avait pas de restriction liée à la situation sanitaire pour l'exécution d'un vol spécial à destination de l'Éthiopie.

M. A______ a conclu à sa mise en liberté immédiate. Dès lors qu'il n'existait pas de base légale permettant le renvoi non volontaire de personnes originaires d'Éthiopie, l'exécution du renvoi était impossible.

La représentante du commissaire de police a répliqué que s'il n'existait pas d'accord de réadmission entre la Suisse et l'Éthiopie, les négociations entre les deux pays permettaient le renvoi par vol spécial à destination de l'Éthiopie.

27) Par jugement du 19 octobre 2020, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention administrative pour deux mois, soit jusqu'au 15 décembre 2020

Les conditions de détention administrative au sens de l'art. 76 al. 1 let. b
ch. 3 et 4 LEI étaient remplies. M. A______ avait fait l'objet d'une décision de renvoi entrée en force, refusé toute collaboration en vue de l'organisation de son départ et refusé d'embarquer sur un vol les 16 septembre et 14 octobre 2020. Il existait un risque réel et concret que, s'il était libéré, il n'obtempérerait pas aux instructions de l'autorité lorsque celle-ci lui ordonnerait de monter à bord de l'avion à destination de son pays et pourrait à nouveau disparaître dans la clandestinité.

Les autorités suisses avaient initié les démarches nécessaires en vue de l'exécution du renvoi par vol spécial. Il n'y avait pas lieu de douter qu'elles ne les poursuivraient pas avec toute la diligence requise. La durée de la détention respectait la loi et apparaissait utile, nécessaire et adéquate en vue de l'exécution du renvoi.

Rien n'indiquait que l'exécution du renvoi serait impossible, illicite ou non raisonnablement exigible. L'absence d'un accord de réadmission entre la Suisse et l'Éthiopie ne rendait pas en soi le refoulement impossible. Les autorités éthiopiennes avaient délivré un laissez-passer. En présence d'un projet concret de renvoi ou d'expulsion organisé par les autorités et mis en place à la suite de diverses démarches, le TAPI ne pouvait libérer l'intéressé avant le vol au motif que l'exécution de la mesure était impossible.

28) Par acte expédié le 29 octobre 2020, M. A______ a recouru à la chambre administrative contre ce jugement, dont il a demandé l'annulation. Il a conclu à sa mise en liberté immédiate.

Le Docteur B______ avait constaté qu'il souffrait de douleurs aux deux bras, aux cuisses et au thorax à la suite de son arrestation du 14 octobre 2020. La Doctoresse C______ avait attesté qu'il avait été suivi entre les 26 mars et 7 septembre 2020 et que la poursuite de ce suivi en soins psychiatriques était nécessaire pour éviter un effondrement thymique et un risque de passage à l'acte auto-agressif. L'« Exchange of notes regarding the admission procedures for the return of Ethiopians without legal status to reside in Switzerland » n'était pas publié. Le Conseil d'État vaudois avait indiqué en 2017 que les vols spéciaux vers l'Éthiopie n'étaient pas possibles ; cela n'avait pas changé depuis lors.

Son renvoi était impossible pour des motifs juridiques, compte tenu de l'absence d'accord de réadmission entre la Suisse et l'Éthiopie.

29) Par arrêt du 4 novembre 2020, la chambre administrative a rejeté le recours interjeté le 29 octobre 2020. La mise en détention administrative était justifiée au regard de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI et son renvoi était possible, au vu de l'accord de collaboration et de réadmission signé par l'Union européenne et l'Ethiopie auquel la Suisse s'était jointe en novembre 2018 ainsi qu'un accord entre la Suisse et l'Ethiopie formalisé le 4 janvier 2019. De plus en l'espèce, l'Ethiopie avait reconnu M. A______ comme un de ses ressortissants et avait délivré un laissez-passer valable jusqu'en mars 2021.

30) Saisi d'un recours contre cet arrêt avec demande d'effet suspensif, le Tribunal fédéral, par ordonnance du 3 décembre 2020, a rejeté la requête de mesures provisionnelles tendant à bloquer l'exécution du renvoi.

31) Par requête du 3 décembre 2020, l'OCPM a sollicité du TAPI la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois, ceci afin de mener à terme le rapatriement de ce dernier et a précisé que M. A______ était inscrit sur le prochain vol spécial en direction de l'Éthiopie qui devait être organisé dans le courant du mois de janvier 2021.

32) Lors de l'audience du 11 décembre 2020 devant le TAPI, M. A______ a déclaré être toujours opposé à son renvoi en Éthiopie et l'OCPM a confirmé qu'il y avait un vol « FRONTEX » organisé pour fin janvier 2021 à destination de l'Éthiopie. Toutefois la date précise de ce vol n'était pas encore connue. L'OCPM s'est référé concernant la base légale à l'arrêt de la chambre de céans du 4 novembre 2020.

33) Par jugement du 11 décembre 2020, le TAPI a prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 15 mars 2021. La situation de M. A______ n'avait pas changé depuis sa mise en détention, il ne disposait d'aucun lieu de résidence ou de revenu connus et était dépourvu de toute autorisation de séjourner en Suisse ou dans un autre pays que l'Éthiopie. L'assurance de l'exécution du refoulement de M. A______ répondait par ailleurs toujours à un intérêt public certain et aucune autre mesure moins incisive ne pouvait être envisagée pour garantir sa présence jusqu'à l'exécution de son refoulement, étant rappelé que M. A______ n'avait ni logement, ni source de revenu légal. La durée de prolongation sollicitée s'avérait nécessaire afin de s'assurer que dans un tel délai, un vol spécial pouvait être organisé compte tenu de la situation sanitaire actuelle. L'arrêt du 4 novembre 2020 de la chambre administrative avait retenu qu'il n'y avait pas d'impossibilité légale d'exécuter ce renvoi et aucun élément nouveau permettait de remettre en cause cette analyse.

34) Par acte expédié le 16 décembre 2020 devant la chambre administrative, M. A______ a recouru contre ce jugement.

Il a conclu à l'annulation de celui-ci, à sa libération immédiate et à titre subsidiaire à une assignation territoriale. Par décision du médecin cantonal du 2 décembre 2020, il avait été placé en quarantaine au sein de l'établissement de Frambois, du 2 au 10 décembre 2020. Il était détenu administrativement depuis le 7 septembre 2020, soit plus de trois mois, ensuite depuis le 15 octobre 2020, sur la base de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI. Lors de l'audience du 19 octobre 2020, le commissaire de police avait demandé la détention de M. A______ pour une durée de deux mois partant de l'idée qu'il serait prochainement inscrit sur un vol spécial et son renvoi exécuté dans le délai. Il n'était jamais tombé dans la clandestinité en se présentant toujours aux rendez-vous qui lui avaient été fixés par les autorités depuis son retour en Suisse. Il avait exprimé son refus d'être renvoyé en Éthiopie car il craignait pour sa vie et avait accepté de se rendre à Berne pour se faire auditionner par les autorités éthiopiennes en vue de sa reconnaissance et de la délivrance de documents de voyage en sa faveur. Il n'était donc pas détenu pour insoumission et c'était injustement que l'autorité lui reprochait de ne pas collaborer. Son casier judiciaire était vierge et il ne mettait pas en danger la sécurité publique.

Son état de santé était préoccupant et il souffrait de troubles psychiques, notamment de troubles du sommeil, avec cauchemars et hallucinations. Il avait très mal vécu l'isolement suite à la propagation de la Covid-19 au sein de l'établissement de Frambois et il avait dû augmenter sa dose de médicaments. Il avait de plus eu peur d'avoir été contaminé par ce virus sans pouvoir avoir accès à un psychiatre et craignait une seconde contamination au sein de l'établissement de Frambois. Il n'y avait aucune contre-indication pour ne pas l'assigner territorialement dans l'attente que son renvoi par vol spécial soit exécuté. La prolongation octroyée par le TAPI jusqu'au 15 mars 2021 était disproportionnée du moment où les autorités étaient certaines qu'un vol spécial à destination de l'Éthiopie aurait lieu dans le courant du mois de janvier 2021, de sorte qu'une prolongation de six semaines était suffisante.

35) Par réponse du 21 décembre 2020, l'OCPM s'est référé aux arguments et analyses retenus tant par le TAPI que par la Cour de céans dans ses jugements et arrêts précédents à l'encontre de M. A______ et a conclu au rejet du recours formé le 16 décembre 2020. Le recourant n'avait jamais donné suite aux injonctions données par les autorités de rentrer dans son pays et s'était à réitérées reprises soustrait à son renvoi, d'abord en disparaissant en France en 2018 puis en refusant les 16 septembre et 14 octobre 2020 d'embarquer dans l'avion devant le ramener en Éthiopie. Le recourant était dès lors le seul responsable de la durée de sa privation de liberté, n'ayant pas coopéré à son départ. L'établissement de Frambois mettant en quarantaine toutes les personnes rentrant dans cette prison, il apparaissait que les mesures nécessaires à la bonne protection de la santé du recourant avaient été prises. Se référant à l'arrêt ATA/1109/2020 du 4 novembre 2020, l'OCPM rappelait que l'état de santé psychique de M. A______ pourrait parfaitement être pris en charge par cet établissement. La substitution de la détention administrative par une assignation à un lieu de résidence, selon l'art. 74 LEI, était totalement inefficace dès lors que le recourant avait constamment manifesté son refus de retourner dans son pays et s'y était soustrait par trois fois. La durée de prolongation de la détention tenait spécifiquement compte de la particularité du cas d'espèce, notamment des aléas liés à la pandémie au niveau mondial.

36) Par réplique du 21 décembre 2020, M. A______ a persisté dans ses conclusions. Le virus pouvait apparaître au sein de l'établissement de détention par le biais d'un tiers infecté, notamment un gardien ou un visiteur. Par ailleurs, l'OCPM n'avait pas fourni de date en relation avec l'organisation du vol spécial si ce n'était une information selon laquelle ce vol devrait avoir lieu en janvier 2021.

37) Suite à cette écriture, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 17 décembr 2020 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

En outre, à teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l'étranger (al. 3 1ère phr.).

3) a. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 Cst., ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 précité
consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

b. Lorsqu'une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée si des éléments concrets font craindre que ladite personne entende se soustraire à son refoulement, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI).

c. Le recourant semble se plaindre d'être détenu administrativement depuis le 7 septembre 2020, soit trois mois et demi au total et de la prolongation de la détention pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 15 mars 2021. Au vu de ce qui précède, et étant donné que le recourant s'est opposé à plusieurs reprises à son renvoi allant jusqu'à ne pas vouloir monter dans l'avion où une place était réservée pour lui le 16 septembre 2020, de même que le 14 octobre 2020, cette durée est conforme à la loi au vu de son manque de coopération.

De plus, le recourant conteste être tombé dans la clandestinité. Il oublie avoir quitté la Suisse en 2018 ayant disparu du foyer de l'Hospice général où il était hébergé pour ensuite revenir en juillet 2019, son transfert en Suisse ayant été demandé par les autorités françaises. Depuis cette date, le recourant n'a fait que se dérober à son renvoi en Éthiopie en mettant en oeuvre plusieurs stratégies et en recourant contre toutes les décisions allant en ce sens.

4) Il ne sera pas revenu sur l'argumentation concernant l'accord entre la Suisse et l'Éthiopie, largement développée dans l'arrêt du 4 novembre 2020 (ATA/1109/2020) et qui sera reprise telle quelle.

Après de multiples démarches, les autorités éthiopiennes ont reconnu le recourant comme l'un de leurs ressortissants et lui ont délivré un laissez-passer valable jusqu'en mars 2021.

5) Concernant son état de santé, notamment à la suite de son isolement dû à la propagation de la Covid-19 à l'établissement de Frambois, il sera observé d'une part que la quarantaine s'est terminée le 11 décembre 2020 déjà et qu'aucun document médical n'a été fourni concernant une aggravation de l'état de santé psychique du recourant, les articles de presse n'ayant aucune valeur probante à cet égard.

6) Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Elle doit non seulement apparaître proportionnée dans sa durée, envisagée dans son ensemble (ATF 145 II 313 consid. 3.5 ; 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1), mais il convient également d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si elle constitue une mesure appropriée et nécessaire en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 143 I 147 consid. 3.1 ; 142 I 135 consid. 4.1 ; 134 I 92 consid. 2.3 , 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.4 ; 2C_263/2019 du 27 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).

7) Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

8) a. Selon l'art. 80 al. 4 LEI, l'autorité judiciaire qui examine la décision de détention administrative, doit la lever lorsque, selon l'art. 80 al. 6 let. a LEI, l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles.

Selon l'art. 83 LEI, l'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (al. 2). L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3). L'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4).

L'impossibilité suppose en tout état de cause notamment que l'étranger ne puisse pas, sur une base volontaire, quitter la Suisse et rejoindre son État d'origine, de provenance ou un État tiers (ATA/1143/2019 du 19 juillet 2019 consid. 10 ; ATA/776/2019 du 16 avril 2019 consid. 7 et les références citées), étant rappelé que tant que l'impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l'étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut s'en prévaloir (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 ; ATA/221/2018 du 9 mars 2018 ; ATA/381/2012 du 13 juin 2012 ; ATA/283/2012 du 8 mai 2012).

b. Il est ici rappelé que le dernier arrêt du 4 novembre 2020 de la Chambre de céans a été attaqué au Tribunal fédéral, que ce recours n'a pas d'effet suspensif et que les mesures provisionnelles demandées par le recourant tendant à bloquer son renvoi ont été rejetées par ordonnance du 3 décembre 2020.

c. La situation du recourant n'a pas changé depuis lors, étant rappelé qu'il s'oppose toujours formellement à son renvoi en Éthiopie depuis que cet arrêt a été rendu, ne dispose d'aucun lieu de résidence et est dépourvu de toute autorisation de séjourner en Suisse. Dès lors, il n'apparaît pas vraisemblable qu'il se présenterait de son propre gré lors du prochain vol pour l'Éthiopie, dans la mesure où il affirme s'y opposer et a déjà refusé à trois reprises de monter dans l'avion, de sorte que l'assignation territoriale demandée ne peut pas entrer en ligne de compte dans son cas.

9) L'assurance de l'exécution de son refoulement, prévue en l'état en janvier 2021 par vol spécial, répond par ailleurs toujours à un intérêt public certain et, compte tenu du motif sur lequel repose sa mise en détention, aucune autre mesure moins incisive ne peut être envisagée pour garantir sa présence jusqu'à l'exécution de son refoulement (cf. not. ATA/1470/2019 du 3 octobre 2019 consid. 7e ; ATA/672/2016 du 8 août 2016 consid. 7c ; ATA/949/2015 du 18 septembre 2015 consid. 8 ; ATA/846/2015 du 20 août 2015 consid. 8 ; ATA/810/2014 du 28 octobre 2014 consid. 6), étant rappelé que M. A______ n'a ni logement ni source de revenu légale.

10) Le principe de diligence est lui aussi toujours respecté, l'autorité chargée de l'exécution du renvoi ayant poursuivi ses démarches pour obtenir la réservation d'une place sur un vol spécial dans les plus brefs délais, soit en janvier 2021 compte tenu des difficultés inhérentes à la réservation d'un tel vol.

11) Au vu de ce qui précède, la durée de prolongation de la détention sollicitée par l'OCPM respecte le cadre légal de l'art. 79 LEI. Compte tenu de la situation sanitaire actuelle et même s'il est vraisemblable qu'un vol pourra être organisé en janvier 2021, il faut tenir compte de ces aléas et laisser la possibilité à l'autorité d'organiser ce renvoi avant le 15 mars 2021.

Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

12. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA) et compte tenu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 décembre 2020 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 décembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Magali Buser, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Mme Tombesi, présidente, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. Gantenbein

 

 

la présidente siégeant :

 

 

S. Tombesi

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :

 

N. Gantenbein