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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3995/2020

ATA/1366/2020 du 23.12.2020 sur JTAPI/1062/2020 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3995/2020-MC ATA/1366/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 décembre 2020

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Magali Buser, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 novembre 2020 (JTAPI/1062/2020)


EN FAIT

1) À teneur de l'extrait du casier judiciaire le concernant (qui contient l'information selon la laquelle il serait originaire de Gambie), Monsieur A______, né le ______ 1986, a fait l'objet de huit condamnations pénales en Suisse depuis le 13 octobre 2011, les trois dernières ayant été prononcées à Genève.

En dernier lieu, par jugement du 5 décembre 2018, le Tribunal correctionnel l'a reconnu coupable, notamment, d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. b et d et al. 2 let. a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et l'a condamné à une peine privative de liberté de trois ans et a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans en application de l'art. 66a al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

2) Le 22 août 2011, M. A______ a déposé une demande d'asile, sur laquelle l'autorité fédérale compétente, devenu le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), n'est pas entrée en matière par décision du 10 septembre 2013 et a prononcé son renvoi.

3) Le 5 juin 2014, il a été rapatrié par vol spécial au Nigéria, après que les autorités de ce pays avaient délivré un document de voyage en sa faveur le 28 mars 2014.

4) Revenu en Europe, il a déposé une demande d'asile en Italie le 18 décembre 2015.

5) M. A______ a ensuite déposé une nouvelle demande d'asile en Suisse le 31 mars 2016, sur laquelle le SEM n'est pas entré en matière le 4 mai 2016 et a prononcé à nouveau son renvoi.

6) Il a été refoulé hors de Suisse à deux reprises vers l'Italie, les 24 juin et 23 octobre 2017, dans le cadre de la procédure prévue par le Règlement (UE) N° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (Règlement Dublin III).

7) Par décision du 9 avril 2018, notifiée le 14 mai 2018, alors qu'il était revenu en Suisse et avait été arrêté par la police, le SEM lui a fait interdiction d'entrer sur le territoire jusqu'au 8 avril 2021.

8) Une nouvelle « procédure Dublin » a été initiée en vue de son renvoi en Italie. Le 20 juin 2018, l'Italie a consenti à le reprendre sur son territoire. Une décision de renvoi, entrée en force le 6 juillet 2018, a donc été prise par le SEM le 21 juin 2018 à cette fin.

En raison de sa détention pénale, il n'a pas pu être transféré en Italie dans le délai de douze mois prévu par le Règlement Dublin III, de sorte que la Suisse est devenue compétente pour le traitement de sa demande d'asile. Toutefois, comme une mesure d'expulsion pénale avait été prononcée à son encontre dans l'intervalle, le SEM, décidant de ne pas se saisir d'office, n'a pas statué sur cette demande.

9) Le 4 juin 2020, la police a sollicité auprès de swissREPAT son inscription sur un vol spécial à destination du Nigéria.

10) Remis en liberté par les autorités pénitentiaires le 12 juin 2020, M. A______ a été pris en charge par la police genevoise en vue de son refoulement hors de Suisse.

Dans les locaux de la police, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) lui a notifié une « décision de non-report d'expulsion judiciaire », déclarée exécutoire nonobstant recours, par laquelle il chargeait la police de procéder à son expulsion « dans les meilleurs délais ».

11) Le même jour, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à son encontre pour une durée de six semaines sur la base de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1, 3 et 4 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). M. A______ a déclaré qu'il n'était pas d'accord de retourner au Nigéria.

12) Le 16 juin 2020, devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), le représentant du commissaire de police a notamment indiqué que la police genevoise avait initié une nouvelle procédure tendant à l'identification de M. A______ en 2019 ; celui-ci avait été reconnu comme étant ressortissant du Nigéria le 6 décembre 2019. Un laissez-passer avait d'ores et déjà été délivré et était en mains de swissREPAT. La police avait immédiatement demandé son inscription sur un vol spécial, car aucun vol de ligne n'était actuellement disponible à destination du Nigéria. Seuls des vols spéciaux pouvaient permettre le retour de ressortissants nigérians dans leur pays. Il s'agirait en l'occurrence d'un vol FRONTEX. Il ressortait du casier judiciaire de M. A______ qu'il était originaire de Gambie ; toutefois, cette information avait été tirée des propres déclarations de celui-ci, faites à la police au moment de ses arrestations. S'agissant de l'exécution de son expulsion, il y avait lieu de se baser sur les données figurant dans la base de données fédérale SYMIC, à teneur desquelles il était originaire du Nigéria. Il n'était en soi pas surprenant qu'il n'eût pas été entendu par les autorités nigérianes ; cela pouvait s'expliquer par le fait qu'il avait déjà été refoulé dans son pays et, donc, que son identité avait déjà été vérifiée.

M. A______ a déclaré qu'il n'était pas originaire du Nigéria, mais de Gambie. Il n'avait jamais été auditionné par les autorités nigérianes. Cela faisait dix ans qu'il se trouvait en Europe. Il n'avait jamais été refoulé depuis lors vers son pays d'origine. Il avait disposé d'une copie de sa carte d'identité, dans sa boîte e-mail, à laquelle il n'avait toutefois plus accès, car elle avait été bloquée. Il ne comprenait pas comment un laissez-passer avait pu être émis par les autorités du Nigéria, sans que celles-ci ne l'aient vu ou ne lui aient parlé. Il était donc opposé à un quelconque retour au Nigéria. Il était en revanche d'accord de retourner dans n'importe quel pays européen, en particulier en Italie, où il avait déposé une demande d'asile.

13) Par jugement du 16 juin 2020, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention du commissaire de police, retenant que celle-ci se justifiait sous l'angle des art. 75 al. 1 let. h et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI ; il n'était ainsi pas nécessaire de déterminer encore si les autres motifs retenus par ce dernier étaient (aussi) réalisés. M. A______, dont la nationalité nigériane avait été reconnue en mars 2014 déjà, n'était pas légitimé à se rendre valablement ailleurs que dans son pays d'origine. La préparation de l'exécution de son refoulement à destination du Nigéria ne prêtait donc pas le flanc à la critique. Toute autre mesure moins incisive que la détention administrative apparaissait vaine pour assurer sa présence au moment où il devrait y être réacheminé. La durée de la détention décidée par le commissaire de police respectait le cadre légal et demeurait utile, nécessaire et adéquate pour mener à bien l'exécution de son refoulement par un vol spécial d'ores et déjà prévu à une date devant intervenir avant la fin de cette échéance. Enfin, aucun élément ne permettait de retenir que l'exécution de son expulsion pourrait s'avérer impossible, illicite ou non raisonnablement exigible.

14) Par arrêt du 6 juillet 2020, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) a rejeté le recours formé contre ce jugement.

15) Par jugement du 22 juillet 2020, le TAPI a prolongé la détention de ce dernier pour une durée de deux mois. La chambre administrative a confirmé ce jugement le 3 août 2020.

16) Par arrêt du 3 septembre 2020 (2C_634/2020), le Tribunal fédéral a admis le recours déposé par M. A______, annulé cet arrêt et libéré ce dernier.

Au moment déterminant où l'arrêt attaqué avait été rendu, l'espace aérien nigérian était fermé aux vols internationaux et l'exécution du refoulement du recourant vers ce pays était donc impossible. Dans ces conditions, la chambre administrative ne pouvait confirmer le maintien en détention du recourant que si elle disposait d'indications concrètes suffisamment sérieuses permettant de retenir qu'il existait une chance, au moment où elle statuait, de procéder à l'exécution du refoulement, même si elle s'avérait mince. Or, les éléments qu'elle avait mentionnés, à savoir un tweet du ministre nigérian de l'aviation annonçant une éventuelle reprise des vols avant octobre 2020 et l'état de la situation sanitaire au Nigéria, ne suffisaient pas à cet égard. L'indication que des vols devraient reprendre avant octobre 2020, sur la base d'informations « semi » officielles, demeurait en effet très vague. L'exécution du refoulement du recourant dans un délai prévisible n'apparaissait en tout cas pas plus certaine ou même plausible du fait de cette annonce. La chambre administrative n'en avait déduit du reste elle-même qu'une éventualité. La situation sanitaire dans le pays de destination ne permettait en outre pas, en l'absence d'éléments concrets, de conclure que cet État rouvrirait dans un délai raisonnable à nouveau son espace aérien aux vols internationaux, en particulier aux vols en provenance de la Suisse ou de pays européens par lesquels le recourant pourrait transiter. Au moment où elle avait statué, la chambre administrative ne disposait donc pas d'indications suffisamment concrètes permettant de retenir qu'il existait une chance sérieuse de procéder au renvoi du recourant. En conséquence, en confirmant la prolongation de la détention jusqu'au 23 septembre 2020, elle avait méconnu l'art. 80 al. 6 let. a LEI, ainsi que l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; cf. également art. 31, 10 al. 2 et 36 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Cela étant, rien n'empêcherait l'autorité compétente de prononcer une nouvelle mise en détention si de nouveaux éléments de fait indiquaient une réouverture de l'espace aérien permettant de conclure de manière suffisamment précise que l'exécution du refoulement du recourant apparaîtrait possible dans le délai de la détention.

17) M. A______ a alors été libéré après 84 jours passés en détention (du 12 juin au 3 septembre 2020). Il a immédiatement été pris en charge par la police et conduit au Vieil Hôtel de police. Quelques heures plus tard, le commissaire de police lui a notifié une décision, prise en application de l'art. 74 LEI, lui faisant interdiction de quitter le territoire de la commune de Vernier, tel que délimité par le plan annexé à la décision, pour une durée de douze mois. Un logement lui a été attribué au foyer des Tattes.

18) Sur opposition de M. A______, le TAPI a confirmé cette mesure par jugement du 7 septembre 2020.

19) Par arrêt du 30 septembre 2020, la chambre administrative a rejeté le recours formé contre ce jugement en tant qu'il confirmait ladite mesure.

20) Le 12 novembre 2020, il a été constaté que M. A______ ne se trouvait plus au foyer des Tattes. Dans cette mesure, par courriel du 17 novembre 2020, l'OCPM a fait savoir au SEM qu'il renonçait à l'inscrire « sur le vol spécial pour le Nigéria prévu courant (caviardé) ».

21) Le 27 novembre 2020, peu après 4h15, M. A______ a été interpellé par la police au boulevard Georges-Favon, au centre-ville de Genève, après, à teneur du rapport de police établi à la suite de cet événement, qu'il avait tenté de fuir et jeté au sol dix boulettes de cocaïne d'un poids total de 7,5 g. Lors de son audition, il a demandé à être assisté de son avocate, qui n'a pu être jointe, et refusé de répondre à toutes les questions qui lui ont été posées.

22) Par ordonnance pénale du même jour, le Ministère public l'a condamné à une peine pécuniaire de 10 jours-amende pour infraction à l'art. 286 CP, ainsi qu'à une peine privative de liberté de 170 jours pour rupture de ban, infraction à l'art. 19 al. 1 let. d LStup et infraction à l'art. 119 al. 1 LEI.

23) Le même jour encore, à 15h25, le commissaire de police lui a notifié un nouvel ordre de mise en détention, pris en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en lien avec l'art. 75 al. 1 let. b LEI, pour une durée de trois mois.

L'espace aérien nigérian était à nouveau ouvert aux vols internationaux. Les vols de type DEPU/DEPA à destination du Nigéria étaient possibles et un vol spécial FRONTEX était planifié « entre décembre 2020 et février 2021 ». Un laissez-passer pourrait être obtenu « à brève échéance » (étant indiqué quelques lignes plus bas que ce document « ne pourrait pas être obtenu avant le 18 décembre 2020 en raison de la quarantaine à l'ambassade du Nigéria à Berne »). Le refoulement de Suisse de M. A______ apparaissait donc « à nouveau comme vraisemblable dans un délai prévisible ».

Préalablement, et alors qu'il était « retenu pour des motifs de droit des étrangers » depuis 14h30, ce dernier, assisté par son conseil, avait déclaré au commissaire de police qu'il n'était pas d'accord de retourner au Nigéria, dont il n'était pas originaire, rappelant que les autorités de ce pays ne l'avaient jamais rencontré.

24) Le 30 novembre 2020, devant le TAPI, M. A______, placé en isolement au centre de détention de Frambois pour des motifs sanitaires (COVID-19), a, en accord avec celui-ci, été représenté par son conseil, laquelle a déclaré qu'il maintenait sa position ; il était toujours opposé à se rendre au Nigéria, indiquant être originaire de Gambie. Il n'était toutefois pas parvenu à obtenir des documents ou des éléments particuliers permettant d'étayer cette allégation. Il avait d'ores et déjà formé opposition à l'ordonnance pénale du Ministère public du 27 novembre 2020.

La représentante du commissaire de police a notamment produit un document émanant du SEM, daté du 25 novembre 2020, faisant état des possibilités actuelles de vols entre la Suisse et le Nigéria (via Casablanca, Paris, Addis Abeba, Istanbul et Doha). La police avait sollicité la réservation d'une place sur un vol de ligne (DEPU). La demande avait été adressée à SwissREPAT le 27 novembre 2020. Il demeurait néanmoins possible que le SEM considère que le transfert doive être opéré par vol avec escorte policière (DEPA). Un retour par vol spécial FRONTEX était aussi envisagé. La date de ce vol était d'ores et déjà arrêtée dans le courant du mois de janvier 2021. M. A______ n'était pas encore inscrit sur ce vol, mais cette éventualité était fortement prise en considération. Son refoulement était privilégié par vol de ligne en décembre prochain. En cas d'échec, son retour serait opéré par vol spécial. Il avait été envisagé de l'inscrire sur le vol spécial du mois de décembre. Il avait dû y être renoncé, ce vol étant complet. L'idée était de permettre son retour dans les meilleurs délais, raison pour laquelle la possibilité d'un retour par vol de ligne avant le vol spécial prévu en janvier était envisagée. Malgré l'indication figurant sur le formulaire d'inscription qu'elle produisait, ce vol DEPU ne pourrait pas avoir lieu avant le 18 décembre 2020. Le laissez-passer ne pourrait être obtenu qu'une fois la date du vol arrêtée. En effet, ce document ne serait valable qu'un seul jour et pour la date dudit vol. Le SEM avait repris le dossier de M. A______ le 27 novembre 2020 en vue de l'organisation de son départ (elle a produit à cet égard un relevé de la base de données SYMIC). Des vols spéciaux FRONTEX avaient été effectués dernièrement à destination de pays africains.

M. A______, par l'intermédiaire de son conseil, s'en est rapporté à justice sur le principe de sa détention, mais a conclu à ce que la durée de celle-ci ne dépasse pas deux mois, en application du principe de proportionnalité. Une telle durée apparaissait en soi suffisante pour, le cas échéant, permettre son refoulement au moyen du vol spécial évoqué par le commissaire de police.

25) Par jugement du 30 novembre 2020, le TAPI a confirmé l'ordre de détention pour une durée de trois mois, à savoir jusqu'au 26 février 2021.

Au vu des informations apportées par le commissaire de police, à savoir que l'espace aérien nigérian était à nouveau ouvert et les liaisons aériennes entre la Suisse et cet État avaient repris, le transfert de M. A______ à destination de son pays d'origine apparaissait possible à brève échéance, soit dès le 18 décembre 2020. Le motif ayant conduit à sa libération le 3 septembre 2020 avait ainsi disparu, ce qui permettait à nouveau la détention administrative, afin d'assurer l'exécution de la mesure d'expulsion dont il faisait l'objet.

Compte tenu de sa condamnation pour infraction grave à la LStup et du fait qu'il avait violé la mesure d'assignation au territoire, sa détention reposait sur les art. 75 al. 1 let. b et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI. Il avait quitté le foyer dans lequel il était logé pour se fondre dans la clandestinité dès le 12 novembre 2020 et se livrer à nouveau au trafic de stupéfiants, ce qui montrait clairement qu'il n'entendait pas obtempérer aux décisions prises à son égard. Il y avait lieu de penser que, s'il devait être libéré, il ne respecterait pas les instructions de l'autorité lorsqu'elle lui ordonnerait de monter à bord de l'avion devant le reconduire dans son pays, ce d'autant plus qu'il était toujours opposé à y retourner. Il pourrait à nouveau être amené à disparaître dans la clandestinité, situation visée par le motif de détention prévu par l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI.

L'assurance de son départ effectif de Suisse s'inscrivait dans le cadre des obligations internationales de la Suisse (cf. not. art. 3 ch. 3 de la directive 2008/115/CE du parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, reprise par la Suisse dans le cadre du développement de l'acquis de Schengen -Directive sur le retour - RO 2010 5925), étant rappelé que les autorités suisses devaient s'assurer du fait qu'il quitte effectivement le territoire à destination de son pays d'origine (cf. not. art. 8 par. 6 de la Directive sur le retour et 15f de l'ordonnance sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers du 11 août 1999 - OERE - RS 142.281).

Enfin, il était manifeste qu'aucune autre mesure moins incisive que la détention n'apparaissait envisageable pour garantir sa présence jusqu'à l'exécution de son refoulement. La détention respectait ainsi le principe de la proportionnalité.

26) Par acte expédié le 10 décembre 2020, M. A______ a recouru à la chambre administrative contre ce jugement, dont il a demandé l'annulation. Il a conclu à sa mise en liberté immédiate et au constat de la violation des art. 3 CEDH et 12 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10).

À sa connaissance, aucun laissez-passer n'avait été établi en sa faveur. M. A______ étant en isolement, son avocate formait recours en faisant une gestion d'affaires sans mandat, n'ayant pas pu s'entretenir avec son client. Ce dernier était placé en quarantaine en raison du fait qu'un détenu avait été testé positif au Covid-19. Il était incompréhensible que la pandémie ne soit pas maîtrisée au sein de l'établissement de Frambois. Un détenu porteur du virus de Covid-19 avait été transféré de l'établissement de Favra à celui de Frambois. Son client vivait dans la crainte de tomber malade. Les mesures prises par l'établissement de Frambois étaient insuffisantes pour protéger sa santé. Il s'agissait déjà de la deuxième vague de Covid-19 au sein de cet établissement. L'art. 3 CEDH étant violé, elle concluait à la mise en liberté immédiate de son client. Une assignation territoriale préserverait la santé de celui-ci.

Par ailleurs, compte tenu de la quarantaine, son client n'avait pas pu s'entretenir avec elle depuis le prononcé du jugement, ce qui violait l'art. 12 al. 1 LaLEtr.

Enfin, le principe de la proportionnalité n'avait pas été respecté. Les autorités n'étaient pas en possession d'un document de voyage, et rien ne permettait de penser que tel serait le cas le 16 décembre 2020, date pour laquelle une place avait été réservée en faveur de son client dans un vol. Aucun échec de renvoi n'avait eu lieu. Compte tenu de ces circonstances, seule une prolongation de détention d'un mois pourrait entrer en ligne de compte.

27) Le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

Les autorités nigérianes avaient délivré un laissez-passer le 15 décembre 2020, pour le vol du 16 décembre 2020 à 22h45. La quarantaine du recourant avait été levée le 11 décembre 2020. Par ailleurs, les personnes placées en détention auprès de l'établissement de Frambois étaient désormais toutes placées en quarantaine pendant dix jours. L'art. 3 CEDH n'avait pas été violé ; la chambre administrative avait déjà examiné ce grief. Enfin, si le recourant coopérait, il recouvrerait sa liberté le 16 décembre 2020, dans son pays. S'il devait s'opposer à son refoulement, il conviendrait de laisser le temps aux autorités pour organiser un vol spécial. La durée de la détention de trois mois respectait le principe de la proportionnalité.

28) Par courrier spontané du 17 décembre 2020, le commissaire de police a informé la chambre de céans de ce que M. A______ avait refusé de monter à bord de l'avion la veille. Il avait été inscrit pour un vol spécial. Celui-ci aurait lieu au mois de mars 2021. Cette communication a immédiatement été transmise à l'avocate du recourant.

29) Dans sa duplique, cette dernière a rappelé qu'elle n'avait pas pu s'entretenir avec son client avant le dépôt du recours.

Par ailleurs, les données personnelles figurant sur le laissez-passer du 15 décembre 2020 ne correspondaient pas à celles produites dans le cadre de la procédure A/1654/2020. Le nom du père du recourant n'était pas le même et sa date de naissance n'y figurait pas. L'établissement de l'identité du recourant était inexacte.

30) Par duplique spontanée, le commissaire de police a relevé qu'il suffisait qu'il existait un laissez-passer, ce qui permettait l'exécution du renvoi. Cette communication a immédiatement été transmise à l'avocate du recourant.

31) Par courrier du 18 décembre 2020, la chambre de céans a informé celle-ci que, selon les informations qui lui avaient été communiquées, le recourant ne se trouvait plus en quarantaine. Afin qu'elle puisse s'entretenir avec lui avant que la cause soit gardée à juger, un délai au 22 décembre 2020 lui était imparti pour formuler d'éventuelles observations complémentaires.

32) Par pli du 21 décembre 2020, le recourant a fait savoir qu'il n'avait pas d'autres remarques à formuler.

33) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 14 décembre 2020 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

En outre, à teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l'étranger (al. 3 1ère phr.).

3) Dans un premier grief, le recourant se plaint de ce qu'il n'a pas pu avoir accès à son avocate à la suite de la réception du jugement.

a. Aux termes de l'art. 12 al. 1 LaLEtr, dès son assignation territoriale, sa mise en rétention ou sa mise en détention, l'étranger a le droit d'être assisté ou représenté par un avocat, ou un autre mandataire professionnellement qualifié, avec lesquels il doit pouvoir prendre contact, s'entretenir et correspondre librement et sans témoin.

b. En l'espèce, la mise en quarantaine du recourant a rendu impossible le fait pour celui-ci de s'entretenir avec son avocate à la suite du prononcé du jugement querellé. Cela étant et comme le relève le commissaire de police, le conseil du recourant pouvait correspondre avec son client, par le truchement d'un traducteur, d'une part. D'autre part, pendant la procédure de recours devant la chambre de céans, la mesure de quarantaine a été levée et un délai complémentaire a été imparti au recourant afin de faire valoir toute observation après avoir pu discuter de vive voix avec son conseil. Enfin, si le recourant n'avait pas souhaité ratifier le recours formé par son avocate, qui a agi conformément à son devoir de diligence, il pouvait retirer le recours après avoir eu l'occasion d'en parler avec son conseil.

Au vu de ce qui précède, le recourant a eu l'occasion au cours de la procédure de recours devant la chambre de céans de s'entretenir avec son avocate. Ses droits prévus à l'art. 12 al. 1 LaLEtr ont donc été respectés.

4) Dans son deuxième grief, le recourant se plaint de la quarantaine qu'il a subie, et ainsi de ses conditions de détention, en se prévalant de l'art. 3 CEDH.

a. Selon l'art. 3 CEDH, nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

L'art. 3 CEDH fait peser sur les autorités une obligation positive qui consiste à s'assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine et que les modalités d'exécution de la mesure en cause ne soumettent pas l'intéressé à une détresse ou à une épreuve d'une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention (ACEDH Enoaie c. Roumanie du 4 novembre 2014, req. n° 36513/12, § 46 ; Kuda c. Pologne [GC] du 26 octobre 2000, req. n° 30210/96, rec. 2000-XI, § 94).

b. Les exigences qui pèsent sur l'État concernant l'état de santé d'un détenu peuvent être différentes s'il s'agit d'une contamination avec une maladie transmissible (ACEDH Flöp c. Roumanie du 24 juillet 2012, req. n° 18999/04, § 34 ; Ghavtadze c. Géorgie du 3 mars 2009, req. n° 23204/07, § 86, dans lesquels les requérants alléguaient avoir contracté la tuberculose en prison) ou d'une maladie non transmissible (ACEDH Iamandi c. Roumanie du 1er juin 2010, req. n° 25867/03, § 65, dans lequel le requérant souffrait de diabète). La CourEDH estime que la propagation des maladies transmissibles et, notamment, de la tuberculose, de l'hépatite et du VIH/SIDA devrait constituer une préoccupation de santé publique majeure, surtout dans le milieu carcéral. À ce sujet, la CourEDH estime qu'il serait souhaitable que, avec leur consentement, les détenus puissent bénéficier dans un délai raisonnable après leur admission en prison de tests gratuits de dépistage concernant les hépatites et le VIH/SIDA (ACEDH Eugen Micu c. Roumanie du 5 janvier 2016, req. n° 55104/2013, § 56).

c. Ainsi, le manque de soins médicaux appropriés, et, plus généralement, la détention d'une personne malade dans des conditions inadéquates, peuvent en principe constituer un traitement contraire à l'art. 3 CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 6B_504/2020 du 17 septembre 2020 consid. 3.1 et les ACEDH cités).

d. En l'espèce, la chambre de céans a déjà jugé que la quarantaine subie dans un établissement de détention administrative n'emportait pas violation de l'art. 3 CEDH (ATA/1225/2020 du 2 décembre 2020). Le recourant ne fait valoir aucun élément objectif permettant de penser qu'en cas de maladie, il n'aurait pas pu bénéficier d'un suivi médical adéquat. Par ailleurs, dès que le codétenu du recourant, qui a contracté le virus de Covid-19, a été testé positif, le centre de détention a pris les mesures recommandées en plaçant en quarantaine toutes les personnes ayant été en contact avec ledit détenu, donc également le recourant. Cette manière de faire correspond aux exigences de sécurité sanitaire actuellement préconisées (www.bag.admin.ch/bag/fr). En outre, elle a permis d'éviter une propagation du virus au sein de l'établissement. En tout cas, le recourant n'est pas tombé malade en détention.

Il résulte de ce qui précède que les conditions de détention ne contreviennent pas à l'art. 3 CEDH.

5) Dans son dernier grief, le recourant conteste que le principe de la proportionnalité soit rempli.

a. À juste titre, il ne remet pas en cause que sa détention repose sur une base légale. En vertu de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l'art. 75 al. 1 LEI, après notification d'une décision de première instance d'expulsion au sens de la LEI ou des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, notamment si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire à son renvoi ou à son expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer ou si son comportement permet de conclure qu'elle refuse d'obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4), mettre en détention la personne concernée, notamment si elle a été condamnée pour crime (art. 75 al. 1 let. h LEI). Les chiffres 3 et 4 de l'art. 76 LEI décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

b. En l'espèce, les conditions d'une détention administrative sont remplies, notamment vu la condamnation du recourant pour crime, ainsi qu'en raison du risque de fuite découlant de son refus répété de quitter la Suisse pour son pays d'origine et son retour en Suisse après un renvoi en 2017 et 2018. Il ne conteste d'ailleurs pas que les conditions des art. 75 al. 1 let. h et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI et art. 75 al.1 let. b et 76 al. let. b ch. 1 LEI sont remplies. Enfin, compte tenu du fait qu'il a quitté le foyer qui l'hébergeait, a violé l'assignation territoriale et s'est à nouveau adonné au trafic de stupéfiants, il y a lieu de craindre qu'il disparaisse à nouveau dans la clandestinité, de sorte que les conditions de l'art. 76 ch. 3 et 4 LEI fondent également la détention.

c. La détention administrative, qui porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH doit respecter le principe de la proportionnalité.

Ce principe, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst. se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé - de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

Conformément à l'art. 76 al. 4 LEI, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder. Dans ce cadre, il n'importe pas de s'assurer de la véritable nationalité de l'intéressé. Il suffit de constater que les autorités du pays de renvoi ont délivré et sont toujours disposées à délivrer un laissez-passer au nom de l'intéressé, ce qui permettra d'exécuter le renvoi à destination dans un délai raisonnable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2018 du 5 juillet 2018 consid. 6.1).

d. En l'espèce, on ne peut suivre le recourant lorsqu'il tente de faire valoir qu'une mesure moins incisive que la détention permettrait de sauvegarder le but recherché par la mesure. Il a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales et est revenu en Suisse à deux reprises, malgré une interdiction d'entrée, et a violé l'assignation territoriale.

Par ailleurs, depuis sa détention administrative, les autorités compétentes ont entrepris avec célérité les démarches nécessaires. Elles ont identifié la nationalité du recourant, réservé un vol et accompli les démarches ayant abouti à l'octroi, par deux fois, d'un laissez-passer en sa faveur. Les autorités nigérianes ont reconnu le recourant comme ressortissant nigérian et rien n'indique qu'elles ne seraient pas disposées à établir, une nouvelle fois, un laissez-passer. L'indication prétendument erronée du nom du père du recourant sur ce document et l'absence de mention de sa date de naissance ne permettent pas de conclure à l'absence de validité du laissez-passer. Celui-ci comporte, en effet, la photographie du recourant, ce qui permet de s'assurer que le laissez-passer le concerne, et émane de l'autorité nigériane compétente pour l'émettre. En outre, la réservation pour une place dans un vol spécial a été effectuée immédiatement après le refus du recourant de monter à bord du vol du 16 décembre 2020. Enfin, selon les indications du commissaire de police, dont rien ne permet de douter, une place à bord d'un vol spécial devrait être disponible au plus tard au mois de mars 2021.

Partant, il apparaît au vu de ces éléments que l'exécution du renvoi pourra avoir lieu dans un délai raisonnable.

En outre, aucune autre mesure, moins incisive que la mise en détention administrative, n'est apte à garantir la présence du recourant lors de l'exécution du renvoi, celui-ci ayant clairement affirmé sa volonté de ne pas être renvoyé dans son pays d'origine, le Nigéria, volonté qui s'est encore manifestée récemment lorsqu'il a refusé de monter à bord du vol du 16 décembre 2020.

La détention est en conséquence apte à atteindre le but voulu par le législateur, s'avère nécessaire compte tenu de l'attitude adoptée par le recourant et proportionnée au sens étroit, dès lors que conformément à la jurisprudence, si l'intérêt du recourant est grand à ne pas être renvoyé, l'intérêt public au respect des décisions de justice doit primer. La détention est en conséquence proportionnée.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

6) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA) et, vu l'issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 décembre 2020 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 novembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Magali Buser, avocate du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :