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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2574/2020

ATA/1347/2020 du 22.12.2020 ( AIDSO ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

 

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2574/2020-AIDSO ATA/1347/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 décembre 2020

 

 

 

dans la cause

 

Madame A______

Contre

 

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES



EN FAIT

1) Faisant suite à des demandes de prestations d'aide sociale datées du 3 octobre 2019, puis de prestations complémentaires du 17 octobre 2019 formées par Madame A______, née le ______1955, le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) a, par décisions du 27 janvier 2020, refusé un droit auxdites prestations pour le passé et dès le 1er février 2020, les dépenses reconnues étant entièrement couvertes par le revenu déterminant.

2) Le 11 février 2020, Mme A______ a formé opposition contre « cette » décision.

Son revenu pour l'année 2019 était moins élevé que celui pris en compte dans les calculs du SPC. À l'appui de ses dires, elle produisait la copie de sa déclaration d'impôts 2019 et les documents soumis à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC).

3) Le SPC lui a répondu le 24 février 2020 qu'il procédait à un nouvel examen de son dossier.

4) Par courrier du 19 mars 2020 au SPC, Mme A______ a demandé à ce qu'il lui soit indiqué si ses frais d'abonnement aux transports publics genevois (TPG) et ses « frais de Serafe » (Organe suisse de perception de la redevance de radio-télévision : ci-après : Serafe) lui seraient remboursés.

5) Le 18 août 2020, le SPC a rendu deux décisions sur opposition distinctes, en matière de prestations complémentaires, respectivement de prestations d'aide sociale.

Aux termes de la première, le SPC a relevé que le droit aux prestations complémentaires n'était « cependant toujours pas ouvert » en raison d'un dépassement des barèmes. Sur la base des arguments développés et des pièces produites dans le cadre de l'opposition, le SPC avait corrigé le montant des gains de Mme A______, de même que ceux de sa partenaire, Madame B______. Le gain estimé pris en compte pour cette dernière avait été adapté en conséquence, de même que le montant de l'épargne de Mme A______ au 1er janvier 2020. Les rectificatifs ainsi entrepris et tels que figurant dans les plans de calcul joints en annexe n'ouvraient pas le droit aux prestations complémentaires.

Sur la base de ces mêmes correctifs, avec la précision que le gain potentiel (de sa conjointe) n'était pas pris en compte pour les prestations d'aide sociale, le SPC a, aux termes de la seconde de ces décisions, sur la base des éléments figurant dans les plans de calcul joints en annexe (qui seront repris dans la partie en droit dans la mesure nécessaire au traitement du litige) considéré que Mme A______ avait droit à une prestation financière d'aide sociale mensuelle de CHF 13.- à compter du 1er octobre 2019, de sorte qu'un montant rétroactif de CHF 143.- lui serait versé avec le montant dû pour le mois de septembre 2020.

6) Par acte posté le 27 août 2020, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre « la décision présentée dans le courrier du 18 août 2020 ».

Le revenu mensuel net du couple était moins élevé en 2020 qu'en 2019 et était composé de CHF 1'237.- correspondant à sa rente AVS, de CHF 456.35 correspondant à sa rente de 2ème pilier et de CHF 1'334.- correspondant au revenu moyen de sa partenaire. Le montant global de CHF 3'027.35 ne suffisait pas à couvrir la totalité de leurs dépenses comme le loyer, la redevance radio-TV, l'abonnement TPG, la nourriture, l'habillement, l'électricité, les frais de communication, l'assurance ménage etc.

Mme A______ demandait le réexamen de son dossier « afin d'obtenir un montant plus élevé que celui indiqué dans le courrier daté du 18 août 2020 ». Elle fournissait copie de quittances de l'employeur de Mme B______ (pour les mois de janvier à août 2020), les attestations de rentes AVS et de 2ème pilier et l'avis de taxation 2019, dont le détail sera repris ci-dessous dans la mesure nécessaire.

7) Dans sa réponse du 16 septembre 2020, le SPC a confirmé sa décision rendue en matière de prestations d'aide sociale et a conclu au rejet du recours. Mme A______ n'invoquait aucun argument susceptible de conduire à une appréciation différente de sa situation.

8) Mme A______ n'a pas exercé son droit à la réplique et la cause a été gardée à juger le 8 octobre 2020.

9) Le juge délégué de la chambre de céans a toutefois, par courrier du 1er décembre 2020, sollicité des informations complémentaires auprès du SPC s'agissant de l'annualisation du revenu de Mme A______ et de sa compagne.

10) Par courrier du 10 décembre 2020, le SPC lui a répondu que dans le cas particulier de Mme A______, un revenu fictif au titre de « gain potentiel estimé » avait été pris en compte dans le calcul des prestations complémentaires AVS/AI. Dans cette logique, les prestations financières d'aide sociale étaient déterminées sur le même modèle que celui prévalant pour le calcul des prestations complémentaires AVS/AI. Ce mode de calcul résultait « du reste » également des contraintes informatiques propres au système informatique utilisé par le SPC. C'était la raison pour laquelle le SPC avait, dans la décision querellée, calculé les prestations en cause en se fondant sur des revenus et dépenses annualisés. La pratique du SPC était donc en ce sens différente de celle de l'hospice général (ci-après : l'hospice).

11) La cause a derechef été gardée à juger le 15 décembre 2020.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 3 al. 2 et 52 de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04), ATA/166/2020 du 11 février 2020 consid. 3d).

2) a. Selon l'art. 65 al. 1 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions de la personne recourante. En outre, il doit contenir l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose la personne recourante doivent être jointes. À défaut, un bref délai pour satisfaire à ces exigences est fixé à la personne recourante, sous peine d'irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions de la personne recourante. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est pas en soi un motif d'irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins de la personne recourante. Une requête en annulation d'une décision doit par exemple être déclarée recevable dans la mesure où la personne recourante a de manière suffisante manifesté son désaccord avec la décision, ainsi que sa volonté qu'elle ne développe pas d'effets juridiques (ATA/721/2020 du 4 août 2020 consid. 2b).

c. En l'occurrence, le recours ne contient pas de conclusions formelles en annulation de la décision sur opposition du SPC du 18 août 2020. On comprend toutefois de l'acte de recours que la recourante est en désaccord avec la décision lui octroyant une aide sociale d'un montant mensuel de CHF 13.-, dont elle souhaite qu'il soit supérieur compte tenu des revenus et des charges qu'elle expose.

Le recours est ainsi recevable de ce point de vue également.

3) a. Aux termes de l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

b. L'art. 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst - GE - A 2 00) reprend ce principe en prévoyant que toute personne a droit à la couverture de ses besoins vitaux afin de favoriser son intégration sociale et professionnelle.

c. En droit genevois, la LIASI et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent ces dispositions constitutionnelles.

d. Si l'hospice est le principal organe d'exécution de la LIASI (art. 3 al. 1 LIASI), il n'est pas le seul puisque le SPC gère et verse les prestations d'aide sociale pour certaines personnes, notamment celles en âge AVS, au bénéfice d'une rente de l'assurance-invalidité ou au bénéfice de prestations complémentaires familiales (art. 3 al. 2 LIASI), ce qu'il fait pour le compte de l'hospice (arrêt du Tribunal fédéral 8C_1041/2012 du 11 juillet 2013 consid. 1.2).

Lorsque la décision contestée émane du SPC, ce dernier statue sur opposition, décision qui ouvre la voie au recours par-devant la chambre administrative. Cette pratique, bien que non conforme à la lettre de l'art. 51 al. 1 LIASI, qui ne mentionne que l'hospice comme possible auteur de la décision sur opposition, est éprouvée (ATA/664/2018 du 26 juin 2018 consid. 5d et 6 ; exemples notamment dans les ATA/10/2020 du 7 janvier 2020 ; ATA/375/2018 du 24 avril 2018 ; ATA/333/2018 du 10 avril 2018 ; ATA/1147/2017 du 2 août 2017 ; ATA/411/2010 du 15 juin 2010), et le Tribunal fédéral ne l'a jamais censurée (arrêts du Tribunal fédéral 9C_816/2015 du 22 mars 2016 consid. 3 ; 8C_1041/2012 précité).

e. La LIASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI), ainsi que de soutenir les efforts des bénéficiaires de la loi à se réinsérer sur le marché du travail et dans la vie sociale en général. Elle vise aussi à garantir à ceux qui se trouvent dans la détresse matérielle et morale des conditions d'existence conformes à la dignité humaine (art. 1 al. 2 LIASI). Ses prestations sont fournies notamment sous forme de prestations financières (art. 2 let. b LIASI), qui sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI).

La LIASI prévoit trois barèmes d'aide financière différents, soit l'aide financière ordinaire (art. 11 al. 1 et 21 ss LIASI ; chapitre I RIASI), l'aide financière exceptionnelle (art. 11 al. 4 LIASI ; chapitre II RIASI) et l'aide d'urgence (art. 45 LIASI ; chapitre VI RIASI).

f. Ont droit à des prestations ordinaires d'aide financière instaurées par l'art. 2 let. b LIASI, les personnes majeures (art. 8 al. 1 LIASI), ayant leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (art. 11 al. 1 let. a LIASI), qui ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ou à celui des membres de leur famille dont elles ont la charge (art. 11 al. 1 let. b LIASI) et répondent aux autres conditions de la loi (art. 11 al. 1 let. c LIASI), soit aux art. 21 à 28 LIASI.

4) a. Selon l'art. 21 al. 1 LIASI, ont droit aux prestations d'aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n'atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par le RIASI. À teneur de l'al. 2, font partie des besoins de base notamment le forfait pour l'entretien fixé par règlement du Conseil d'État (let. a) et le loyer ainsi que les charges ou, si le demandeur est propriétaire de sa demeure permanente, les intérêts hypothécaires, dans les limites fixées par règlement du Conseil (let. b).

b. L'art. 22 LIASI prévoit que sont pris en compte les revenus et les déductions sur le revenu prévus aux art. 4 et 5 de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06), sous réserve des exceptions figurant aux al. 2 et 3, non applicables en l'espèce (al. 1). Sont assimilées aux ressources de l'intéressé celles des membres du groupe familial (al. 6).

c. Le socle du RDU comprend l'ensemble des revenus au sens de la LIPP notamment (art. 4 al. 1 LRDU). Les déductions sont exhaustivement mentionnées à l'art. 5 LRDU (ATA/540/2014 du 17 juillet 2014 consid. 3) et ont notamment trait aux frais professionnels au sens de l'art. 29 al. 1 et 2 LIPP et aux frais de formation et de perfectionnement à des fins professionnelles, frais de reconversion compris, au sens et dans la limite de l'art. 36B LIPP (art. 4 al. 1 let. d LRDU) ainsi que les frais médicaux et dentaires à charge, pour la part qui dépasse 5 % du revenu net calculé selon la LRDU (art. 4 al. 1 let. h LRDU). Le Conseil d'État définit par règlement les déductions pour lesquelles un coefficient ou un forfait est pris en compte dans le cadre de l'actualisation d'éléments composant le socle du RDU (art. 5 al. 2 LRDU). Tel est le cas des frais professionnels et des frais de formation et de perfectionnement à des fins professionnelles, frais de reconversion compris, qui sont fixés par le département chargé des politiques sociales, en fonction des calculs effectués par l'AFC ; art. 6 al. 2 let. b et al. 3 du règlement d'exécution de la LRDU du 27 août 2014 - RRDU - J 4 06.01).

5) En l'espèce, le SPC a tenu compte, au titre de revenu annualisé déterminant pour le calcul des prestations d'aide sociale du 1er août au 31 décembre 2019, puis à compter du 1er janvier 2020, d'un montant total de CHF 35'731.00, composéde la rente AVS de la recourante à hauteur de CHF 14'844.-, de sa rente de 2ème pilier de CHF 5'476.20, des revenus de sa compagne à hauteur de CHF 15'411.- et d'une épargne nulle. Au titre de dépenses reconnues, il a retenu des « Besoins/forfait » de CHF 22'080.-, ainsi qu'un loyer, charges comprises, de CHF 13'800.-.

Il ne ressort pas des documents produits devant la chambre de céans que le revenu déterminant du couple serait pour l'année 2020 moindre que celui retenu par le SPC. Les rentes AVS et LPP de la recourante s'avèrent inchangées et le revenu mensuel de sa compagne, versé via Chèque service, varie en 2020 entre CHF 1'100.- et 1'500.-, de sorte qu'annualisé il correspond aux CHF 15'411.- retenus par le SPC pour la période courant dès le 1er février 2020. La recourante ne critique pas le montant retenu aux titres de dépenses reconnues, mais l'annualisation des revenus de sa compagne.

Ainsi, dans la mesure où lesdits revenus varient mensuellement entre CHF 1'100.- et CHF 1'500.-, il en résulterait que certains mois, la recourante pourrait prétendre à davantage qu'aux CHF 13.- retenus par le SPC.

La recourante doit être suivie dans son raisonnement, la mensualisation des revenus et charges étant expressément prévue à l'art. 21 al. 1 LIASI. C'est au demeurant la pratique, conforme à la loi, de l'hospice qui est généralement l'instance qui verse les prestations en cause. Aussi, quand bien même il est certain que l'exigence d'une détermination mensuelle des critères à prendre en considération est plus contraignante pour l'autorité, il n'en demeure pas moins qu'elle est ancrée dans la loi, étant relevé que les contraintes informatiques propres au système du SPC ne justifient pas que ce dernier s'en affranchisse.

Le recours est partant fondé, de sorte que la décision attaquée sera annulée et le dossier renvoyé au SPC pour nouvelle décision dans le sens des présents considérants.

6) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure à la recourante qui n'a pas encouru de frais pour sa défense et n'y a pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 août 2020 par Madame A______ contre la décision sur opposition du service des prestations complémentaires du 18 août 2020 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision sur opposition du service des prestations complémentaires du 18 août 2020 ;

renvoie la cause au service des prestations complémentaires pour nouvelle décision dans le sens des considérants du présent arrêt ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'au service des prestations complémentaires.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :