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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3389/2020

ATA/1281/2020 du 15.12.2020 ( PROC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3389/2020-PROC ATA/1281/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 décembre 2020

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Mes Romain Jordan et Thomas Barth, avocats

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE

et

COUR DE JUSTICE - CHAMBRE ADMINISTRATIVE



EN FAIT

1) Le 17 septembre 2015, le Grand Conseil a adopté la loi sur l'instruction publique (LIP - C 1 10), dont l'art. 59, situé dans les dispositions relatives au degré primaire, avait la teneur suivante : « Les directeurs d'établissement consacrent une partie de leur temps de travail à l'enseignement ». Ladite loi a été promulguée par arrêté du 11 novembre 2015, publié le surlendemain.

2) Le 11 décembre 2015, l'association genevoise des directeurs d'établissements primaires (ci-après : AGDEP) et deux directeurs d'établissement, tous trois représentés par les mêmes avocats que ceux mandatés par Madame  A______, ont recouru à la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) contre l'art. 59 LIP.

3) La nouvelle LIP est entrée en vigueur le 1er janvier 2016, excepté son art. 59, la chambre constitutionnelle ayant accordé l'effet suspensif au recours.

4) Par arrêt du 19 mai 2016 (ACST/6/2016), la chambre constitutionnelle a rejeté le recours précité. Cet arrêt a fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral (2C_589/2016), lequel a refusé de restituer l'effet suspensif.

5) Par décision du 21 décembre 2016, déclarée exécutoire nonobstant recours, la direction générale de l'enseignement obligatoire (ci-après : DGEO) du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : le département) a informé Mme A______, directrice d'établissement primaire à Genève, que son cahier des charges modifié prendrait effet au 1er janvier 2017.

6) Par acte du 30 décembre 2016, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision.

7) Le 8 février 2017, la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l'effet suspensif au recours et a prononcé la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé au Tribunal fédéral dans la cause 2C_589/2016.

8) Le 8 mars 2017, le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la cause 2C_589/2016.

9) À la demande de la chambre de céans, les conseils de Mme A______ ont défini trois dossiers « pilote », dont la présente cause ne faisait pas partie, parmi les trente-six dossiers des directeurs d'établissement primaire ayant valablement recouru et qu'ils représentaient. L'instruction de ces trois dossiers a été reprise, tandis qu'elle est restée suspendue pour toutes les causes « non-pilote ».

10) Par arrêts du 24 avril 2018, la chambre administrative a déclaré irrecevables les recours dans les trois « causes pilote ».

11) Le Tribunal fédéral a, le 21 février 2019, admis les trois recours interjetés contre les arrêts précités et renvoyé les « causes pilote » à la chambre administrative pour nouvelle décision.

12) Une audience de comparution personnelle s'est tenue dans chacune des trois causes pilote.

13) Le 12 février 2020, les parties ont sollicité la suspension de la procédure, en lien avec l'examen par le Grand Conseil, d'un projet de loi visant à l'abrogation de l'art. 59 LIP.

14) Le 17 février 2020, la chambre administrative a prononcé la suspension des trois procédures des dossiers pilote.

15) Lors de sa séance du 27 février 2020, le Grand Conseil a adopté la loi 12'315 « Pour rétablir une égalité de traitement des directeurs d'établissement » abrogeant l'art. 59 LIP, qui est entrée en vigueur le 4 juillet 2020.

16) Le 9 mars 2020, le département a informé la chambre administrative que le Grand Conseil avait abrogé l'art. 59 LIP, de sorte que le recours de chacun des directeurs et directrices était devenu sans objet.

17) À la demande des recourants, la chambre administrative a prononcé la reprise des trente-six procédures. Les parties se sont exprimées sur la suite de la procédure et la question des frais et indemnités. Les recourants ont conclu à une indemnité de procédure, dans chacune des causes « non-pilote », de CHF 2'423.- et de CHF 11'146.95 pour chacune des trois causes pilote.

18) Par trente-six arrêts du 22 septembre 2020, la chambre administrative a rayé les causes du rôle. Aucun émolument n'était perçu. Des indemnités de, respectivement, CHF 300.- pour chacune des causes non pilote et CHF 2'000.- pour chacune des trois causes pilote étaient octroyées.

En chiffrant l'indemnité de procédure à CHF 2'423.- pour l'ensemble de la procédure devant la chambre de céans, les recourants perdaient de vue que, de jurisprudence constante, ladite indemnité ne constituait qu'une participation aux honoraires d'avocat. Le montant de CHF 300.- tenait compte en particulier de l'acte de recours par lequel les recourants avaient repris les arguments précédemment développés par les mêmes mandataires devant la chambre constitutionnelle dans le cadre du contrôle abstrait de l'art. 59 LIP ayant donné lieu à l'ACST/6/2016 ainsi que leurs écritures dans les causes pilote. La procédure était restée suspendue de février 2017 à juillet 2020, ce qui n'avait nécessité aucun travail de la part des mandataires dans les causes non pilote, et que les recourants avaient obtenu gain de cause du fait de l'abrogation, par le Grand Conseil, de l'art. 59 LIP, ce qui avait rendu les recours sans objet. Il ne se justifiait pas non plus d'octroyer une indemnité d'un montant supérieur, au regard des différentes causes non-pilote, dont l'objet était strictement identique.

Aucun émolument n'était mis à la charge des recourants pour la procédure devant la chambre de céans.

19) a. Le 23 octobre 2020, les trente-six directrices et directeurs ont formé réclamation contre les indemnités précitées.

b. Mme A______ a conclu « sous suite de frais et dépens, à ce que celle-ci soit fixée à CHF 2'423.- toutes taxes comprises ».

Elle avait obtenu gain de cause dans l'arrêt du 22 septembre 2020. Elle développait différents arguments qui seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

Il y avait lieu de différencier la situation des recourants ayant fait l'objet des causes pilote de celle des autres dont les causes, bien qu'ayant fait l'objet de la rédaction d'un acte de recours et des opérations liées à la prise en charge de leur affaire, n'avaient pas été instruites.

20) Les recourants détaillaient l'activité déployée dans les trente-six dossiers :

a. S'agissant du « tronc commun » d'activités applicables à chacune des causes pendantes, en marge de la préparation du recours, il se définissait comme suit :

- prise de connaissance de la décision attaquée, rendue le 21 décembre 2016 : trente minutes ;

- examen du dossier individuel, particularités : une heure ;

- correspondances et entretiens avec la partie recourante : une heure (six correspondances en moyenne) ;

- individualisation des recours, rédaction juridique, vacation : une heure ;

Il en découlait un total intermédiaire de trois heures trente d'activités pour chacune des causes, instruites ou non.

b. Dans le cadre de la procédure devant la chambre administrative, des activités avaient été rassemblées pour toutes les causes et devaient être donc divisées sur chacune d'entre elles, soit :

- rédaction de la partie générale du recours, avant individualisation pour chacun des recourants, en urgence entre les Fêtes de fin d'année, avec envoi en date du 30 décembre 2016, vu la mise en oeuvre prévue au 1er janvier 2017 : vingt-cinq heures ;

- rédaction d'une requête en urgence auprès de la chambre administrative, afin qu'il lui soit possible de statuer en temps utile sur les mesures provisionnelles sollicitées (le 22 décembre 2016) : une heure ;

- examen des observations du département et les très nombreuses pièces produites : huit heures ;

- rédaction des écritures du 25 janvier 2017 : une heure ;

- conférences avec la présidence de l'AGDEP, interventions lors des assemblées générales (conférences avec les clients), notamment le 23 mars 2017 : quatre heures ;

- communications avec la présidence de l'association (largement plus de trois cents) : vingt-cinq heures.

Il en découlait un total intermédiaire de soixante-quatre heures d'activités collectives, soit une heure et trente-quatre minutes pour chacune des causes, instruites ou non.

c. Finalement, l'instruction des causes pilote devait être prise en compte :

- examen des observations du département du 23 mai 2017 : deux heures ;

- rédaction des écritures du 14 août 2017 : sept heures ;

- rédaction des écritures du 15 septembre 2017 : deux heures ;

- examen des observations du département du 28 septembre 2017 : deux heures ;

- rédaction des écritures du 15 novembre 2017 : deux heures ;

- audience de plaidoiries du 30 mars 2018, y compris préparation : quatre heures ;

- examen de l'arrêt - annulé - du 25 avril 2018 : une heure ;

- assistance aux audiences des 7 juin et 3 juillet 2019 : sept heures ;

- rédaction des écritures du 30 octobre 2019, avec un examen complet du dossier, coordination avec les clients pour les témoins à entendre : trois heures ;

- écritures depuis lors, notamment les réclamations : quatre heures ;

- échange de correspondance avec les parties recourantes, conférences et téléphones : vingt heures.

Il en découlait un total intermédiaire de cinquante-quatre heures d'activités collectives, soit dix-huit heures pour chacune des causes instruites.

d. Au tarif admis de CHF 450.- de l'heure, les indemnités suivantes devaient en conséquence être octroyées :

- causes non pilote : cinq heures à CHF 450.-, soit CHF 2'423.- toutes taxes comprises ;

- causes pilote : vingt-trois heures à CHF 450.-, soit CHF 11'146.95 toutes taxes comprises.

e. Il n'était pas justifié de réduire ces montants, étant rappelé la durée de la procédure laquelle, commencée le 30 décembre 2016, soit il y avait près de quatre ans, témoignait déjà en soi de l'importance de la cause et visait quarante et un directrices et directeurs de l'enseignement primaire à Genève, la nature technique des questions juridiques se posant (conditions de travail, normes de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, etc.), les quatre audiences tenues, le nombre conséquent d'écritures, le fait que la procédure avait connu un arrêt de renvoi du Tribunal fédéral et le résultat obtenu, à savoir que les recourants avaient eu gain de cause.

21) Le département a conclu au rejet de la réclamation. L'abrogation de
l'art. 59 LIP par le Parlement n'était pas due aux trente-six causes traitées par la chambre administrative. Si aucun recours n'avait été interjeté, le résultat aurait été le même. C'était en effet à Monsieur Olivier BAUD, enseignant, syndicaliste et député, ainsi qu'à neuf autres députés que revenaient les mérites de l'abrogation de l'art. 59 LIP. De surcroît, le département n'avait pas plus perdu la cause que la recourante ne l'avait gagnée. Le recours était devenu sans objet en raison de l'intervention des parlementaires et de l'abrogation de l'article précité. Trente-trois causes avaient été suspendues pendant trois ans et cinq mois. Les causes n'avaient par ailleurs pas de valeur litigieuse. Ainsi, les références faites à la jurisprudence du Tribunal fédéral qui concernaient une cause dont la valeur litigieuse était à CHF 4'000'000.-, étaient sans pertinence.

22) Dans le délai de quinze jours imparti à la recourante, avec la mention qu'il ne serait pas prolongé, celle-ci a sollicité une audience publique.

23) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

24) a. Le dossier de la procédure est composé, pour les trente-trois dossiers non pilotes, de :

- la décision litigieuse du 21 décembre 2016, identique dans tous les dossiers [deux pages et demi] ;

- un recours avec demande de restitution d'effet suspensif du 30 décembre 2016 [seize pages : une page de garde, cinq pages de faits, neuf pages de droit, une page de conclusions] ;

les recours sont identiques à l'exception du nom du recourant et de vingt lignes environ, décrivant brièvement le parcours professionnel du recourant, ses formations, les titres obtenus et la précision de l'établissement qu'il dirige ; le nom du recourant apparaît à quatre reprises supplémentaires pour indiquer, respectivement, qu'il cumule de nombreuses heures supplémentaires (point 9), qu'il a reçu un courrier à l'instar de tous les autres directeurs le 9 novembre 2016 (point 15), qu'il a demandé à pouvoir consulter son dossier (point 17) et qu'il est contraint de recourir (point 29) ;

- un courrier du département du 10 janvier 2017 en dix lignes sans mention des noms et la référence de toutes les causes pendantes ;

- un courrier du 11 janvier 2017 des recourants en treize lignes sans mention des noms des recourants ;

- la détermination du département sur effet suspensif du 19 janvier 2017 [dix pages], identique pour tous les recourants sous la réserve d'environ trente lignes relatives au parcours professionnel du recourant et de quelque sept mentions ultérieures nominatives du recourant ;

- un courrier des recourants du 25 janvier 2017 sans mention des recourants et avec la précision que, par souci de simplification, les remarques sont transmises dans un seul acte [trois pages] ;

- une décision du 8 février 2017 sur mesures provisionnelles et suspension de la procédure de la présidence de la chambre administrative, identiques pour tous les recourants sous réserve du premier paragraphe qui reprend le parcours professionnel de chacun et environ cinq mentions de leur nom dans la partie en fait [treize pages];

- une décision de reprise de la procédure du 2 juillet 2020 [deux pages] ;

- un arrêt de la chambre administrative du 22 septembre 2020 [dix pages], identiques pour tous les recourants sous réserve de la mention de leur nom à
dix-sept reprises dans le corps de l'arrêt ;

- huit correspondances de pure forme ayant servi à transmettre copie d'écritures ou impartir un délai, dont certaines concernent toutes les causes.

b. Les trois causes pilote contiennent principalement en sus :

- les observations du département du 23 mai 2017 [onze pages] ;

- la réplique des recourants du 14 août 2017 [trois pages] ;

- une correspondance des recourants du 15 septembre 2017 [trois pages] ;

- une correspondance du département du 28 septembre 2017 [quatre pages] ;

- des observations complémentaires des recourants le 15 novembre 2017 [deux pages et demi] ;

- le procès-verbal d'une audience de plaidoiries de 45 minutes le 20 mars 2018, commune aux trois causes ;

- un arrêt de la chambre administrative du 24 avril 2018 [dix-huit pages] ;

- les procès-verbaux d'audiences de comparution personnelle des parties, respectivement de 3h05 concernant les dossiers de Madame B______ et de Monsieur C______ le 7 juin 2019 de 8h30 à 11h35 et de 2h10 pour Madame D______ le 3 juillet 2019 (13h30 à 15h40) ;

- une décision de suspension de la procédure du 17 février 2020 [deux pages] puis de reprise de celle-ci le 30 mars 2020 [deux pages] ;

- une détermination du département du 7 juillet 2020 [3 pages] ;

- une réplique des recourants du 21 août 2020 détaillant l'activité des mandataires [4 pages] ;

- un arrêt de la chambre administrative du 22 septembre 2020 [treize pages] ;

- environ trente correspondances de pure forme portant principalement sur la communication d'écritures, la fixation de délais, l'octroi de prolongations de délais, des convocations aux audiences.


 

EN DROIT

1) La juridiction administrative qui rend la décision statue sur les frais de procédure et émoluments (art. 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Elle peut, sur requête, allouer à la partie ayant eu entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA).

Ces questions peuvent faire l'objet d'une réclamation dans le délai de trente jours dès la notification de la décision (art. 87 al. 4 LPA).

Adressée en temps utile à la chambre de céans, la présente réclamation est recevable.

2) La recourante sollicite préalablement une audience publique.

  a. L'art. 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) donne à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Sauf exceptions, cette disposition conventionnelle s'applique dans les contestations relatives aux employés publics, notamment lorsqu'elles portent sur un salaire, une indemnité ou d'autres droits de ce type (arrêt de la CourEdH  Vilho Eskelinen et autres contre Finlande du 19 avril 2007, Recueil CourEDH 2007-II p. 1 § 62, confirmé récemment par l'arrêt  Denisov contre Ukraine du 25 septembre 2018 § 52 ; arrêt 8C_318/2016 du 9 décembre 2016 consid. 2.1).  

Récemment la CourEDH a rappelé que l'art. 6 CEDH - en dehors des limitations expressément prévues par cette disposition - n'exige certes pas nécessairement la tenue d'une audience dans toutes les procédures. Cela est notamment le cas pour les affaires ne soulevant pas de question de crédibilité ou ne suscitant pas de controverse sur les faits qui auraient requis une audience, et pour lesquelles les tribunaux peuvent se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et d'autres pièces. Partant, on ne saurait conclure, même dans l'hypothèse d'une juridiction investie de la plénitude de juridiction, que la disposition conventionnelle implique toujours le droit à une audience publique, indépendamment de la nature des questions à trancher. D'autres considérations, dont le droit à un jugement dans un délai raisonnable et la nécessité en découlant d'un traitement rapide des affaires inscrites au rôle, entrent en ligne de compte pour déterminer si des débats publics sont nécessaires. La CourEDH a ainsi déjà considéré que des procédures consacrées exclusivement à des points de droit ou hautement techniques pouvaient remplir les conditions de l'art. 6 même en l'absence de débats publics (arrêt de la CourEdH  Mutu et Pechstein contre Suisse du 2 octobre 2018 § 177).  

Pour être en présence d'un droit ou d'une obligation de caractère civil au sens de l'art. 6 § 1 CEDH, il faut qu'il existe une « prétention », un « droit » découlant du système légal interne au sens large (FROWEIN/PEUKERT, EMRK-Kommentar, 3ème éd. 2009, n° 6 ad art. 6 CEDH). L'existence d'un droit subjectif est nié quand l'autorité agit de manière discrétionnaire. En effet, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, lorsque l'action des autorités relève de leur entière appréciation, l'art. 6 § 1 CEDH n'est pas applicable à cette procédure (cf. arrêt Mendel contre Suède du 7 avril 2009 § 44; JENS MEYER-LADEWIG, EMRK-Handkommentar, n° 11 ad art. 6 CEDH) (ATF 137 I 371 consid. 1.3.1 et les références citées)

b. En l'absence d'un droit à l'indemnité, au vu du pouvoir discrétionnaire de la chambre de céans en la matière (art. 87 al. 2 LPA), et compte tenu de l'objet du litige soit exclusivement la quotité de l'indemnité de procédure due à la recourante, la requête en tenue d'une audience publique sera écartée.

3) a. La juridiction administrative statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d'État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; ATA/581/2009 du 10 novembre 2009 et les références citées).

L'art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), intitulé « indemnité », prévoit que la juridiction peut allouer à une partie, pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d'un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.-.

b. La juridiction saisie dispose d'un large pouvoir d'appréciation également quant à la quotité de l'indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu'une participation aux honoraires d'avocat (ATA/334/2018 du 10 avril 2018 ; ATA/1484/2017 du 14 novembre 2017), ce qui résulte aussi, implicitement, de l'art. 6 RFPA dès lors que ce dernier plafonne l'indemnité à CHF 10'000.-. Enfin, la garantie de la propriété (art. 26 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) n'impose nullement une pleine compensation du coût de la défense de la partie victorieuse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_152/2010 du 24 août 2010).

4) Dans un premier grief, la recourante se plaint d'un défaut de motivation de l'arrêt sur la question du montant de l'indemnité de procédure allouée.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les décisions des tribunaux en matière de frais et dépens n'ont pas à être motivées, l'autorité restant néanmoins liée par le principe général de l'interdiction de l'arbitraire (ATF 114 Ia 332 consid. 2b ; 111 Ia 1).

En l'espèce, l'arrêt de la chambre administrative du 22 septembre 2020 relevait que le montant de l'indemnité tenait compte en particulier de l'acte de recours par lequel la recourante avait repris les arguments précédemment développés par ses mandataires devant la chambre constitutionnelle dans le cadre du contrôle abstrait de l'art. 59 LIP ayant donné lieu à l'ACST/6/2016 précité ainsi que leurs écritures dans les causes pilote. La procédure était restée suspendue de février 2017 à juillet 2020, ce qui n'avait nécessité aucun travail de la part de ses mandataires, et que la recourante avait obtenu gain de cause du fait de l'abrogation, par le Grand Conseil, de l'art. 59 LIP, ce qui avait rendu le recours sans objet. Il ne se justifiait pas non plus d'octroyer une indemnité d'un montant supérieur, au regard des différentes causes non-pilote, dont l'objet était strictement identique.

La décision contenait ainsi une motivation suffisante au vu des exigences jurisprudentielles.

Le grief est infondé.

5) La recourante conteste le montant de l'indemnité.

a. Elle conteste qu'il puisse être tenu compte de causes parallèles.

Cette pratique est toutefois conforme à celle du Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 4A_91/2010 du 29 juin 2010), lequel l'avait d'ailleurs appliquée entre les trois dossiers pilote en lien avec la présente problématique qui avaient abouti aux arrêts du 21 février 2019 (arrêts du Tribunal fédéral 8D_2/2018 consid. 8 ; 8D_3/2018 et 8D_4/2018).

b. La fixation des dépens implique une appréciation consciencieuse des critères qui découlent de l'esprit et du but de la réglementation légale (ATF 107 Ia 202 consid. 3 ; arrêts 1C_435/2015 du 17 septembre 2015 consid. 3 ; 1P.63/2005 du 22 mars 2005 consid. 3). Elle s'effectue en fonction des circonstances particulières de chaque cas d'espèce, tenant compte notamment de la nature et de l'importance de la cause, du temps utile que l'avocat lui a consacré, de la qualité de son travail, du nombre d'audiences auxquelles il a pris part, des opérations effectuées et du résultat obtenu (ATF 122 I 1 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_35/2016 du 21 avril 2017 consid. 6.2 ; 2C_825/2016 du 6 février 2017 consid. 3.1).

c. En l'espèce, la cause de la recourante s'inscrivait dans un contexte de trente-six procédures identiques, suite à trente-six décisions similaires de la DGEO du même jour. La problématique et les griefs soulevés par les trente-six recourants étaient en conséquence les mêmes.

Seules trois causes ont été instruites, les trente-trois autres étant suspendues à la demande des recourants. C'est en conséquence à juste titre que des décomptes différents ont été établis pour les trois causes pilote et les trente-trois autres. C'est de même à juste titre que le fait que les recourants aient mandaté deux conseils n'a pas été évoqué. Il ressort toutefois de l'analyse des prétentions des recourants les points suivants :

- les recourants ne peuvent être suivis sur le premier poste qu'ils allèguent, soit trente minutes de prise de connaissance pour chacune des trente-six décisions, dont le contenu est strictement identique. Les dix-huit heures de travail pour la lecture d'un document de deux pages et demi ne sont pas crédibles et doivent être réduites à une heure maximum pour l'entier des trente-six procédures ;

- de même, les second et quatrième postes apparaissent peu vraisemblables. Les quelque vingt lignes résumant les noms, prénoms, formations et parcours professionnels de chacun des directeurs, servant à individualiser les recours, ne peuvent avoir représenté un travail de deux heures par dossier, soit septante-deux heures au total avoisinant ainsi deux semaines de travail ; ce poste doit être réduit à trente minutes par dossier, une partie du travail étant du ressort du secrétariat ;

- le poste d'une heure par recourant dans les dossiers non pilote, pour des entretiens et des courriers doit être nuancé ; il est douteux que les trente-six recourants aient effectivement eu, chacun, plusieurs entretiens, comme allégué, avec leur conseil, compte tenu de la similarité entre les causes ; les correspondances adressées tout au long de la procédure à chaque directrice et directeur relève par ailleurs principalement d'un travail de secrétariat ;

- la rédaction du recours, chiffrée à vingt-cinq heures, à laquelle s'ajoute une heure d'une « requête en urgence », équivalent à trois jours entiers de travail pour seize pages, doit être fortement relativisée, les arguments invoqués étant pour très grande partie repris du recours précédemment déposé devant la chambre constitutionnelle ;

- l' « examen des observations et des nombreuses pièces produites par le département », de huit heures, doit de même être minimisé s'agissant, pour une large partie, de pièces connues, voire d'échanges de correspondance antérieurs entre les parties ;

- les conférences avec la présidence de l'AGDEP et les communications avec la présidence ne relèvent pas directement des causes concernées par la chambre administrative mais de la cause pendante devant la chambre constitutionnelle attachée au contrôle abstrait de la norme querellée. S'il ne doit pas être écarté, ce poste doit être fortement diminué ;

- les dix-huit heures alléguées par dossier pilote pour la préparation des audiences de comparution personnelle, préparation d'une liste de témoins, échanges avec le client prêtent moins le flanc à la critique, sous réserve principalement des sept heures nécessaires pour une écriture de trois pages, sans aucune complexité (réplique du 14 août 2017) et des vingt heures mentionnées au titre de « correspondances, conférences et téléphones » qui apparaissent élevés, au vu de la connexité des trois dossiers.

En conséquence, les heures alléguées ne peuvent être toutes qualifiées de « temps utile » à la procédure au sens de la jurisprudence.

La procédure a abouti à un arrêt rayant la cause du rôle, celle-ci étant devenue sans objet. Il ne peut pas être retenu que la recourante a obtenu gain de cause. Comme l'a mentionné l'arrêt querellé, la recourante a obtenu ce qu'elle demandait dans le cadre de son recours, par le biais de l'entrée en vigueur, le 4 juillet 2020, de la loi 12'315, abrogeant l'art. 59 LIP, sur laquelle le cahier des charges litigieux se fondait. Ce n'est en conséquence pas l'issue de la procédure judiciaire, mais une modification législative, qui a permis à la recourante d'obtenir la suppression des heures d'enseignement litigieuses. Le résultat obtenu doit en conséquence être nuancé, quand bien même il doit être retenu que, préalablement, le Tribunal fédéral avait annulé les trois arrêts de la chambre de céans dans les causes pilote déclarant les recours irrecevables.

Les écritures s'inscrivent dans un ordre de grandeur habituel pour le recours, mais plutôt courtes pour les autres écritures, leur brièveté étant compensée par leur nombre, légèrement plus élevé qu'usuellement (sept).

La longueur de quatre années de la procédure doit être relativisée compte tenu d'une première suspension de la procédure, le 8 février 2017, dans l'attente de l'arrêt du Tribunal fédéral, lequel a débouté les recourants et confirmé l'arrêt de la chambre constitutionnelle, de la procédure devant le Tribunal fédéral contre les arrêts de la chambre de céans du 24 avril 2018, puis de l'attente de l'issue des travaux législatifs, suspension sollicitée par les recourants, notamment concrétisée par une décision de suspension en février 2020. Par ailleurs, trente-trois procédures ont été suspendues entre le 8 février 2017 et le 2 juillet 2020, soit pendant plus de trois ans.

Certes, malgré les décisions de suspension des dossiers non pilote, ceux-ci n'ont pas été inertes et ont impliqué de tenir au courant tous les recourants de l'évolution des causes pilote. Dans son arrêt, la chambre de céans faisait toutefois référence au fait qu'aucun travail judiciaire n'avait été fourni dans ces dossiers pendant cette période. Seul un travail de secrétariat, identique pour les trente-trois causes, a été nécessaire.

Les recourants allèguent, sans le démontrer, que l'activité déployée dans le cadre du recours auprès de la chambre constitutionnelle aurait déjà été prise en compte. Le fait, comme mentionné ci-dessus, de comptabiliser dans la présente procédure les conférences avec la présidente de l'AGDEP et des interventions lors des assemblées générales tendent à démontrer le contraire. Par ailleurs, aucune date n'est mentionnée qui permettrait de vérifier l'utilité des démarches alléguées avec l'état d'avancement des procédures pendantes devant la chambre de céans.

Les références faites à l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_772/2019 consid. 5 du 4 février 2020 ne sont pas pertinentes dès lors qu'il s'agissait d'un litige en matière fiscale, que la valeur litigieuse s'élevait initialement à CHF 4'000'000.- et que la totalité des indemnités allouées était de CHF 2'000.-.

De même, l'arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2016 du 21 avril 2017 concernait un litige de marché public, avec une valeur litigieuse de CHF 400'000.- environ. L'avocat avait toutefois fait des distinctions dans le tarif horaire, chiffrant certaines heures à un tarif moindre que CHF 450.-. En l'espèce, aucune précision n'est fournie sur les personnes ayant traité le dossier et le tarif est indistinctement fixé à CHF 450.- pour les deux cent quarante-quatre heures de travail « utiles » réclamé et alors même que le travail de secrétariat a été important dans ces dossiers.

En conséquence, il convient de procéder à une appréciation des indemnités dues en tenant compte des trente-six recours et du fait que le litige n'était pas d'une complexité juridique particulière, portant sur le cahier des charges de la fonction de directrice et directeur de l'enseignement primaire. Au total, les audiences de plaidoiries et de comparution personnelle ont duré un peu moins de huit heures. Le résultat est nuancé, obtenu grâce à une modification législative.

Les recourants réclament trois fois CHF 11'146.95, soit CHF 33'440.85 pour les causes pilote, ainsi que trente-trois fois CHF 2'423.- soit CHF 79'959.- pour les causes non pilote, ce qui fait un total de CHF 113'399.85 à la charge de l'État.

Ce montant est douze fois supérieur au plafond prévu par le RFPA.

Par ailleurs, le montant réclamé pour une seule cause pilote, en CHF 11'146.95, dépasse déjà le plafond précité.

Dans les trente-six arrêts du 22 septembre 2020, la chambre de céans a octroyé trente-trois fois CHF 300.-, soit un total de CHF 9'900.- pour les causes non pilote et trois fois CHF 2'000.- pour les causes pilote, soit CHF 6'000.- au total, ce qui représente CHF 15'900.-. Ces montants sont largement supérieurs à la pratique habituelle de la chambre de céans et se justifient par le nombre de procédures, celles-ci étant toutefois strictement identiques. Le montant de CHF 2'000.- est supérieur à l'indemnité de dépens perçue du Tribunal fédéral dans l'arrêt du 21 février 2019. Elle est supérieure à ce qui est généralement alloué après un renvoi de la cause par le Tribunal fédéral. Elle s'inscrit par ailleurs dans un contexte de trois dossiers similaires pour un montant total de CHF 6'000.-. La chambre de céans a enfin renoncé à la perception d'un émolument, ce qui a impliqué le remboursement de trente-six fois CHF 800.- perçus au titre d'avance de frais dans chaque dossier, soit un total de CHF 28'800.-.

Compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont bénéficie la chambre de céans, des considérants qui précèdent et notamment des réductions à opérer sur le « travail utile », du fait que le montant des indemnités alloué n'est, conformément à la jurisprudence, qu'une participation aux honoraires du conseil, la réclamation sera rejetée.

6) Aucun émolument ne sera perçu dans la présente cause (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable la réclamation formée le 23 octobre 2020 par Madame A______ contre l'arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice du 22 septembre 2020 ;

au fond :

la rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure pour la présente cause ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Romain Jordan et Thomas Barth, avocats de la recourante, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf, Payot Zen-Ruffinen, Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :