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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2317/2020

ATA/1299/2020 du 15.12.2020 ( EXPLOI ) , REJETE

Descripteurs : ÉPIDÉMIE;VIRUS(MALADIE);CATALOGUE DES ACTES LÉGISLATIFS FÉDÉRAUX(SUISSE);LOI COVID-19;MAGASIN;AFFICHE;MASQUE;INTÉRÊT ACTUEL;NOTIFICATION DE LA DÉCISION;HORAIRE D'EXPLOITATION;PROPORTIONNALITÉ;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
Normes : LPA.60.al1.letb; Cst.29.al2; LPA.61.al1; LPA.46.al1; LPA.47; CC.9.al1; LEp.6.al1; LEp.6.al2; Ordonnance COVID-19; LEp.40; LECO.1; LECO.3; OEP.102.al3; Cst.36.al2; Cst-GE.43.al2; Cst.36.al3; Cst-GE.43.al3; Cst.36.al4; Cst-GE.43.al4; LS.21; LS.9.al1; LS.121; LS.126; OEP.103.al2
Résumé : Magasin qui recourt contre une décision ordonnant sa fermeture immédiate au motif qu'était affiché sur la vitrine un document encourageant la clientèle à ne pas porter le masque. Quand bien même la décision n'a pas été adressée à la société propriétaire, elle a atteint malgré tout la personne concernée en tant que perturbateur par comportement. La mesure du port du masque ne porte pas gravement atteinte à la liberté économique et respecte le principe de la proportionnalité. Elle respecte également le principe de l'égalité de traitement. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2317/2020-EXPLOI ATA/1299/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 décembre 2020

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Alessandro Brenci, avocat

contre

DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ



EN FAIT

1) A______ (ci-après : A______) est une société anonyme inscrite au registre du commerce du canton Genève (ci-après : RC) depuis le 23 décembre 1992 dont le siège se situe à Genève. Elle a pour but notamment l'importation, l'exportation, l'achat et la vente d'articles ayant trait à la mode vestimentaire, ainsi que l'exploitation de magasins de vente desdits articles.

La société exploite un magasin de vente à Genève et un à B______, tous deux à l'enseigne « C______ ».

2) Depuis le mois de février 2020, la Suisse est confrontée à une pandémie mondiale de la maladie Coronavirus-19 (ci-après : COVID-19).

Compte tenu de la crise sanitaire, les autorités politiques fédérales et cantonales ont pris différentes décisions dont il sera fait état notamment dans la partie en droit en tant que de besoin.

3) Par arrêté relatif aux mesures destinées à lutter contre l'épidémie du COVID-19 du 24 juillet 2020, le Conseil d'État de la République et canton de Genève a exigé le port du masque de la clientèle et du personnel en contact avec cette dernière dans les commerces s'il ne pouvait pas être protégé par un dispositif vitré ou équivalent (art. 2 al. 3 de l'arrêté).

4) Le 29 juillet 2020, la direction générale de la santé (ci-après : DGS) a constaté qu'un magasin de chaussures, sis rue D______, Genève, à l'enseigne « C______ » (ci-après : le magasin ou la boutique) présentait en vitrine un document, signé par Madame E______, qui précisait « Ici, nous n'obligeons personne à porter de masque », « Nous respectons le libre choix de chacun ».

Les raisons de ce postulat étaient détaillées en cinq points :

- il n'existait pas de consensus scientifique prouvant que le port du masque dans la population générale réduisait la propagation du virus ;

- un masque déjà manipulé, touché avec les doigts, rangé dans le sac, etc... devenait rapidement un nid à microbes, respiré ensuite en circuit fermé, ce qui amplifiait un risque de contamination ;

- la « pandémie » touchait à sa fin, rien ne justifiait que le masque soit obligatoire à l'heure actuelle alors qu'il n'avait pas été recommandé en mars-avril, au plus fort de l'épidémie ;

- le masque avait pour effet (inconscient pour beaucoup) d'augmenter le sentiment de peur et de méfiance entre les gens, alors que les liens sociaux étaient nécessaires au bien-être ;

- le corps, le système immunitaire et l'immunité collective maintenaient la santé. Les traitements efficaces avaient été discrédités par les gouvernements mais des collectifs de médecins à travers le monde s'insurgeaient pour faire éclater la vérité.

5) Par décision du même jour, la DGS, sous la plume de la médecin cantonale, a ordonné la fermeture immédiate du magasin. La mesure resterait en vigueur jusqu'à la fourniture, par le magasin, soit pour lui Mme E______, d'un plan de protection des employés et des clients qui soit conforme aux règles en vigueur, notamment les recommandations de l'office fédéral de la santé publique (ci-après : OFSP) et l'arrêté du Conseil d'État du 24 juillet 2020. Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

Le document, signé par Mme E______, affiché sur la vitrine du magasin, par son contenu, violait les règles édictées par le Conseil d'État et était de nature à augmenter la propagation du virus.

Le magasin, soit pour lui, Mme E______, n'apportait aucun élément permettant de justifier une exception au dispositif sanitaire cantonal destiné à lutter contre l'expansion de la COVID-19.

La décision a été envoyée en recommandé à l'enseigne « C______ » et remise en mains propres à l'attention du magasin et de Mme E______.

6) Par acte mis à la poste le 3 août 2020, A______ a interjeté recours contre cette décision auprès la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant, à titre de mesures superprovisionnelles, à ce que A______ soit autorisée à rouvrir immédiatement son magasin, et « en tout état de cause » à ce que l'effet suspensif soit restitué à la décision du 29 juillet 2020, impliquant la réouverture de la boutique, subsidiairement à ce que tel soit le cas par le biais de mesures provisionnelles. Au fond, A______ a conclu à la nullité de cette décision, subsidiairement à son annulation et, « préjudiciellement quant au fond », à l'annulation de l'arrêté du Conseil d'État du 24 juillet 2020 mentionné ci-dessus.

La décision entreprise ne tenait pas compte du fait que la vitrine de la boutique comportait sept affiches, en lien en substance avec les problématiques de la « pandémie » et du port du masque, en ne se concentrant que sur l'une d'elles.

Cette décision était nulle dans la mesure où elle ne s'adressait pas à la bonne personne, à savoir la propriétaire de la boutique, A______, soit pour elle son administratrice, Madame F______. « C______ » était une simple enseigne et Mme E______ travaillait dans le magasin, sans avoir un quelconque rôle effectif dans la direction des affaires. La décision aurait dû être adressé à A______ dont l'administratrice avec signature individuelle était Mme F______.

La décision de fermeture du magasin ne reposait sur aucune base légale. L'arrêté du Conseil d'État du 24 juillet 2020, faute de mention en particulier de l'art. 126 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03), ne permettait pas à l'autorité de prononcer une mesure de fermeture du local dans l'hypothèse ou surviendrait une violation dudit arrêté. Ainsi, si sanction il devait y avoir, seule une amende aurait pu être infligée, conformément à l'art. 4 dudit arrêté. Si par impossible l'art. 126 LS était applicable, la décision querellée avait été adoptée par la mauvaise autorité, seul le département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (ci-après : le département) ayant compétence de la prendre, à l'exclusion du médecin cantonal, n'ayant qu'un rôle d'exécution et nullement de compétence décisionnelle par délégation.

La décision du 29 juillet 2020 était encore nulle, subsidiairement annulable, dans la mesure où elle ne rapportait aucune violation concrète de l'arrêté du 24 juillet précédent. Elle ne relatait en effet aucune infraction effective, que ce soit de la part de la direction, du personnel ou de la clientèle et sanctionnait en réalité la seule présence d'une affiche et l'expression d'une prise de position, d'une opinion, ce qui était contraire au principe constitutionnel de la liberté d'expression et n'était autre qu'un acte de censure. La phrase « ...nous n'obligeons personne à porter de masque » correspondait à la réalité puisque la boutique n'était nullement à l'origine de l'obligation. Elle laissait dès lors la liberté à chacun de se conformer à l'injonction de l'État, respectant ainsi l'arrêté du 24 juillet 2020 et la responsabilité individuelle de chacun.

Ledit arrêté ne disposait d'aucune validité et sa conformité à la réglementation supérieure, notamment sa constitutionnalité, devait être contrôlée par la chambre administrative. Les mesures prévues par cet arrêté, en particulier le port du masque, restreignaient trois libertés fondamentales, à savoir la liberté personnelle, celle de se mouvoir, et la liberté économique. S'agissant de cette dernière liberté, le canton de Genève réservait un traitement plus strict et injustifié aux personnes soumises à sa juridiction comparativement à d'autres cantons, ce qui créait une distorsion de la concurrence inexplicable et une potentielle fuite de la clientèle et violait le principe de l'égalité de traitement. Vu ces atteintes à des libertés fondamentales, une loi votée par le parlement cantonal s'imposait, étant relevé la compétence des cantons prévue par l'art. 2 de l'ordonnance du Conseil fédéral sur les mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19 en situation particulière du 19 juin 2020 (ci-après : l'ordonnance COVID-19 situation particulière - RS 818.101.26).

En substance, au vu des éléments connus à ce jour (statistiques du nombre de cas positifs non fiables, confusion et discours approximatifs et contradictoires des autorités sur l'utilité du port du masque), il fallait se demander « à quoi bon porter un masque », ce d'autant plus en l'absence de consensus sur son efficacité. Dans ces conditions, il revenait au Conseil d'État de prouver, sur la base d'une argumentation scientifique confinant à la certitude, que le port du masque avait réellement l'efficacité qu'il prétendait avoir, à savoir une barrière absolument certaine et sans risque contre la COVID-19. Or à ce jour, le port du masque n'avait pas pour effet de protéger la population du virus, bien au contraire. Ainsi le principe de la proportionnalité n'était nullement respecté par l'arrêté du 24 juillet 2020. Celui-ci devait être annulé s'agissant de la mesure afférente au port du masque obligatoire dans les lieux confinés.

Enfin, cette situation de grande incertitude sur l'efficacité réelle des masques avait un impact sur l'obligation de l'employeur de protéger la santé de ses employés. Autrement dit, comment pouvait-on dans cette situation protéger correctement le personnel.

7) Le 6 août 2020, la DGS a conclu à la confirmation des mesures provisionnelles prononcées par la médecin cantonale, à la confirmation du retrait de l'effet suspensif, et au fond, au rejet du recours, dans la mesure de sa recevabilité, « sous suite de frais et dépens ».

Depuis le mois de février 2020, la Suisse était confrontée à l'épidémie mondiale de la COVID-19, qui se propageait extrêmement vite par gouttelettes, notamment en cas de toux, éternuements et de contacts étroits et prolongés entre les personnes. Le Conseil fédéral avait édicté plusieurs ordonnances afin de prendre les mesures urgentes pour lutter contre ledit virus et en limiter la propagation, tout en les adaptant au fur et à mesure en fonction de l'évolution de la situation. Il avait notamment adopté l'ordonnance COVID-19 situation particulière. Il y réservait la compétence des cantons et leur permettait également, en cas de nombre d'infections élevé localement ou de menace de le devenir, de prendre des mesures supplémentaires. Or, à Genève, le taux de contamination avait crû de manière drastique entre la semaine 26 (semaine du 22 juin 2020) et la semaine 30 (du 20 au 26 juillet 2020), passant de vingt-quatre à deux cent seize cas par semaine, démontrant ainsi que le virus y était toujours présent et qu'il convenait de prendre des mesures de protection supplémentaires. C'était dans ce contexte que le Conseil d'État avait adopté l'arrêté du 24 juillet 2020, exécutoire nonobstant recours.

Le document présent sur la vitrine de la boutique ne constituait pas une simple expression d'opinion. La phrase « Ici, nous n'obligeons personne à porter le masque » démontrait au contraire que Mme E______ n'entendait pas faire respecter dans le magasin les obligations de l'arrêté du 24 juillet 2020. Le 29 juillet 2020, via une vidéo postée sur YouTube, Mme E______ avait cherché à se justifier en prétextant la protection de ses employés, y indiquant à nouveau sans preuve que la pandémie était terminée et qu'elle-même était contre le port du masque de sorte qu'elle entendait laisser ses employés libres de choisir leurs conditions de travail, ce qui était clairement contraire à l'arrêté du 24 juillet 2020.

La notification de cette décision directement à « C______ », soit pour elle Mme E______, n'avait aucune incidence sur sa validité, étant relevé que cette dernière était inscrite au RC et pouvait engager A______. En outre, cette dernière avait manifestement eu connaissance de la décision et avait pu former recours dans le délai. En vertu du principe de la bonne foi, A______ ne pouvait pas prétendre ne pas être liée par la décision du 29 juillet 2020.

La médecin cantonale était bien habilitée à rendre la décision précitée selon la loi.

L'affiche apposée sur la vitrine et la vidéo de Mme E______ étant clairement de nature à démontrer que les mesures de protection ordonnées par les autorités ne seraient pas respectées, la fermeture du magasin s'imposait, étant relevé que cette sanction pourrait être levée aussitôt que A______ aurait présenté un plan de protection et se serait engagée à respecter les mesures imposées, ce qu'elle n'avait en l'état pas fait. C'était donc de manière conforme au droit que la décision avait été déclarée exécutoire nonobstant recours, le respect des règles étant nécessaire à la protection de la santé publique.

8) A______ a répliqué le 10 août 2020.

Après un pic de contamination notamment en Suisse, on notait une diminution drastique du nombre de nouveaux cas de COVID-19 ce qui avait d'ailleurs permis l'allégement des mesures. Le port du masque prévu à l'art. 4 al. 2 let. a de l'ordonnance COVID-19 situation particulière n'était qu'un exemple de mesure à mettre en place par les exploitants parmi tant d'autres, dont une distanciation de 1.5 m que la médecin cantonale n'avait pas même pris la peine de venir vérifier sur place. Le port du masque n'était par conséquent pas imposé.

Mme E______ n'était pas inscrite au RC en lien avec A______ et n'y apparaissait qu'en raison d'un simple pouvoir de procuration, qui plus était de manière collective, à deux. D'un point de vue juridique, A______ n'était donc nullement concernée ou engagée par l'affiche litigieuse qui n'était qu'une opinion qui tendait à souligner la liberté de chacun. Mme E______ n'était au demeurant pas la seule à critiquer les mesures de l'État. A______ revenait sur les divergences scientifiques et la « cacophonie » régnant autour de l'efficacité du port du masque et les dangers afférents à sa manipulation.

Il n'était pas possible dans le cas d'espèce de réparer le vice initial d'une notification de la décision querellée à la mauvaise destinataire.

Les chiffres sur lesquels la médecin cantonale s'appuyait étaient en discordance avec les chiffres officiels fédéraux faisant référence et étaient partant tout simplement incompréhensibles. Ils ne représentaient dès lors aucune justification absolue.

La médecin cantonale, qui n'avait qu'une compétence d'exécution, ne pouvait fermer la boutique, mesure qui était de la compétence du département. La médecin cantonale n'avait quant à elle déterminé aucun critère juridique, aucune condition légale, pour justifier ces mesures de coercition à l'égard de la population, ce qui ressortait de ses propos à la RTS le 5 août 2020 en lien avec la quarantaine imposée aux voyageurs de retour d'Espagne, et était profondément inquiétant à l'égard de l'État de droit.

Il y avait lieu de mettre dans la balance des intérêts la nullité respectivement l'annulabilité de la décision querellée pour les raisons précédemment développées. La simple invocation de l'intérêt public, en l'occurrence la santé publique - pour autant qu'il soit dûment prouvé par l'État, ce qui n'était pas le cas vu l'argumentaire présentée par A______ - ne pouvait « justifier une telle atteinte aux principes régissant l'État de droit, l'activité de l'administration et les garanties fondamentales, tant matérielles que formelles, accordées aux citoyens, y compris les personnes morales ». Du point de vue privé, il ne faisait aucun doute que les jours, voire les mois durant lesquels A______ devait cesser son exploitation, et ce au sortir de deux mois de confinement, sur la base d'une décision illicite, avait un impact considérable du point de vue économique. Le dégât d'image était également souligné, sans oublier le torrent d'insultes, voire d'allusions infondées subies par Mme E______. Les intérêts de A______ étaient dès lors gravement menacés. Aucune pièce de la procédure ne laissait penser que l'exécution immédiate de la décision serait plus importante que la restitution de l'effet suspensif et partant la réouverture de la boutique. Cette décision n'était qu'une réaction personnelle de la médecin cantonale qui avait été heurtée par le document apposé sur la devanture du magasin qui faisait état de la seule opinion de Mme E______.

9) Par décision du 14 août 2020, la présidence de la chambre administrative a rejeté la requête de mesures provisionnelles présentée par A______ et réservé le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond.

10) Le 21 août 2020, la DGS a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa décision du 29 juillet 2020.

Elle a repris sa précédente argumentation à propos de la notification de la décision attaquée et de la compétence de la médecin cantonale pour faire respecter les mesures prises dans l'arrêté du Conseil d'État du 24 juillet 2020.

Le Conseil d'État avait pris un nouvel arrêté le 14 août 2020 abrogeant celui du 24 juillet 2020, mais reprenant le principe de l'obligation du port du masque dans les commerces, tant pour la clientèle que pour le personnel en contact avec cette dernière s'il ne pouvait pas être protégé par un dispositif vitré ou équivalent (art. 8).

L'arrêté du Conseil d'État du 24 juillet 2020 se référait à la LS de manière générale et « notamment » ses art. 121 et 135 LS. Cela n'excluait nullement l'application de tout autre article permettant de faire respecter les mesures imposées.

En l'espace d'un mois, le nombre de cas était passé de vingt-quatre à deux cent seize par semaine. La situation n'était pas comparable à celles d'autres cantons, lesquels avaient pris des mesures moins incisives. La situation s'était péjorée depuis lors, ce qui avait motivé le Conseil d'État à adopter un nouvel arrêté le 14 août 2020 avec des directives complémentaires. Les mesures adoptées étaient d'utilité publique et destinées à contenir la propagation de la COVID-19, tout en protégeant la population et le personnel de vente dans les commerces. Or, l'affiche apposée sur la vitrine du magasin indiquait clairement que les mesures ne seraient pas respectées. Mme E______ avait confirmé dans une vidéo qu'elle n'entendait pas prendre les mesures imposées par le Conseil d'État et laisserait ses employés décider du port du masque ou non. Il ne s'agissait dès lors pas de la simple expression d'opinion mais des faits concrets qui étaient de nature à démontrer le non-respect des obligations imposées dans le canton.

A______ aurait dû recourir contre l'arrêté du Conseil d'État du 24 juillet 2020 pour contester la nécessité et l'efficacité du port du masque dans les commerces.

L'intérêt public prépondérant, à savoir la protection de la santé publique, permettait de prendre des mesures pour limiter la propagation de la COVID-19. Le port du masque était proportionné dans la mesure où il n'obligeait pas A______ à fermer son magasin tant que les prescriptions sanitaires étaient respectées. A______ était ainsi en mesure de limiter son dommage économique.

La fermeture immédiate de la boutique était la seule à pouvoir garantir le respect des mesures. La sanction pourrait être levée dès que l'intéressée présenterait un plan de protection et se serait engagée à respecter les mesures imposées.

Même si lors d'un contrôle de la police de proximité le 4 août 2020 il avait été constaté que l'employée et une cliente portaient un masque et que du gel hydroalcoolique était à disposition, A______ n'avait toujours pas présenté un plan de protection comme exigé par le service de la médecin cantonale. La décision de fermeture restait donc d'actualité.

11) A______ s'est déterminée une nouvelle fois le 24 septembre 2020 et est notamment revenue sur la nullité de la décision attaquée faute d'avoir visé la bonne destinataire.

12) Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 25 septembre 2020.

13) La chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) a, par arrêt ACST/36/2020 du 23 novembre 2020, rejeté, dans la mesure de leur recevabilité, les recours interjetés respectivement les 24 et 25 août 2020 par Mme E______ contre l'arrêté du Conseil d'État relatif aux mesures destinées à lutter contre l'épidémie de Covid-19 du 24 juillet 2020. Ses recours portaient uniquement sur l'obligation du port du masque facial dans les commerces par la clientèle ainsi que par le personnel de vente.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Aux termes de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

b. Selon la jurisprudence, le recourant doit avoir un intérêt pratique à l'admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage, de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; ATA/636/2020 du 30 juin 2020 consid. 2b et l'arrêt cité). La condition de l'intérêt actuel fait défaut en particulier lorsque, notamment, la décision attaquée a été exécutée et a sorti tous ses effets (ATF 125 I 394 consid. 4 ; ATA/710/2020 du 4 août 2020 consid. 3b ; ATA/1794/2019 du 10 décembre 2019 consid. 2d).

c. Il est toutefois renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de la légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l'autorité de recours (ATF 135 I 79 consid. 1 ; 131 II 361 consid. 1.2 ; 128 II 34 consid. 1b).

d. En l'occurrence et selon un article de presse daté du 25 août 2020 disponible sous https://www.radiolac.ch/actualite/a-geneve-le-magasin-via-roma-a-rouvert-ses-portes-ce-mardi-matin/, consulté le 7 septembre 2020, la boutique avait rouvert le matin de la publication de l'article. Il en découle que la décision prise le 29 juillet 2020 par la médecin cantonale ne déploie plus d'effets. En outre, l'arrêté du Conseil d'État du 24 juillet 2020 sur lequel la décision attaquée était fondée a été abrogé par l'arrêté subséquent du 14 août 2020, lequel a, à son tour, également été abrogé par celui du 1er novembre 2020, qui reprend l'obligation du port du masque facial dans des lieux publics et même dans la sphère privée (véhicules).

Au demeurant, même si celui-ci n'était pas retenu, il serait renoncé à l'exigence d'un tel intérêt, puisque cette condition ferait obstacle au contrôle de la légalité d'un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, la pandémie de COVID-19 n'ayant pas encore été éradiquée, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi à la censure de l'autorité de recours. Il y aurait par conséquent lieu de renoncer en l'espèce à l'exigence de l'intérêt actuel dans la mesure où à défaut, l'ordre de fermeture immédiate ne pourrait pas faire l'objet d'un examen par le juge, ce en contradiction avec la garantie d'accès au juge conférée par l'art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

Il en résulte que la recourante dispose de la qualité pour agir, si bien que le recours est recevable de ce point de vue également.

3) Dans le corps du texte de ses écritures, la recourante propose l'audition de Mme E______ afin de démontrer que la médecin cantonale a refusé de venir dans le magasin constater que la boutique disposait de l'espace suffisant pour maintenir les distances de sécurité (1.5 m). Les parties devraient également être entendues à propos du préjudice causé par la fermeture de la boutique depuis le 29 juillet 2020.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_265/2016 du 23 mai 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid.6.3.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_674/2015 du 26 octobre 2017 consid. 5.1). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; ATA/1001/2018 du 25 septembre 2018 consid. 2a).

b. En l'espèce et par rapport aux questions juridiques à résoudre, la chambre de céans dispose d'un dossier complet, lequel comprend notamment les écritures des parties et les pièces produites à leur appui.

En outre et pour autant que les faits sur lesquels la recourante sollicitait des investigations soient pertinents, la problématique d'un espace suffisant dans la boutique ainsi que le préjudice économique pouvaient être démontrés par pièces, étant relevé que l'art. 18 LPA précise que la procédure administrative est en principe écrite.

Il ne sera en conséquence pas donné suite aux demandes d'auditions.

4) Dans ses conclusions, la recourante a conclu à l'annulation de l'arrêté du Conseil d'État du 24 juillet 2020 relatif aux mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19.

a. De jurisprudence constante, la chambre administrative est habilitée à revoir, à titre préjudiciel et à l'occasion de l'examen d'un cas concret, la conformité des normes de droit cantonal au droit fédéral (ATA/914/2019 du 21 mai 2019 consid. 7 ; ATA/319/2018 du 10 avril 2018 consid. 6a et les arrêts cités ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, 345 ss n. 2.7.3). Cette compétence découle du principe de la primauté du droit fédéral sur le droit des cantons, ancré à l'art. 49 al. 1 Cst. (ATF 138 I 410 consid. 3.1 ; ATA/914/2019 précité consid. 7). D'une manière générale, les lois cantonales ne doivent rien contenir de contraire à la Cst., aux lois et ordonnances du droit fédéral (ATF 141 V 455 consid. 6.1 et l'arrêt cité ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, 3ème éd., 2013, p. 786 ss n. 2337 ss). Le contrôle préjudiciel permet de déceler et de sanctionner la violation par une loi ou une ordonnance cantonale des droits garantis aux citoyens par le droit supérieur. Toutefois, dans le cadre d'un contrôle concret, seule la décision d'application de la norme viciée peut être annulée (ATA/914/2019 précité consid. 7 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/ Vincent MARTENET, op. cit., p. 352 ss n. 2.7.4.2).

b. En l'espèce et outre le fait que cet arrêté a été abrogé par le nouvel arrêté du Conseil d'État du 14 août 2020, la chambre de céans est uniquement compétente dans le cadre d'un contrôle concret, si bien que la conclusion prise par la recourante sort de ses attributions (art. 132 LOJ).

Cette conclusion est donc irrecevable.

5) L'objet du litige porte sur la conformité au droit de la décision de la médecin cantonale du 29 juillet 2020 ordonnant la fermeture immédiate de la boutique à l'enseigne « C______ ».

6) En vertu de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée dans le cas d'espèce.

7) La recourante soutient que la décision est nulle au vu d'une notification irrégulière.

a. Les décisions doivent être désignées comme telles, motivées et signées, et indiquer les voies et délais de recours (art. 46 al. 1 LPA). Une notification irrégulière ne peut entrainer aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA).

b. La jurisprudence n'attache pas nécessairement la nullité à l'existence de vices dans la notification ; la protection des parties est suffisamment garantie lorsque la notification irrégulière atteint son but malgré cette irrégularité (ATF 132 II 21 consid. 3.1). Il y a lieu d'examiner, d'après les circonstances du cas concret, si la partie intéressée a réellement été induite en erreur par l'irrégularité de la notification et a, de ce fait, subi un préjudice. Il convient à cet égard de s'en tenir aux règles de la bonne foi qui imposent une limite à l'invocation du vice de forme ; ainsi l'intéressé doit agir dans un délai raisonnable dès qu'il a connaissance, de quelque manière que ce soit, de la décision qu'il entend contester (ATF 122 I 97 consid. 3a/aa ; 111 V 149 consid. 4c et les références ; RAMA 1997 n° U 288 p. 444 s. consid. 2b/bb). Cela signifie notamment qu'une décision, fût-elle notifiée de manière irrégulière, peut entrer en force si elle n'est pas déférée au juge dans un délai raisonnable (SJ 2000 I p. 118). Les mêmes principes s'appliquent en cas de défaut de toute notification d'une décision administrative (arrêts du Tribunal fédéral 9C_202/2014 du 11 juillet 2014 consid. 4.2 et les références ; 8C_188/2007 du 4 mars 2008 consid. 4.1.2 et la référence citée ; ATA/1383/2017 du 10 octobre 2017 consid. 5b).

c. Le défaut de désignation des parties et les erreurs dans l'écriture de leurs noms ou de leurs adresses n'entraînent la nullité de l'acte que si, exceptionnellement, les parties ne sont pas individuellement reconnaissables d'une autre manière (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2015, p. 385-386).

Selon la jurisprudence constante, les qualités des parties sont rectifiées lorsqu'une erreur affecte la dénomination de l'une d'elles. Il s'agit d'une simple erreur rédactionnelle (ATF 131 I 57 consid. 2). La désignation inexacte d'une partie - que ce soit de son nom ou de son siège - ne vise que l'inexactitude purement formelle, qui affecte sa capacité d'être partie, même si la désignation erronée correspond à un tiers qui existe réellement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_357/2016 du 8 novembre 2016 consid. 3.2.1). Une rectification n'est possible qu'à la condition que tout risque de confusion puisse être exclu, autrement dit, qu'il n'existe aucun doute sur l'identité des parties. Il faut donc avoir la certitude que la partie adverse a reconnu l'erreur et qu'elle n'a de ce fait pas été trompée. Ainsi, des doutes raisonnables, même minimes, excluent la simple rectification rédactionnelle, sous peine de violation du principe de l'interdiction de l'arbitraire (ATF 131 I 57 consid. 2 ; ATA/319/2017 du 21 mars 2017 consid. 7 ; ATA/379/2008 du 29 juillet 2008 consid. 6).

Le Tribunal fédéral a, par exemple, admis la rectification d'une partie s'agissant d'un arrêt du Tribunal administratif fédéral mentionnant à tort sur sa première page la succursale d'une société comme recourante, en lieu et place de la société mère (arrêt du Tribunal fédéral 2C_642/2014 du 22 novembre 2015 consid. 1.2). Il a en revanche refusé cette possibilité dans la situation où une société holding avait été attraite en justice devant le Tribunal de première instance, en lieu et place d'une filiale dont elle détenait les participations (arrêt du Tribunal fédéral 4P.200/2004 du 17 novembre 2004 consid. 2).

La chambre administrative a, pour sa part, déjà procédé à une rectification de parties, s'agissant de la désignation inexacte d'une hoirie dans un acte de recours en lieu et place des différents hoirs formant cette communauté héréditaire, estimant que l'erreur commise était aisément décelable et rectifiable et il n'existait aucun risque de confusion (ATA/528/2013 du 27 août 2013 consid. 1b).

Dans une jurisprudence (ATA/319/2017 précité), la chambre de céans a eu à traiter une affaire qui présente certaines similitudes avec la présente cause. Dans ce dossier, le département avait adressé une décision, prononçant une amende administrative d'un montant de CHF 5'000.- en raison de travaux entrepris sans autorisation sur un immeuble, à l'avocat du propriétaire dudit immeuble en infraction. Or, cet avocat n'avait aucun lien avec l'immeuble en question et les travaux entrepris. Aucune amende ne pouvait être prononcée à son encontre sur la base de l'art. 137 al. 4 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Par ailleurs et contrairement à ce que prétendait le département, il n'existait pas un problème de notification irrégulière de la décision à son destinataire, nécessitant que l'on s'interroge sur la présence d'un éventuel préjudice pour les parties. C'était bien l'identité du contrevenant retenu qui était problématique (consid. 6c). La décision litigieuse était annulée.

Dans un autre dossier, la décision d'un département de l'État de Genève a été annulée au motif que l'amende avait été adressée au mauvais propriétaire de l'immeuble en contravention. Il ne s'agissait pas d'un simple problème de notification irrégulière mais d'identité du prétendu contrevenant (ATA/1383/2017 du 10 octobre 2017).

d. Si un administré a un doute sur le véritable destinataire d'une décision, il lui appartient de se renseigner auprès de l'autorité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_498/2016 du 3 juin 2016 consid. 5).

e. Selon la jurisprudence, le perturbateur est celui qui a occasionné un dommage ou un danger par lui-même ou par le comportement d'un tiers relevant de sa responsabilité (perturbateur par comportement), mais aussi celui qui exerce sur l'objet qui a provoqué une telle situation un pouvoir de fait ou de droit (perturbateur par situation ; ATF 139 II 185 consid. 14.3.2 ; 136 I 1 consid. 4.4.3 p. 11 ; 122 II 65 consid. 6a ; ATA/70/2018 du 23 janvier 2018 consid. 7d et les arrêts cités).

Le perturbateur par situation correspond avant tout au propriétaire, mais il peut également s'agir du locataire, le critère déterminant étant le pouvoir de disposition, qui permet à celui qui le détient de maintenir la chose dans un état conforme à la réglementation en vigueur (ATF 114 Ib 44 consid. 2c/aa = JdT 1990 I 482 ; ATA/70/2018 précité consid. 7d et l'arrêt cité)

La responsabilité en raison du comportement et celle qui découle de la situation peuvent coexister et l'obligation d'éliminer la perturbation peut être imposée alternativement ou cumulativement à tout perturbateur, aussi bien de comportement que de situation. L'autorité compétente doit jouir d'une certaine marge d'appréciation dans le choix de la personne à laquelle incombera l'obligation d'éliminer la perturbation (ATF 107 Ia 19 consid. 2b = JdT 1983 I 290). Dans l'examen du choix du perturbateur, le Tribunal fédéral a relevé que si la perturbation ou le danger devaient être éliminés aussi rapidement que possible afin d'éviter de trop grands dommages - cas de pollution des eaux, de danger d'effondrement d'une maison -, le choix se porterait sur le perturbateur le plus proche du foyer du danger et techniquement apte à éliminer personnellement le danger. Si en revanche le rétablissement de l'état primitif n'était pas spécialement urgent et que de toute façon l'état contraire au droit avait déjà duré un temps relativement long - par exemple une décharge non autorisée et qui ne met pas en danger l'eau souterraine -, on pouvait adopter pour l'élimination une autre réglementation, si possible plus affinée, qui ne se déterminerait pas - ou pas exclusivement - en fonction de la nécessité d'une action rapide et efficace. Par ailleurs, les perturbateurs par comportement devaient si possible être recherchés avant les perturbateurs par situation (ATF 107 Ia 19 consid. 2b = JdT 1983 I 290 et les références citées ; ATA/70/2018 précité consid. 7d et l'arrêt cité).

8) En l'espèce, la décision de la médecin cantonale ordonnant la fermeture immédiate de la boutique a été adressée par recommandé à « C______ », une simple enseigne, et remise en mains propres dans la boutique à Mme E______.

Ainsi, il a apparaît que la médecin cantonale, dans une situation exceptionnelle de pandémie et d'urgence à mettre en place les mesures nécessaires pour éviter une propagation du virus COVID-19 via notamment la fréquentation par le public de magasins, a remis la décision querellée en mains propres à une personne oeuvrant effectivement dans la boutique en cause et à même d'y mettre en place les mesures sanitaires exigées par la situation. A______, la personne morale derrière l'exploitation de l'enseigne en cause, ne peut par ailleurs soutenir ne pas avoir été au courant de la décision en question, qui aurait effectivement aussi bien pu lui être notifiée en tant que perturbatrice par situation, dans la mesure où elle a immédiatement réagi à son contenu et a pour le surplus ensuite pu faire valoir valablement ses arguments devant la chambre de céans.

En tout état, A______ ne saurait se prévaloir de sa bonne foi et soutenir qu'elle aurait été trompée par l'autorité.

Enfin, cette action de la médecin cantonale était apte à rétablir l'ordre public, de sorte qu'il n'était ni nécessaire, ni raisonnablement exigible, qu'elle double sa décision en l'adressant également à A______.

Compte tenu de ce qui précède, la chambre administrative considère que la décision de la médecin cantonale du 29 juillet 2020 ne souffre pas d'un vice de forme qui devrait entraîner sa nullité ou son annulation.

Ce grief sera partant rejeté.

9) La recourante considère que les mesures prévues par l'arrêté du Conseil d'État du 24 juillet 2020 étaient inconstitutionnelles, dans la mesure où elles retreignaient les libertés personnelle de se mouvoir et économique. Elle a motivé une prétendue violation de la liberté économique et partant d'égalité de traitement, sous l'angle d'une distorsion de la concurrence dans la mesure où les mesures plus strictes ordonnées, et injustifiées, dans le canton de Genève conduiraient la clientèle à fuir dans d'autres cantons.

Vu l'atteinte à ces libertés, une loi votée par le parlement cantonal s'imposait.

Ces griefs ont été examinés et rejetés par la chambre constitutionnelle dans son arrêt ACST/36/2020 précité.

a. La loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme du 28 septembre 2012 (Loi sur les épidémies, LEp - RS 818.101) règle la protection de l'être humain contre les maladies transmissibles et prévoit les mesures nécessaires à cet effet (art. 1). Elle a pour but de prévenir et de combattre l'apparition et la propagation des maladies transmissibles (art. 2 al. 1) et prévoit des mesures qui poursuivent notamment les buts de détection, évaluation et prévention de l'apparition et la propagation de maladies transmissibles, d'incitation de l'individu, certains groupes de personnes et certaines institutions à contribuer à prévenir et à combattre les maladies transmissibles, respectivement de réduction des effets des maladies transmissibles sur la société et les personnes concernées (art. 2 al. 2 let. b, c et f).

Selon l'art. 40 LEp, les autorités cantonales compétentes ordonnent les mesures nécessaires pour empêcher la propagation de maladies transmissibles au sein de la population ou dans certains groupes de personnes. Elles coordonnent leur action (al. 1). Elles peuvent en particulier prononcer l'interdiction totale ou partielle de manifestations (al. 2 let. a), fermer des écoles, d'autres institutions publiques ou des entreprises privées, ou réglementer leur fonctionnement (al. 2 let. b), interdire ou limiter l'entrée et la sortie de certains bâtiments ou zones, ou certaines activités se déroulant dans des endroits définis (al. 2 let. c). Les mesures ordonnées ne doivent pas durer plus longtemps qu'il n'est nécessaire pour prévenir la propagation d'une maladie transmissible. Les mesures sont réexaminées régulièrement (al. 3).

L'art. 6 al. 1 LEp prévoit qu'il y a situation particulière dans les cas suivants : lorsque les organes d'exécution ordinaires ne sont pas en mesure de prévenir et de combattre l'apparition et la propagation d'une maladie transmissible et qu'il existe l'un des risques suivants : 1. un risque élevé d'infection et de propagation, 2. un risque spécifique pour la santé publique, 3. un risque de graves répercussions sur l'économie ou sur d'autres secteurs vitaux (let. a), l'Organisation mondiale de la santé (ci-après : OMS) a constaté la présence d'une urgence sanitaire de portée internationale menaçant la santé de la population en Suisse (let. b). Selon l'art. 6 al. 2 LEp, le Conseil fédéral peut, après avoir consulté les cantons : ordonner des mesures visant des individus (let. a), ordonner des mesures visant la population (let. b), astreindre les médecins et d'autres professionnels de la santé à participer à la lutte contre les maladies transmissibles (let. c), déclarer obligatoires des vaccinations pour les groupes de population en danger, les personnes particulièrement exposées et les personnes exerçant certaines activités (let. d).

Le Conseil fédéral a, sur la base de l'art. 6 al. 2 let a. et b, arrêté l'ordonnance COVID-19 situation particulière pour ordonner des mesures visant la population, les organisations, les institutions et les cantons dans le but de lutter contre l'épidémie de COVID-19 (art. 1 al. 1), les mesures visant à prévenir la propagation du coronavirus (COVID-19) et à interrompre les chaînes de transmission (art. 1 al. 2).

Sauf disposition contraire de l'ordonnance en question, les cantons demeurent compétents (art. 2). Son art. 3 pose pour principe que chaque personne respecte les recommandations de l'OFSP en matière d'hygiène et de conduite face à l'épidémie de COVID-19.

En sa section 3, sous le titre « Mesures visant les installations, les établissements et les manifestations accessibles au public », l'art. 4 de l'ordonnance COVID-19 situation particulière, dont le titre est « plan de protection », prévoit que les exploitants d'installations ou d'établissements accessibles au public, y compris les établissements de formation, et les organisateurs de manifestations élaborent et mettent en oeuvre un plan de protection (al. 1). Les prescriptions suivantes s'appliquent : le plan de protection doit prévoir, pour l'installation, l'établissement ou la manifestation, des mesures en matière d'hygiène et de distance ; il est possible de ne pas respecter la distance si des mesures de protection appropriées sont prévues, comme le port d'un masque facial ou la présence de séparations adéquates (al. 2 let. a) ; si le type d'activité, les particularités des lieux ou des raisons d'exploitation ou économiques ne permettent ni de maintenir la distance requise, ni de prendre des mesures de protection pendant un certain temps, il doit être prévu de collecter les coordonnées des personnes présentes au sens de l'art. 5 (al. 2 let. b). Les prescriptions visées à l'al. 2 sont détaillées en annexe. En accord avec le département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche, le département fédéral de l'intérieur met à jour l'annexe en fonction de l'état actuel des connaissances scientifiques (al. 3). Le plan de protection désigne une personne responsable de la mise en oeuvre du plan et des contacts avec les autorités compétentes (al. 4).

L'art. 7 al. 1 de ladite ordonnance prévoit que l'autorité cantonale compétente peut accorder des allégements par rapport aux prescriptions énoncées aux art. 4 al. 2 à 4, 5 et 6 si : des intérêts publics prépondérants l'exigent (let. a), et l'organisateur ou l'exploitant présente un plan de protection au sens de l'art. 4 qui prévoit des mesures spécifiques pour empêcher la propagation du coronavirus (COVID-19) et interrompre les chaînes de transmission (let. b). À l'inverse, en son art. 8, l'ordonnance COVID-19 situation particulière permet au canton de prendre des mesures temporaires applicables régionalement selon l'art. 40 LEp si le nombre d'infections est élevé localement ou menace de le devenir. Il consulte préalablement l'OFSP et l'informe des mesures prises (al. 2). L'art. 9 de l'ordonnance COVID-19 situation particulière traite des contrôles et obligations de collaborer des exploitants et organisateurs comprenant une obligation de présenter leur plan de protection aux autorités cantonales compétentes qui en font la demande (al. 1 let. a) ; de garantir aux autorités cantonales compétentes l'accès aux installations, établissements et manifestations (al. 1 let. b). Si les autorités cantonales compétentes constatent qu'il n'existe pas de plan de protection suffisant ou que ce plan n'est pas mis en oeuvre, elles prennent des mesures appropriées. Elles peuvent fermer des installations et des établissements et interdire ou disperser des manifestations (al. 2).

Sous sa section 4 traitant des mesures de protection des employés, l'ordonnance COVID-19 situation particulière indique à son art. 10 que l'employeur garantit que les employés puissent respecter les recommandations de l'OFSP en matière d'hygiène et de distance. À cette fin, les mesures correspondantes doivent être prévues et mises en oeuvre (al. 1). Si la distance recommandée ne peut pas être respectée, des mesures doivent être prises pour appliquer le principe STOP (substitution, technique, organisation, personnel) et notamment recourir au télétravail, à la séparation physique, à la séparation des équipes ou au port de masques faciaux (al. 2).

Selon la directive de l'OFSP du 13 juillet 2020 à l'attention des cantons, en vertu de 1'art. 2 de l'ordonnance COVID-19 situation particulière, les cantons demeurent compétents sauf disposition contraire de la présente ordonnance. Sont notamment concernées les tâches d'exécution des cantons (cf. art. 75 LEp et art. 103 al. 2 de l'ordonnance sur la lutte contre les maladies transmissibles de l'homme du 29 avril 2015 [Ordonnance sur les épidémies, OEp - RS 818.101.1]). L'art. 9 al. 1 de l'ordonnance COVID-19 situation particulière définit en outre que les exploitants et les organisateurs doivent présenter leur plan de protection aux autorités cantonales compétentes qui en font la demande et garantir à ces dernières l'accès aux installations, établissements, manifestations. Sur la base de l'art. 9 al. 2 de l'ordonnance COVID-19 situation particulière, les autorités cantonales compétentes prennent les mesures appropriées si elles constatent qu'il n'existe pas de plan de protection suffisant ou que ce plan n'est pas mis en oeuvre, et peuvent ordonner la fermeture des installations et des établissements et interdire ou disperser des manifestations (art. 40 LEp).

b. Selon l'art. 1 de la loi sur l'exercice des compétences du Conseil d'État et l'organisation de l'administration du 16 septembre 1993 (LECO - B 1 15), le Conseil d'État exerce le pouvoir exécutif et prend les décisions de sa compétence. Il peut en tout temps évoquer, le cas échéant pour décision, un dossier dont la compétence est départementale en vertu de la loi ou d'un règlement ou a été déléguée lorsqu'il estime que l'importance de l'affaire le justifie et pour autant qu'il ne s'agisse pas d'une matière où il est autorité de recours (art. 3 LECO).

c. Le Conseil d'État a, par arrêté du 24 juillet 2020 relatif aux mesures destinées à lutter contre l'épidémie de COVID-19, déclaré exécutoire nonobstant recours, se référant à la LEp, notamment ses art. 40 et 83, à l'ordonnance COVID-19 situation particulière, à la LS, notamment ses art. 121 et 135 LS et à la directive de l'OFSP du 13 juillet 2020 à l'attention des cantons, ordonné diverses mesures obligatoires, dont le port du masque dans les commerces était exigé de la clientèle ainsi que du personnel en contact avec cette dernière s'il ne pouvait pas être protégé par un dispositif vitré ou équivalent (art. 2 al. 3).

Conformément à l'art. 4 de l'arrêté, quiconque contrevenait intentionnellement aux mesures ordonnées était puni de l'amende.

Ces mesures s'appliquaient jusqu'au 1er octobre 2020, sous réserve de prolongation en cas de besoin (art. 5 de l'arrêté).

d. Conformément à l'art. 102 al. 3 OEp, les cantons désignent les autorités et institutions compétentes pour exécuter la LEp et l'OEp dans leur domaine de tâches.

10) En l'espèce, la mesure litigieuse, soit l'obligation de port du masque facial, n'empêchait pas les clients de se rendre dans le commerce de la recourante, ni le personnel de vente de faire son travail, étant précisé que, dans ce cadre, l'arrêté litigieux laissait la possibilité de prévoir un dispositif de protection alternatif. Si cette obligation a pu conduire à une potentielle diminution du chiffre d'affaires du commerce, dans lequel les clients souhaitaient passer moins de temps, la mesure contestée ne porte pas une atteinte grave à la liberté économique, comme le serait une fermeture, telle qu'elle a été prononcée s'agissant des commerces non essentiels sous l'empire de la situation extraordinaire déclarée par le Conseil fédéral le 16 mars 2020, puis par le Conseil d'État dès le 2 novembre 2020.

En l'absence d'une atteinte grave à la liberté économique, les restrictions à celle-ci ne devaient ainsi pas figurer dans une loi au sens formel mais pouvaient être prises par le Conseil d'État, lequel s'est basé pour ce faire sur la LS et a évoqué la compétence dévolue par cette loi à la DGS, soit pour elle au médecin cantonal. Ce procédé ne prête pas le flanc à la critique, étant précisé que la LEp se limite à prévoir que les cantons exécutent la loi, à charge pour ceux-ci de désigner les autorités compétentes à cette fin. Les dispositions contestées s'inscrivent du reste dans le cadre de la LEp, qui laisse aux cantons la possibilité de prévoir des mesures plus restrictives, comme imposer le port du masque facial, en cas de nombre élevé d'infections localement ou qui menace de le devenir.

À cela s'ajoute que la densité normative des dispositions attaquées s'avère suffisante, puisque celles-ci définissent précisément les lieux dans lesquels l'obligation du port du masque s'applique, les personnes concernées ainsi que les exceptions à ladite obligation. Elles sont dès lors suffisamment précises pour être appliquées de manière prévisible dans un cas particulier et permettent aux personnes concernées d'adapter leur comportement en conséquence.

Le grief de l'absence d'une base légale à la décision de fermeture du magasin du 29 juillet 2020 est dès lors infondé et rejeté.

11) a. Les restrictions à la liberté économique doivent répondre à un intérêt public ou se justifier par la protection d'un droit fondamental d'autrui (art. 36 al. 2 Cst. ; art. 43 al. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE A 2 00). Sont ainsi autorisées les mesures de police, les mesures de politique sociale ainsi que les mesures dictées par la réalisation d'autres intérêts publics (ATF 125 I 322 consid. 3a). La jurisprudence définit les mesures dites sociales ou de politique sociale comme celles qui tendent à procurer du bien-être à l'ensemble ou à une grande partie des citoyens ou à accroître ce bien-être par l'amélioration des conditions de vie, de la santé ou des loisirs (ATF 143 I 403 consid. 5.2 et les références citées). Sont en revanche prohibées les mesures de politique économique ou de protection d'une profession qui entravent la libre concurrence en vue de favoriser certaines branches professionnelles ou certaines formes d'exploitation (ATF 131 I 223 consid. 4.2).

b. En l'espèce, l'obligation du port du masque facial dans les commerces par les clients et le personnel avait pour but de freiner la propagation du virus COVID-19 au sein de la population et ainsi protéger la santé publique, voire la vie, ce qui constitue un but d'intérêt public admissible pour restreindre la liberté économique et n'est d'ailleurs pas contesté par la recourante.

12) a. Pour qu'une restriction à un droit fondamental soit conforme au principe de la proportionnalité, il faut qu'elle soit apte à atteindre le but visé, que ce dernier ne puisse être atteint par une mesure moins incisive et qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (art. 36 al. 3 Cst. ; art. 43 al. 3 Cst-GE ; ATF 142 I 49 consid. 9.1).

b. En l'espèce, le Conseil d'État a adopté l'arrêté du 24 juillet 2020 comportant l'obligation du port du masque facial dans les magasins par la clientèle et le personnel à la suite d'une augmentation significative du nombre de cas positifs à la COVID-19 sur le territoire cantonal, de plus de dix par jour dès le 14 juillet 2020, allant jusqu'à atteindre plus de quarante cas le 24 juillet 2020, soit plus du quart des cas au niveau national. La situation ayant perduré, le Conseil d'État a repris cette mesure dans l'arrêté du 14 août 2020.

La recourante allègue que cette mesure ne serait pas apte à atteindre le but visé, l'efficacité des masques faciaux n'étant pas prouvée. Comme l'a toutefois relevé l'autorité intimée, la communauté scientifique, dans sa très large majorité, considère que le port d'un tel masque dans les lieux fermés à forte densité de personnes, comme les commerces, permet de limiter la propagation du coronavirus, lequel se transmet par voie aérienne, principalement par gouttelettes (aérosols). Une telle mesure a été recommandée par l'OMS, l'OFSP ainsi que les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Elle apparaît ainsi apte à atteindre le but de santé publique recherché par l'autorité intimée visant à protéger la santé et la vie de la population en empêchant une propagation exponentielle dudit virus. Dans ce cadre, la chambre de céans doit faire preuve d'une certaine retenue, s'agissant d'un domaine où elle ne saurait substituer son appréciation à celle qui fait référence en matière scientifique.

Selon la recourante, d'autres mesures, laissant libre cours à la responsabilité individuelle, permettraient d'atteindre le même but. La recourante perd toutefois de vue que les mesures recommandées par l'OMS, l'OFSP et les HUG, soit l'hygiène des mains, la distance physique et le port du masque facial sont complémentaires et, prises dans leur ensemble, permettent de freiner la diffusion d'un virus comme la COVID-19 qui se propage, comme déjà dit, par voie aérienne. Le but de santé publique visé par les dispositions litigieuses ne pourrait pas non plus être atteint si le port du masque était seulement recommandé, ce qui mettrait en péril son efficacité à freiner la propagation du virus, s'agissant d'une mesure collective à respecter par toute personne et non pas selon le bon vouloir de chacun. Il en est de même du port d'une simple visière, qui n'est pas préconisé par l'OFSP. Outre le fait qu'une limitation des clients dans les commerces peut poser des problèmes de mise en oeuvre organisationnelle, notamment au niveau du décompte et du contrôle de leur nombre, elle ne constitue pas une mesure moins incisive que le port du masque facial, puisqu'elle restreint l'accès auxdits magasins, risquant de créer un effet d'entonnoir à l'entrée de ceux-ci et de longues files d'attente. Le port du masque facial tend précisément à remédier à de tels inconvénients, en laissant librement les clients entrer dans les commerces, même lorsque les distances sociales ne peuvent pas être respectées en permanence. Le Conseil fédéral a au demeurant appliqué la même obligation aux voyageurs dans les véhicules de transports publics et, récemment encore, aux personnes se trouvant dans les espaces clos accessibles au public et devant ceux-ci et désormais plus largement encore. À cela s'ajoute que la mesure litigieuse a été prise pour une durée déterminée et a fait l'objet d'un réexamen régulier, son renforcement sous la forme de la fermeture des commerces non essentiels dès le 2 novembre 2020, après une diminution des cas positifs cet été, puis une significative augmentation (deuxième vague) en automne. Elle était aussi limitée dans l'espace, puisqu'elle ne s'appliquait qu'aux lieux accessibles au public et non pas au domaine public à proprement parler, ni à la sphère privée. D'autres cantons ont également pris les mêmes mesures entre les mois de juillet et août 2020, en particulier tous les cantons romands.

La mesure litigieuse respectait aussi le principe de la proportionnalité au sens étroit, dès lors que le port du masque facial dans les commerces, comme précédemment évoqué, permet d'en augmenter la fréquentation et ainsi laisser à davantage de personnes, sans devoir effectuer de longues files d'attente, et ce pour tous les magasins, indépendamment des produits proposés à la vente, la possibilité de les fréquenter. Dans ce cadre, elle a permis également la réouverture, dans le respect des mesures d'hygiène, de tous les autres commerces non essentiels dont la fermeture avait été ordonnée par le Conseil fédéral le 16 mars 2020, avant leur fermeture au début du mois de novembre 2020. À cela s'ajoute que l'arrêté litigieux prévoyait des exceptions au port du masque facial, tant s'agissant des clients que du personnel, qui devait alors être mis au bénéfice d'un dispositif de protection, sous forme de séparation vitrée ou équivalente. Dans ce dernier cas, le personnel de vente n'était ainsi pas tenu de porter en permanence un masque facial durant la journée de travail, de sorte que le grief de la recourante au sujet des méfaits d'un tel dispositif sur la santé des personnes concernées tombe également à faux. Il en va au demeurant de même des clients, qui n'étaient tenus de porter un tel masque facial que lorsqu'ils se rendaient dans un commerce ou un centre commercial. Rien n'indique d'ailleurs que le port du masque serait plus nocif que de laisser se propager le SARS-CoV-2 au sein de la population. L'obligation litigieuse constitue ainsi la mesure qui portait, compte tenu de la situation sanitaire prévalant alors, le moins atteinte aux intérêts privés en cause. Elle respectait dès lors le principe de proportionnalité.

Elle ne portait pas non plus atteinte au noyau intangible (art. 36 al. 4 Cst. ; art. 43 al. 4 Cst-GE) de la liberté économique, pour autant qu'une telle notion ait une quelconque portée sur le plan juridique (ACST/35/2019 du 21 novembre 2019 consid. 6 et les références citées), n'empêchant pas les commerces d'exploiter leurs établissements.

13) La recourante soutient que l'obligation du port du masque facial serait constitutive d'une inégalité de traitement, notamment entre concurrents directs. Elle perd toutefois de vue que l'arrêté en cause ne s'appliquait pas aux commerces sis dans d'autres cantons, qui ne peuvent ainsi être considérés comme concurrents directs des magasins genevois sous cet angle, étant précisé que l'ensemble des cantons romands a également imposé le port du masque facial dans les commerces sis sur leur territoire. Le fait que le canton de Vaud ait prévu une exception pour les commerces accueillant moins de dix clients simultanément n'est au demeurant pas propice à créer un tourisme d'achat, comme le soutient la recourante, dès lors que cette limite ne peut s'appliquer qu'aux petits magasins et n'a plus de portée au regard de l'art. 3b al. 1 de l'ordonnance COVID-19 situation particulière. Par ailleurs, l'arrêté litigieux concerne l'ensemble des commerces genevois, sans exception, de sorte que, de ce point de vue également, il n'est constitutif d'aucune inégalité de traitement. S'agissant des locaux postaux, leur réglementation ressortit à la compétence de la Confédération selon l'art. 92 al. 1 Cst., laquelle a également récemment imposé le port du masque facial dans tous les établissements clos accessibles au public. Il s'ensuit que ce grief doit être écarté.

14) La recourante conteste la légalité de la décision de fermeture de son commerce, en l'absence de base légale et de compétence de la médecin cantonale.

Dite possibilité de fermeture d'un commerce trouve une base légale aux art. 9 al. 2 de l'ordonnance COVID-19 situation particulière et 40 LEp, qui la prévoient expressément, notamment s'il n'existe pas de plan de protection nécessaire, comme tel était le cas en l'espèce, et non contesté, lors du passage de la médecin cantonale dans la boutique le 29 juillet 2020.

15) a. À Genève, l'art. 21 LS prévoit que l'État encourage les mesures destinées à prévenir les maladies qui, en termes de morbidité et de mortalité, ont des conséquences sociales et économiques importantes ainsi que les mesures visant à limiter les effets néfastes de ces maladies sur la santé et l'autonomie des personnes concernées (al. 1). Il prend les mesures nécessaires pour détecter, surveiller, prévenir et combattre les maladies transmissibles en application de la LEp (al. 2) et encourage leur prévention (al. 3).

Selon l'art. 9 al. 1 LS, le médecin cantonal est chargé des tâches que lui attribuent la présente loi, la législation cantonale ainsi que la législation fédérale, en particulier la LEp. L'art. 121 LS précise que la direction générale de la santé, soit pour elle le médecin cantonal notamment, exécute les tâches de lutte contre les maladies transmissibles prévues par la LEp (al. 1). Elle peut en particulier ordonner les mesures nécessaires pour empêcher la propagation de maladies transmissibles dans la population ou des groupes de personnes (al. 2 let. a ch. 3).

L'art. 121 LS prévoit que la DGS, soit pour elle le médecin cantonal, le vétérinaire cantonal ou le chimiste cantonal, exécute les tâches de lutte contre les maladies transmissibles et les zoonoses prévues par la LEp et la loi fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels du 20 juin 2014 (Loi sur les denrées alimentaires, LDAl - RS 817.0) (al. 1). Elle a notamment pour attributions d'ordonner les mesures nécessaires pour empêcher la propagation de maladies transmissibles dans la population ou des groupes de personnes (al. 2 ch. 3).

Sous le titre mesures administratives et sanctions, l'art. 126 LS précise qu'en cas de violation des dispositions de la présente loi ou de ses dispositions d'exécution, le département peut prendre toute mesure utile afin de faire cesser un état de fait contraire au droit. Il peut en particulier ordonner la fermeture de locaux (al. 1 let. c).

b. La compétence de la médecin cantonale d'ordonner une telle fermeture découlait des art. 121 et 126 LS, de sorte que ce grief sera également être rejeté.

16) La recourante soutient enfin que son comportement ne justifiait pas la fermeture de son commerce.

Elle ne convainc toutefois pas en soutenant en substance ne pas avoir eu l'intention de ne pas appliquer, respectivement de ne pas faire appliquer dans son commerce l'obligation de porter le masque, au personnel et à la clientèle. Quand bien même six autres affiches auraient été apposées dans sa vitrine, l'affiche litigieuse comportant l'indication « Ici, nous n'obligeons personne à porter le masque... » ne peut être comprise autrement que comme une autorisation à ne pas respecter cette obligation. La conséquence en étant que tant le personnel que des clients ont pu pénétrer dans son commerce en violant l'obligation du port du masque, il se justifiait qu'il soit fermé, le temps que les mesures de protection requises soient mises en place.

Entièrement mal fondé, le recours sera par conséquent rejeté.

17) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'300.-, tenant compte de la décision sur mesures provisionnelles, sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA), pas plus qu'au Conseil d'État qui dispose de son propre service juridique.

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 août 2020 par A______ contre la décision de la direction générale de la santé du 29 juillet 2020 ;

 

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'300.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alessandro Brenci, avocat de la recourante, ainsi qu'à la direction générale de la santé.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, M. Mascotto, Mme Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :