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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3688/2020

ATA/1313/2020 du 15.12.2020 sur JTAPI/1009/2020 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3688/2020-MC ATA/1313/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 décembre 2020

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Delphine Poussin, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 2 novembre 2020 (JTAPI/1009/2020)


EN FAIT

1) Monsieur A______ (également connu sous d'autres identités), est né le ______ 1981 et est originaire de Guinée. Il est dépourvu de document de voyage et a déposé deux demandes d'asile en Suisse, lesquelles ont abouti à des décisions de renvoi. La prise en charge et l'exécution du renvoi de l'intéressé ont été confiées au canton de Genève.

2) Le 19 novembre 2013, M. A______ a été condamné par le Ministère public genevois pour séjour illégal et délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121).

3) M. A______ a été renvoyé dans son pays d'origine le 28 février 2017. À cette fin, l'intéressé, qui avait disparu dans la clandestinité, avait fait l'objet d'un signalement RIPOL et avait été placé en détention administrative durant deux jours.

4) Le 9 juillet 2018, M. A______ a été arrêté par les forces de l'ordre genevoises dans le cadre d'un important trafic de cocaïne. Il ressort du rapport d'arrestation que l'intéressé n'avait aucun lieu de résidence fixe en Suisse, ni aucun lien particulier avec ce pays (il vivait en Espagne, et sa famille en Afrique), ni non plus aucun moyen légal de subsistance. M. A______ a par ailleurs reconnu avoir déjà eu affaire à la police et à la justice suisses dans le cadre d'un trafic de cocaïne. Il a été maintenu en détention provisoire.

5) Par arrêt du Tribunal correctionnel du 30 octobre 2019, M. A______ a été condamné pour infraction grave à la LStup (au sens de l'art. 19 ch. 2 let. a CP), à une peine privative de liberté de 3 ans et demi (sous déduction de 479 jours de détention avant jugement).

Simultanément, l'autorité judiciaire a ordonné son expulsion du territoire suisse pour une durée de cinq ans ainsi que son maintien en détention pour des motifs de sûreté.

6) Par jugement du 28 octobre 2020, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a ordonné la libération conditionnelle de M. A______ pour le 7 novembre 2020.

7) Le 2 novembre 2020, M. A______ a été entendu par l'office cantonal de la population et de migrations (ci-après : OCPM) au sujet de la mesure d'expulsion judiciaire prononcée à son encontre. À cet égard, M. A______ a indiqué vouloir être refoulé en Espagne, où il avait bénéficié d'un titre de séjour jusqu'en 2019.

8) Le 3 novembre 2020, les services de police ont adressé au Secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) une demande de soutien à l'exécution du renvoi. En réponse à cette demande, l'autorité fédérale compétente a fait savoir qu'elle allait procéder à une demande de laissez-passer.

Au vu des déclarations faites par M. A______ dans le cadre du droit d'être entendu relatif à la mesure d'expulsion judiciaire dont il faisait l'objet, les services de police ont également effectué une demande de réadmission en Espagne.

9) Selon les informations transmises le 5 novembre 2020 par swissREPAT, si les liaisons aériennes avec la Guinée étaient actuellement peu nombreuses, les refoulements à destination de cet État étaient toutefois possibles, par le vol opéré une fois par semaine par la compagnie Ethiopian Arlines ainsi que, prochainement et selon annonce de la compagnie, par les vols Royal Air Maroc, via Casablanca, lesquels étaient prévus à compter du 11 novembre 2020.

10) À sa sortie de prison, le 7 novembre 2020, M. A______ a été remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement.

11) Le même jour, il s'est vu notifier par l'OCPM une décision de non-report de la mesure d'expulsion judiciaire ordonnée à son endroit.

12) Le 7 novembre 2020 à 09h30, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Guinée, mais qu'il était d'accord de retourner en Espagne.

13) Entendu le 10 novembre 2020 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), M. A______ a déclaré qu'il était toujours d'accord de retourner en Espagne mais non en Guinée. Il souffrait de diabète. Il n'avait pas de famille en Suisse. Il avait de la famille en Espagne, notamment son oncle. Il avait aussi un ami dans ce pays. Il était marié et avait trois enfants en Guinée. Il était arrivé en Espagne en 2003, année durant laquelle il était venu en Suisse. Il était retourné en Espagne en 2004 et il y était resté jusqu'en 2013. Il était ensuite revenu en Suisse.

La représentante du commissaire de police a indiqué que la police genevoise n'avait toujours pas reçu de réponse des autorités espagnoles suite à leur demande du 5 novembre 2020. Ils n'avaient pas non plus de réponse du SEM eu égard au soutien demandé pour l'exécution du renvoi à destination de la Guinée.

M. A______ a conclu principalement à l'annulation de l'ordre de mise en détention administrative et à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement à la réduction de sa durée à un mois.

14) Par jugement du 10 novembre 2020, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention administrative prononcée à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 7 février 2021 inclus.

15) Par courrier du 11 novembre 2020, reçu par le TAPI le 16 novembre 2020, M. A______ a demandé sa mise en liberté afin de quitter le territoire par ses propres moyens, dans la mesure où il n'y avait de vol prévu du fait de la crise sanitaire.

16) Le 18 novembre 2020 en fin d'après-midi, le TAPI a appris de manière informelle que l'ensemble des détenus de l'établissement de Favra avaient été placés en quarantaine par le médecin responsable du service médical pénitentiaire, et que la direction de cet établissement avait donc décidé de ne pas autoriser la sortie de M. A______ pour assister à l'audience convoquée par-devant le TAPI. Celui-ci en a immédiatement averti le conseil de M. A______.

17) Lors de l'audience du 19 novembre 2020 devant le TAPI, l'avocate de M.  A______ l'a représenté devant le tribunal, confirmant que son client, avec lequel elle s'était entretenue téléphoniquement le jour précédent, confirmait sa demande de mise en liberté. Le TAPI a expliqué à celle-ci que la mise en quarantaine des détenus de Favra - leur interdisant toute sortie du centre - avait été décidée du fait qu'ils avaient été en contact avec un codétenu testé positif, qui ne se trouvait plus lui-même à Favra. À ce stade, le TAPI n'en savait pas plus et attendait la décision officielle du médecin. Le TAPI en tiendrait l'avocate informée. La représentante de l'OCPM a indiqué ne pas avoir plus d'informations.

Cette dernière a ajouté n'avoir pas encore reçu de réponse des autorités espagnoles. Elle a produit un échange de courriels entre le SEM et l'OCPM daté des 17 et 18 novembre 2020, duquel il ressortait que le SEM avait été sollicité à ce sujet le 17 novembre 2020, qu'il avait répondu ne pas avoir de réponse des autorités espagnoles et qu'il venait de relancer ces dernières. Elle avait encore contacté le matin même la personne responsable auprès du SEM, qui lui avait indiqué ne toujours pas avoir de nouvelles. D'expérience, dans les cas où il fallait procéder par une comparaison d'empreintes digitales, comme en l'espèce, les choses prenaient plus de temps. Elle a également produit un courrier recommandé du SEM du 13 novembre 2020 adressé à la mission permanente de Guinée, duquel il ressortait que le SEM avait sollicité l'obtention d'un laissez-passer. Sur question du conseil de M. A______, la représentante de l'OCPM a répondu que comme indiqué lors de la première audience du 10 novembre 2020, les vols à destination de la Guinée avaient lieu à raison d'une fois par semaine mais que de toute manière, pour l'instant, M. A______ n'avait pas de document lui permettant de voyager. S'agissant de l'Espagne, les vols étaient quotidiens.

Le conseil de M. A______ a indiqué que la demande de mise en liberté était motivée du fait qu'il n'y avait pour l'instant pas d'avion organisé pour son renvoi et en raison de son diabète. Il souhaitait ainsi recouvrer sa liberté au plus vite. Elle a tenu à indiquer qu'elle avait appelé son client le matin précédent à 9h00 et que l'employée de Favra qui lui avait répondu lui avait indiqué à demi-mot être au courant qu'il y avait un problème de Covid et que pour l'instant les détenus n'étaient pas confinés. Elle n'avait pas pu discuter avec son client à ce moment-là. Elle l'avait eu au téléphone à 18h00, et il lui avait indiqué être inquiet de cette situation en raison notamment de son diabète, mais que pour l'instant lui-même n'était pas porteur du virus. Il lui avait expliqué ne pas être confiné, et elle avait entendu qu'il y avait du passage derrière lui. Il lui semblait qu'il ignorait qui avait été atteint de la Covid-19 et si cette personne était encore parmi eux au centre de Favra.

L'avocate de M. A______ a conclu à la mise en liberté immédiate de son client et que soit constatée la violation de l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). La représentante de l'OCPM a conclu au rejet de la demande de mise en liberté.

18) Au terme de l'audience, le TAPI a écrit à Madame B______, directrice de l'établissement de Favra, afin de connaître les mesures prévues et mises en place au sein dudit établissement en vue de protéger les détenus, mis récemment en quarantaine, contre la propagation de la Covid-19.

19) Par courrier du 20 novembre 2020, anticipé par courriel à 10h51, le conseil de M. A______ a indiqué s'être entretenue avec lui après l'audience, et qu'il souhaitait apporter quelques remarques complémentaires de façon spontanée. Lui et ses codétenus pouvaient toujours se déplacer librement sur leur étage, l'accès extérieur étant toutefois restreint. Il n'avait pas reçu pour consigne de se confiner dans sa cellule. Cela dit, il ne comprenait pas pour quelles raisons il avait été empêché de se présenter à l'audience le jour précédent et de pouvoir ainsi exercer son droit d'être entendu personnellement. L'avocate a rajouté que la directrice de l'établissement de Favra lui avait écrit par courriel le 19 novembre 2020 pour l'informer que l'établissement se trouvait en quarantaine sanitaire du 16 au 27 novembre inclus. Elle ne pouvait que déplorer qu'il ne soit pas communiqué sur la situation sanitaire de Favra de manière transparente et il était impossible de savoir à ce stade de quelle manière la Covid-19 était apparue au sein de l'établissement et quelles mesures avaient été prises afin de protéger les détenus. M. A______, atteint de diabète, relevait avec regret l'incapacité des autorités à le protéger d'une exposition à la Covid-19, et il était extrêmement inquiet pour sa santé puisqu'il n'était pas possible pour lui d'exclure qu'à l'avenir de nouvelles contaminations apparaissent au sein de l'établissement. Enfin, il n'avait été informé que le 18 novembre 2020 de la mise en quarantaine, alors qu'elle avait été décidée le 16 novembre 2020 déjà. Partant, une partie des informations essentielles en lien avec la situation sanitaire ne lui avaient pas été transmises immédiatement. Au vu de ces éléments, il persistait dans sa demande de mise en liberté.

20) Par courrier du 20 novembre 2020, anticipé par courriel à 13h10, Mme B______ a répondu au TAPI que du 16 novembre au 27 novembre 2020 compris, une mise en quarantaine avait été instaurée sur décision de la Dresse C______, médecin responsable du service médical pénitentiaire. Les détenus avaient été informés le soir même par le service médical de cette décision, l'accent ayant été mis sur l'importance des gestes barrière et de la désinfection des mains et des surfaces. Dès lors, avaient été prises les mesures suivantes : un détenu par cellule, confiné sur son étage ; prise de température deux fois par jour pour chacun des détenus ; port du masque obligatoire pour tous les détenus, distribution deux fois par jour ; mise à disposition de spray désinfectant à chaque étage ; douches séparées ; repas servis par étage dans de la vaisselle jetable ; promenade assurée par étage, au maximum trois détenus par heure, avec respect des distances entre personnes. Les agents de détention assuraient un passage régulier auprès de chacun afin de s'assurer qu'ils n'avaient besoin de rien et pour garder le lien. Le service médical pénitentiaire était attentif à l'évolution de la situation.

21) Par acte posté le 20 novembre 2020, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI du 10 novembre 2020.

22) Par jugement du 23 novembre 2020, le TAPI a rejeté la demande de mise en liberté et confirmé en tant que de besoin la détention de M. A______ jusqu'au 7 février 2021.

Le respect des conditions légales de la détention de M. A______ avait été confirmé tout récemment par le TAPI dans son jugement du 10 novembre 2020, et les circonstances ayant conduit à cette détention n'avaient pas changé. Par ailleurs, la durée de la détention décidée par le commissaire de police et validée par le TAPI respectait toujours le cadre légal et n'apparaît pas disproportionnée.

Depuis le précédent jugement, les autorités suisses avaient relancé tant les autorités espagnoles que guinéennes, de sorte que le principe de célérité était toujours respecté. L'inaction des autorités étrangères n'était pas imputable aux autorités suisses, étant précisé que les démarches en vue de l'identification de M. A______ par les autorités guinéennes étaient nécessaires uniquement du fait que celui-ci était démuni de documents permettant son identification et de voyager. Par ailleurs, si une date effective de vol n'avait pas encore pu être obtenue, que ce soit à destination de l'Espagne ou de la Guinée, il n'en demeurait pas moins que les démarches en vue de procéder à l'expulsion de M. A______ étaient en cours et que l'espace aérien, tant espagnol que guinéen, était ouvert. Dès lors, il ne pouvait être retenu qu'il n'y avait pas de perspectives sérieuses que l'expulsion puisse avoir lieu dans un délai prévisible.

Enfin, la situation de mise en quarantaine dont se plaignait M. A______ ne pouvait conduire à sa mise en liberté. L'objectif de la mise en détention administrative était de permettre l'exécution du renvoi. Il ne résultait pas du dossier que les mesures prévues par le centre de détention administrative en vue de lutter contre la propagation de la Covid-19 seraient insuffisantes au point de l'exposer à des conditions dégradantes ou dangereuses pour sa santé. Il ressortait au contraire du courrier du 20 novembre 2020 de Mme B______ que toutes les mesures avaient été prises en vue de protéger tant les détenus que les personnes extérieures contre la propagation du virus, conformément aux règlementations en vigueur à cet égard, étant encore précisé que l'établissement de Favra serait en mesure de prendre en charge médicalement M. A______. La détention se faisait dans un établissement qui satisfaisait aux exigences légales de l'art. 81 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) en matière de respect des personnes détenues administrativement et qui bénéficiait d'un service médical approprié, pourvoyant aux soins ambulatoires et d'urgence. Dès lors, son placement ou son maintien en détention, dans ces conditions, ne contrevenait pas au droit à la vie, pas plus qu'à l'interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants.

23) Par arrêt du 2 décembre 2020 (ATA/1225/2020), la chambre administrative a rejeté le recours déposé contre le jugement du TAPI du 10 novembre 2020.

La détention administrative était justifiée dans son principe, au vu de la condamnation de M. A______ pour crime à la LStup du 30 octobre 2019.

Quand bien même la situation sanitaire s'avérait difficile à vivre pour lui, comme pour ses codétenus et le personnel pénitentiaire, il y avait lieu de retenir que les autorités avaient pris les dispositions nécessaires pour empêcher la propagation du coronavirus dans les murs de Favra, sur la base des connaissances actuelles. Si la santé du recourant nécessitait un suivi particulier en raison d'un diabète, le service médical était à même de le lui offrir et d'alerter la direction de l'établissement sur d'éventuelles mesures particulières supplémentaires à prendre pour le protéger. Enfin, M. A______ ne pouvait se plaindre d'une violation de son droit d'être entendu des suites d'une convocation par le TAPI dans une procédure distincte suite à sa demande de mise en liberté.

Dès lors qu'il existait un risque que la réadmission de M. A______ en Espagne soit refusée du fait qu'il avait lui-même indiqué que son permis de séjour était échu depuis 2019, il y avait lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de trois mois, laquelle permettrait aux autorités d'obtenir un laissez-passer des autorités guinéennes le cas échéant et un billet d'avion.

24) Par acte posté le 4 décembre 2020, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI du 23 novembre 2020, concluant à son annulation, au constat de la violation des art. 3 CEDH, 30 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 80 al. 5 LEI, à une mise en liberté immédiate ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Dans l'ATA/1225/2020, la chambre administrative avait considéré que les mesures prises par l'établissement de Favra étaient suffisantes, mais ne s'était pas prononcée sur la violation du droit d'être entendu. À cet égard, l'art. 80 al. 5 LEI prévoyait une procédure orale, ce qui signifiait qu'une audience était fixée et que ce soit l'étranger lui-même qui soit entendu en personne, et non son mandataire, qui ne pouvait s'exprimer à sa place, notamment sur les conditions de détention prévalant à Favra.

De plus, Il souffrait de diabète et aurait donc être dû être spécialement protégé, ce qui n'avait pas été le cas. Entre le 13 novembre et le 18 novembre 2020, rien n'avait été entrepris au sein de l'établissement, situation qui avait été remplacée par un pseudo-confinement inefficace du point de vue sanitaire, mais qui l'avait empêché de défendre ses droits. Il n'avait été testé que le 2 décembre 2020, et avait ainsi vécu dans la peur entre le 13 novembre et le 2 décembre 2020, ce qui était choquant et constituait une violation de l'art. 3 CEDH.

25) Le 8 décembre 2020, le TAPI a communiqué son dossier, en relevant que l'avocate de M. A______ avait accepté de le représenter lors de l'audience qui avait eu lieu le 23 novembre 2020, et avait eu l'occasion de s'entretenir téléphoniquement avec son client.

26) Le 11 décembre 2020, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

Il renvoyait au jugement attaqué et à l'ATA/1225/2020. En outre, M. A______ avait été testé à deux reprises, soit les 2 et 8 décembre 2020, tests tous deux négatifs. La quarantaine dont l'établissement de Favra avait fait l'objet venait d'être levée, ce qui impliquait qu'aucun détenu n'était porteur du virus.

L'argumentation relative à l'art. 3 CEDH avait déjà été écartée par la chambre administrative, et s'agissant de la violation du droit d'être entendu, M. A______, représenté par avocat, avait été en mesure de faire valoir tous ses arguments et moyens de droit tant auprès du TAPI que de la chambre administrative.

27) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 7 décembre 2020 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

En outre, à teneur dudit art. 10 LaLEtr, elle est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle en cette matière (al. 2 2ème phr.) ; elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; le cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l'étranger (al. 3 1ère phr.).

3) Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu ainsi que de l'art. 80 al. 5 LEI, grief d'ordre formel devant être examiné en premier lieu (ATF 132 V 387 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2019 du 10 juillet 2020 consid. 3).

a. Selon la jurisprudence, les règles entourant les mesures de contrainte représentent des garanties minimales de procédure importantes qui s'imposent en principe d'office et de manière contraignante aux autorités concernées. Toute violation des règles de procédure n'entraîne toutefois pas nécessairement la libération de l'étranger détenu au titre des mesures de contrainte. Cela dépend des circonstances du cas d'espèce. Il faut notamment tenir compte de l'importance de la règle violée pour la sauvegarde des droits de l'intéressé. Par ailleurs, l'intérêt à garantir l'efficacité d'un renvoi peut s'opposer à une remise en liberté immédiate (arrêt du Tribunal fédéral 2C_356/2009 du 7 juillet 2009 consid. 5.4).

b. Selon l'art. 80 al. 5 LEI, l'étranger en détention peut déposer une demande de levée de détention un mois après que la légalité de cette dernière a été examinée ; l'autorité judiciaire se prononce dans un délai de huit jours ouvrables, au terme d'une procédure orale.

c. Il est possible de renoncer de son plein gré aux garanties d'un procès équitable de manière expresse ou tacite, en particulier à son droit d'être jugé en contradictoire, pour autant que la renonciation au droit de participer à l'audience se trouve établie de manière non équivoque et qu'elle ait été entourée du minimum de garanties correspondant à sa gravité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_946/2017 du 8 mars 2018 consid. 3.1).

d. Selon la jurisprudence, les actes du représentant sont opposables au représenté comme les siens propres ; ce principe vaut également en droit public (arrêt du Tribunal fédéral 2C_280/2013 du 6 avril 2013 ; ATA/1127/2020 du 10 novembre 2020 consid. 4c ; ATA/224/2020 du 25 février 2020 consid. 3b).

4) En l'espèce, le TAPI a tenu une audience et a donc mené une procédure orale, si bien que l'art. 80 al. 5 LEI a été respecté. S'agissant du respect de l'art. 30 al. 1 Cst., le recourant bénéficiait devant le TAPI de l'assistance d'une avocate, qui a été convoquée à l'audience où elle s'est fait excuser par son avocate stagiaire. Celle-ci a participé à l'audience et a plaidé, sans faire valoir aucune informalité en raison de l'absence de son client. De plus, l'avocate du recourant avait été informée par le TAPI de l'impossibilité de faire venir le recourant à l'audience en raison de la quarantaine dès qu'il en a été informé, sans que cela donne lieu à contestation.

Dans ces conditions, on doit retenir que le recourant a valablement renoncé à son droit de présence à l'audience du 19 novembre 2020, étant précisé que la présence de son conseil à l'audience lui a permis de faire valoir ses droits de manière adéquate et de conclure à sa mise en liberté, son avocate ayant pu relayer les informations qu'elle avait reçues de sa part lors d'un entretien téléphonique préalable.

Le grief sera ainsi écarté.

5) a. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 CEDH (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 précité consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

b. En vertu de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI en lien avec l'art. 75 al. 1 LEI, après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'expulsion au sens de la LEI ou une décision de première instance d'expulsion au sens notamment des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, notamment si des éléments concrets font craindre que la personne concernée entende se soustraire à son renvoi ou à son expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer en vertu de
l'art. 90 LEI ou de l'art. 8 al. 1 let. a ou al. 4 de la loi sur l'asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31 ; ch. 3), ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4), mettre en détention la personne concernée, notamment si elle a été condamnée pour crime (art. 75 al. 1 let. h LEI).

Les chiffres 3 et 4 de l'art. 76 LEI décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition ; ils doivent donc être envisagés ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

Lorsqu'il examine le risque de fuite, le juge de la détention doit établir un pronostic, en déterminant s'il existe des garanties que l'étranger prêtera son concours à l'exécution du renvoi le moment venu, c'est-à-dire lorsque les conditions en seront réunies. Il dispose pour ce faire d'une certaine marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_128/2009 précité consid. 3.1).

Par crime au sens de l'art. 75 al. 1 let. h LEI, il faut entendre une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (art. 10 al. 2 CP ; ATA/220/2018 du 8 mars 2018 consid. 4a ; ATA/997/2016 du 23 novembre 2016 consid. 4a), ce qui est notamment le cas de l'infraction grave à la LStup (art. 19 al. 2 LStup).

6) Comme la chambre de céans l'a déjà jugé dans l'ATA/1225/2020, sans qu'aucune circonstance déterminante ait changé, les conditions d'une détention administrative sont remplies, notamment vu la condamnation du recourant pour crime, ainsi qu'en raison du risque de fuite découlant de son refus répété de quitter la Suisse pour son pays d'origine et son retour en Suisse après un renvoi en 2017, montrant le peu de cas qu'il fait de l'ordre juridique suisse et des décisions prises à son encontre.

7) Le recourant se plaint derechef de la quarantaine qu'il a subie, et ainsi de ses conditions de détention, en se prévalant de l'art. 3 CEDH.

a. Selon l'art. 3 CEDH, nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

b. L'art. 3 CEDH fait peser sur les autorités une obligation positive qui consiste à s'assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine et que les modalités d'exécution de la mesure en cause ne soumettent pas l'intéressé à une détresse ou à une épreuve d'une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention (ACEDH Enoaie c. Roumanie du 4 novembre 2014, req. n° 36513/12, § 46 ; Kuda c. Pologne [GC] du 26 octobre 2000, req. n° 30210/96, rec. 2000-XI, § 94).

c. Les exigences qui pèsent sur l'État concernant l'état de santé d'un détenu peuvent être différentes s'il s'agit d'une contamination avec une maladie transmissible (ACEDH Flöp c. Roumanie du 24 juillet 2012, req. n° 18999/04, § 34 ; Ghavtadze c. Géorgie du 3 mars 2009, req. n° 23204/07, § 86, dans lesquels les requérants alléguaient avoir contracté la tuberculose en prison) ou d'une maladie non transmissible (ACEDH Iamandi c. Roumanie du 1er juin 2010, req. n° 25867/03, § 65, dans lequel le requérant souffrait de diabète). La CourEDH estime que la propagation des maladies transmissibles et, notamment, de la tuberculose, de l'hépatite et du VIH/SIDA devrait constituer une préoccupation de santé publique majeure, surtout dans le milieu carcéral. À ce sujet, la CourEDH estime qu'il serait souhaitable que, avec leur consentement, les détenus puissent bénéficier dans un délai raisonnable après leur admission en prison de tests gratuits de dépistage concernant les hépatites et le VIH/SIDA (ACEDH Eugen Micu c. Roumanie du 5 janvier 2016, req. n° 55104/2013, § 56).

d. Ainsi, le manque de soins médicaux appropriés, et, plus généralement, la détention d'une personne malade dans des conditions inadéquates, peuvent en principe constituer un traitement contraire à l'art. 3 CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 6B_504/2020 du 17 septembre 2020 consid. 3.1 et les ACEDH cités).

8) En l'espèce, la chambre de céans a déjà jugé dans l'ATA/1225/2020 que la quarantaine subie à Favra n'emportait pas violation de l'art. 3 CEDH, et les circonstances ne se sont pas modifiées depuis, si ce n'est que deux tests ont été pratiqués sur le recourant, avec son contentement, tests qui se sont tous les deux révélés négatifs. Le recourant ne fait valoir aucun élément objectif permettant de penser qu'il n'aurait pas bénéficié d'un suivi médical adéquat, se contentant de mettre en avant sa peur d'attraper la Covid-19 alors qu'il était diabétique.

Dans la mesure où le recourant n'est pas tombé malade en détention, et qu'aucun élément du dossier ne permet de penser que le suivi médical le concernant était inadéquat, on ne saurait retenir une violation de l'art. 3 CEDH.

Il résulte des considérants qui précèdent que le recours, entièrement mal fondé, doit être rejeté.

9) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera mis à charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA cum art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 décembre 2020 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 novembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Delphine Poussin, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'à l'établissement de Favra, pour information.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory et Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Marinheiro

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :