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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4023/2019

ATA/1238/2020 du 08.12.2020 sur JTAPI/316/2020 ( PE ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;DROIT DES ÉTRANGERS;AUTORISATION DE SÉJOUR;PERSONNE RETRAITÉE;CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.18; OASA.25; LEI.30.al1.letb; OASA.31.al1; CEDH.8
Résumé : Refus de délivrance d'une autorisation de séjour à la recourante, ressortissante de Turquie âgée de 78 ans. Absence de liens personnels particuliers avec la Suisse autre que la présence de membres de sa famille à Genève : conditions de l'autorisation de séjour pour personne rentière non réalisées. Durée de séjour à Genève plutôt brève, absence d'intégration exceptionnelle, ne souffre pas d'une sérieuse atteinte à la santé nécessitant, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles en Turquie : pas de cas individuel d'extrême gravité. Absence d'état de dépendance à un membre de sa famille à Genève : ne peut se prévaloir de l'art. 8 CEDH. Renvoi possible, licite et raisonnablement exigible. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4023/2019-PE ATA/1238/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 décembre 2020

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______

représentée par Caritas Genève, soit pour elle Monsieur Alexandre Schmid, mandataire

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 avril 2020 (JTAPI/316/2020)


EN FAIT

1.1) Madame A______, ressortissante de Turquie née le ______ 1942 et veuve depuis le 20 mai 2001, a six enfants, soit un fils installé au Danemark, une fille vivant en Suède, une fille demeurant en Turquie avec son mari et ses enfants et trois fils habitant à Genève, soit :

- Monsieur B______, né le ______ 1960, marié et père de quatre enfants majeurs, dont Madame C______, née le ______ 1979 et mariée à Monsieur D______, avec lequel elle a quatre enfants, dont trois mineurs, Madame E______, née le ______ 1983 et mariée à Monsieur F______, avec lequel elle a quatre enfants mineurs, et Monsieur G______, né le ______ 1988, marié et père d'un enfant mineur ;

- Monsieur H______, né le ______1964, marié et père d'un enfant majeur, Monsieur I______, né le ______ 1988, lui-même marié et père de deux enfants mineurs ;

- Monsieur J______, né le ______ 1972, marié et père de trois enfants majeurs, dont une fille, Madame A______ K______, née le ______ 1994 et mariée à Monsieur K______, avec lequel elle a un enfant mineur.

2.2) a. Après être arrivée en Suisse le 12 novembre 2011 au bénéfice d'un visa touristique de nonante jours, Mme A______ a sollicité, le 17 janvier 2012, la délivrance d'une autorisation de séjour à Genève, où vivaient trois de ses enfants.

b. Le 28 février 2013, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé la délivrance d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité en faveur de Mme A______ et lui a imparti un délai au 28 mars 2013 pour quitter la Suisse.

c. Le 1er mars 2013, Mme A______ a quitté la Suisse.

3.3) Le 27 septembre 2017, Mme A______ est à nouveau entrée en Suisse au bénéfice d'un visa touristique valable jusqu'au 7 janvier 2018.

4.4) Le 13 novembre 2017, MM. G______ et B______ ont sollicité la délivrance d'une autorisation de séjour d'au moins une année en faveur de leur grand-mère, qui se retrouvait seule en Turquie, souhaitait rester auprès de ses trois enfants à Genève et n'était plus en âge de travailler. Ils se portaient garants pour elle et subviendraient à tous ses besoins vitaux, leur salaire mensuel brut s'élevant respectivement à CHF 5'080.- et CHF 4'054.-, conformément aux bulletins de salaire d'août à octobre 2017 annexés à la requête.

11.5) Le 15 mai 2018, Mme A______ a sollicité un visa de retour de trois mois, afin de se rendre en Turquie pour des raisons médicales et familiales.

6.6) a. Le 13 septembre 2018, M. B______ a répondu à une demande d'informations de l'OCPM.

Sa grand-mère avait eu six enfants dont cinq avaient émigré en Europe. Seule une de ses filles vivait en Turquie, souffrait d'une hernie discale et était souvent hospitalisée. Sa grand-mère vivait seule au village et était dépendante d'une tierce personne en raison de son âge avancé et de sa santé fragilisée. De ce fait, elle était restée à Genève. Son père, ses oncles et lui-même devaient se montrer solidaires et subvenir aux besoins de leur aînée. À Genève, il y avait une forte population venant de leur village avec qui sa grand-mère avait noué des relations au cours de ses différents séjours.

b. Il a notamment produit ses fiches de salaire pour les mois de juin à août 2018 pour un salaire mensuel brut de CHF 4'095.-, les décomptes de la caisse cantonale genevoise de chômage de M. G______ pour les mêmes mois allouant à ce dernier une indemnité journalière de CHF 202.90, les décomptes de salaire de M. G______ pour la même période pour un salaire mensuel brut de CHF 1'200.-, un courrier du 7 novembre 2017 dont il ressortait que lui-même et son épouse bénéficiaient d'un logement à caractère social de la Ville de Genève pour un loyer de CHF 933.95 par mois, ainsi qu'un rapport du Docteur L______, médecin généraliste, du 13 septembre 2018, à teneur duquel sa grand-mère était connue pour des problèmes d'hypothyroïdie, d'hypertension artérielle, d'hypercholestérolémie, d'obésité et de tabagisme. Lors d'une consultation du 28 août 2018, elle s'était plainte de douleurs abdominales épigastriques irradiant dans le dos survenues depuis dix jours. Son évolution avait été jugée favorable. Aucun diagnostic n'avait été retenu. Elle suivait un traitement à base d'Euthyrox depuis une dizaine d'année, qu'elle devrait probablement continuer à vie, et avait besoin d'un suivi médical semestriel. Sans traitement, le pronostic était mauvais ; avec traitement, il était favorable. Rien ne s'opposait à un traitement médical dans le pays d'origine, sous réserve du fait qu'être seule à son âge posait des difficultés pour assurer un suivi adéquat.

7.7) Le 14 juin 2019, Mme A______ a demandé un visa de retour d'une durée d'un mois, pour se rendre en Turquie dans le cadre d'une visite familiale.

8.8) Le 19 août 2019, l'OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser de lui délivrer l'autorisation de séjour sollicitée et de sa volonté de prononcer son renvoi de Suisse.

9.9) a. Le 3 septembre 2019, Mme A______ a persisté dans sa demande.

Elle entretenait des liens personnels directs avec la Suisse dans la mesure où, depuis les années 1980, elle venait régulièrement dans ce pays pour les vacances et y voir les membres de sa famille, y restant même parfois plusieurs mois conformément au visa dont elle bénéficiait. Elle était particulièrement attachée à la Suisse. Elle entretenait des liens étroits avec les trente-et-un membres de sa famille y vivant. Le besoin de voir et d'entretenir des relations avec ceux-ci était essentiel. Elle était le seul membre de la famille à vivre en Turquie et habitait seule dans un village non médicalisé. Elle avait besoin d'un « suivi familial » en raison d'un traitement anxiolytique et contre les attaques de panique dont elle était victime. Les membres de sa famille la prenaient en charge financièrement. Un autre petit-fils, M. K______, s'engageait à l'assister. Elle percevait des autorités turques une rente mensuelle de retraite d'environ CHF 150.-. Ayant un train de vie très modeste, l'aide de sa famille et sa rente lui suffiraient pour le restant de sa vie.

b. Elle a notamment versé à la procédure les fiches de salaire de M. K______ pour les mois de juin à août 2019 pour un salaire mensuel brut de CHF 4'200.- et une attestation médicale du Docteur M______, médecin généraliste, du 29 août 2019, à teneur de laquelle la patiente avait besoin d'un « suivi familial » et prenait un traitement anxiolytique et contre les attaques.

10.10) Par décision du 30 septembre 2019, l'OCPM a refusé la délivrance de l'autorisation de séjour sollicitée, a prononcé le renvoi de Mme A______ et lui a imparti un délai au 30 novembre 2019 pour quitter la Suisse.

En l'absence de base légale pour le regroupement familial des ascendants pour les personnes extra-européennes au bénéfice d'une autorisation d'établissement en Suisse, la situation devait être examinée sous l'angle de l'autorisation de séjour pour personnes rentières et de l'autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité.

Elle ne pouvait justifier de liens personnels ou socioculturels indépendants de ses proches. Elle ne s'était pas engagée à ne plus exercer d'activité lucrative en Suisse ou à l'étranger. Ses moyens financiers n'étaient pas suffisants pour assurer sa prise en charge financière de manière indépendante et pour une durée indéterminée.

Elle était veuve depuis 2001. Les revenus de ses trois petits-enfants n'étaient pas suffisants pour exclure une éventuelle aide future de l'Hospice général et aucune attestation de poursuites n'avait été transmise les concernant. Elle faisait l'objet d'une décision de refus d'octroi d'une autorisation de séjour pour regroupement familial depuis le 28 février 2013. Rien n'indiquait un changement de sa situation personnelle. Sa demande reposait sur des motifs de convenance personnelle. Elle pouvait maintenir les liens avec ses enfants et petits-enfants, notamment sous le couvert de séjours touristiques. Vu les visas de retour, elle avait encore de la famille dans son pays d'origine.

Elle ne pouvait se prévaloir de la protection de la vie privée et familiale, n'étant pas atteinte d'une maladie grave nécessitant une prise en charge permanente ne pouvant être assurée que par sa famille en Suisse.

Le dossier ne laissait pas paraître que le retour ne serait pas possible, licite ou raisonnablement exigible.

11) a. Par acte du 30 octobre 2019, Mme A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour, s'engageant à ne plus exercer d'activité lucrative en Suisse et indiquant pouvoir fournir tous les documents nécessaires pour établir la situation financière de ses enfants et petits-enfants.

Toute sa famille se trouvait en Suisse, où elle venait régulièrement depuis 1998 et résidait depuis deux ans. Elle y avait toutes ses attaches. Âgée, elle n'avait pas une vie sociale extrêmement développée mais entretenait de bonnes relations avec ses voisins. Ses trois fils et ses petits-enfants disposaient, ensemble, de ressources largement suffisantes pour s'occuper d'elle sans qu'elle doive faire appel à l'aide sociale. Elle n'avait plus aucune famille en Turquie et vivre seule là-bas serait extrêmement difficile.

b. À l'appui de son recours, elle a produit une attestation d'une voisine de l'un de ses fils.

12.12) Par réponse du 18 décembre 2019, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

13.13) a. Par réplique du 28 janvier 2020, Mme A______ a persisté dans son recours et précisé demander une autorisation de séjour sans activité lucrative (autorisation de séjour de rentière).

b. Elle a produit une attestation de prise en charge de Monsieur N______, propriétaire-gérant du café restaurant de Grange-Canal et ami de la famille, qui s'engageait à assumer sa prise en charge à hauteur de CHF 2'700.- par mois pendant cinq ans.

14.14) Par jugement du 28 avril 2020, notifié le 2 mai 2020, le TAPI a rejeté le recours.

Les ressources dont disposait Mme A______, de CHF 150.- par mois, ne lui permettaient pas de subvenir seule à ses besoins à Genève. Les engagements à son égard de ses petits-enfants et M. N______ ne permettaient pas d'arriver à une autre conclusion, ne s'agissant pas de ressources propres. Même cumulés, les revenus de ses trois petits-enfants, qui avaient déjà chacun des enfants mineurs à charge et dont l'un était partiellement au chômage, n'étaient pas suffisants pour exclure une éventuelle future aide de l'assistance publique, l'aide matérielle et financière proposées par ceux-ci ne présentant pas des garanties suffisantes sous l'angle du critère d'autonomie. La seule lettre de référence produite ne permettait pas de considérer qu'elle se serait constituée des attaches d'une intensité particulière avec la Suisse. La simple présence de proches sur le territoire suisse n'était en soi pas de nature à créer des attaches suffisamment étroites avec le Suisse. Son intention de s'établir à Genève était motivée essentiellement par sa volonté d'être auprès de ses enfants et petits-enfants à Genève, qui s'étaient proposés de prendre soin d'elle. Ces motivations relevaient en réalité du regroupement familial, refusé par décision du 28 février 2013, sans que la recourante ne démontre un changement de sa situation personnelle. Elle ne remplissait pas les conditions d'une autorisation de séjour de rentière.

Elle ne pouvait se prévaloir ni d'une longue durée de séjour en Suisse, ni d'une quelconque intégration. Elle ne pouvait invoquer ses problèmes de santé, préexistants, et ne souffrait pas de graves problèmes de santé ne pouvant être traités qu'en Suisse. La nécessité de sa présence en Suisse à des fins médicales n'était pas démontrée, pas plus que celle de la présence de ses enfants et petits-enfants à ses côtés. Rien ne l'empêchait de déménager dans une ville où elle bénéficierait d'un suivi médical adéquat. Âgée de 77 ans, elle avait toujours vécu en Turquie et y avait nécessairement un réseau social. Elle y avait gardé des attaches familiales, puisqu'elle y était retournée en 2018 et 2019. Elle pourrait compter sur la présence de sa famille, notamment sa fille, en cas de retour au pays. Elle pourrait continuer à maintenir les liens avec sa famille à Genève, notamment par le biais de visites touristiques de plusieurs mois, comme par le passé. Ni son état de santé, ni son âge ne l'empêchaient de voyager, puisqu'elle l'avait encore fait en été 2019. Les membres de sa famille établis en Suisse pouvaient aussi lui rendre visite en Turquie. Elle ne se trouvait pas dans une situation relevant du cas de rigueur.

Elle ne démontrait pas être atteinte d'une maladie grave nécessitant une prise en charge permanente qui la placerait dans une situation de dépendance particulière dépassant les liens affectifs ordinaires vis-à-vis de sa proche famille établie à Genève. Le fait que ses enfants et petits-enfants assument financièrement son entretien n'était pas non plus déterminant, rien ne les empêchant de lui apporter un soutien financier et matériel depuis la Suisse. Elle ne pouvait prétendre à un droit au regroupement familial fondé sur le droit conventionnel européen.

S'agissant du caractère raisonnablement exigible du renvoi, il s'agissait de renvoyer une femme seule de septante sept ans dans le pays dans lequel elle avait toujours vécu jusqu'à son départ relativement récent pour la Suisse et où habitait encore une partie de sa famille. Son état de santé ne s'opposait pas à un retour dans son pays d'origine. Elle ne pouvait pas se prévaloir du fait que les traitements médicaux dont elle avait besoin ne seraient pas disponibles en Turquie.

15.15) a. Par acte du 2 juin 2020, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation.

Au-delà de sa famille élargie, elle avait su nouer de nombreuses relations avec des autochtones, issus ou non de la communauté turco-kurde. Sa présence assurait une réelle unité dans sa famille et sa communauté et lui permettait d'éviter une solitude extrême. Elle n'avait quasiment plus aucun contact social dans son village, qui se désemplissait fortement depuis plusieurs années du fait du manque de perspectives socio-économiques dans la région. Sa seule famille résidant encore en Turquie vivait à Ankara, à plus de huit heures de voiture. Il lui était impossible de se déplacer aussi loin, tout comme il l'était pour son frère et sa soeur, âgés de près de 90 ans et en proie à de graves ennuis de santé. Son logement ne disposait pas de toilettes propres, ni de chauffage et l'hôpital le plus proche était situé à plus de quarante kilomètres.

En plus des salaires de MM. H______ et J______ (CHF 4'095.-), G______ et K______ (CHF 4'200.-), elle pouvait désormais bénéficier de ceux de MM. J______ (CHF 5'200.-), D______ (CHF 5'199.-) et F______ (CHF 8'000.-), en plus des garanties fournies par M. N______. Toutes ces garanties étaient fournies par des proches de la famille, dont il était certain qu'elles seraient stables et constantes dans le temps. Son train de vie était très modeste et ne nécessitait que de menues dépenses, en tenant compte du fait qu'elle bénéficiait d'une chambre à coucher chez M. B______ et chez M. G______, ses dépenses étant quasiment exclusivement d'ordre alimentaire et déjà couvertes par les membres de sa famille. Il était plus qu'improbable qu'elle fasse appel à l'Hospice général. Elle remplissait les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour pour rentière.

b. À l'appui de son recours, elle a produit cinq attestations concernant son intégration à Genève.

16.16) Le 10 juin 2020, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative, sans formuler d'observations.

17.17) Par réponse du 18 juin 2020, l'OCPM a conclu au rejet du recours, faisant sien les considérants du jugement attaqué en l'absence d'éléments nouveaux.

18.18) Sur ce, en l'absence de requête complémentaire et de réplique dans le délai imparti à cet effet, la cause a été gardée à juger le 21 juillet 2020.

EN DROIT

1.1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.2) Le recours porte sur la conformité au droit du jugement du TAPI confirmant, d'une part, le refus d'autorisation de séjour à la recourante, ainsi que, d'autre part, son renvoi et l'exécution de celui-ci.

3.3) Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

4.4) a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), qui a alors été renommée loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêts du Tribunal fédéral 2C_841/2019 du 11 octobre 2019 consid. 3 ; 2C_737/2019 du 27 septembre 2019 consid. 4.1), les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit.

b. En l'espèce, la demande d'autorisation de séjour a été formée en novembre 2017, de sorte que c'est l'ancien droit qui s'applique, étant néanmoins relevé que la plupart des dispositions sont restées identiques.

5.5) La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissantes et ressortissants de Turquie.

6.6) a. Une personne étrangère qui n'exerce plus d'activité lucrative peut être admise aux conditions suivantes : elle a l'âge minimum fixé par le Conseil fédéral (let. a), elle a des liens personnels particuliers avec la Suisse (let. b) et elle dispose des moyens financiers nécessaires (let. c ; art. 28 LEI).

Les conditions spécifiées à l'art. 28 LEI étant cumulatives, une autorisation de séjour pour personne rentière ne saurait être délivrée que si la personne étrangère satisfait à chacune d'elles. Par ailleurs, même dans l'hypothèse où toutes les conditions prévues à l'art. 28 LEI (disposition rédigée en la forme potestative ou « Kann-Vorschrift ») seraient réunies, la personne étrangère n'a pas un droit à la délivrance (respectivement à la prolongation) d'une autorisation de séjour, à moins qu'elle ne puisse se prévaloir d'une disposition particulière du droit fédéral ou d'un traité lui conférant un tel droit. Lorsque tel n'est pas le cas, les autorités disposent donc d'un large pouvoir d'appréciation (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4271/2017 du 6 juin 2019 consid. 7.2 ; F-2207.2018 du 15 février 2019 consid. 6.4 et les références citées).

b. L'âge minimum pour l'admission des rentières et rentiers est de 55 ans (art. 25 al. 1 OASA). Les personnes rentières ont des attaches personnelles particulières avec la Suisse notamment : lorsqu'elles peuvent prouver qu'elles ont effectué dans le passé des séjours assez longs en Suisse, notamment dans le cadre de vacances, d'une formation ou d'une activité lucrative (let. a), lorsqu'elles ont des relations étroites avec des parents proches en Suisse (parents, enfants, petits-enfants ou frères et soeurs ; let. b ; art. 25 al. 2 OASA). Elles ne sont pas autorisées à exercer une activité lucrative en Suisse ou à l'étranger, à l'exception de la gestion de leur propre fortune (art. 25 al. 3 OASA). Les moyens financiers sont suffisants lorsqu'ils dépassent le montant qui autorise une citoyenne ou un citoyen suisse et éventuellement les membres de sa famille à percevoir des prestations complémentaires conformément à la loi sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 6 octobre 2006 (loi sur les prestations complémentaires - LPC - RS 831.30 ; art. 25 al. 4 OASA).

c. Eu égard à l'adverbe « notamment » (« insbesondere » ou « in particolare ») figurant dans l'art. 25 al. 2 OASA, les deux exemples cités aux lettres a et b ne sont ni exhaustifs, ni limitatifs. Ils ne sont pas d'avantage contraignants et s'apprécient librement (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4271/2017 précité consid. 7.3).

Selon la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral sur la notion de liens personnels particuliers avec la Suisse, au sens de l'art. 28 let. b LEI et de l'art. 25 al. 2 let. a et b OASA, la simple présence de proches sur le territoire suisse n'est en soi pas de nature à créer des attaches suffisamment étroites avec ce pays sans que n'existent en outre des relations d'une autre nature avec la Suisse. En effet, bien plus que des liens indirects, c'est-à-dire n'existant que par l'intermédiaire de proches domiciliés en Suisse, il importe que la personne rentière dispose d'attaches en rapport avec la Suisse qui lui soient propres, établies par le développement d'intérêts socioculturels personnels et indépendants (participation à des activités culturelles, liens avec des communautés locales, contacts directs avec des autochtones, par exemple), car seuls de tels liens sont en effet de nature à éviter que la personne intéressée ne tombe dans un rapport de dépendance vis-à-vis de ses proches parents, voire d'isolement, ce qui serait au demeurant contraire au but souhaité par le législateur quant à la nature de l'autorisation pour rentière ou rentier (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-2207-2018 précité consid. 6.6 ; C-4356/2014 du 21 décembre 2015 consid. 4.4.4 ss). Ainsi, l'art. 28 LEI n'a pas vocation à permettre le regroupement familial en ligne ascendante lorsque la personne rentière n'a d'autres liens avec la Suisse que ceux qu'elle entretient avec ses descendantes et descendants qui y résident (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4356/2014 du 21 décembre 2015 consid. 4.4.8 et 4.4.9)

d. Une personne rentière est réputée disposer des moyens financiers nécessaires si ceux-ci dépassent le montant donnant droit (à une résidente ou un résidant suisse) au versement de prestations complémentaires pour elle-même et éventuellement pour les membres de sa famille. Autrement dit, elle devra être quasiment certaine d'en bénéficier jusqu'à sa mort (rentes, fortune), au point que l'on puisse pratiquement exclure le risque qu'elle en vienne à dépendre de l'assistance publique. Les promesses, voire les garanties écrites, visant à garantir la prise en charge du rentier faites par des membres de sa famille qui résident dans notre pays ne suffisent pas dans tous les cas, dans la mesure où, en pratique, leur mise à exécution reste sujette à caution. Les moyens financiers mis à disposition par des personnes tierces doivent présenter les mêmes garanties que s'il s'agissait des propres ressources du requérant (par ex. garantie bancaire). Lorsque les moyens financiers de la personne rentière sont insuffisants, les exigences qualitatives quant aux prestations de soutien par des personnes tierces sont d'autant plus élevées (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-6310/2009 du 14 janvier 2013 consid. 9.2.1 ss ; secrétariat d'état aux migrations [ci-après : SEM], Directives et commentaires, Domaine des étrangers, octobre 2013, état au 1er novembre 2019, ch. 5.3).

e. En l'espèce, l'instance précédente et l'autorité intimée ont retenu que tant la condition des liens personnels particuliers avec la Suisse que celle des moyens financiers n'étaient pas réalisées.

La recourante affirme avoir de solides liens avec la Suisse. Elle aurait séjourné de manière répétée dans ce pays depuis de nombreuses années et s'y serait rendue chaque année pendant plusieurs mois depuis 2010. Elle y aurait une communauté familiale solide et unie et aurait su y nouer des nombreuses relations avec des autochtones, alors qu'en Turquie, elle se retrouverait seule dans son village dans des conditions de vie préoccupantes.

La recourante a en effet trois fils domiciliés en Suisse, qui y ont fondé leur propre famille, certains de ses petits-enfants ayant à leur tour fondé une famille. De nombreux membres de sa famille vivent ainsi à Genève. Il n'est pas contesté qu'elle entretient des liens étroits avec au moins une partie d'entre eux. Deux de ses petits-enfants lui ont ainsi mis une chambre à disposition chez eux et ont déposé la demande d'autorisation de séjour en sa faveur. Toutefois, l'intensité de ces liens ne suffit pas à elle seule à fonder une autorisation de séjour pour rentière. En effet, conformément à la jurisprudence susmentionnée, bien plus que des liens indirects, c'est-à-dire n'existant que par l'intermédiaire de proches domiciliés en Suisse, il importe que la personne rentière dispose d'attaches en rapport avec la Suisse qui lui soient propres, établies par le développement d'intérêts socioculturels personnels et indépendants.

S'agissant de ses séjours en Suisse, la recourante a vécu en Suisse de novembre 2011 à février 2013, dans le cadre d'un visa de nonante jours puis du fait de la tolérance des autorités cantonales durant la procédure en autorisation de séjour, ayant finalement fait l'objet d'un refus. Elle a ensuite bénéficié d'un visa de nonante jours délivré le 31 juillet 2014 et réside à nouveau à Genève depuis le 27 septembre 2017, soit depuis près de trois ans, du fait de la tolérance des autorités cantonales dans le cadre de la procédure en autorisation de séjour litigieuse. Pour le reste, le dossier ne permet pas d'établir les nombreux séjours dont se prévaut la recourante, étant relevé qu'elle a affirmé qu'ils remontaient aux années 1980 dans son acte de recours devant la chambre administrative, alors qu'elle avait indiqué devant l'instance précédente venir régulièrement en Suisse depuis 1998.

Or, non seulement la durée des séjours au bénéfice de la tolérance des autorités cantonales ne peut à elle seule être déterminante, mais la recourante a séjourné en Suisse pour des motifs familiaux, sans qu'il n'apparaisse qu'elle ait développé des attaches directes d'une intensité particulière avec la Suisse durant lesdits séjours. En effet, la recourante a elle-même reconnu n'avoir pas de vie sociale extrêmement développée, vu son âge, et les attestations versées à la procédure ne suffisent pas à établir des liens directs et indépendants de sa famille d'une certaine intensité avec la Suisse. L'attestation produite devant la TAPI émane d'une voisine de l'un de ses petits-fils chez qui elle dispose d'une chambre. S'agissant des attestations versées à la procédure devant la chambre administrative, la première n'est pas signée et les deux suivantes ont exactement le même texte avec une signature différente. Seules les deux dernières peuvent au final être considérées, sans toutefois suffire à elles seules pour la reconnaissance de liens personnels particuliers avec la Suisse.

En définitive, l'argumentation de la recourante relève plus du regroupement familial quant à sa volonté de vivre à Genève, où se trouvent bon nombre de membres de sa famille, et du cas individuel d'extrême gravité par rapport à sa situation en cas de retour dans son village en Turquie, et non du cas de la personne rentière pouvant se prévaloir de liens personnels particuliers avec la Suisse, étant encore relevé que si la recourante était autorisée à séjourner en Suisse, elle serait totalement dépendante de ses enfants, ce qui va à l'encontre du but de l'art. 28 LEI (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4356/2014 précité consid. 5.2.2).

Au vu de ce qui précède, l'autorité intimée et l'instance précédente étaient fondées à retenir que la recourante ne pouvait pas se prévaloir de liens personnels particuliers avec la Suisse.

Les conditions spécifiées dans la disposition de l'art. 28 LEI étant cumulatives, il n'y a pas lieu d'examiner la condition imposant à la recourante de disposer des moyens financiers nécessaires au sens l'art. 28 let. c LEI.

Le grief relatif à l'art. 28 LEI sera écarté.

7) Il convient donc d'examiner si la situation de la recourante est constitutive d'un cas individuel d'extrême gravité.

a. Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire la personne requérante aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que la personne concernée se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'elle tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles la personne requérante serait également exposée à son retour, ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par la personne requérante à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/163/2020 du 11 février 2020 consid. 7b).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

c. Selon la jurisprudence, le fait de renvoyer une femme seule dans son pays d'origine, où elle n'a pas de famille, n'est généralement pas propre à constituer un cas de rigueur, à moins que ne s'y ajoutent d'autres circonstances qui rendent le retour extrêmement difficile (ATF 128 II 200 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.2 ; 2A.582/2003 du 14 avril 2004 consid. 3.1 ; 2A.394/2003 du 16 janvier 2004 consid. 3.1). Un tel cas peut en revanche se présenter lorsque, aux difficultés de réintégration dues à l'absence de famille dans le pays d'origine, s'ajoute le fait que, contrainte de regagner ce pays, l'intéressée laisserait derrière elle une partie importante de sa proche parenté, tels que ses parents, ses frères et ses soeurs, appelés à demeurer durablement en Suisse, avec qui elle a partagé pendant longtemps les mêmes difficultés liées à son existence (arrêts du Tribunal fédéral 2A.92/2007 du 21 juin 2007 consid. 4.3 ; 2A.245/2004 précité consid. 4.2.2 ; 2A.340/2001 du 13 novembre 2001 consid. 4c), ou dans la situation de la mère d'un enfant mineur n'ayant plus aucun membre de sa famille dans son pays d'origine pour l'avoir, de surcroît, quitté dans des circonstances traumatisantes (arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 précité consid. 4.2.2 ; 2A.582/2003 précité consid. 3.1 ; 2A.394/2003 précité consid. 3.1). À l'inverse, une telle séparation pourra d'autant mieux être exigée que les perspectives de réintégration dans le pays d'origine apparaissent plus favorables (arrêts du Tribunal fédéral 2A.183/2002 du 4 juin 2002 consid. 3.2 ; 2A.446/1997 du 24 avril 1998 consid. 3b ; ATA/163/2020 précité consid. 7c).

8) a. L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment du dépôt de la demande d'autorisation de séjour - étant précisé que le nouveau droit n'est pas plus favorable à l'intéressée -, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration de la personne requérante (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené une personne étrangère à séjourner illégalement en Suisse (SEM, op. cit., ch. 5.6.10 ; ATA/340/2020 du 7 avril 2020 consid. 8a).

b. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/257/2020 du 3 mars 2020 consid. 6c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4d).

c. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d'autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'elle y soit bien intégrée, tant socialement que professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A_718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3).

d. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3)

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée de séjour en Suisse (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, volume 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

e. Selon la jurisprudence, des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d'un cas de rigueur lorsque la personne concernée démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation. De même, la personne étrangère qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle exemption (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; ATA/1279/2019 du 27 août 2019 consid. 5f).

En l'absence de liens d'une certaine intensité avec la Suisse, l'aspect médical et les éventuelles difficultés de réintégration de la personne concernée dans le pays d'origine ne sauraient justifier, à eux seuls, l'octroi d'un permis humanitaire pour cas de rigueur. Le cas échéant, ces critères ne peuvent en effet être pris en considération que dans le cadre de l'examen de la licéité et de l'exigibilité de l'exécution du renvoi (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-4125/2016 du 26 juillet 2017 consid. 5.4.1ATA/1162/2020 du 17 novembre 2020 consid. 11c).

f. En l'espèce, la recourante est arrivée en Suisse en septembre 2017, soit il y un peu plus de trois ans, ceci après avoir déjà vécu à Genève pendant une durée d'un peu plus d'un an, de fin 2011 à début 2013, ces séjours ayant été effectués dans le cadre de visas touristiques puis par la tolérance des autorités cantonales. La durée de son séjour en Suisse ne peut ainsi être considérée comme longue au sens de la jurisprudence susmentionnée et doit en outre être relativisée.

S'agissant de son intégration, comme vu précédemment, la recourante ne peut pas se prévaloir de liens particuliers avec la Suisse et ne peut a fortiori pas non plus se prévaloir d'une intégration exceptionnelle au sens de la jurisprudence susmentionnée. Elle n'a à cet égard pas allégué parler le français, ou même simplement apprendre cette langue. Le fait d'avoir trois de ses fils et leur famille et descendance à Genève et d'y avoir noué quelques relations durant son séjour ne suffisent pas à constater l'existence d'une intégration exceptionnelle.

Par ailleurs, la recourante a vécu toute sa vie, sous réserve de son précédent séjour en Suisse, en Turquie jusqu'à ses 75 ans. Elle a ainsi passé toute son enfance, son adolescence et sa vie d'adulte en Turquie, dont elle connaît les us et coutumes et parle la langue. En outre, s'il est compréhensible que la recourante, aujourd'hui âgée de 78 ans, ne souhaite plus vivre seule, il ressort du dossier qu'elle a encore des attaches en Turquie, l'une de ses filles vivant dans ce pays avec son époux et ses enfants et l'intéressée ayant sollicité des visas pour visites familiales durant trois mois en 2018 et un mois en 2019.

Finalement, si la recourante est âgée, les attestations médicales versées à la procédure, ne dénotent pas l'existence d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessiterait, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans son pays d'origine. Elle a d'ailleurs pu voyager en 2018 et 2019, ce qui tend à démontrer un bon état général. Il sera par ailleurs relevé que l'aspect médical ne peut à lui seul être déterminant pour l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité.

Au vu de ce qui précède et de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, il apparaît que, s'il sera difficile pour la recourante de retourner, à son âge, en Turquie, elle ne se trouve néanmoins pas dans une situation de détresse personnelle. L'autorité intimée et le TAPI ont ainsi à juste titre retenu qu'elle ne remplissait pas les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA.

9) a. Une personne étrangère peut se prévaloir de l'art. 8 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'elle puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, la personne étrangère doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1 ; 137 I 284 consid. 1.3 ; ATA/384/2016 du 3 mai 2016 consid. 4d).

Les relations familiales qui peuvent fonder, en vertu de l'art. 8 § 1 CEDH, un droit à une autorisation de police des étrangères et étrangers sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 135 I 143 consid. 1.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_899/2014 du 3 avril 2015 consid. 3.1). Une personne étrangère majeure ne peut se prévaloir d'une telle protection que si elle se trouve dans un état de dépendance particulier par rapport à un parent au bénéfice d'un droit de présence assuré en Suisse, en raison par exemple d'un handicap ou d'une maladie grave (ATF 137 I 154 consid. 3.4.2 ; 129 II 11 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1153/2014 du 11 mai 2015 consid. 5.3 ; 2C_251/2015 du 24 mars 2015 consid. 3).

b. En l'espèce, l'autorité intimée et l'instance précédente ont constaté que la recourante n'était pas atteinte d'une maladie grave nécessitant une prise en charge permanente qui ne pourrait être assurée que par sa famille vivant en Suisse. La recourante n'a pas démontré le contraire devant la chambre administrative. Les affections médicales ressortant des attestations médicales produites ne dénotent pas de maladie grave engendrant un état de dépendance et la solitude extrême alléguée dans le recours ne suffisent pas non plus à conclure à l'existence d'un état de dépendance particulier par rapport à sa famille en Suisse, étant relevé que la recourante a encore de la famille dans son pays d'origine, où habite en particulier l'une de ses filles avec son époux et leurs enfants.

Dans ces circonstances, la recourante ne peut pas se prévaloir de l'art. 8 CEDH pour obtenir la délivrance d'une autorisation de séjour, ce qu'ont à bon droit constaté l'autorité intimée et le TAPI.

10) a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, toute personne étrangère dont l'autorisation est refusée, révoquée ou qui n'est pas prolongée après un séjour autorisé est renvoyée. La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64 let. d al. 1 LEI).

b. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

c. L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux « réfugiées et réfugiés de la violence », soit aux personnes étrangères qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugiée ou réfugié parce qu'elles ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, éd., Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, Berne 2017, p. 949). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; arrêt du TAF E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

S'agissant plus spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l'exécution du renvoi ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d'origine, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-3320/2016 du 6 juin 2016). Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d'origine de la personne étrangère concernée, l'exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l'absence de possibilités de traitement adéquat, si l'état de santé de la personne concernée se dégradait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2693/2016 du 30 mai 2016 consid. 4.1 ; ATA/707/2020 du 4 août 2020 consid. 18b).

d. En l'espèce, le contexte actuel lié à la propagation dans le monde de la maladie à coronavirus (COVID-19) n'est, de par son caractère temporaire, pas de nature à remettre en cause l'exécution d'un renvoi. S'il devait retarder momentanément l'exécution du renvoi, celle-ci interviendrait nécessairement plus tard, en temps approprié (arrêt du Tribunal administratif fédéral D-1233/2018 du 29 avril 2020 ; ATA/1154/2020 du 17 novembre 2020 consid. 9b ; ATA/630/2020 du 30 juin 2020 consid. 7d).

En ce qui concerne sa santé, la recourante a déjà suivi par le passé le traitement pour son hypothyroïdie en Turquie, puisque cette affection est antérieure à son arrivée en Suisse, et elle ne fait pas valoir que son traitement anxiolytique et contre les attaques ne serait pas disponible en Turquie.

Au vu de ce qui précède, il ne ressort pas du dossier que l'exécution du renvoi de la recourante serait impossible, illicite ou inexigible.

11) Dans ces circonstances, la décision de l'OCPM est conforme au droit et le recours contre le jugement du TAPI, entièrement mal fondé, sera rejeté.

12) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 juin 2020 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 avril 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______, représentée par Caritas Genève, soit pour elle Monsieur Alexandre Schmid, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.