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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2343/2020

ATA/1229/2020 du 08.12.2020 ( FORMA ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2343/2020-FORMA ATA/1229/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 décembre 2020

2ème section

 

dans la cause

 

M. A______, représenté par sa mère Mme B______,
représentés par Me Patrick Bolle, avocat

contre

OFFICE DE L'ENFANCE ET DE LA JEUNESSE - SECRÉTARIAT À LA PÉDAGOGIE SPÉCIALISÉE

_________



EN FAIT

1.1) A______ est né le ______ 2014.

2.2) Sa mère, B______, est seule détentrice de l'autorité parentale.

3.3) A______ est scolarisé depuis le 26 août 2019 à l'école primaire du C______ en 2P.

4.4) Le 23 décembre 2019, le secrétariat à la pédagogie spécialisée (ci-après : SPS) auprès de l'office de l'enfance et de la jeunesse (ci-après : OEJ) du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP) a reçu une procédure d'évaluation standardisée (ci-après : PES) pour A______.

5.5) La PES a conclu par la nécessité d'une mesure de soutien spécialisé en enseignement régulier, en mentionnant « nous espérons une évolution positive de la situation qui permette que A______ ne soit accompagné que ponctuellement sur la semaine pour sa 3P ». La PES concluait également à la prise en charge dans une structure / institution de pédagogie spécialisée, avec la mention « à déterminer en fonction de l'évolution ». La thérapie devait se poursuivre.

Le 18 décembre 2019, Mme B______ s'est déclarée en accord avec l'évaluation des besoins et avec la ou les mesures envisagées.

La PES indiquait par ailleurs que A______ n'avait pas été informé de la procédure, expliquant que « A______ semble pour le moment trop en colère pour comprendre l'aide qui peut lui être apportée sous la forme d'une présence individuelle. De plus, ils se sent mis à l'écart et en souffre. Il ne nous semble donc pas pertinent d'aborder cela avec lui. »

6.6) Le 8 avril 2020, le SPS a préconisé une mesure d'enseignement spécialisé.

7.7) Par décision du 29 mai 2020, le SPS a informé Mme B______ que les conditions d'octroi de mesures de pédagogie spécialisée étaient remplies et qu'il prenait en charge les coûts liés à un écolage externe du 24 août 2020 au 30 juin 2022. La décision, expédiée par pli simple, n'était pas motivée.

Le 3 juin 2020, le SPS a informé Mme B______ qu'il prenait en outre en charge les frais de transport indispensables entre le domicile et le lieu de scolarité spécialisée. La décision n'était pas motivée.

12.8) Par courriel du 19 juin 2020, Mme D______, directrice de l'école primaire C______, a indiqué à Mme B______ qu'elle faisait suite aux échanges concernant la scolarité de A______, qu'elle entendait et comprenait ses craintes et la confiance qu'elle avait dans son fils, mais restait persuadée que l'avis des professionnels était le projet le plus adapté pour ce dernier afin qu'il puisse travailler sur ses fragilités et avoir par la suite une scolarité sereine.

Elle lui confirmait qu'elle lui proposait une double scolarité avec la possibilité pour A______ d'être intégré deux après-midis par semaine à l'école C______ en 3P et de bénéficier le reste du temps de l'école de pédagogie spécialisée E______ à F______.

Elle prenait note de son opposition.

Si elle maintenait son opposition, il lui était possible de faire recours.

9.9) Le 9 juillet 2020, Mme D______ a informé le SPS que Mme B______ refusait la proposition et qu'il lui avait été dit de faire recours.

10.10) Le 15 juillet 2020, le conseil de Mme B______ a sollicité copie de la PES et de toutes ses annexes, en vue du dépôt d'un recours. Ces documents lui ont été communiqués par courrier du SPS du 17 juillet 2020.

11.11) Par acte remis au guichet le 7 août 2020, A______, représenté par sa mère, Mme B______, a recouru contre la décision du 29 mai 2020 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à son annulation et à ce qu'il soit autorisé à poursuivre sa scolarité en classe ordinaire de 3P de l'école primaire du C______. Préalablement, il devait être autorisé sur mesures provisionnelles à commencer la 3P à l'école primaire du C______, sa mère devait être entendue, et le SPS enjoint de renseigner précisément sur la date de la réception du dossier complet de A______.

Les problèmes de comportement de A______ avaient commencé en 1P. Son comportement s'était toutefois énormément amélioré lors du dernier trimestre de 1P, à teneur du bulletin scolaire du 21 juin 2019, qui était produit.

Selon un courriel de Mme G______, psychologue de A______, établi le 9 mars 2020 dans le cadre de la PES, et dont celle-ci avait transmis la teneur le 9 juillet 2020 à Mme B______, produit avec le recours, A______ éprouvait des angoisses d'abandon et des crises pouvaient survenir lors de transitions et aussi de séparations mineures. Toutes les crises n'étaient pas imputables au vécu de la séparation. La personnalité et les ressources de A______ influençaient également son comportement. Les crises étaient discutées en consultation pour donner sens aux colères, augmenter la prise de conscience, réfléchir à des comportements alternatifs et accompagner la famille. Il était normal que les changements prennent du temps.

La PES ne contenait étonnamment aucune annexe relative à des rapports de spécialistes, qui devaient pourtant obligatoirement être joints, notamment en ce qui concernait le diagnostic à poser, et la page 21 relative aux rapports externes faisait défaut.

Les faits pertinents avaient été constatés de manière incomplète. Le point de vue de la psychologue de A______ était totalement passé sous silence. La décision faisait ainsi abstraction des graves conséquences sur la santé psychique de l'enfant en cas d'intégration de ce dernier à l'école spécialisée E______. Le SPS avait également violé l'art. 7bis du Manuel relatif à l'élaboration d'une PES, qui prescrivait de définir les objectifs de développement et de formation en dialogue avec les parents, enfants et les autres intervenants.

La décision violait les principes de l'école inclusive. Les mesures offertes étaient des mesures renforcées, dont l'octroi était soumis à des conditions très strictes, notamment l'existence d'un grave trouble du comportement ou d'un grave trouble psychique répertorié dans une liste. Si A______ présentait à l'évidence un important problème de comportement, son trouble n'avait pas été diagnostiqué. Sa mère était d'avis que le trouble dont il souffrait ne permettait en principe qu'un traitement ambulatoire avec maintien en scolarité ordinaire.

A______ n'avait pas été entendu. Ni lui ni sa mère n'avaient été informés préalablement à la notification de la décision sur l'objet précis de celle-ci. À aucun moment de l'année scolaire, il ne leur avait été indiqué qu'un enseignement spécialisé était envisagé pour l'année suivante. Cela était d'autant plus choquant que la mesure individuelle renforcée de pédagogie spécialisée était la plus restrictive qui soit. Cette manière de procéder violait également le principe de la bonne foi et le principe de proportionnalité.

Un nouveau changement d'école impliquerait un éloignement géographique, une perte de repères, une rupture des liens sociaux avec les camarades. Un tel changement nécessiterait une réadaptation impossible à ce stade pour A______, qui éprouvait précisément d'importantes difficultés avec le changement et la nouveauté.

La mère de A______ acceptait que des mesures de pédagogie spécialisée en classe ordinaire lui soient appliquées en 3P. Il serait totalement contre-productif de lui imposer une décision contraire à sa volonté, au risque qu'elle ne se braque plus avant et ne coupe tout contact avec les intervenants sociaux.

La direction générale de l'enseignement obligatoire n'avait pas envisagé d'exception au lieu de scolarisation, telle que prévue à l'art. 24 al. 6 du règlement de l'enseignement primaire du 7 juillet 1983 (REP - C 1 10.21), ce qui violait le principe de la légalité.

Enfin, la décision violait la convention sur les droits de l'enfant, en ce qu'elle allait dans le sens inverse de l'intérêt supérieur de A______.

12) Par décision du 18 août 2020 sur mesures provisionnelles, la présidence de la chambre administrative a constaté que le recours avait effet suspensif et a rejeté la requête en mesures provisionnelles.

13.13) Le 7 septembre 2020, le SPS a conclu à la confirmation de sa décision.

Était notamment joint le formulaire, établi à l'en-tête du Service suivi de l'élève, de signalement de situation d'élève dans le cadre scolaire, demandant une intervention, un soutien et un conseil, et portant les dates des 16 octobres 2019, 27 janvier 2020 et 13 mars 2020. Il sera revenu en tant que de besoin sur ce document dans la partie en droit.

14.14) Le 30 septembre 2020, la recourante a répliqué.

La PES ne proposait que de déterminer si une prise en charge en pédagogie spécialisée était nécessaire. Aucune conséquence ne pouvait être déduite de la signature de la PES par Mme B______. Aucune date et aucune précision n'accompagnaient la recommandation d'enseignement spécialisé prétendument communiquée le 8 avril 2020 au SPS. Le suivi établi par l'enseignante n'était ni signé ni daté, et il était étonnant qu'il ait été envoyé le 14 août 2020, alors que les enseignants préparaient la rentrée, de sorte qu'il apparaissait comme une justification a posteriori de la décision contestée. Le formulaire de signalement accompagnant le suivi n'avait pu parvenir au SPS que le 14 août 2020, soit après la décision querellée, ce qui confortait le sentiment de Mme B______ que son fils avait été « casé » à la première place disponible. L'interruption du suivi psychologique ne pouvait être liée à l'annonce orale de la décision, laquelle n'avait jamais eu lieu selon Mme B______.

15.15) Le 6 novembre 2020, le SPS a produit un courrier du 2 novembre 2020 de la directrice de l'école primaire du C______ ajournant la situation de A______.

16.16) Le 13 novembre 2020, le juge délégué a entendu les parties.

a. Mme B______ a expliqué que A______ allait bien et que sa santé était bonne. Elle avait pu le garder durant la pandémie et l'été s'était bien passé.

A______ était suivi par une pédiatre. Le suivi avec la psychologue, Mme G______, avait pris fin en avril 2020 à cause du confinement. Elle souhaitait poursuivre un suivi mais avec une psychologue plus proche du domicile. Elle avait fait des démarches, sans succès jusqu'ici.

En décembre 2019, elle n'était pas favorable à l'éventualité d'un placement en enseignement spécialisé.

Elle avait appris le projet de scolarisation à E______ un mercredi de la fin du mois de juin, lors de l'entretien de fin d'année, de la bouche de la directrice. Cette décision n'avait jamais été évoquée auparavant.

Elle avait pris connaissance du dernier rapport de l'école du 2 novembre 2020. Elle ne contestait pas la réalité des événements qui y étaient décrits, ni que les épisodes d'automutilation ou de menaces d'automutilation étaient très préoccupants.

A______ ne devait pas aller en institution.

b. Le SPS a indiqué que c'était la directrice qui avait rédigé la PES, en collaboration avec l'enseignant et la psychologue, ainsi que les parents. Il était exact qu'en décembre 2019, la prise en charge dans une structure ou une institution de pédagogie spécialisée avait été réservée en fonction de l'évolution de A______ durant la suite de l'année scolaire. Le SPS avait appris le 2 mars 2020 de la directrice de l'école que l'équipe, au vu de l'évaluation, préconisait plutôt une scolarisation dans une structure d'enseignement spécialisé. Mme B______ devait en avoir été informée. La PES avait été soumise à des spécialistes en enseignement spécialisé, soit les directeurs des établissements d'enseignement spécialisé dépendant de l'office médicopédagogique (OMP) communément appelés les directeurs d'établissements spécialisés et d'intégration (DESI). Le DESI avait préconisé l'enseignement spécialisé, puis transmis le dossier à la cellule pluridisciplinaire de recommandation du SPS, qui comprenait un pédopsychiatre, un enseignant spécialisé, ainsi que le directeur général de l'enseignement spécialisé, qui était éducateur spécialisé de formation, et était présidée par un chargé de mission du SPS. Celle-ci avait à son tour recommandé l'enseignement spécialisé. Cette recommandation avait été matérialisée par le document produit en pièce 5. La motivation de ce type de document devait être améliorée. Il s'agissait toutefois d'une PES consensuelle, ce qui avait conduit à renoncer à une motivation circonstanciée. Lorsque la PES n'était pas consensuelle, un projet de décision était adressé aux parents pour qu'ils puissent s'exprimer à son sujet, après quoi décision motivée leur était notifiée. La pièce 5 datait bien du 8 avril 2020, même si elle ne comportait pas de date.

La mesure préconisée en avril 2020 était bien celle qu'il fallait à A______. Elle prévoyait qu'il continue de fréquenter sa classe de l'école du village deux demi-journées par semaine pour garder le lien avec ses camarades, avec une possibilité d'augmenter ensuite les journées d'intégration.

La PES et le rapport du 2 novembre 2020 révélaient la situation d'un enfant en grande souffrance. La situation ne s'était pas améliorée. Conduire une nouvelle PES prendrait du temps. A______ resterait en classe ordinaire, et si la situation ne s'améliorait pas, ce serait en premier lieu à son détriment.

17.17) Le 19 novembre 2020, le SPS a produit une copie du procès-verbal des décisions sur les PES, rappelant que lorsqu'elle était consensuelle, une PES était soumise à l'ensemble des membres de la cellule, ne donnait lieu à aucune discussion complémentaire, et ne comportait qu'une approbation, ce qui avait été le cas pour celle de A______.

Il joignait également un échange de courriels du 16 novembre 2020. La ressource qui avait été octroyée, suite à une nouvelle alerte sur la situation de A______ au service du suivi de l'élève, était une présence supplémentaire en classe à raison de 50 % du temps d'enseignement, tournée vers l'ensemble des élèves, dont A______ mais sans lui être spécifiquement dédiée ; il n'était pas possible d'obtenir une prise en charge individualisée de A______ au sein de la classe ordinaire.

Le SPS ne souhaitait pas demander l'audition de témoins.

18.18) Le 27 novembre 2020, Mme B______ a produit des observations.

Elle était consciente du fait que son fils pouvait se comporter de manière parfaitement convenable en dehors de l'école, notamment lors de ses activités sportives, sans qu'il en ait été toujours de même à l'école.

Elle joignait les deux seuls courriels reçus de l'enseignante de A______ depuis la rentrée, des 7 et 17 septembre 2020, rapportant des comportements agressifs et des mises en danger de ce dernier.

Elle joignait également les bulletins de comportement des semaines des 6, 13 et 20 novembre 2020, qui montraient, selon elle, que sans soutien individuel et uniquement grâce à la simple présence à mi-temps d'un adulte supplémentaire sans aucune formation d'éducateur spécialisé, le comportement de A______ s'était rapidement et très nettement amélioré, tout comme son bien-être.

Elle joignait enfin le courriel d'un psychologue et psychothérapeute, M. H______, du 26 novembre 2020 attestant avoir vu A______ le 24 novembre 2020, et qu'un nouveau rendez-vous était prévu le 30 novembre 2020.

Elle renonçait à l'audition de témoins.

19.19) Le 1er décembre 2020, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. a. Le recours a été interjeté devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

b. Se pose la question de savoir s'il a été interjeté dans le délai de recours.

Aux termes de l'art. 62 de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), le délai de recours est de trente jours s'il s'agit d'une décision finale (al. 1 let. a) ; il court dès le lendemain de la notification de la décision (al. 3 1ère phr.). Le fardeau de la preuve de la notification d'une décision ou d'une communication de l'administration et de sa date incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L'envoi sous pli simple ne permet en général pas d'établir que la communication est parvenue au destinataire
(ATF
129 I 8 consid. 2.2 ; ATA/725/2018 du 10 juillet 2018). L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve en ce sens que, si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi (ATF 136 V 295 consid. 5.9 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_250/2018 du 26 octobre 2018
consid. 5.2 ; ATA/461/2018 du 8 mai 2018), dont la bonne foi est présumée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_634/2015 du 26 avril 2016 consid. 2.1).

Le SPS n'a ni allégué ni établi quand la décision du 29 mai 2020 a été notifiée à la recourante. Celle-ci a indiqué l'avoir reçue le 15 juin 2020. Sa bonne foi étant présumée et aucun élément ne permettant de la mettre en doute, il convient d'admettre que la décision querellée a été notifiée le 15 juin 2020. Compte tenu de la suspension des délais (art. 63 al. 1 let. b LPA), le recours, formé le 7 août 2020, a été interjeté en temps utile. Il est donc recevable.

2.2) Le litige porte sur la décision de scolariser A______ au sein d'une classe spécialisée malgré le refus de sa mère, qui souhaite son maintien dans l'établissement qu'il a fréquenté jusqu'ici.

3.3) La mère conclut préalablement à son audition et à ce que le SPS soit enjoint d'indiquer la date de réception du dossier complet de A______.

La recourante a été entendue le 13 novembre 2020.

Le SPS a indiqué en audience le 13 novembre 2020 que le préavis datait bien du 8 avril 2020, et il a produit le 19 novembre 2020 une liste des conclusions de la cellule de recommandation - contenant celle pour A______ - datée du 6 avril 2020. Le dossier est complet.

4.4) Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas la compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exceptions prévues par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisées dans le cas d'espèce.

5.5) En référence aux principes de l'école inclusive mentionnés à l'art. 10 al. 2 de la loi sur l'instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10) et dans l'Accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée (AICPS - C 1 08), le DIP met en place les mesures de pédagogie spécialisée destinées aux enfants et aux jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés. Les plans d'études constituent la référence commune à tous les élèves qui fréquentent l'école, quels que soient leurs besoins particuliers (art. 28 LIP).

La détermination des besoins de pédagogie spécialisée se fait dans le cadre d'une PES, confiée par l'autorité compétente à des structures d'évaluation reconnues (art. 31 al. 3 LIP).

Le SPS est l'autorité compétente pour l'octroi des mesures individuelles renforcées en pédagogie spécialisée et pour leur financement, hormis celui de l'enseignement spécialisé dispensé en école privée non subventionnée ou à domicile. Il est également compétent pour la reconnaissance des structures d'évaluation des besoins individuels des enfants et des jeunes et pour l'évaluation périodique des institutions accréditées. Il comporte une unité clinique pluridisciplinaire composée de professionnels en exercice, spécialistes des domaines concernés, dont une directrice ou un directeur en scolarité spécialisée et une ou un pédopsychiatre référent en exercice. Le SPS est rattaché à l'OEJ
(art. 5 du règlement sur l'intégration des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés - RIJBEP - C 1 12.01).

6.6) Les recourants se plaignent de la violation de leur droit d'être entendus. A______ n'avait pas été entendu, ni lui ni sa mère n'avaient été informés préalablement à la notification de la décision sur l'objet précis de celle-ci, et à aucun moment de l'année scolaire il ne leur avait été indiqué qu'un enseignement spécialisé était envisagé pour l'année suivante, ni donné la possibilité de s'exprimer à ce sujet.

7.7) Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite aux offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1). L'art. 29 al. 2 Cst. n'exclut pas une appréciation anticipée des preuves. L'autorité peut ainsi refuser une mesure probatoire lorsque celle-ci ne serait pas de nature à modifier le résultat des preuves déjà administrées, qu'elle tient pour acquis (ATF 145 I 167
consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Sous le titre « information et droit d'être entendu », l'art. 22 RIJBEP dispose que les représentants légaux, le mineur capable de discernement ou l'élève majeur sont associés aux étapes de la procédure de décision ; ils ont accès au dossier et peuvent obtenir copie des pièces (al. 1) ; ils peuvent s'exprimer à tout moment de la procédure oralement ou par écrit ; leur droit d'être entendu est respecté avant toute décision (al. 2) et le droit à l'information et le droit d'être entendu du parent non titulaire de l'autorité parentale doivent être respectés conformément à l'article 275a du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) (al. 3).

8.8) En l'espèce, s'agissant de l'audition de A______, la PES indique que l'état de ce dernier a empêché que soient évoquées avec lui les solutions envisagées pour la suite de sa scolarité : « A______ semble pour le moment trop en colère pour comprendre l'aide qui peut lui être apportée sous la forme d'une présence individuelle. De plus, ils se sent mis à l'écart et en souffre. Il ne nous semble donc pas pertinent d'aborder cela avec lui. »

La question de savoir si la renonciation à entendre A______, ou ne serait-ce qu'à l'informer des mesures envisagées en sa faveur, constitue une violation de l'art. 22 RIJBEP, et partant une violation de son droit d'être entendu, souffrira de rester ouverte vu ce qui suit.

9.9) S'agissant de l'exercice de son droit d'être entendue, la mère a pris part aux discussions en vue de l'établissement de la PES durant l'automne 2019. Elle a attesté, par sa signature sur la PES le 18 décembre 2019, avoir participé à la procédure, être en accord avec l'évaluation des besoins et avec la ou les mesures envisagées.

La PES indiquait qu'une prise en charge dans une structure ou institution spécialisée serait « à déterminer en fonction de l'évolution » de la situation. Mme B______ a confirmé cette compréhension en audience le 13 novembre 2020.

Or l'évolution par la suite de la situation et de la position de la recourante ressortent notamment du signalement produit par le SPS dans la procédure devant la chambre administrative, et portant les dates des 16 octobre 2019, 27 janvier 2020 et 13 mars 2020.

Ainsi, le 28 octobre 2019, après la mention des pistes explorées, des appels téléphoniques et des entretiens avec les parents, il est noté : « impossibilité de construire avec les parents qui ont mis un terme à l'entretien sans que les pistes envisagées n'aient pu être évoquées. »

En janvier 2020, il est noté : « la maman a signé la PES, comme convenu afin que son fils puisse être scolarisé à plein temps avec l'aide nécessaire ». Il est indiqué plus loin : « pour la thérapeute, le spécialisé [...] n'est pas une piste pertinente ». Auparavant, il avait été noté : « Un partenariat avec la famille ne semble plus possible depuis le début de la thérapie, toute décision ou proposition doit passer par le médecin qui, elle, est formée pour comprendre A______. L'école n'amène pas de solutions adéquates pour l'enfant. » La référence à la signature de la PES en décembre 2019 ne permet pas d'inférer que la recourante a donné en janvier 2020 un accord exprès avec le placement en enseignement spécialisé. La mention de l'avis de la thérapeute, et auparavant que la famille s'en remet à elle, laisse au contraire entendre qu'il n'y a alors pas d'accord avec un placement.

Le 13 mars 2020, un point de situation évoque un épuisement de toutes les pistes et de tous les protagonistes. « Aucune nouvelle piste n'est pour le moment envisagée, car il n'y plus d'idées, et plus d'énergie. La maman n'a plus la possibilité de diminuer son temps de travail afin de garder A______ à la maison ». Le signalement demande finalement « un accompagnement du SSE dans les modalités de mise en place de la PES si celle-ci doit se faire sans l'accord de la maman ». Cette dernière mention laisse entendre que l'accord de la recourante avec le placement pourrait ne pas être acquis.

Enfin, en conclusion du signalement, soit vraisemblablement le 13 mars 2020, compte tenu de la dernière date indiquée, il est noté : « 2) À l'heure actuelle, la PES est refusée par la maman. Il semble toutefois important d'envisager au minimum un soutien en classe. La demande est un accompagnement du SSE dans les modalités de mise en place de la PES si celle-ci doit se faire sans l'accord de la maman. »

Il ressort de ce qui précède qu'avec l'évolution de la situation au début de l'année et au printemps 2020, la recourante n'a pas donné son accord à la PES, ce que l'école et le Service suivi de l'élève savaient.

Le SPS aurait ainsi dû suivre la procédure prévue en cas de PES non consensuelle, soit solliciter une préconisation motivée de la DESI, puis une motivation circonstanciée de la cellule de recommandation, puis adresser à la recourante un projet de décision motivée et lui donner l'occasion de s'exprimer à son sujet.

Faute de l'avoir fait, le SPS a violé le droit d'être entendue de la recourante.

Cette violation ne peut être réparée par l'instruction et les échanges d'écritures dans la présente procédure, vu le pouvoir d'appréciation très étendu dont dispose l'autorité.

La décision du 29 mai 2020 sera annulée et la procédure retournée au SPS afin qu'il établisse au besoin une nouvelle PES ou un complément de PES, et prépare une nouvelle décision en donnant à la recourante l'occasion d'exercer son droit d'être entendue.

10.10) Vu la nature et l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87
al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'intimé, sera allouée à la recourante qui, assistée d'un avocat, y a conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 août 2020 par A______, représenté par sa mère B______, contre la décision du secrétariat à la pédagogie spécialisée de l'office de l'enfance et de la jeunesse du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 29 mai 2020 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse - secrétariat à la pédagogie spécialisée du 29 mai 2020 ;

renvoie la cause au secrétariat à la pédagogie spécialisée de l'office de l'enfance et de la jeunesse du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse, pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à B______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la charge du Département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Patrick Bolle, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'office de l'enfance et de la jeunesse - secrétariat à la pédagogie spécialisée.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. Specker

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :