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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2668/2020

ATA/1206/2020 du 01.12.2020 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2668/2020-FPUBL ATA/1206/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er décembre 2020

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assael, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE



EN FAIT

1) Monsieur A______ a été engagé par la Ville de Genève
(ci-après : la ville) en qualité d'horticulteur paysagiste au service des espaces verts (ci-après : SEVE) avec effet au ______ 2011.

2) Il a été nommé au poste de contremaître principal au SEVE dès le 1er septembre 2012.

3) Depuis le 1er juin 2020, le SEVE dépend du département des finances, de l'environnement et du logement (ci-après : DFEL), et comprend trois principales unités, dont celle de l'« entretien des espaces verts » (ci-après : UEV) dans laquelle travaille M. A______.

Selon l'organigramme fonctionnel de l'UEV, il est responsable de l'équipe volante « RD 3 - 7 » dans le secteur du ______ et a sous sa responsabilité huit personnes, dont trois femmes parmi lesquelles Madame  B______.

4) En date du 1er juillet 2020, cette dernière a dénoncé certains comportements de M. A______, notamment à son encontre. Elle a autorisé le Groupe de confiance (ci-après : GCf) à mener des investigations à ce sujet.

5) Le 14 juillet 2020, le magistrat en charge du DFEL a suspendu M. A______ avec effet immédiat, à titre de mesures provisionnelles.

6) Le 22 juillet 2020, le Conseil administratif de la ville (ci-après : le Conseil administratif), a décidé de l'ouverture d'une enquête administrative à l'encontre de M. A______. Il apparaissait qu'il aurait empoisonné un arbre, porté des armes à feu sur son lieu de travail, adopté à de réitérées reprises un comportement inapproprié à l'endroit de plusieurs membres du personnel, se serait rendu dans les vestiaires, douches et sanitaires des femmes en dépit de plusieurs remises à l'ordre, tiendrait sur son ordinateur professionnel un registre de ses armes à feu ainsi qu'un « tableau de chasse » de ses conquêtes féminines et aurait adopté un comportement incompatible avec son statut d'employé. L'enquête administrative serait conduite par Madame C______ et M. D______, juristes au service juridique.

La suspension d'activité était confirmée, à titre de mesure provisionnelle, jusqu'au prononcé d'une éventuelle sanction ou d'un licenciement. Elle emportait interdiction formelle de M. A______ de se rendre sur son lieu de travail.

Par ailleurs, dans la mesure où il apparaissait que certains des agissements présumés étaient susceptibles d'être constitutifs d'atteintes à la personnalité, voire de harcèlement psychologique et/ou sexuel et que des membres du service avaient approché le GCf à ce propos, la ville demanderait formellement à ce dernier une investigation.

Dans l'attente des suites données par le GCf, le Conseil administratif décidait de suspendre la procédure d'enquête administrative.

Les décisions de suspension et de suspension de la procédure d'enquête administrative pouvaient faire l'objet d'un recours. Elles étaient déclarées exécutoires nonobstant recours.

7) Par pli du même jour, le secrétaire général adjoint de la ville a informé le GCf des faits précités et a sollicité formellement l'ouverture d'une procédure d'investigation.

8) Par courrier du 29 juillet 2020, le GCf a notifié à M. A______ l'ouverture d'une investigation à son encontre à la demande du Conseil administratif.

9) a. Par acte recommandé mis à la Poste le 19 août 2020 et reçu le 8 septembre (sic) 2020, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du Conseil administratif. Une procédure a été ouverte sous le n° A/2668/2020.

Il a conclu à l'annulation de cette décision « en tant que la ville entendait demander formellement l'investigation au GCf et, en attendant les suites données, a suspendu l'enquête administrative » dirigée à son encontre. Préalablement, l'effet suspensif devait être restitué au recours sur la demande d'investigation par le GCf.

Le 2 juillet 2020, le SEVE l'avait suspendu pour deux jours et informé qu'il exercerait, dès le 6 juillet 2020, sa profession d'horticulteur paysagiste sur un nouveau lieu de travail. Le même jour, la ville avait suspendu avec effet immédiat Mme B______. Elle avait pu revenir à son travail dès le 6 juillet 2020. Le 14 juillet 2020, la ville avait suspendu M. A______ jusqu'au 22 juillet 2020 compris, date à laquelle elle avait prononcé la décision querellée.

Le 22 juillet 2020, la ville avait formellement demandé au GCf l'ouverture de la procédure d'investigation. Le GCf l'en avait informé par courrier du 29 juillet 2020.

La décision était incidente. Il encourait un dommage irréparable dès lors que la procédure régissant les investigations du GCf, énoncée dans le règlement relatif à la protection de la personnalité à l'État de Genève du 12 décembre 2012 (RPPers - B 5 05.10) était beaucoup plus restrictive que la procédure applicable à une personne visée par une enquête administrative, en particulier quant aux droits du mis en cause. Ainsi, la consultation du dossier n'était possible que postérieurement à la fin de l'instruction fixée par le GCf alors que dans le cadre d'une enquête administrative, l'accès au dossier était possible dès le début de la procédure. De même, les auditions se faisaient hors la présence des parties devant le GCf alors que les parties avaient le droit de participer aux enquêtes dans le cadre d'une procédure. Les dispositions du RPPers consacraient une violation de son droit d'être entendu, induisant un dommage irréparable.

Par ailleurs, le RPPers ne respectait ni la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (art. 29 al. 2 - Cst. - RS 101) ni la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) qui étaient pourtant des normes de rang supérieur. Le principe de la légalité était en conséquence violé.

Enfin, les décisions de la ville provoquaient deux procédures parallèles, à savoir celle du GCf et celle qui devrait, en toutes hypothèses, être menée par les enquêteurs administratifs, à tout le moins s'agissant des autres griefs que ceux, « délégués » au GCf. Cette approche hasardeuse nuisait au principe de l'économie de procédure. Ainsi, les témoins entendus devant le GCf, hors la présence des parties, pourraient être réentendus par les enquêteurs administratifs. Chaque procédure mènerait à une décision sujette à recours. La suspension de son activité en serait prolongée.

La décision querellée, en ce qu'elle suspendait la procédure administrative dans l'attente des suites données par le GCf, contrevenait à l'art. 14 LPA. Or, son sort ne dépendait pas de la solution d'une question relevant de la compétence d'une autre autorité. Les griefs dont l'examen avait été confié par la ville au GCf relevaient de la compétence des enquêteurs administratifs. De surcroît, l'investigation auprès du GCf n'était pas pendante au moment de l'ouverture de l'enquête administrative. Dans toutes les hypothèses, on peinait à comprendre pourquoi l'enquête administrative ne pourrait pas avancer sur les reproches faits au recourant qui n'avaient pas été déléguées au GCf.

b. Par acte séparé, du 19 août 2020, M. A______ a recouru contre « les décisions de la Ville de Genève du 22 juillet 2020 et du Groupe de confiance du 29 juillet 2020 » susmentionnées. Une procédure a été ouverte sous le n° A/2715/2020.

10) Le 27 août 2020, le GCf a informé M. A______ qu'au vu du recours interjeté devant la chambre administrative à l'encontre de la décision du Conseil administratif du 22 juillet 2020, il suspendait la procédure d'investigation jusqu'à la détermination de la chambre de céans.

11) La ville a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. Les points du courrier du Conseil administratif du 22 juillet 2020 que le recourant contestaient ne répondaient pas à la définition de décision. Par ailleurs, ni la demande d'ouverture de l'investigation au GCf ni la suspension de la procédure d'enquête administrative ne causaient de préjudice irréparable au recourant.

12) Dans sa réplique, M A______ a persisté dans ses conclusions et développé les différences entre les procédures d'enquêtes administratives et devant le GCf. La ville semblait par ailleurs admettre que les enquêteurs qu'elle avait désignés ne seraient pas compétents pour instruire certains griefs. La suspension de l'enquête administrative violait le principe de la célérité. Aucune norme légale n'obligeait les enquêteurs administratifs à confier à des spécialistes les griefs en lien avec une prétendue atteinte à la personnalité. La solution consistait à nommer un seul enquêteur externe chargé d'instruire tous les griefs.

13) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile malgré le long délai d'acheminement dû à la poste, devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 62 LPA et art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) Le recours est dirigé contre le courrier du Conseil administratif du 22 juillet 2020. Le Conseil administratif a qualifié son courrier de décision pour ce qui concernait la suspension d'activité et de l'enquête administrative.

Le recourant conteste la demande d'investigation au GCf et la suspension de l'enquête administrative.

Il convient de traiter successivement chacun des deux points.

3) La question de savoir si la demande, par le Conseil administratif, au GCf, d'une investigation est une décision, étant précisé que les parties ne contestent pas que si tel est le cas, il s'agirait d'une décision incidente, souffrira de rester indécise compte tenu de ce qui suit.

a. Selon l'art. 57 let. c LPA, sont susceptibles d'un recours les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.

b. Le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée, comme un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 1265).

La disposition légale précitée a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un préjudice est irréparable au sens de cette disposition lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/827/2015 du 11 août 2015 consid. 2 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées).

c. La chambre de céans a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/746/2014 du 23 septembre 2014 consid. 2d et les références citées).

En matière d'enquête administrative, elle a déclaré irrecevable, pour défaut de préjudice irréparable, un recours contre une décision d'ouverture d'une enquête administrative (ATA/16/2016 du 12 janvier 2016 ; ATA/657/2015 du 23 juin 2015 et les références citées), de même qu'un recours contre une décision de l'enquêteur administratif d'entendre en qualité de témoins des collaborateurs d'une autorité ayant requis du Conseil d'État l'ouverture de l'enquête administrative (ATA/715/2013 du 29 octobre 2013 consid. 3). Enfin, la chambre de céans n'a pas retenu de préjudice irréparable contre une décision refusant de suspendre la procédure d'enquête administrative le temps que le recourant se rétablisse (ATA/621/2016 du 19 juillet 2016).

De son côté, le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2P.183/2005 du 19 juillet 2005) a rejeté pour le même motif un recours dirigé contre un jugement du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du 29 juin 2005. Cette juridiction avait déclaré irrecevable un recours contre une décision de refus d'audition de témoins dans le cadre d'une enquête administrative au motif qu'une telle décision prise en matière d'administration des preuves ne pouvait causer un préjudice irréparable. La notion de décision incidente créant un dommage irréparable, prévue par le droit de procédure administrative cantonale pour régir les conditions de recevabilité d'un recours contre une décision incidente, avait été interprétée par cette instance conformément à celle prévue par le droit fédéral (art. 45 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021) et le jugement attaqué ne pouvait être taxé d'arbitraire.

d. La jurisprudence de la chambre de céans se montre, de manière générale, restrictive dans l'admission d'un préjudice irréparable (ATA/663/2018 du 26 juin 2018 consid. 3d ; ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4d).

4) a. Selon l'art. 77 du Statut du personnel de la Ville de Genève du 29 juin 2010 (LC 21 151 - ci-après : le statut) auquel est soumis le recourant, le Conseil administratif veille à la protection de la personnalité des membres du personnel dans le cadre de leur activité professionnelle. Il prend toutes les mesures nécessaires à la prévention, à la constatation, à la cessation et à la sanction de toute atteinte à la personnalité d'une ou d'un membre du personnel, en particulier en cas de harcèlement sexuel ou psychologique. Le Conseil administratif détermine dans un règlement les modalités de mise en oeuvre de la protection de la personnalité des membres du personnel.

b. Chaque membre du personnel a droit à un traitement correct et respectueux de la part de ses supérieures et supérieurs hiérarchiques, ses collègues, des usagères et des usagers, dans le cadre de son activité professionnelle, permettant de garantir le respect et l'intégrité de sa personnalité (al. 1). La direction des ressources humaines prévoit des mesures de prévention, d'information et de formation. Elle en informe une fois par année la commission de formation continue, au sens de l'art. 36 du présent règlement d'application, et la commission de protection de la santé et sécurité au travail, instituée par un règlement spécifique (al. 2). Le groupe de confiance de l'État de Genève est désigné comme interlocuteur privilégié pour les membres du personnel de la Ville de Genève. Le règlement relatif à la protection de la personnalité détermine la procédure applicable (art. 91 du Règlement d'application du Statut du personnel de la Ville de Genève du 14 octobre 2009 - REGAP - LC 21 152.0 ; ci-après : REGAP).

5) a. Selon l'art 20 du règlement relatif à la protection de la personnalité du 2 mai 2018 (LC 21 152.36 ; ci-après : le règlement), la procédure d'investigation a pour but d'établir les faits et de déterminer si les éléments constitutifs d'une atteinte à la personnalité sont réalisés ou non.

La demande d'ouverture de l'investigation est présentée par la personne requérante ou l'autorité d'engagement par écrit. Elle contient une description des faits et l'identité de l'auteur ou de l'autrice présumé-e d'une atteinte à la personnalité. Lorsque la demande met en cause plusieurs personnes, leur identité ainsi que les faits qui leur sont reprochés doivent être mis en évidence pour chacune d'elles (art. 20 al. 1).

b. Plusieurs possibilités s'offrent au GCf à la suite d'une demande d'ouverture d'une investigation:

- Le GCf a la faculté de refuser que soit menée une investigation, notamment lorsque l'atteinte à la personnalité alléguée ne revêt pas une certaine gravité. Dans ce cas, il classe la demande et en informe par écrit la personne requérante et le Conseil administratif, ainsi que la personne mise en cause lorsqu'elle a été entendue (art. 22 al. 1).

- Si la demande d'investigation n'est pas classée au sens de l'art. 22 al. 1 et tant que l'instruction n'est pas terminée au sens de l'art. 30 al. 1, le GCf peut initier une tentative de conciliation entre les parties, notamment à la demande de l'une d'entre elles (art. 23 al. 1).

- Avant d'ouvrir l'investigation, le GCf peut procéder à une enquête préliminaire du cas. Il entend les parties, ainsi que les témoins qu'il juge utiles (art. 24 al. 1 et 2 in fine). Si, sur la base de cette enquête préliminaire, le GCf conclut que les conditions d'une atteinte à la personnalité d'une certaine gravité ne sont manifestement pas réalisées, il classe l'affaire sans suite et en informe par écrit les parties et le Conseil administratif (art. 24 al. 2).

- Selon l'art. 28 al. 4 du règlement, le GCf instruit la demande, en procédant notamment à l'audition de témoins, hors la présence des parties (al. 1). Il est tenu procès-verbal des auditions, signé par la personne entendue (al. 2). Le GCf peut ordonner d'autres mesures d'instruction (al. 3). En principe, la phase d'instruction doit se dérouler dans un délai n'excédant pas soixante jours (al. 4).

Lorsqu'il considère l'instruction de la demande terminée, le GCf octroie aux parties et à l'autorité d'engagement un délai de dix jours pour consulter le dossier et requérir toutes autres mesures d'instruction complémentaires qu'elles jugent utiles (art. 30 al. 1 règlement).

Aux termes de l'art. 31 du règlement, une fois l'instruction terminée, le GCf octroie un délai de trente jours aux parties pour lui faire part de leurs déterminations par écrit. Dans les trente jours qui suivent la réception des déterminations des parties, le GCf établit un rapport contenant l'exposé des faits, donne son appréciation sur l'existence ou non d'une atteinte à la personnalité et indique l'identité de l'auteur ou de l'autrice identifié-e. Sont annexées au rapport les déterminations des parties. Il notifie le rapport aux parties et au Conseil administratif. Le rapport d'investigation établi suite à une demande de l'autorité d'engagement est également notifié à tout-e membre du personnel reconnu-e victime d'une atteinte à sa personnalité, ce qui lui confère la qualité de partie au sens de l'art. 32.

c. Selon l'art. 32 du règlement, dès réception du rapport définitif, le Conseil administratif dispose d'un délai de soixante jours pour entendre les parties et leur notifier une décision motivée, par laquelle il constate l'existence ou non d'une atteinte à la personnalité et son auteur ou son autrice (al. 1). Sa décision peut être contestée auprès de la chambre administrative (al. 2). Vis-à-vis de l'auteur ou de l'autrice d'un harcèlement ou d'une atteinte à la personnalité, le Conseil administratif peut prendre toute mesure utile ou sanction en application du Statut (al. 3).

6) En l'espèce, dans le courrier litigieux, le Conseil administratif informe le recourant qu'il demandera formellement au GCf une investigation au sens des art. 20 et 21 du règlement.

Certes, la procédure prévue par le règlement diffère de celle applicable en cas d'enquête administrative, notamment concernant les modalités d'audition des parties, des témoins et le moment où le dossier devient accessible au mis en cause. Ces différences sont fonction des buts distincts poursuivis par chacune des deux procédures.

Toutefois, et contrairement à ce que soutient le recourant, ni l'ouverture d'une procédure devant le GCf, ni son déroulement tel que prévu par le règlement, dû au type de problématiques traitées, ne cause de dommage irréparable. La procédure devant le GCf peut être classée, conciliée, ou faire l'objet du constat de l'absence de toute atteinte portée à la personnalité de tierces personnes. Par ailleurs, même si le GCf devait retenir l'existence d'une atteinte à la personnalité commise par le recourant, seul le Conseil administratif serait compétent pour rendre une décision. Le recourant pourrait faire valoir ses droits devant celui-ci, voire, ultérieurement, devant la chambre administrative en cas de recours. Il conserverait la possibilité de solliciter l'audition de témoins devant la chambre de céans, y compris de ceux entendus devant le GCf, ce qu'il ne conteste au demeurant pas (art. 28 LPA), et son droit d'être entendu serait garanti (art. 41 ss LPA), notamment le droit d'accès au dossier (art. 44 ss LPA). Il bénéficierait ainsi des garanties procédurales dont il déplore l'absence devant le GCf.

En conséquence, dès lors que l'issue de la procédure pourrait lui être totalement favorable, ou qu'il pourra, le cas échéant, faire examiner la décision incidente avec le recours dirigé contre la décision finale, si celle-ci lui est défavorable, la condition de l'existence d'un préjudice irréparable au sens de l'art. 57 al. 1 let. c ab initio LPA n'est pas remplie.

Par ailleurs, l'admission du recours ne mettrait pas fin au litige, puisque l'enquête administrative suivra son cours quel que soit le sort de la mesure de suspension querellée. La seconde hypothèse visée par l'art. 57 let. c LPA n'est ainsi pas réalisée (ATA/1417/2018 précité consid. 4a et les arrêts cités).

Compte tenu de ce qui précède, le recours sera déclaré irrecevable en ce qui concerne l'information faite par la Conseil administratif au recourant de sa requête au GCf d'une investigation.

7) Le recourant conteste la suspension de l'enquête administrative comme dépendant de l'enquête du GCf.

Dans le courrier du 22 juillet 2020, le Conseil administratif, successivement, informe l'intéressé qu'il a décidé d'ouvrir une enquête administrative à son encontre conformément aux art. 97 al. 1 et 99 al. 1 du statut, précise par quels enquêteurs elle sera conduite, et décide de la suspendre en l'état.

a. Lorsque l'instruction d'une cause le justifie, le Conseil administratif peut confier une enquête administrative à une ou plusieurs personnes choisies au sein ou à l'extérieur de l'administration municipale (art. 97 al. 1 statut).

Lorsqu'il s'avère qu'un ou une membre du personnel est passible d'un licenciement au sens de l'art. 34 al. 2 let. a à c, le Conseil administratif ouvre une enquête administrative qu'il confie à une ou plusieurs personnes choisies au sein ou à l'extérieur de l'administration municipale au sens de l'art. 97 (art. 99 al. 1 statut).

b. Lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions (art. 14 LPA).

c. En l'espèce, le Conseil administratif a considéré que les éléments que le GCf pourrait établir lui étaient nécessaires avant que l'enquête administrative ne commence.

Le recourant allègue un préjudice irréparable dû à la suspension de l'enquête administrative.

Toutefois, aucune pièce du dossier n'indique que le traitement du recourant aurait été, en l'état, supprimé. Il ne l'allègue d'ailleurs pas. Il n'encourt dès lors pas de dommage financier dû à la suspension de l'enquête administrative.

Si, certes, le fait que la ville prévoie que les deux enquêtes soient effectuées de façon successive et non en parallèle, prolongera la durée de la procédure, cet élément ne constitue pas un préjudice irréparable selon la jurisprudence (ATF 133 IV 139 précité consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1). De surcroît, les délais du traitement du dossier par le GCf sont mentionnés dans le règlement. Il s'agit de soixante jours pour l'instruction (art. 28 al. 4), dix jours pour consulter le dossier et requérir toutes autres mesures d'instruction complémentaires qu'elles jugent utiles (art. 30 al. 1), trente jours pour les déterminations puis trente jours pour la reddition du rapport (art. 31 al. 2). Enfin, à teneur de l'art. 10 du règlement, le GCf conserve la possibilité de suspendre son action, en cas d'ouverture d'une procédure civile, pénale ou administrative parallèle portant sur des faits connexes. Le GCf conserve en conséquence la possibilité d'adapter, selon les circonstances, la procédure pendante devant lui et de la coordonner différemment, en cas de besoin, avec la procédure d'enquête administrative.

Le recourant n'encourt dès lors aucun préjudice irréparable du fait de la suspension, en l'état, de la procédure administrative dans l'attente de l'issue de l'investigation sollicitée devant le GCf.

Le recours sera déclaré irrecevable sur ce point aussi.

8) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 19 août 2020 par Monsieur A______ contre le courrier du Conseil administratif de la Ville de Genève du 22 juillet 2020 demandant une investigation au Groupe de Confiance et la décision de suspension de l'enquête administrative ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assael, avocat du recourant, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :