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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2824/2020

ATA/1219/2020 du 01.12.2020 ( NAVIG ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2824/2020-NAVIG ATA/1219/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er décembre 2020

2ème section

 

dans la cause

 

ASSOCIATION A______
représentée par Me Gazmend Elmazi, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCEAU-CAPITAINERIE CANTONALE



EN FAIT

1) L'association A______ est détentrice du bateau « B______», immatriculée GE 3______. Il s'agit d'une péniche ayant une capacité d'accueil de quatorze personnes. Son poids dépasse 3,5 tonnes. Elle sert à l'organisation de sorties de groupes et de fêtes sur le lac. Le départ de ces sorties s'effectue depuis le lieu choisi par les clients sur le pourtour du lac.

2) En 2019, un redimensionnement et un remplacement complet du réseau d'amarrage de l'estacade, où se trouvait la place d'amarrage de la péniche, ont été réalisés. Ces travaux ont permis d'assurer l'amarrage de bateaux jusqu'à 3,5 tonnes dans cette zone extérieure au port très exposée. L'amarrage de bateaux d'un poids supérieur aurait pour conséquence de dégrader la structure et comportait aussi un risque d'accident.

3) Une nouvelle place d'amarrage, n° 1______, a ainsi été attribuée pour la péniche.

4) Le 3 juillet 2020, l'association a sollicité l'attribution d'une autre place, exposant que celle-ci était trop petite. Le 8 juillet 2020, elle a répété qu'elle n'arrivait pas à amarrer son bateau à la place précitée.

5) Le 14 juillet 2020, la capitainerie cantonale lui a indiqué qu'elle avait fait déplacer un bateau, afin que l'association puisse disposer de la place n° 1______.

6) Le même jour, l'association a informé la capitainerie qu'elle n'avait pas la place pour amarrer son bateau à cette place.

7) Par décision du 30 juillet 2020, le service du lac, de la renaturation des cours d'eau et de la pêche (ci-après : OCEau) a décidé d'attribuer la place
n° 6______ sur corps-mort, en lieu et place du n° 1______, à l'association A______ pour y amarrer sa péniche « B______», immatriculée GE 3______. Il s'agissait d'une solution pérenne tenant compte des dimensions exceptionnelles du bateau détenu par le club. Un délai au 9 août 2020 lui était imparti pour procéder à son déplacement. Il était, en outre, rendu attentif au fait que le corps-mort était « aux normes » et que sa charge maximale était de 3,5 tonnes. Si l'embarcation devait dépasser ce poids, le club devait renforcer, à ses frais, les amarrages.

8) Par acte expédié le 14 septembre 2020 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), l'association a recouru contre cette décision, dont elle a demandé l'annulation. Elle a conclu à l'octroi de l'effet suspensif et à l'audition de deux anciens employés de l'OCEau.

Elle a exposé que la décision s'inscrivait dans le prolongement d'un changement d'attitude de l'OCEau à son égard. La nouvelle place attribuée se trouvait très éloignée des berges et de la digue et était incompatible avec les buts de l'association et ses activités. Celle-ci promouvait le ski nautique, le wakeboard et les autres pratiques nouvelles de la glisse sur l'eau à des conditions économiques, les rendant accessibles au plus grand nombre. La décision était choquante dès lors que les places d'amarrage n° 4______ et 5______ occupées par elle jusque-là étaient restées libres durant tout l'été 2020.

La décision était chicanière, contraire aux engagements pris par l'OCEau, violait les principes de la bonne foi, de la proportionnalité et de l'interdiction de l'arbitraire ainsi que la garantie des droits acquis.

9) L'OCeau a conclu, principalement, à l'irrecevabilité du recours pour défaut de motivation et, subsidiairement, au rejet de celui-ci.

Les places d'amarrages n° 4______ et 5______ se situaient dans une estacade qui n'avait pas été conçue pour supporter des bateaux de plus de 3,5 tonnes sans être endommagée. Compte tenu des conditions météorologiques liées à l'emplacement de l'estacade, des dégâts avaient été observés et dû être réparés à plusieurs reprises. En 2019, d'importants travaux avaient été réalisés sur l'estacade. L'amarrage de bateaux d'un poids supérieur à 3,5 tonnes aurait pour conséquence de dégrader la structure et comportait aussi un risque d'accident.

10) La recourante n'a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

11) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La question de savoir si le recours, rédigé par un mandataire professionnellement qualifié, répond aux exigences de motivation prescrites à l'art. 65 LPA peut demeurer indécise, le recours devant de toute manière être rejeté.

Il est également relevé, à titre liminaire, que la procédure de recours ne concerne que le refus d'attribuer une autre place d'amarrage. Les autres questions abordées par la recourante, notamment l'autorisation de construire un ponton flottant, ne font pas l'objet de la décision attaquée, de sorte que la chambre de céans ne se prononcera pas à leur sujet.

3) La recourante sollicite l'audition de Messieurs C______ et D______, afin notamment de démontrer un changement d'attitude de l'autorité intimée à son égard.

a. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à celles-ci lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 137 IV 33 consid. 9.2). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

b. En l'espèce, il ne ressort pas des allégations de la recourante que l'autorité intimée lui aurait donné une quelconque assurance quant à la place d'amarrage pour la péniche. Les discussions dont fait état la recourante se rapportent à un pont flottant installé par l'association dans le cadre de ses activités nautiques. En outre, les deux témoins dont l'audition est sollicitée ont quitté l'autorité intimée, selon les allégations de la recourante, en 2017 et 2018, soit avant les travaux effectués sur l'estacade en 2019. Partant, les auditions requises n'apparaissent pas aptes à prouver des faits déterminants pour l'issue du litige.

Il ne sera donc pas fait droit à la demande d'audition de témoins.

4) Le litige porte sur le refus d'attribuer à la recourante une autre place d'amarrage au port de Versoix pour son bateau immatriculé GE 3______.

a. Selon l'art. 10 de la loi sur la navigation dans les eaux genevoises du 17 mars 2006 (LNav - H 2 05), l'amarrage et le dépôt de bateaux dans les eaux genevoises et sur le domaine public, le long des rives, sont subordonnés à une autorisation « à bien plaire », personnelle et intransmissible (al. 1). Les autorisations sont en priorité attribuées aux détenteurs de bateaux domiciliés dans le canton (al. 2). Afin d'assurer une occupation rationnelle des ports, et notamment d'adapter les places d'amarrage aux dimensions des bateaux, l'autorité compétente peut, en cas de nécessité et après avoir consulté les propriétaires des bateaux, procéder ou faire procéder à des échanges de places (al. 3).

Aux termes de l'art. 11 du règlement d'application de la LNav du 18 avril 2007 (RNav - H 2 05.01), le détenteur d'un bateau ne peut en aucun cas occuper une place d'amarrage ou une place à terre sans avoir obtenu une autorisation (al. 1). Les places d'amarrage et les places à terre sont attribuées « à bien plaire » (al. 3), en fonction des caractéristiques des bateaux (longueur, largeur, tirant d'eau, tirant d'air et poids), ainsi qu'en considération de la compatibilité des dimensions des bateaux avec les caractéristiques des ports genevois (al. 4).

b. En l'espèce, le bateau est grand, pouvant accueillir quatorze personnes et pèse plus de 3,5 tonnes. La place d'amarrage doit donc tenir compte des dimensions du bateau. Il ressort du dossier que l'autorité intimée a cherché à répondre aux attentes de la recourante en lui attribuant la pace d'amarrage n° 1______. Dès lors que l'intéressée lui a fait savoir qu'elle ne parvenait pas à s'y amarrer, même après que la capitainerie eut fait déplacer un autre bateau afin de créer la place suffisante, l'autorité intimée lui a attribué une nouvelle place, à savoir la place n° 6______, dont les caractéristiques tiennent compte des dimensions du bateau et de la possibilité de l'y amarrer sans difficulté.

En tant que la recourante soutient qu'elle se serait vu octroyer la garantie par deux anciens employés de l'autorité intimée de pouvoir continuer à utiliser la place d'amarrage se situant sur l'estacade rénovée, elle perd de vue que, quand bien même tel serait le cas, des raisons de sécurité s'y opposent. En effet, l'amarrage en question ne supporte pas des bateaux, comme celui de la recourante, pesant plus de 3,5 tonnes. Des raisons de sécurité tant du port que des infrastructures portuaires, sur lesquelles d'importants travaux ont été réalisés en 2019, justifient ainsi de ne plus y amarrer des embarcations de la taille et du poids de celle détenue par la recourante.

Au vu de ce qui précède, la décision querellée, qui repose sur des considérations objectives de sécurité, ne peut être qualifiée ni de chicanière, ni de contraire aux principes de la bonne foi, de la proportionnalité et de l'interdiction de l'arbitraire. Au contraire, elle est conforme au droit et ne consacre, en particulier, aucun abus du pouvoir d'appréciation de l'autorité intimée.

Mal fondé, le recours, pour autant qu'il soit recevable, sera donc rejeté.

5) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 250.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu'il est recevable, le recours interjeté le 14 septembre 2020 par l'Association A______ contre la décision du département du territoire - OCEau du 30 juillet 2020 ;

met un émolument de CHF 250.- à la charge de l'Association A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gazmend Elmazi, avocat de la recourante, ainsi qu'au département du territoire-OCEau.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :