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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3818/2020

ATA/1200/2020 du 30.11.2020 ( EXPLOI ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3818/2020-EXPLOI ATA/1200/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 30 novembre 2020

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Bertrand Reich, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



Vu, en fait, la décision, déclarée exécutoire nonobstant recours, du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) du 5 novembre 2020 ordonnant la fermeture immédiate de l'établissement à l'enseigne « B______ », avec apposition de scellés, pendant une durée de 42 jours allant au-delà de la fermeture obligatoire de tous les établissements ;

que cette décision retient que, selon un rapport de police établi le 1er novembre 2020, le 31 octobre 2020, l'établissement n'avait pas respecté l'heure de fermeture de 23 heures, toléré que des clients commandent, soient servis ou consomment sans être assis à table, avait failli à son obligation de faire respecter l'obligation de porter le masque et n'avait pas respecté « des obligations en lien avec le plan de protection » ; ces faits étaient constitutifs de graves troubles à la santé publique, dès lors qu'ils favorisaient la propagation du virus du Covid-19 ;

Attendu que par acte déposé le 23 novembre 2020 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) par A______, propriétaire de l'établissement, celle-ci a recouru contre la décision précitée, dont elle a demandé l'annulation ; elle a fait valoir que celle-ci avait été rendue en violation de son droit d'être entendue, que les conditions d'une fermeture immédiate n'étaient pas remplies et que la mesure querellée violait le principe de la proportionnalité ;

que lors de l'arrivée de la police le 31 octobre 2020, le bar était fermé ; les clients présents, adossés au mur de l'immeuble, étaient ceux du bar « C______ », auquel l'on accédait par une allée située à côté de « B______ » ; les personnes observées par la police consommaient de la bière en bouteille, alors que la recourante n'en vendait pas ; elle ne pouvait se voir sanctionnée pour un comportement qui n'était pas de son fait ;

qu'elle a requis la restitution de l'effet suspensif, exposant qu'il était illusoire d'espérer qu'une décision soit rendue avant le 10 janvier 2021, qu'en raison des vices dont était affectée la décision, les chances de succès du recours étaient bonnes et que la mesure prononcée était de nature à mettre gravement en péril sa survie économique ;

que le PCTN a conclu au rejet de la requête de restitution de l'effet suspensif, relevant que la fermeture de l'établissement répondait à un intérêt public très important, à savoir la protection de la santé publique ; la recourante ne démontrait pas qu'elle ne vendait pas de bière en bouteille ; il ressortait des photos produites par la police que le passage sortant du « C______ » débouchait à côté de la terrasse de « B______ » ; si le groupe de personnes observées par la police s'était tenu à droite dudit passage, la police, connaissant l'existence du « C______ », n'aurait pas retenu qu'il s'agissait de clients de « B______ » ; si le groupe s'était tenu à gauche de la sortie du passage, l'on ne comprenait pas pourquoi il aurait traversé la terrasse pour se placer à gauche de celle-ci ;

que, selon le rapport de police, le 31 octobre 2020 à 23h15, une dizaine de personnes consommaient de l'alcool sur la terrasse après l'heure de fermeture, la plupart ne portant pas le masque et ne respectant pas les distances de sécurité ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par le vice-président, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par un juge ;

qu'aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

que, par ailleurs, l'art. 21 al. 1 LPA permet le prononcé de mesures provisionnelles ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles, dont fait partie la restitution et le retrait de l'effet suspensif, ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1043/2020 du 19 octobre 2020 ; ATA/303/2020 du 19 mars 2020 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018) ;

qu'elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in
RDS 1997 II 253-420, 265) ; que, par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3) ;

que lors de l'octroi ou du retrait de l'effet suspensif, l'autorité de recours dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire  (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

qu'en l'espèce, la décision querellée repose sur la perturbation grave de la santé publique retenue par l'autorité intimée au motif que l'établissement n'avait pas respecté plusieurs points de l'arrêté du Conseil d'État du 29 octobre 2020 relatif aux mesures destinées à la lutte contre la pandémie de Covid-19 ;

que la recourante conteste ne pas avoir respecté l'heure de fermeture, l'obligation de port du masque de sa clientèle et celle de rester assis pour consommer des boissons ;

que les constats sur lesquels se fonde le PCTN ressortent d'un rapport de police établi par un agent assermenté, qui mentionne la présence de deux autres agents au moment des faits décrits par lui ;

que la recourante soutient que son établissement était fermé à 23h00 et que les clients buvant des bières devant le sien étaient ceux d'un autre établissement ;

que, certes, l'allée conduisant à l'enseigne « C______ » se trouve à côté de l'établissement exploité par la recourante :

qu'il n'en demeure pas moins que le rapport de police qui bénéficie, a priori, d'une pleine valeur probante, retient que l'établissement « B______ » n'était pas fermé à 23h15 et que des clients étaient présents, tout comme un serveur de cet établissement ;

qu'au vu de ces éléments, il n'apparaît pas d'emblée que la version soutenue par la recourante soit manifestement bienfondée, au point de pouvoir retenir que les chances de succès du recours soient évidentes ;

qu'au contraire, il conviendra de procéder à l'instruction des faits afin de les établir ;

que, par ailleurs, la loi prévoit expressément la faculté de procéder à la fermeture immédiate en cas de perturbation grave de l'ordre public (art. 61 loi de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 - LRDBHD - I 2 22), de sorte qu'il n'apparaît pas non plus manifeste que le droit d'être entendu de la recourante ait été violé ;

qu'en outre, si l'intérêt économique de la recourante à la suspension des effets de la décision jusqu'à droit jugé est important, l'intérêt de santé publique à ce que les sanctions infligées aux établissements ne respectant pas les règles sanitaires soient immédiatement exécutées doit l'emporter sur l'intérêt privé ;

qu'au vu de ces éléments, la requête de restitution d'effet suspensif sera rejetée ;

qu'il sera statué sur les frais de la présente décision avec l'arrêt sur le fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

Rejette la requête de restitution de l'effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;;

communique la présente décision à Me Bertrand Reich, avocat de la recourante, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

 

 

La juge :

 

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :