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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/846/2019

ATA/807/2020 du 25.08.2020 sur JTAPI/1041/2019 ( LCI ) , REJETE

Parties : MERCIER Roland Alain / DUVIGNEAU-ANSERMET Anne, ANSERMET CLAUDINE et Anne DUVIGNEAU-ANSERMET, DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/846/2019-LCI ATA/807/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 août 2020

3ème section

 

dans la cause

 

Monsieur Roland Alain MERCIER
représenté par Me Andreas Fabjan, avocat

contre

Madame Claudine ANSERMET
Madame Anne DUVIGNEAU-ANSERMET
représentées par Me Pierre Bayenet, avocat

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 novembre 2019 (JTAPI/1041/2019)


EN FAIT

1) Mesdames Claudine ANSERMET et Anne DUVIGNEAU-ANSERMET sont copropriétaires de la parcelle n° 4'307, feuille 9, de la commune de Plan-les-Ouates (ci-après : la commune), à l'adresse 11A, route du Camp, sur laquelle est édifiée une villa.

Monsieur Roland Alain MERCIER est propriétaire de la parcelle n° 4'308, sise 11B, route du Camp. Elle jouxte, à l'est, la parcelle n° 4'307 précitée.

La parcelle n° 4'175, d'une superficie de 608 m2, située au nord des deux parcelles précitées, constitue une dépendance de celles-ci (chemin d'accès privé).

Ces parcelles sont situées en cinquième zone à bâtir (« zone villa »).

2) Le 8 août 2013, Mmes ANSERMET et DUVIGNEAU-ANSERMET ont déposé auprès du département devenu depuis le département du territoire (ci-après : DT ou le département) une demande préalable d'autorisation de construire, enregistrée sous DP 18'515-1, en vue de l'édification de cinq villas conformes à un standard de haute performance énergétique (ci-après : HPE) en ordre contigu.

Cette requête visait les parcelles n° 4'307 (propriété des requérantes) et n° 4'175 (dépendance située au nord de cette dernière).

3) Le 10 octobre 2014, le département a délivré l'autorisation préalable de construire sollicitée (DP 18'515-1 ; ci-après : DP), en octroyant la dérogation demandée HPE sur la base du deuxième projet du 20 décembre 2013. Elle a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 17 octobre 2017.

4) Par acte du 13 novembre 2014, M. MERCIER a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre l'autorisation préalable de construire précitée, concluant implicitement à son annulation.

Il était copropriétaire de la parcelle n° 4'175 et n'avait pas été consulté. Les constructions projetées utiliseraient les droits à bâtir de son terrain. Il s'opposait au projet qui entraînerait une augmentation du trafic et du parcage sur sa parcelle.

5) a. Par jugement du 29 juin 2016, le TAPI a rejeté le recours de M. MERCIER.

S'agissant de la densité des constructions projetées, seules des caractéristiques heurtant manifestement le caractère du quartier, son harmonie et son aménagement pourraient justifier l'annulation de l'autorisation, cas de figure non réalisé en l'espèce.

Le trafic supplémentaire ne serait pas incompatible avec les caractéristiques du quartier. Les nuisances liées à celui-ci seraient limitées. L'examen détaillé de ces questions se ferait lors de l'instruction de la demande définitive.

b. Par arrêt du 12 septembre 2017, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours déposé par M. MERCIER ainsi que par un autre voisin des parcelles concernées contre le jugement du TAPI du 29 juin 2016 (ATA/1273/2017).

c. Le Tribunal fédéral a, le 1er novembre 2017, déclaré irrecevable le recours interjeté par M. MERCIER contre l'ATA précité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_594/2017).

L'octroi d'une autorisation préalable de construire selon l'art. 5 al. 1 de la loi genevoise sur les constructions et les installations diverses (LCI - L 5 05) constituait une simple étape vers la délivrance de l'autorisation définitive de construire et revêtait un caractère incident alors même que l'autorité compétente tranchait définitivement, au niveau cantonal (art. 5 al. 5 et 146 al. 1 LCI), certains éléments déterminants du projet (consid. 2.2). À défaut d'avoir établi que les deux conditions alternatives auxquelles une décision incidente pouvait être déférée auprès du Tribunal fédéral étaient réalisées, le recourant ne pouvait contester immédiatement l'arrêt attaqué. Il pourrait en revanche le faire, le cas échéant, en même temps que la décision finale (consid. 2.3).

6) En date du 5 février 2018, Mmes ANSERMET et DUVIGNEAU-ANSERMET ont déposé, par l'intermédiaire de leur architecte, une demande définitive d'autorisation de construire (DD 111'256) ayant pour objet la construction de cinq villas HPE en ordre contigu sur les parcelles nos 4'307 et 4'175 auprès du DT.

7) Par décision du 28 janvier 2019, publiée dans la FAO du même jour, le département a délivré l'autorisation définitive de construire DD 111'256.

8) En date du 27 février 2019, M. MERCIER a interjeté recours auprès du TAPI contre cette décision, concluant principalement à son annulation. Préalablement, il a conclu à ce que le TAPI constate que le recours avait effet suspensif, subsidiairement à ce qu'il accorde l'effet suspensif au recours.

9) Parallèlement M. MERCIER a formé, le 27 février 2019, un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral contre l'autorisation définitive de construire du 28 janvier 2019 ainsi que contre l'ATA/1273/2017 du 12 septembre 2017.

10) Par arrêt du 2 avril 2019 (1C_127/2019), le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours en matière de droit public du 27 février 2019. Il y sera revenu dans la partie en droit.

11) Après un double échange d'écritures sur la question de l'effet suspensif du recours, le TAPI a constaté, par décision du 3 mai 2019, que le recours formé le 27 février 2019 avait effet suspensif de plein droit (DITAI/206/2019).

12) M. MERCIER a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision précitée.

13) Le 19 juin 2019, le TAPI a rejeté la demande de suspension de l'instruction dans l'attente de la décision de la chambre administrative sur le recours contre la décision sur effet suspensif.

14) Par arrêt du 30 juillet 2019 (ATA/1203/2009), la chambre administrative a déclaré irrecevable le recours interjeté par M. MERCIER le 17 mai 2019 contre la décision du 3 mai 2019 du TAPI sur la question de l'effet suspensif.

Le recourant n'avait pas d'intérêt pratique au recours. Il ne contestait pas le dispositif de la décision, mais uniquement sa motivation.

15) Par jugement du 21 novembre 2019, le TAPI a, au fond, rejeté le recours de M. MERCIER.

a. C'était à tort que le recourant soutenait que l'autorisation préalable était caduque.

Dans sa décision sur effet suspensif, le TAPI était arrivé à la conclusion qu'en ne prévoyant pas - à l'instar de ce que précisait l'art. 4 al. 5, 2ème phrase LCI - la suspension du délai en cas de recours contre une autorisation préalable, le législateur avait commis une lacune proprement dite qui devait être comblée par le juge, du moins dans l'attente d'une adaptation législative. En effet, dans le système voulu par le législateur genevois qui prévoyait l'institution de l'autorisation préalable précédant l'autorisation définitive, admettre la caducité de celle-là avant qu'elle n'entre en force et partant acquière le qualificatif d' « autorisation valable » n'aurait guère de sens. Ainsi, on comprendrait mal que le législateur ait souhaité qu'un administré soit tenu de demander la prolongation d'une autorisation préalable alors que sa validité qui seule permettait d'envisager une telle prolongation, était remise en question.

De plus, la chambre administrative qui devait examiner d'office l'éventuelle péremption de ce droit (Stéphane GRODECKI/Valérie DEFAGO GAUDIN : La jurisprudence genevoise en matière d'aménagement du territoire et de droit public des constructions rendue en 2018 in RDAF 2019 I p. 18), saisie de recours contre des autorisations préalables n'avait jamais considéré qu'une autorisation préalable était devenue caduque du seul fait de l'écoulement du temps induit par une procédure de recours (ATA/18/2019 du 8 janvier 2019 ; ATA/227/2018 du 13 mars 2018).

b. C'était à tort que le recourant soutenait que la DP ne serait pas en force, et que le TAPI devait examiner l'ensemble des griefs.

Conformément à l'analyse du Tribunal fédéral, il convenait de retenir que certains aspects déterminants du projet litigieux avaient été tranchés définitivement au niveau cantonal, lesquels ne pouvaient dès lors plus être remis en cause dans le cadre de l'examen de l'autorisation définitive dans la mesure où celle-ci était en tous points conforme à la première.

Seuls deux points pouvaient en conséquence être discutés :

-          le grief du recourant selon lequel l'autorisation litigieuse contreviendrait aux prescriptions relatives aux places de stationnement. La balance des intérêts en présence avait toutefois conduit le département à une solution équilibrée. La dérogation accordée n'allait pas à l'encontre du but de la loi. Le grief était rejeté.

-          le non-respect des prescriptions en matière de bruit. Le recourant ne parvenait toutefois pas à convaincre que le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (SABRA) se serait prononcé sans disposer des éléments utiles à son analyse. Son préavis ne prêtant pas le flanc à la critique, le grief du recourant était écarté.

16) Par acte du 10 janvier 2020, M. MERCIER a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité. Il a conclu à ce qu'il soit constaté que la DP était caduque et que le jugement du TAPI soit en conséquence annulé. Cela fait, la procédure devait être renvoyée devant le TAPI afin qu'il rende un jugement dans le sens des considérants. Subsidiairement, l'autorisation de construire DD 111'256 devait être annulée.

a. Des faits nouveaux étaient survenus. Par lettre du 22 août 2019, les architectes avaient sollicité la prolongation de la DP. Par décision du 6 décembre 2019, le département avait accordé une prolongation au 1er décembre 2020.

Par ailleurs, initialement, l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC) avait prévu de refuser de délivrer l'autorisation de construire définitive sollicitée. Toutefois, suite à l'intervention de l'architecte des requérants auprès du conseiller d'État en charge du département, ce dernier avait révoqué « à titre exceptionnel » le refus qui avait été notifié aux intimés. Cette décision était motivée par le fait que la DP serait prétendument entrée en force, ce qui était erroné. De même, l'architecte avait fait valoir dans sa demande auprès du conseiller d'État un accord avec le recourant pour une ouverture de chantier au début de l'année 2019. Cette affirmation était mensongère. L'intéressé n'avait toutefois jamais été en mesure de le contester dans la mesure où le département ne l'avait pas interpellé à ce sujet.

b. Les faits pertinents avaient en conséquence été constatés de façon incomplète. Le recourant avait valablement allégué et offert de prouver que l'OAC avait initialement prévu de refuser l'octroi de la DD 11'256. C'était à tort que le conseiller d'État avait cru que la DP était entrée en force et que le projet définitif lui serait conforme. De même, l'accord du recourant avec une ouverture de chantier au début de l'année 2019 était mensonger. Ces faits étaient pertinents et déterminants pour l'issue de la procédure. Le jugement querellé devait être annulé.

C'était à tort que le TAPI avait considéré que la LCI présentait une lacune proprement dite en ne prévoyant pas la suspension du délai en cas de recours contre une autorisation préalable. Le cas échéant, il s'agissait d'un silence qualifié. En conséquence, la DP 18'515-1 était devenue caduque le 17 octobre 2016. Les agissements des intimés ainsi que du département étaient contradictoires dès lors qu'une prolongation de la DP avait été sollicitée par les intimés et accordée par le département. Ceux-ci avaient en conséquence admis expressément que le délai de deux ans pour déposer une requête d'autorisation de construire définitive, à compter de la publication dans la FAO, n'était pas suspendu en cas de recours

L'art. 146 al. 1 LCI avait été violé ainsi que le droit d'être entendu du recourant.

c. Enfin, le règlement relatif aux places de stationnement sur fonds privés du 16 décembre 2015 (RPSFP - L 5 05.10) du 23 juillet 2008 avait été violé. Les arguments seront repris dans la partie en droit du présent arrêt, en tant que de besoin.

17) Le DT a conclu au rejet du recours à l'instar des propriétaires.

18) Dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions.

19) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

20) a. Le 20 juillet 2020, M. MERCIER a sollicité la suspension de la présente procédure, compte tenu du recours qu'il avait interjeté devant le TAPI contre la prolongation de la DP accordée le 6 décembre 2019 (A/325/2000). Si le TAPI annulait ladite prolongation, la DP serait incontestablement caduque. L'issue de la présente procédure en serait modifiée.

b. Les intimés se sont opposés à toute suspension de la procédure.

c. Dans une réplique spontanée, le recourant a persisté dans sa requête en suspension de la présente procédure.

Sur ce, les parties ont été informées que la cause restait gardée à juger.

21) Les arguments des parties seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant a sollicité, le 20 juillet 2020 la suspension de la présente procédure au vu du recours qu'il avait interjeté contre la prolongation de la DP.

Lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 LPA).

En l'espèce, le fait de savoir si la DP devait ou pouvait être prolongée est sans incidence sur l'issue du litige conformément à ce qui suit.

La requête en suspension de la présente procédure sera dès lors rejetée.

3) Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu conjointement avec une violation de l'art. 146 al. 1 LCI.

a. Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 143 IV 380 consid. 1.4). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 138 I 232 consid. 5.1).

b. En l'espèce, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu au motif que le TAPI se serait contredit entre sa décision sur effet suspensif et le jugement querellé et notamment aurait refusé de statuer sur certains griefs au motif qu'un recours contre la DD, précédé d'une DP, ne pouvait pas porter sur les objets tels qu'agréés dans celle-ci.

Cet argument relève toutefois du fond et sera analysé ci-dessous avec le grief portant sur l'art. 146 al. 1 LCI.

4) En vertu de l'art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b ; al. 1) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

5) a. La demande préalable tend à obtenir du département une réponse sur l'implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet présenté (art. 5 al. 1 LCI).

L'art. 2 al 1 à 3 (relatif à la demande d'autorisation), l'art. 3 al. 1 à 5 (relatif à la procédure d'autorisation) ainsi que l'art. 4 al. 1 à 3 (relatif aux délais de réponse) sont applicables par analogie à la demande préalable (art. 5 al. 3 LCI).

La réponse à la demande préalable régulièrement publiée vaut décision et déploie les effets prévus aux articles 3, 5 al. 1 et 146 LCI (art. 5 al. 5 LCI).

L'autorisation préalable est caduque si la demande définitive n'est pas présentée dans le délai de deux ans à compter de sa publication dans la FAO. L'art. 4 al. 7 à 9 (relatif à la prolongation) est applicable par analogie. Selon ceux-ci « lorsque la demande en est présentée un mois au moins avant l'échéance du délai fixé à l'al. 6, le département peut prolonger d'une année la validité de l'autorisation de construire ; dans ce cas, la présentation des pièces prévues à l'art. 2 al. 2 n'est pas exigible (al. 7). Sous réserve de circonstances exceptionnelles, l'autorisation ne peut être prolongée que deux fois (al. 8). La décision accordant une prolongation est publiée dans la FAO (al. 9).

b. L'art. 7 al. 2 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) précise les documents qui doivent être joints à une demande d'autorisation préalable.

c. De jurisprudence constante, la demande préalable d'autorisation de construire constitue une demande simplifiée qui peut être présentée avant le dépôt d'un projet définitif. Elle vise à épargner aux intéressés d'être contraints de dresser des plans de détail et à l'administration de compulser de tels plans, tant que les questions de principe n'auront pas été résolues. Le but d'une telle demande est de déposer dans un premier temps un dossier simplifié afin de gagner du temps et de réduire les frais. En effet, si l'un des éléments du dossier visé dans la demande préalable n'est pas conforme, il est inutile d'engager des frais supplémentaires pour présenter un projet plus précis afin de déposer une demande en autorisation définitive (ATA/1299/2019 du 27 août 2019 consid. 3a ; ATA/952/2016 du 8 novembre 2016 consid. 4b et les références citées).

En déposant une demande d'autorisation préalable d'implantation, le constructeur cherche à obtenir une décision de principe sur l'implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet. Il s'agit d'éviter d'engager des frais considérables liés à un projet d'envergure, compliqué ou potentiellement controversé, sans obtenir certaines assurances quant au caractère réalisable du projet (Charles-André JUNOD, Le contentieux des autorisations préalables de construire en droit genevois, note de jurisprudence, RDAF 1988 p. 160 ss, 162).

On ne se trouve pas dans l'hypothèse de deux procédures simultanées pouvant donner lieu à deux décisions contradictoires. Il s'agit d'une procédure en deux étapes donnant lieu d'abord à une autorisation préalable puis à une autorisation définitive. En réalité, il n'y a pas de risque de décisions contradictoires : soit l'autorisation préalable est accordée et le requérant peut passer à l'étape suivante, soit elle est refusée et il n'y pas lieu de passer au stade suivant (ATA/952/2016 précité).

e. Selon la jurisprudence, « l'octroi d'une autorisation préalable de construire selon l'art. 5 al. 1 LCI constitue une simple étape vers la délivrance de l'autorisation définitive de construire et revêt un caractère incident alors même que l'autorité compétente tranche définitivement, au niveau cantonal (art. 5 al. 5 et 146 al. 1 LCI), certains éléments déterminants du projet (ATF 135 II 30 consid. 1.3.1 ; arrêt 1C_594/2017 du 1er novembre 2017 consid. 2.2 in SJ 2018 I p. 186). Pareille décision ne peut dès lors faire l'objet d'un recours immédiat auprès du Tribunal fédéral que si elle satisfait aux exigences de l'art. 93 al. 1 LTF (arrêt du Tribunal fédéral du 10 octobre 2019 dans la cause 1C_539/2019). » Le Tribunal fédéral définit ainsi, au regard de la LTF, à quelles conditions une décision préalable d'autorisation de construire peut être attaquée devant lui.

Au regard du droit cantonal la décision d'autorisation préalable n'est pas une décision incidente au sens de l'art 57 let. c LPA, mais une décision finale au sens de l'art. 57 let. a LPA, conformément à la jurisprudence constante de la chambre administrative (ATA/1810/2019 du 17 décembre 2019 consid. 7 et les références citées).

6) Le recourant se plaint que deux faits, pertinents, n'auraient pas été retenus.

a. Le premier consiste dans le fait que l'OAC avait initialement prévu de refuser l'octroi de la DD afin de respecter sa pratique en lien avec l'application de l'art. 59 al. 4 LCI.

Or, ce fait n'est pas pertinent. Il ressort de la lettre du conseiller d'État en charge du DT du 8 novembre 2018 qu'il « demande à titre exceptionnel à l'[OAC] de révoquer le refus qui vous a été notifié et d'autoriser cette demande définitive ». Il n'est pas contesté par les parties que le 8 novembre 2018, aucune décision n'avait encore été rendue et qu'en conséquence le terme de « révoquer le refus » n'est pas exact. Il est aussi établi, et non contesté, que l'OAC envisageait de refuser l'autorisation sollicitée. Toutefois, le chef du département peut en tout temps prendre une décision en lieu et place de la direction de l'OAC (art. 2 de la loi sur l'exercice des compétences du Conseil d'État et l'organisation de l'administration du 16 septembre 1993 (LECO - B 1 15) ; 6 al. 1 let. g 1° du règlement sur l'organisation de l'administration cantonale du 1er juin 2018 (ROAC - B 4 05.10). La délivrance de l'autorisation de construire litigieuse, suite à la détermination du Conseiller d'État, est en conséquence en tous points conforme à la loi. Ainsi, outre que le procédé est conforme à la législation en vigueur, le fait que l'autorisation ait été délivrée suite à la décision du chef du département est sans pertinence sur l'objet du litige lequel se limite à la conformité au droit de l'autorisation querellée. Tout au plus ce fait est-il apte à prouver que le dossier a fait l'objet d'une étude attentive, jusqu'au chef du département dans le contexte de l'application de l'art. 59 al. 4 LCI à la parcelle en cause.

De surcroît, même à le considérer comme pertinent, ce fait a été mentionné par le TAPI. Celui-ci a précisé que ce n'était que suite à l'intervention du Conseiller d'État en charge du DT que l'autorisation de construire avait finalement été accordée à titre exceptionnel. L'échange de correspondances se trouve au dossier. Ainsi le TAPI n'a pas constaté ce fait de façon inexacte.

b. Le second fait consiste dans les motifs invoqués par le chef du département pour « révoquer » cette « décision de refus ». Ceux-ci seraient erronés puisque la DP n'était pas « en force ».

Le litige porte sur la conformité au droit de l'autorisation délivrée. Les motifs ayant fondé la décision du conseiller d'État ne sont pas l'objet du litige, d'autant moins en l'espèce où il s'agit d'une question sémantique, le statut particulier de l'autorisation préalable étant connu, compte tenu de son caractère définitif sur le plan cantonal mais sujet à recours à certaines conditions auprès du Tribunal fédéral notamment avec l'autorisation définitive. Ainsi le terme « en force » est juste s'agissant des voies de recours cantonales.

7) Le recourant invoque la caducité de la DP. Il critique le raisonnement du TAPI lequel a retenu qu'il existait une lacune de la loi et l'a comblée. Le recourant estime qu'il s'agit d'un silence qualifié.

a. L'art. 5 al. 5 LCI, applicable à la seule autorisation définitive de construire mentionne « L'autorisation est caduque si les travaux ne sont pas entrepris dans les deux ans qui suivent sa publication dans la FAO. En cas de recours, le délai est suspendu pendant la durée comprise entre cette publication et la fin de la procédure, y compris une éventuelle instance devant une juridiction fédérale. ».

Le recourant se prévaut des travaux préparatoires, relatifs à l'alinéa qui suit, pour en déduire que le législateur a délibérément souhaité ne pas suspendre, pendant la procédure de recours, la validité des autorisations préalables.

Outre la confusion faite par le recourant entre la prolongation d'une autorisation « autre », telle l'autorisation de démolir, pendant la procédure relative à une autorisation définitive, au sens de l'al. 6, et la suspension du délai de validité de la DP pendant la procédure qui la concerne, par analogie au sens de l'al. 5, force est de constater qu'à aucun moment les travaux préparatoires cités par le recourant (MCG 1991 V p. 4'860 et 4'870) ne font mention du cas de l'autorisation préalable. Il convient plutôt d'en déduire que le législateur n'a pas inclus cette hypothèse dans sa réflexion, à défaut de quoi, il l'aurait mentionné aux fins d'écarter toute suspension du délai relatif à la validité de la DP pendant la procédure de recours la concernant. L'argumentation du TAPI sur la lacune de la loi doit être confirmée.

Le TAPI doit pour le surplus être suivi lorsqu'il relève qu'admettre la caducité d'une autorisation préalable avant qu'elle n'entre en force et partant acquière la qualification d'« autorisation valable » n'aurait guère de sens.

La chambre administrative a déjà confirmé des autorisations de construire préalables délivrées plus de deux ans auparavant (ATA/18/2019 du 8 janvier 2019 ; ATA/198/2013 du 26 mars 2013).

Cette jurisprudence de la chambre de céans n'a par ailleurs pas été « cassée » par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 1C_198/2016 du 6 mai 2016 portant sur une autorisation préalable publiée le 13 octobre 2013, ayant fait l'objet d'un arrêt de la chambre de céans le 8 mars 2016, puis d'un arrêt du 13 mars 2018 (ATA/227/2018) annulant l'autorisation préalable, sans que la question de la caducité n'apparaisse pertinente.

L'autorisation préalable n'est en conséquence pas devenue caduque le 17 octobre 2016.

Enfin, le DT a accordé, le 6 décembre 2019, la prolongation de la DP. La procédure judiciaire relative à l'autorisation préalable ayant pris fin le 1er novembre 2017 par l'arrêt du Tribunal fédéral, les recourants ont sollicité la prolongation avant l'issue des deux ans, en août 2019. Comme le relève le DT cette prolongation était tout au plus inutile puisqu'une DD avait été déposée dans le délai de deux ans après la fin de la procédure, le 5 février 2018 (art. 4 al. 6 LCI). Le bien-fondé de l'octroi de cette prolongation est en conséquence sans incidence sur l'issue du présent litige.

8) Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 146 al. 1 LCI.

Il invoque une contradiction du TAPI entre sa décision sur effet suspensif -dans laquelle celui-ci indiquait que la DP n'était pas en force au sens de l'art. 146 al. 2 LCI et qu'en conséquence le recours avait effet suspensif - et le jugement querellé - où il indiquait que la DP était en force et que le recours ne pouvait plus porter sur des objets tels qu'agréés dans la DP au sens de l'art. 146 al. 1 LCI.

a. Aux termes de l'art. 146 LCI, le recours dirigé contre une autorisation définitive, précédée d'une autorisation préalable en force au sens de l'art. 5 al. 1 LCI, ou d'un plan localisé de quartier en force, ne peut porter sur les objets tels qu'agréés par ceux-ci (al. 1). Lorsqu'il est dirigé contre une autorisation définitive précédée d'une autorisation préalable ou d'un plan localisé de quartier en force, le recours n'a pas d'effet suspensif à moins qu'il ne soit restitué sur requête du recourant (al. 2).

b. Le juge est appelé à trancher des cas concrets, nécessitant que l'administré ait un intérêt actuel et pratique, comme le prévoit l'art. 60 let. b LPA en cas de recours, et son rôle n'est pas de faire de la doctrine ou de trancher des questions de principe (ATA/293/2016 du 5 avril 2016 consid. 5 ; ATA/1259/2015 du 24 novembre 2015 consid. 2d ; ATA/1011/2015 du 29 septembre 2015 consid. 3d).

Comme le rappelle la doctrine, la fonction du juge n'est pas de « faire de la doctrine » (Pierre MOOR, Droit administratif, vol. 2, 2ème éd., Berne 2002, p. 642/643.). Les tribunaux ne se prononcent ainsi que sur des recours dont l'admission élimine véritablement un préjudice concret (ATA/467/2008 du 9 septembre 2008 consid. 3a).

En l'espèce, le recourant a obtenu, devant le TAPI, le plein de ses conclusions sur effet suspensif. Son recours, sur la seule motivation, a été jugé irrecevable par la chambre de céans, laquelle ne s'est pas prononcée sur le bien-fondé de l'argumentation juridique retenue par le TAPI en application de l'art. 146 al. 2 LCI.

Une éventuelle contradiction du TAPI entre sa décision sur effet suspensif, laquelle portait sur l'application de l'art. 146 al. 2 LCI et le jugement au fond ne fait pas l'objet du présent litige. Seul est pertinent le bien-fondé de l'argumentation du TAPI dans le jugement présentement querellé lequel porte sur l'application de l'art. 146 al. 1 LCI.

Or, c'est à bon droit que la TAPI a considéré, en application dudit alinéa que l'autorisation préalable était « en force au sens de l'art. 5 al. 1 LCI », référence étant faite à la loi genevoise. Il n'est pas contesté que sur le plan cantonal ladite autorisation ne pouvait plus faire l'objet d'un recours. C'est dès lors à bon droit que le TAPI a refusé d'entrer en matière sur les objets tels que déjà agréés par l'autorisation préalable soit, l'implantation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet (art. 5 al. 1 LCI).

Le grief est infondé.

9) Dans un ultime grief, le recourant se plaint d'une violation du règlement relatif aux places de stationnement sur fonds privés du 16 décembre 2015 (RPSFP - L 5 05.10).

Le préavis de la direction générale des transports (ci-après : DGT) du 22 mars 2018 a considéré que c'était le règlement, dans sa teneur du 23 juillet 2008 qui devait être respecté, tout en sollicitant que les ratios appliqués soient conformes au règlement en vigueur.

Il n'est plus contesté par les parties, conformément aux développements faits par le TAPI, que c'est le règlement dans sa teneur du 23 juillet 2008 qui doit s'appliquer (aRPSFP).

Devant la chambre de céans, le recourant relève « la dérogation quant au nombre minimum de places de stationnement a été accordée sans motif valable, en violation de l'art. 8 al. 2 aRPSFP ».

Est ainsi litigeuse la dérogation accordée par le DT permettant la réduction de dix places de stationnement « voitures » pour les habitants telle qu'initialement prévue dans la DP, à cinq dans la DD. Sont prévues en sus, et non litigieuses, une place de stationnement « voiture » pour les visiteurs, deux places de stationnement « deux-roues motorisées » et neuf places de stationnement « vélos ».

a. Selon une jurisprudence bien établie, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi. De même, s'agissant des jugements rendus par le TAPI, la chambre administrative exerce son pouvoir d'examen avec retenue car celui-ci se compose pour partie de personnes possédant des compétences techniques spécifiques (ATA/166/2018 consid. 7b du 20 février 2018 et les références citées).

Dans sa jurisprudence relative aux préavis de la commission d'architecture (ci-après : CA), la chambre de céans a retenu qu'un préavis favorable n'a en principe pas besoin d'être motivé (ATA/1299/2019 du 27 août 2019 consid. 4 ; ATA/414/2017 du 11 avril 2017 confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_297/2017 du 6 décembre 2017 consid. 3.4.2). Néanmoins, il arrive que des exigences de motivation plus explicite soient requises lorsque, par exemple, l'augmentation de la hauteur du gabarit légal est trop importante (ATA/824/2013 du 17 décembre 2013 consid. 5).

b. En l'espèce, suite à son préavis du 22 mars 2018, la DGT a émis un préavis favorable le 9 août 2018, se fondant sur le RPSFP dans sa teneur actuelle, dont le recourant souhaite l'application. Si le préavis du 9 août 2018 n'est pas motivé, il fait suite aux exigences posées par celui du 22 mars 2018, à la suite d'un examen manifestement fouillé du dossier.

L'actuel art. 8 al. 1 et 2 RPSFP est identique à l'ancienne teneur sous de minimes réserves non pertinentes dans le cas d'espèce. La dérogation est fondée tant en application de l'ancienne teneur de l'article que de la nouvelle sur l'art. 8 al. 2 let. e aRPSFP, soit l'actuel art. 8 al. 2 let.d RPSFP, selon lequel l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation de construire sollicitée peut accorder, après consultation des services cantonaux compétents et du département chargé des transports, des dérogations quant au nombre de places à aménager. Elle se fonde, notamment, sur des améliorations notables en matière d'offre en transports publics. En l'espèce, la mise en service de la gare de Lancy-Bachet, située à 600 m à vol d'oiseau, constitue une augmentation importante de l'offre en transports publics à proximité du projet de construction. Le projet se situe pour le surplus à 100 mètres de l'arrêt des transports publics genevois « trèfle blanc ». Enfin, la route du Camp est au bénéfice de pistes cyclables bidirectionnelles. C'est en conséquence sans abus du pouvoir d'appréciation que le DT pouvait accorder la dérogation au sens de l'art. 8 al. 2 aRPSFP, en se fondant sur le préavis de la DGT.

La solution serait identique en application du RPSFP dans sa teneur actuelle, sur laquelle la DGT s'est d'ailleurs fondée pour émettre son préavis.

Pour le surplus la chambre de céans fait sienne l'argumentation développée par le TAPI, notamment le calcul selon lequel en autorisant cinq places pour les habitants, une place visiteurs, deux places deux-roues et neuf places pour les vélos, le DT respecte en outre les nouveaux quotas du RPSFP, s'agissant d'un secteur IV (annexe au RPSFP), avec un ratio de 0,8 (art. 5 RPSFP) pour 567 m2 de SBP pour cinq villas (non contesté), pour un résultat de 4'536 places de stationnement pour habitants exigibles.

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

10) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 900.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 2 LPA).

Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée aux intimées, à la charge du recourant (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 janvier 2020 par Monsieur Roland Alain MERCIER contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 novembre 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 900.- à la charge de Monsieur Roland Alain MERCIER ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Mesdames Claudine ANSERMET et Anne DUVIGNEAU-ANSERMET, prises solidairement, à la charge de Monsieur Roland Alain MERCIER

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Andreas Fabjan, avocat du recourant, à
Me Pierre Bayenet, avocat des intimées, au département du territoire - OAC, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :