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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2206/2019

ATA/782/2020 du 18.08.2020 sur JTAPI/61/2020 ( TAXE ) , ADMIS

Recours TF déposé le 29.09.2020, rendu le 19.01.2021, REJETE, 2C_811/2020
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2206/2019-TAXE ATA/782/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 août 2020

4ème section

 

dans la cause

 

VILLE DE GENEVE, TAXE PROFESSIONNELLE COMMUNALE

contre

A______ SA
représentée par Me Matteo Inaudi, avocat

_________


 

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
20 janvier 2020 (JTAPI/61/2020)


EN FAIT

1) Le litige concerne la taxe professionnelle communale (ci-après : TPC) réclamée par la Ville de Genève (ci-après : la ville) à A_______ SA (ci-après : A______ SA).

2) Selon le registre du commerce de Genève (ci-après : RC), A_______ SA, inscrite le 27 juillet 2010, avait pour but : « activité de négociant en valeurs mobilières au sens de la [loi fédérale sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières du 24 mars 1995 (LBVM - RS 954.1)], notamment dans la gestion de fortunes, le commerce de valeurs mobilières telles qu'actions, obligations et produits structurés, l'étude et les conseils en matière de placement de capitaux, l'octroi de prêts avec garantie, les conseils et services financiers à des tiers et l'exécution de tous mandats ». 

Depuis le 22 novembre 2017, le but inscrit au RC est le suivant : « conseils et services en matière financière, immobilière et de l'art, sans exercer d'activité d'intermédiaire financier (cf. statuts pour but complet) ».

3) Le 26 septembre 2018, A_______ SA a fondé deux filiales inscrites au RC, à savoir B______ SA (ci-après : B_______ SA) dont le but est la révision comptable, l'expertise comptable, le conseil fiscal, la tenue de la comptabilité ainsi que toutes opérations en lien avec ce but  et C_______ SA (ci-après : C_______ SA) dont le but est l'exécution de tout mandat fiduciaire, l'expertise comptable et financière, tous conseils d'ordre économique, financier et fiscal, le conseil et l'assistance pour le financement d'entreprises, l'exécution de mandats d'organisation et la restructuration d'entreprises, la constitution, l'administration, la gestion et la liquidation de sociétés, la prise de participations dans des entreprises cotées ou non ; toutes les opérations commerciales, financières ou mobilières se rattachant directement ou indirectement à son but ; toutes les transactions immobilières à affectation commerciale exclusivement et les participations dans d'autres sociétés.

4) Par courrier du 26 juin 2018, A_______ SA a indiqué au service de la TPC de la ville qu'elle n'exerçait plus d'activité de négociante en valeurs mobilières soumise à autorisation de l'autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (ci-après : FINMA), mais que sa raison sociale et sa forme juridique demeuraient inchangées.

5) Le 19 mars 2019, le service TPC a notifié à A_______ SA des bordereaux de taxation « définitive 2018 » et « reconduite 2019 », calculés comme suit :

 

 

 

Groupe prof.

Ch. Affaires 16

Ch. Affaires 17

Moyenne

Taux

Montant

015B

CHF 4'916'653

CHF 6'953'446

CHF 5'935'050

4.1%

CHF 24'334

015A

CHF 147'605

CHF 244'720

CHF 196'163

3%

CHF 588

Loyers

CHF 458'605

CHF 451'766

CHF 455'186

5%

CHF 2'276

Eff. Personnel

11.00

6.00

8.50

10

CHF 85

Taxe brute

CHF 27'283

Durée 12M.

CHF 27'283

Arrondie à

CHF 27'280

Frais et déduct.

-CHF 170

TPC

CHF 27'110

6) Par courrier recommandé du 10 avril 2019, A_______ SA a formé réclamation à l'encontre de ces bordereaux de taxation 2018 et 2019.

Suite au transfert de sa clientèle à A_______ SA D_______ SA Bank Genève SA selon les contrats des 11 août et 27 novembre 2017, elle avait complètement cessé son activité de négociant en valeurs mobilières et n'était plus assujettie à la surveillance de la FINMA. Bien que sa raison sociale demeurât inchangée, son but social avait été modifié, comme cela avait été communiqué à la ville le 26 juin 2018. Depuis le 1er janvier 2018, ses revenus et ses effectifs avaient été réduits.

Les taxations contestées étaient basées sur les chiffres d'affaires réalisés en 2016 et 2017. Compte tenu de l'écart important entre les revenus de la période de calcul 2016/2017 et ceux effectivement réalisés lors des périodes de taxation 2018 et 2019, écart provoqué par le changement de type d'activité, elle demandait à être taxée sur la base du « nouveau revenu 2018 », ceci sur une base provisoire en attendant les chiffres définitifs.

7) Par décision du 15 mai 2019, le service TPC a rejeté la réclamation.

Il n'y avait pas de changement total d'activité au sens de la loi puisque A_______ SA poursuivait son activité de conseils et services financiers, laquelle restait imposable dans le groupe professionnel n. 15. La situation exposée correspondait à une réduction des activités et non pas à un changement total d'activité, et n'imposait donc pas de déroger aux principes de taxation.

8) Le 7 juin 2019, A_______ SA a interjeté recours contre la décision précitée
par-devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), en concluant à son annulation et à ce que de nouveaux bordereaux 2018 et 2019 soient établis, en application de l'art. 310A al. 3 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05), selon le groupe professionnel « comptables et fiduciaires », en lieu et place de « banques et gérants de fortune ».

Elle avait complètement cessé son activité de négociante en valeurs mobilières, laquelle était totalement assimilable à une activité bancaire, en novembre 2017. Ses revenus provenaient désormais de son activité de conseil dans les domaines comptable et fiscal, ainsi qu'en matière d'acquisition d'entreprises, à l'instar d'une société fiduciaire ou comptable.

Ces changements se reflétaient dans la baisse du volume de ses revenus, dans la présentation de ses comptes (abandon d'un logiciel bancaire pour un logiciel comptable standard), dans la suppression des services de back-office, trésorerie, private banking et compliance/risk management, ainsi que dans la diminution de près de moitié de son personnel, celui-ci ayant été transféré à l'établissement qui avait repris sa clientèle.

Était notamment jointe à son recours la copie d'une publication dans la feuille officielle suisse du commerce (ci-après : FOSC) du 4 octobre 2017, à teneur de laquelle elle avait soumis à la FINMA une demande de levée d'assujettissement à la LBVM, ce qui aurait pour conséquence que A_______ SA ne serait plus soumise à la surveillance de la FINMA.

9) Dans sa réponse du 12 août 2019, le service TPC a conclu au rejet du recours.

Par changement d'activité au sens de la loi, il fallait entendre un changement radical et fondamental du type d'activité comme par exemple un confiseur devenant agent d'assurances ou un coiffeur devenant employé de banque. En revanche, une simple mutation entre les groupes 149 (sociétés financières) et 150 (sociétés de base, sociétés holdings) ne constituait pas un changement total de type d'activité.

La baisse du volume de ses revenus n'était pas en soi constitutif d'un changement total du type d'activité.

Le libellé du groupe professionnel n. 15 n'était pas seulement « banques, sociétés financières, gérants de fortune, bureaux de change et intermédiaires financiers », mais comprenait également les « conseillers en investissements et en placements financiers ». Il suffisait ainsi de proposer des conseils en matière d'investissements et de placements financiers pour faire partie du groupe professionnel n. 15. De son propre aveu, et comme cela ressortait du RC, A_______ SA continuait à offrir des conseils et services en matière financière, immobilière et de l'art. Elle était donc toujours active dans le domaine financier.

10) Par réplique du 28 août 2019, A_______ SA a persisté dans les conclusions de son recours.

Depuis 2018, elle n'offrait plus de conseils en investissements et en placements financiers et n'était plus autorisée à le faire en renonçant à sa licence de négociant en valeurs mobilières. Ses nouvelles activités ne portaient plus que sur des domaines non régulés, comme par exemple assister les clients dans la recherche d'un financement pour leurs opérations, l'élaboration d'un plan financier ou l'analyse fiscale, ainsi que des activités purement fiduciaires comme la comptabilité, le « family office », l'audit, les expertises et évaluations d'entreprises. Son directeur général était expert-comptable diplômé.

11) Dans sa duplique du 20 septembre 2019, le service TPC a persisté dans les termes et conclusions de sa réponse.

L'exception de l'art. 310A al. 3 LCP n'était applicable qu'en cas de changement radical et total du type d'activité, lorsque par exemple une société de fabrication industrielle se transforme en société de services. Or, dans le cas présent, A_______ SA continuait à déployer une activité de services financiers pour ses clients. L'autorisation de la FINMA n'était pas un élément déterminant en matière de TPC. La création de deux nouvelles entités et le diplôme
d'expert-comptable du directeur général ne constituaient pas non plus des éléments pertinents.

12) Le 12 décembre 2019, s'est tenue une audience de comparution des parties devant le TAPI.

Le directeur de A_______ SA a expliqué que cette dernière avait exercé une activité de négociante en valeurs mobilières, avec une licence de la FINMA à compter de 2010. Elle avait totalement arrêté cette activité à fin 2017 en vendant sa clientèle et en transférant cinq de ses douze employés à une société tierce. Dès janvier 2018, son activité consistait en l'expertise comptable, le conseil fiscal, la tenue de comptabilité et l'audit. En parallèle, elle était également active dans le conseil en fusion et acquisition, conseil-assistance en matière de financement d'entreprises, exécution de mandats d'organisation et restructuration d'entreprises. Elle agissait en tant que premier interlocuteur de la clientèle et comme apporteur d'affaires qu'elle attribuait à l'une ou l'autre de ses deux filiales, en fonction du type de mandat. Elle employait tous les collaborateurs de ses deux filiales et refacturait ses prestations à celles-ci. Expert-comptable diplômé ayant notamment travaillé dans l'audit et le conseil comptable et fiscal, il avait été personnellement admis le 6 novembre 2018 en tant qu'expert-réviseur par l'Autorité fédérale de surveillance en matière de révision (ASR). Il n'avait pas eu besoin de se former suite au changement d'activité de A_______ SA. L'administrateur vice-président et délégué de A_______ SA avait quant à lui travaillé dans le secteur des fusions et acquisitions d'entreprises. En outre, A_______ SA avait engagé un comptable en septembre 2018.

Le directeur de A_______ SA a notamment produit des copies de factures, de contrats et de courriels adressés à des clients ainsi qu'un extrait des pages du site Internet de A_______ SA, tendant à démontrer son changement d'activité. Concernant un contrat de « mandat de conseil », il a souligné que celui-ci avait pour but de conseiller le client sur l'ensemble de son patrimoine, mais non pas sur des placements financiers. A_______ SA ne fournissait pas ce type de conseil avant son changement d'activité. Ce contrat portait également sur des conseils en services comptables et fiduciaires. Le « contrat de délégation de la compliance LBA » pouvait tout à fait être conclu avec un gestionnaire externe et correspondait à une activité sans rapport avec des investissements.

Le représentant du service de la TPC a déclaré maintenir sa décision. Il a estimé que l'exemple de mandat de conseil susmentionné entrait parfaitement dans le descriptif des activités du groupe 15 de la TPC.

13) Le 13 décembre 2019, le TAPI a informé les parties que la cause était gardée à juger.

14) Par jugement du 20 janvier 2020, le TAPI a admis le recours, renvoyant le dossier au service de la TPC pour nouvelles décisions de taxation dans le sens des considérants.

Il apparaissait clairement que A_______ SA avait abandonné ses activités de gestion de fortune, de dépôt de valeurs mobilières et d'intermédiaire financier. Elle exerçait certes encore des mandats de conseil à sa clientèle, mais ceux-ci portaient désormais sur des prestations qui relevaient de l'activité typique d'une fiduciaire, comme l'expertise comptable et fiscale, le financement, la restructuration et l'acquisition d'entreprises. Il s'agit de domaines techniques qui n'avaient plus rien à voir avec le groupe professionnel n. 15 des « banques, sociétés financières, gérants de fortune, bureaux de change, intermédiaires et conseillers en investissements et placement financiers ». Au vu des explications et des pièces justificatives fournies par A_______ SA, il y avait lieu de considérer que cette dernière ne faisait plus partie du groupe professionnel n. 15 et qu'elle avait totalement changé de type d'activité.

15) Par acte du 21 février 2020, le service de la TPC a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant à son annulation et à la confirmation (recte : au rétablissement) de sa décision du 15 mai 2019.

Son droit d'être entendu n'avait pas été respecté. Lors de l'audience du
12 décembre 2019, A_______ SA avait versé un certain nombre de pièces que la ville n'avait pas reçues précédemment et sur lesquelles elle n'avait pas pu se déterminer. La cause avait ensuite été immédiatement gardée à juger, sans qu'elle puisse se déterminer sur celles-ci et alors même qu'elles avaient constitué le fondement de la décision du TAPI.

Le jugement litigieux était contraire à la jurisprudence constante. Si A_______ SA avait débuté son activité de gestion de fortune en 2018, tout en poursuivant celle de conseils et services en matière financière, le changement total d'activité n'aurait pas été admis en 2018. La situation inverse, soit celle de la diminution des activités, devait être appréhendée de la même manière. Le TAPI n'avait pas exposé la raison de son changement d'appréciation quant à la notion de changement total d'activité par rapport à ses jugements antérieurs et à la jurisprudence de la chambre administrative. S'il entendait faire évoluer sa jurisprudence, il devait en exposer les motifs, sous peine de tomber dans l'arbitraire.

Même si A_______ SA n'était pas un intermédiaire financier au sens de la LBA, elle exerçait une activité d'intermédiaire financier au sens large du terme, dès lors qu'elle percevait des commissions résultant de l'introduction de clients auprès d'un institut financier. Cette activité ne faisait pas partie de l'activité typique d'une fiduciaire. De plus, le montant des factures relatives à cette prestation était deux fois supérieur au montant des factures relatives aux prestations dites de fiduciaire. Toutes les factures relatives à l'activité typique de fiduciaire concernaient des prestations offertes en 2019, de sorte qu'elles ne pouvaient démontrer la nature des activités déployées durant l'année 2018. Enfin, lesdites factures n'avaient pas été émises par A_______ SA mais par CPFC.

Pour le surplus, le service de la TPC a repris l'argumentation déjà soutenue devant le TAPI selon laquelle les activités déployées par A_______ SA avaient toujours partiellement trait à la finance. Le site internet de A_______ SA faisait état d'une société prodiguant des conseils financiers, même si elle pouvait également donner des conseils en matière fiscale et opérer d'autres services. Elle était ainsi restée une société de services administratifs au sens large, et n'avait donc pas changé radicalement et fondamentalement son type d'activité.

16) Le 25 février 2020, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d'observations.

17) Dans ses observations du 31 mars 2020, A_______ SA a conclu au rejet du recours.

Le grief de violation du droit d'être entendu était infondé dès lors qu'en tant que collectivité publique, la recourante ne disposait pas d'un droit inconditionnel à la réplique. Dans tous les cas, la recourante aurait dû réagir pour exercer son éventuel droit à la réplique après l'audience, ce qu'elle n'avait pas fait.

A_______ SA a repris ses précédentes explications selon lesquelles son activité ne relevait plus du groupe professionnel n. 15, mais de la catégorie n. 46 « comptable et fiduciaire ». D'une activité proche de celle d'une banque, elle tirait désormais ses revenus d'une activité assimilable à celle d'une fiduciaire. Elle ne tirait plus aucun revenu de la gestion de fortune, qu'elle ne pratiquait pas. Elle avait ainsi effectué un changement d'activité au sens de l'art. 310A LCP et non une diversification de ses activités. Elle n'était plus un intermédiaire financier.

18) Dans sa réplique du 15 mai 2020, l'autorité recourante a persisté dans ses conclusions.

Le TAPI ne pouvait pas justifier la nature des activités déployées par A_______ SA en 2018 sur la base des factures émises en 2019 par une autre société.

La notion de changement total d'activité avait, de jurisprudence constante, toujours été interprétée de manière restrictive. A_______ SA avait certes renoncé à ses activités ayant trait à la gestion de fortune, mais avait poursuivi son activité de conseils et services en matière financière, laquelle faisait toujours partie de son but social. Elle n'avait donc pas opéré un changement total de son activité au sens de l'art. 310A al. 3 LCP et ne pouvait être taxée sur la base d'un début d'assujettissement.

Elle n'excluait enfin pas qu'une partie, voire la majorité du chiffre d'affaires de l'exercice 2018 puisse être imposé au taux du groupe n. 46. Cet aspect serait examiné dans le cadre de la procédure de taxation définitive 2020 qui serait basée sur les exercices 2018 et 2019. Il n'y avait pas de corrélation directe entre le changement total d'activité au sens de l'art. 310A al. 3 LCP et le groupe dans lequel était appréhendé le chiffre des affaires de l'exercice concerné.

19) Dans sa duplique du 29 mai 2020, A_______ SA a persisté dans ses conclusions et dans son argumentation.

20) Le 2 juin 2020, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la question de savoir si A_______ SA a fait l'objet d'un changement total d'activité au sens de l'art. 310A al. 3 LCP.

3) Dans un premier grief, l'autorité recourante se plaint de la violation de son droit d'être entendue, exposant ne pas avoir pu se prononcer sur les pièces produites pour la première fois par A_______ SA lors de l'audience de comparution personnelle des parties qui s'est tenue devant le TAPI.

a. Le droit d'être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_656/2016 du
9 février 2017 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/412/2020 du 30 avril 2020 et les arrêts cités).

b. La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1 ; ATA/820/2018 du 14 août 2018 consid. 3 et les arrêts cités ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, ch. 2.2.7.4 p. 322 et 2.3.3.1 p. 362). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception. Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 précité consid. 2.1 ; ATA/1633/2019 du 5 novembre 2019 consid. 5). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/820/2018 précité consid. 3 et les arrêts cités).

c. En l'espèce, il n'est pas contesté que lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 12 décembre 2019 convoquée par le TAPI, A_______ SA a produit de nouvelles pièces. Il est vrai que l'instance précédente n'a pas octroyé de délai à l'autorité recourante pour se prononcer par écrit sur le contenu desdites pièces et a informé les parties le lendemain de l'audience susmentionnée que la cause était gardée à juger. Or, l'autorité recourante avait tout le loisir de produire une écriture spontanée suite à ce courrier étant précisé que le jugement querellé a été rendu plus de trente jours après l'annonce que la cause était gardée à juger , pour se prononcer sur les pièces nouvellement produites, ou à tout le moins de solliciter un délai pour ce faire, ce qu'elle n'allègue pas avoir fait. Par ailleurs, l'autorité recourante a pu se prononcer sur le contenu desdites pièces dans le cadre de la procédure de recours devant la chambre de céans, qui dispose du même pouvoir d'examen que le TAPI. Dans ces circonstances, quand bien même il conviendrait de constater que le droit d'être entendu de l'autorité recourante aurait été violé par le TAPI, cette violation serait réparée dans la présente procédure de recours devant la chambre de céans.

Pour le surplus, aucun élément au dossier, et en particulier pas le
procès-verbal de l'audience du 12 décembre 2019, ne laisse à penser, comme le prétend l'autorité recourante, que la présidente lui aurait indiqué, lors de ladite audience, qu'elle pourrait plaider ultérieurement.

Dès lors, ce grief sera écarté.

4) a. Les communes peuvent prélever une taxe communale - la TPC - auprès de toutes les personnes physiques ou morales remplissant les conditions d'assujettissement, soit pour ces dernières, notamment exercer une activité dans le canton par l'intermédiaire d'un siège ou d'un établissement stable (art. 80 al. 1
let. d LCP). La TPC est établie sur la base de coefficients, applicables aux chiffres annuels des affaires, aux loyers annuels des immeubles, locaux et terrains utilisés professionnellement et à l'effectif annuel du personnel employé (art. 302 LCP). Le chiffre des affaires est la somme des prestations obtenues par le contribuable pour son propre compte et en son nom, en contrepartie de livraisons ou de mises à disposition de marchandises et de biens, ainsi que de services rendus (art. 304 al. 1 LCP). Ne sont pas compris dans le chiffre des affaires, pour autant qu'ils ressortent clairement de la comptabilité, les bénéfices en capital, sauf s'ils constituent le produit d'une activité lucrative, même accessoire (art. 304 al. 3 let. e LCP). Tel est le cas des produits financiers des sociétés commerciales (ATA/133/1997 du 27 mai 1997 consid. 6).

b. La TPC est un véritable impôt et non une taxe ou une charge de préférence, mais elle est distincte de l'impôt sur le chiffre d'affaires (ATA/655/2014 du
19 août 2014 consid. 4 et les références citées ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 306 n. 62). Elle fait l'objet du titre III de la LCP
(art. 301 ss).

c. Les contribuables sont classés par l'autorité de taxation dans le groupe professionnel correspondant à leur activité principale ou auquel elle peut être rattachée par analogie (art. 307 al. 1 LCP). Les coefficients prévus pour les groupes professionnels correspondant aux éventuelles activités accessoires des contribuables sont applicables au chiffre des affaires provenant de chacune de ces activités distinctes (art. 307 al. 2 LCP). Les limites des coefficients applicables au chiffre des affaires ainsi que les principes de calcul desdits coefficients sont détaillés aux art. 307A et 307B LCP, les modalités étant fixées par les art. 12A à 13A du règlement d'application de diverses dispositions de la loi générale sur les contributions publiques du 30 décembre 1958 (RDLCP - D 3 05.04).

Ainsi, selon l'art. 12A al. 1 RDLCP, le groupe professionnel n. 15 comprend les banques, sociétés financières, gérants de fortune, bureaux de change, intermédiaires et conseillers en investissements et en placements financiers avec un coefficient de 3 % (15a) ou de 4,1 % (15b), tandis que le groupe n. 46 comprend les comptables et les fiduciaires avec un coefficient de
0,9 %.

d. Conformément aux principes de taxation, les périodes de taxation et de calcul sont de deux ans chacune. La période de taxation comprend une année de révision et une année de reconduction. La taxe est établie en année de révision, sur la moyenne annuelle des éléments ressortant de la période de calcul. Elle est reconduite l'année suivante pour le même montant (art. 310 al. 1 LCP).

La période de taxation, soit celle pendant laquelle la taxation est faite et la période fiscale, soit celle pour laquelle l'impôt est dû, coïncident, alors que la période de calcul, soit celle dont le revenu sert de base au calcul de l'impôt, les précède. L'imposition de la TPC se fait donc normalement selon le système praenumerando (ATA/135/2015 précité ; ATA/604/2005 du 13 septembre 2005).

e. Selon l'art. 310A LCP, qui traite des « cas particuliers », lorsque la période de calcul ne comprend pas encore deux années complètes d'assujettissement au sens de l'art. 301 al. 1 LCP, la taxe professionnelle communale est établie sur la base du premier exercice comptable. Si cet exercice est de moins de 12 mois, la taxe ne peut être reconduite l'année suivante (al. 1). L'autorité de taxation peut établir une taxe provisoire pour l'année lorsque les éléments nécessaires au calcul de la taxe définitive font encore défaut et qu'une taxe d'office n'est pas justifiée. Cette taxe ne devient définitive que dans l'année qui suit la mise à disposition de ces éléments de calcul (al. 2). En cas de changement total du type d'activité, la taxe professionnelle communale est établie comme en début d'assujettissement (al. 3). L'al. 4 de cette disposition, non pertinent en l'espèce, traite de la cessation d'activité.

5) Selon les travaux législatifs préparatoires, les inconvénients découlant d'une application trop stricte du principe de la taxation praenumerando (taxe annuelle déterminée sur la base des éléments des deux années précédentes) sont atténués notamment à l'art. 310A al. 3 LCP en cas de changement total du type d'activité, par exemple : une société de fabrication industrielle se transformant en une société de service (MGC 1984 p. 4967).

6) La commission cantonale de recours en matière d'impôts (ci-après : CCRMI ou commission) a estimé que dans le cadre d'une société qui décrivait son activité comme étant « l'administration de tout genre, la fourniture de prestations dans tous les domaines fiduciaires » et qui se disait principalement active dans la gestion de fortune, le fait d'abandonner cette dernière activité au profit de prises de participations n'était pas constitutif d'un changement total du type d'activité, l'intéressée étant toujours active dans le domaine financier (DDCR n° 185 du
21 novembre 1991).

Dans une autre affaire, la CCRMI a précisé que par changement d'activité au sens de l'art. 310A al. 3 LCP, il fallait entendre un changement radical et fondamental du type d'activité, comme par exemple un confiseur qui deviendrait agent d'assurances et un coiffeur qui deviendrait employé de banque. La simple mutation entre les groupes 149 (sociétés financières) et 150 (sociétés de base, sociétés holding) devenus depuis lors les groupes 150a et 150b dont le coefficient sur le chiffre des affaires est respectivement de 3 % et 2 % ne constituait pas un changement total du type d'activité (DDCR n° 82 du 21 mai 1992).

7) En tant qu'impôt, la TPC doit respecter les principes régissant l'imposition, notamment les principes de l'universalité, de l'égalité de traitement et de la capacité économique (art. 127 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101).

En matière de TPC, le principe de la périodicité est ancré à l'art. 310 al. 1 LCP, selon lequel les périodes de taxation et de calcul sont de deux ans chacune. La période de calcul précède la période de taxation. La période de taxation comprend une année de révision et une année de reconduction (let. a). La taxe est établie en année de révision, sur la moyenne annuelle des éléments ressortant de la période de calcul. Elle est reconduite l'année suivante pour le même montant (let. b). Il ressort d'ailleurs du commentaire de cette disposition que c'est la volonté du législateur que de prendre en compte la capacité contributive des contribuables qui a motivé son adoption : « Depuis longtemps les commissions taxatrices de certaines communes ont constaté que le classement des contribuables devait être révisé périodiquement pour éviter des inégalités entre eux. C'est pourquoi les autorités de taxation de plusieurs communes envoient aux personnes assujetties à la taxe, tous les trois ou quatre ans, des formules de déclaration afin de pouvoir tenir compte des modifications qui surviennent dans la vie des entreprises. Ce système n'est toutefois pas sans inconvénient. En effet, bien souvent, l'autorité de taxation est amenée à fixer des taxes en se basant sur un exercice qui peut être exceptionnellement favorable ou défavorable. Ainsi, le contribuable se trouve soit avantagé, soit désavantagé jusqu'à la prochaine révision. En vue de corriger cet état de choses, les contribuables seront taxés tous les deux ans sur la base de la moyenne des éléments des deux années précédentes. Il résulte de cette décision que le nom même de la taxe doit être modifié et que dorénavant elle s'intitulera "taxe professionnelle" et non plus "taxe professionnelle fixe" » (MGC 1969/I p. 663).

8) a. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme au regard, notamment la volonté du législateur, telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, en particulier de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique ; ATF 140 II 202 consid. 5.1). Appelé à interpréter une loi, le juge ne privilégie aucune de ces méthodes, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique (ATF 139 IV 270 consid. 2.2).

b. Le juge est en principe lié par un texte clair et sans équivoque. Ce principe n'est toutefois pas absolu, dès lors que le texte d'une norme peut ne pas correspondre à son sens véritable. L'autorité qui applique le droit ne peut ainsi s'en écarter que s'il existe des motifs sérieux de penser que sa lettre ne correspond pas en tous points au sens véritable de la disposition visée. De tels motifs sérieux peuvent résulter des travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescription en cause, de même que de sa relation avec d'autres dispositions
(ATF 138 II 557 consid. 7.1). En dehors du cadre ainsi défini, des considérations fondées sur le droit désirable ne permettent pas de s'écarter du texte clair de la loi, surtout si elle est récente (ATF 118 II 333 consid. 3e).

9) En l'occurrence, A_______ SA expose que son activité ne relève plus du groupe professionnel n. 15, mais de la catégorie n. 46 « comptable et fiduciaire ». D'une activité proche de celle d'une banque, elle tire désormais ses revenus d'une activité assimilable à celle d'une fiduciaire. Elle ne dégage plus aucun revenu de la gestion de fortune et n'est plus un intermédiaire financier. Elle a ainsi effectué un changement d'activité et non une diversification de ses activités.

La chambre de céans ne souscrit pas à l'analyse du TAPI consistant à déterminer si A_______ SA pratique ou non une activité typique de fiduciaire, pour aboutir à la conclusion que tel est le cas, et à considérer qu'elle ne fait alors plus partie du groupe professionnel n. 15 qui comprend les banques, les sociétés financières, les gérants de fortune, bureaux de change, intermédiaires et conseillers en investissements et en placements financiers et qu'elle a donc totalement changé de type d'activité. La question litigieuse n'est pas de savoir dans quel groupe professionnel devrait être classée A_______ SA, mais de savoir si elle a fait l'objet d'un changement total du type d'activité, permettant d'établir la TPC pour les années litigieuses comme en début d'assujettissement en vertu de
l'art. 310 al. 3 LCP. Il n'y a en effet pas de corrélation directe entre le changement total d'activité au sens de l'art. 310A al. 3 LCP et le changement de groupe dans lequel doit être appréhendé le chiffre des affaires de l'exercice concerné.

À teneur du texte clair de l'art. 310A al. 3 LCP, seul est visé le changement total du type d'activité. Tant les travaux préparatoires et la jurisprudence précités confirment que seuls sont concernés les changements radicaux et fondamentaux du type d'activité, en donnant notamment pour exemple une société de fabrication industrielle se transformant en une société de service, un confiseur devenant agent d'assurances ou un coiffeur devenant employé de banque. À teneur du dossier, il sied de constater que si A_______ SA a effectivement renoncé à ses activités relevant de la gestion de fortune, elle a continué, de son propre aveu, à poursuivre ses activités de conseils en matière financière. S'il peut effectivement être observé que depuis 2018, ses revenus et ses effectifs ont été réduits, cela n'est pas propre à établir un changement total du type d'activité, mais tout au plus une diminution des activités de A_______ SA. S'agissant des différentes pièces produites par l'intimée lors de l'audience du 12 décembre 2019 pour démontrer sa nouvelle activité et sur lesquelles le TAPI s'est largement fondé, il convient de relever qu'au moins une d'entre elles concerne B_______ SA et non l'intimée, tandis que la majorité des autres concerne l'année 2019, alors même que les taxations litigieuses ont trait aux années 2018 et 2019, sur les bases des chiffres établis en 2016 et 2017. Enfin, même à admettre que A_______ SA ne pratiquerait depuis 2018 plus qu'une activité typique de fiduciaire, force est de constater qu'elle est restée une société de services administratifs au sens large. Cette modification de ses activités n'est en rien comparable avec celles visées par les travaux préparatoires et la jurisprudence susmentionnée.

Compte tenu de ce qui précède, il doit être retenu qu'il n'y a pas eu de changement total du type d'activité au sens de l'art. 310A al. 3 LCP, de sorte qu'il n'existe aucun motif de s'écarter de la taxation praenumerando telle que prévue à l'art. 310 LCP.

Pour le surplus, comme susmentionné, la question de savoir si, suite au changement d'activités opéré en 2018, tout ou partie des activités de l'intimée doivent dorénavant être classées dans un autre groupe professionnel ne fait pas l'objet du présent litige. Cet aspect pourra toutefois être examiné dans le cadre de la procédure de taxation définitive 2020 qui sera basée sur les exercices 2018 et 2019. Il sera encore relevé que l'autorité recourante a notamment indiqué qu'elle n'excluait pas qu'une partie, voire la majorité du chiffre d'affaires de l'exercice 2018 puisse être imposé au taux du groupe n. 46.

Le recours sera ainsi admis, le jugement attaqué annulé et la décision sur réclamation de l'autorité recourante du 15 mai 2019 rétablie.

10) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de A_______ SA, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la ville qui n'y a pas conclu et qui dispose de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 février 2020 par la Ville de Genève, taxe professionnelle communale, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 janvier 2020 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 janvier 2020 ;

rétablit la décision sur réclamation du service de la taxe professionnelle communale de la Ville de Genève du 15 mai 2019 ;

met à la charge de A______ SA un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à ville de Genève, taxe professionnelle communale, à
Me Matteo Inaudi, avocat de l'intimée et au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :