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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4464/2019

ATA/796/2020 du 25.08.2020 sur JTAPI/355/2020 ( PE ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT DES ÉTRANGERS;RESSORTISSANT ÉTRANGER;MESURE D'ÉLOIGNEMENT(DROIT DES ÉTRANGERS);RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS);RÉVOCATION(EN GÉNÉRAL);UNION CONJUGALE;RECONSIDÉRATION;NOUVELLE DEMANDE;CAS DE RIGUEUR;FAMILLE;ADOLESCENT
Normes : LEtr.50.al1.leta; LEtr.50.al1.letb; LEI.30.al1.letb; LPA.48.al1; OASA.31
Résumé : Recours contre une décision de non-entrée en matière sur une demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur à une ressortissante bolivienne qui s'était vu révoquer son autorisation de séjour à la suite de la séparation du couple qu'elle formait avec un ressortissant portugais au bénéfice d’un permis d’établissement. Distinction entre nouvelle demande d'octroi d'une autorisation de séjour et demande de réexamen de la décision révoquant l'autorisation de séjour sous l'angle de l'art. 50 al. 1 let. b LEtr. Dans la mesure où, en l'occurrence, il y a une rupture de connexion étroite entre la dissolution du mariage et la situation personnelle de la recourante et de son fils en raison de l'écoulement du temps, compte tenu de la présence en Suisse de ce dernier et de sa scolarisation, les recourants sont en droit de requérir un nouvel examen de leur situation personnelle en application de l'art. 30 al. 1 let. b LEI. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4464/2019-PE ATA/796/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 août 2020

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant en son nom personnel et en qualité de représentante de son enfant mineur, B______
représentés par Caritas Genève, soit pour eux Monsieur Alexandre Schmid, mandataire

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 mai 2020 (JTAPI/355/2020)


EN FAIT

1) Madame A______, née le ______1977, est ressortissante de Bolivie.

Elle est la mère de C______, née le ______1997 et de B______, né le ______2002, ressortissants de Bolivie.

2) Le 30 juillet 2012, l'office cantonal de la population, devenu l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), a délivré à Mme A______ une autorisation de séjour (permis B), valable jusqu'au 29 juillet 2017, dans le cadre du regroupement familial à la suite de son mariage le 18 décembre 2010 avec un ressortissant portugais domicilié à Genève au bénéfice d'un permis d'établissement.

3) Le 15 octobre 2012, Mme A______ a sollicité de l'OCPM l'autorisation de faire venir à Genève ses enfants.

4) Le 29 novembre 2016, l'époux de Mme A______ a adressé un courrier à l'OCPM. Il avait vécu avec celle-ci jusqu'au début du mois de novembre 2014, puis ils s'étaient séparés définitivement. Il avait quitté la Suisse au mois de janvier 2016 pour des questions de santé et financières. Il désirait divorcer, mais Mme A______ s'y opposait avant d'avoir obtenu un permis C.

5) Par décision du 17 janvier 2017, l'OCPM a révoqué l'autorisation de séjour de Mme A______.

Dès lors que l'intéressée ne faisait plus ménage commun avec son conjoint, et que l'union en Suisse avait duré moins de trois ans, elle n'avait plus le droit à une autorisation de séjour, et aucune raison personnelle majeure ne s'opposait à son renvoi.

6) Par jugement du 2 février 2018 (JTAPI/105/2018 dans la cause A/541/2017), le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a rejeté le recours de Mme A______ interjeté contre cette décision.

La question de savoir si elle avait vécu à Genève avec son époux entre son mariage et la demande de permis de séjour pouvait rester ouverte. Le délai de trois ans prévu par l'art. 50 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) ne commençait à courir qu'à compter de la demande en 2012 car il n'était pas possible aux autorités de vérifier a posteriori si les conditions d'un regroupement familial étaient réunies antérieurement. Dès lors que l'union conjugale avait duré moins de trois ans, l'examen de la réussite et de l'intégration en Suisse n'avait pas à être réalisé. Au surplus, rien n'indiquait dans le dossier que l'exécution du renvoi ne serait pas licite, admissible ou raisonnablement exigible.

7) Par arrêt du 9 octobre 2018 (ATA/1057/2018), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours de Mme A______ à l'encontre du jugement précité.

L'intéressée ayant établi la réalité de son séjour en Suisse dès le 31 juillet 2012, cette date devait être retenue comme dies a quo des trois ans requis par l'art. 50 al. 1 let. a LEtr. L'union conjugale avec son époux ayant duré moins de trois ans (du 31 juillet 2012 au mois de décembre 2014), la question de la réussite de son intégration en Suisse n'avait pas à être examinée.

Pour ce qui était de l'art. 50 al. 1 let. b LEtr, elle avait passé l'essentiel de son existence en Bolivie et la durée de son séjour en Suisse, au mieux d'un peu moins de dix ans si l'on retenait toutes les pièces produites, devait être relativisée en raison du caractère illicite des premières années. Ses enfants étaient restés dans son pays d'origine. Son intégration en Suisse était bonne, sans toutefois être exceptionnelle ou remarquable. Mme A______ n'avait pas n'indiqué que son retour dans son pays d'origine présenterait des difficultés particulières. Rien ne permettait de considérer qu'elle se trouvait dans une situation d'extrême gravité.

Elle ne remplissait pas non plus l'une des conditions principales de l'« opération Papyrus », dans la mesure où l'exigence d'un séjour continu à Genève de dix ans pour les personnes n'ayant pas d'enfants scolarisés n'était pas remplie.

Enfin, le dossier ne laissait pas apparaître que l'exécution de son renvoi dans son pays d'origine serait impossible, illicite ou inexigible.

Il ressort également de cet arrêt que le 1er juillet 2013, Mme A______ avait retiré sa demande d'autorisation concernant ses enfants.

Cet arrêt, qui n'a pas fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral, est devenu définitif et exécutoire.

8) Le 16 janvier 2019, l'OCPM, sur la base d'informations transmises par Mme A______ - un formulaire d'annonce de changement d'adresse reçu par le service juridique de l'OCPM le 23 juillet 2018 -, desquelles il apparaissait que son fils B______ se trouvait en Suisse, l'a informée qu'il envisageait de prononcer également le renvoi de Suisse de ce dernier.

9) Le 28 février 2019, l'OCPM, constatant l'entrée en force de sa décision du 17 janvier 2017 et que B______ était juridiquement lié à la situation administrative de sa mère, a imparti à B______ un délai au 30 juin 2019 pour quitter la Suisse, ceci afin de lui permettre de terminer son année scolaire.

10) Le 25 avril 2019, l'OCPM a accusé réception d'un formulaire intitulé « Demande de reconnaissance d'un cas individuel d'une extrême gravité selon l'art. 30 al. 1 let. b LEtr en relation avec l'art. 31 OASA » présenté par Mme A______ et son fils. La mention « Papyrus » se trouvant sous l'intitulé dudit document avait partiellement été cachée par un bandeau de papier.

Elle mentionnait que son arrivée en Suisse remontait à 2006 et produisait différents documents relatifs notamment à sa situation professionnelle, dont financière, à sa maîtrise de la langue française, à la situation scolaire de son fils, ainsi qu'un extrait de son casier judiciaire, vierge.

11) Par décision du 1er novembre 2019, l'OCPM a refusé d'entrer en matière sur la demande de cas de rigueur du 25 avril 2019.

Les critères y relatifs avaient déjà été examinés auparavant et l'OCPM s'était déjà prononcé à ce sujet.

Dans son arrêt du 9 octobre 2018 (ATA/1057/2018 précité), la chambre administrative avait constaté de manière définitive que Mme A______ ne pouvait pas se prévaloir du programme « Papyrus ». Au demeurant, ledit programme avait pris fin le 31 décembre 2018. Mme A______ et son fils étaient donc tenus de quitter la Suisse immédiatement.

12) Par acte du 2 décembre 2019, Mme A______ et son fils ont interjeté recours auprès du TAPI contre cette décision, en concluant à son annulation et à ce que le dossier soit retourné à l'OCPM pour qu'il entre en matière sur la demande de cas de rigueur.

Elle avait quatre employeurs et réalisait un revenu mensuel oscillant entre CHF 3'500.- et CHF 4'000.-. Son casier judiciaire était vierge, elle n'avait jamais recouru à l'aide publique, avait intégralement remboursé ses dettes et avait un bon niveau de français.

Elle résidait en Suisse depuis plus de dix ans, comme cela résultait des pièces qu'elle produisait. Ainsi, il apparaissait que la chambre administrative n'était pas en possession de tous les éléments nécessaires lorsqu'elle avait rendu son arrêt. Elle remplissait par ailleurs toutes les autres conditions posées par l'opération « Papyrus », ce qui était déjà le cas au moment du dépôt de sa demande en 2019.

13) Le 3 février 2020, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

La requête du 25 avril 2019 devait être qualifiée de demande de reconsidération. Dans ce cadre, l'écoulement du temps ainsi que la poursuite d'une intégration socio-professionnelle, depuis l'arrêt prononcé par la chambre administrative, ne pouvaient pas être pris en considération en tant que modification notable des circonstances dans la mesure où ils résultaient uniquement du fait d'une non conformation à une décision initiale malgré son entrée en force.

Il n'était pas donné d'explication sur la portée des indications contenues dans les nouvelles pièces produites par Mme A______ au sujet de la durée de son séjour en Suisse. Au demeurant, la précitée n'indiquait pas ce qui avait pu l'empêcher de connaître ou d'invoquer ces faits dans le cadre de la procédure devant la chambre administrative.

14) Par jugement du 7 mai 2020, le TAPI a rejeté le recours de Mme A______.

L'intéressée ne semblait pas remettre en cause le fait que la décision litigieuse traite la requête du 25 avril 2019 comme une demande de reconsidération de la décision prise le 17 janvier 2017. En tant qu'elle visait à faire constater à l'OCPM le fait que les conditions d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur étaient réalisées, cette requête revenait sur un élément déjà tranché sinon par cette décision, du moins par l'arrêt de la chambre administrative du 9 octobre 2018 (ATA/1057/2018). Il s'agissait là de la définition d'une demande de reconsidération

La question du moment de l'arrivée en Suisse de Mme A______ avait été définitivement tranchée par l'arrêt de la chambre administrative, qui n'avait pas fait l'objet d'un recours. Rien n'indiquait que les pièces « nouvelles » produites à ce sujet dans le cadre de la procédure n'auraient pas pu l'être à l'époque devant la chambre administrative. Dans cette mesure, sauf à aboutir au résultat qu'il s'agissait au contraire d'éviter, à savoir permettre à un administré de remettre sans cesse en cause une décision entrée en force, notamment par des moyens qu'il aurait pu faire valoir précédemment, l'OCPM était fondé à s'en tenir aux faits constatés par la chambre administrative.

Les quatre emplois actuels de Mme A______ et le fait qu'ils lui procurent un revenu suffisant correspondaient à un changement de circonstances semblable à celui que la chambre administrative avait refusé de prendre en considération dans un arrêt récent, étant donné qu'il découlait simplement du fait que l'intéressée s'était soustraite à son obligation de quitter la Suisse dans le délai qui lui avait été imparti. Au demeurant, les revenus réalisés par Mme A______ ne constituaient de toute manière pas une modification réellement notable des circonstances, étant donné qu'ils reflétaient tout au plus une intégration professionnelle sans particularité, déjà relevée par la chambre administrative, et insuffisante pour admettre un cas de rigueur.

Enfin, le temps supplémentaire passé en Suisse par Mme A______ et son fils n'était dû qu'au non-respect, par l'intéressée, de son obligation de quitter la Suisse, comportement qui ne saurait permettre de comptabiliser l'écoulement du temps à son crédit.

L'OCPM était donc en droit de refuser d'entrer en matière sur la requête enregistrée le 25 avril 2019.

15) Par acte du 8 juin 2020, Mme A______ et son fils ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à l'annulation de la décision de l'OCPM du 1er novembre 2019 et à ce que le dossier lui soit retourné pour qu'il entre en matière sur la demande de cas de rigueur « sous suite de dépens ».

Les pièces figurant au dossier attestaient que Mme A______ résidait en Suisse de manière continue depuis plus de dix ans. Il apparaissait ainsi que la chambre administrative n'était pas en possession de tous les éléments nécessaires lorsqu'elle avait rendu son arrêt le 9 octobre 2018. En outre, elle remplissait l'ensemble des autres conditions énoncées pour l'obtention d'une autorisation de séjour à la date du 4 mars 2019, lors du point de situation intermédiaire relatif à la clôture de l'« opération Papyrus ». C'était donc à tort que l'OCPM avait refusé d'entrer en matière sur la demande déposée en avril 2019 en se référant à l'arrêt de la chambre administrative rendu le 9 octobre 2018.

Pour des raisons qui échappaient à Mme A______, ni son avocat ni aucune juridiction n'avait pensé à lui demander quand elle était réellement arrivée en Suisse, ni si elle disposait de preuves à cet égard.

Dans sa partie en fait, le TAPI avait retenu à tort que le formulaire enregistré par l'OCPM le 25 avril 2019 comportait la mention « Papyrus ».

Enfin, la présence de son fils B______ depuis le mois de mai 2017 aurait dû constituer un élément supplémentaire en sa faveur pour bénéficier de l'« opération Papyrus », puisqu'alors il aurait suffi de prouver cinq ans de présence en Suisse. La présence de son fils dans le cadre de la présente procédure constituait un élément nouveau qui aurait dû permettre à l'OCPM d'entrer en matière sur la demande déposée en avril 2019.

16) Le 6 juillet 2020, l'OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments soulevés n'étant pas de nature à modifier sa position.

17) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L'objet du litige consiste à déterminer si le TAPI était fondé à confirmer la décision de l'intimé du 1er novembre 2019 refusant d'entrer en matière sur la requête pour cas de rigueur.

3) Il convient préalablement d'examiner si l'autorité intimée était en droit de traiter la requête des recourants reçue le 25 avril 2019 comme une demande de reconsidération de sa décision du 17 janvier 2017 révoquant l'autorisation de séjour de Mme A______ et non comme une nouvelle demande d'autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité.

4) a. Selon l'art. 48 al. 1 LPA, les demandes en reconsidération de décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsqu'un motif de révision au sens de l'art. 80 let. a et b LPA existe (let. a) ou, alternativement, lorsque les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision (let. b). À teneur de l'al. 2, les demandes n'entraînent ni interruption de délai ni effet suspensif.

b. L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA.

Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA : faits nouveaux « anciens » ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b et l'arrêt cité).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux », c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/830/2016 du 4 octobre 2016 consid. 2a).

Bien que l'écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socio-professionnelle constituent des modifications des circonstances, ces éléments ne peuvent pas être qualifiés de notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1818/2019 du 17 décembre 2019 consid. 2b ; ATA/1620/2019 précité consid. 3a). Un changement de législation peut fonder le réexamen d'une décision, à condition que l'état de fait déterminant se soit essentiellement modifié après le changement législatif (ATF 136 II 177 consid. 2.2.1).

c. Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 1417). C'est pourquoi, en principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1417). L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. La procédure de reconsidération ne constitue pas un moyen de réparer une erreur de droit ou une omission dans une précédente procédure (ATF 111 Ib 211).

d. Saisie d'une demande de reconsidération, l'autorité examine préalablement si les conditions de l'art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n'est pas le cas, elle rend une décision de refus d'entrer en matière qui peut faire l'objet d'un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1430). Si lesdites conditions sont réalisées, ou si l'autorité entre en matière volontairement sans y être tenue, et rend une nouvelle décision identique à la première sans avoir réexaminé le fond de l'affaire, le recours ne pourra en principe pas porter sur ce dernier aspect. Si la décision rejette la demande de reconsidération après instruction, il s'agira alors d'une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours. Dans cette hypothèse, le litige a pour objet la décision sur réexamen et non pas la décision initiale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_319/2015 du 10 septembre 2015 consid. 3 ; 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 4.1 ; ATA/1786/2019 du 10 décembre 2019 consid. 4d).

e. En principe, même si une autorisation de séjour a été refusée ou révoquée, l'octroi d'une nouvelle autorisation peut à tout moment être requis, à condition qu'au moment du prononcé, l'étranger qui en fait la requête remplisse les conditions posées à un tel octroi. Indépendamment du fait que cette demande s'intitule reconsidération ou nouvelle demande, elle ne saurait avoir pour conséquence de remettre continuellement en question des décisions entrées en force (arrêt du Tribunal fédéral 2C_883/2018 du 21 mars 2019 consid. 4.3).

L'autorité administrative n'est ainsi tenue d'entrer en matière sur une nouvelle demande que lorsque les circonstances ont subi des modifications notables ou lorsqu'il existe un cas de révision, c'est-à-dire lorsque l'étranger se prévaut de faits importants ou de preuves dont il n'avait pas connaissance dans la procédure précédente, qu'il lui aurait été impossible d'invoquer dans cette procédure pour des motifs juridiques ou pratiques ou encore qu'il n'avait alors pas de raison d'alléguer (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_556/2018 du 14 novembre 2018 consid. 3; 2C_198/2018 du 25 juin 2018 consid. 3.3 et les références citées).

f. En droit des étrangers, le résultat est identique que l'on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d'autorisation : l'autorité administrative, laquelle se base sur l'état de fait actuel, qui traiterait une requête comme une nouvelle demande, n'octroiera pas une autorisation de séjour dans un cas où elle l'a refusée auparavant si la situation n'a pas changé ; et si la situation a changé, les conditions posées au réexamen seront en principe remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_715/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.2 ; ATA/1620/2019 précité consid. 3e ; ATA/1412/2017 du 17 octobre 2017 consid. 4c).

5) a. En rapport avec les demandes d'autorisation de séjour pour cas de rigueur, déposées après une décision prise selon l'art. 50 LEtr, il convient de tenir compte des éléments suivants.

Selon une jurisprudence constante, au moment de la prise de décision selon l'art. 50 LEtr, les critères retenus pour un « cas de rigueur » au sens de l'art. 30 LEtr sont en principe pris en compte dans l'examen des raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 LEtr (ATF 143 I 21 consid. 4.2.1). Par contre, plus on s'éloigne des circonstances ayant entouré la dissolution de l'union conjugale, plus le lien nécessaire relatif au mariage dissous (« erforderliche Bezug zur aufgelösten Ehe », ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_467/2012 du 25 janvier 2013 consid. 2.2.) fera défaut, moins le cas de rigueur au sens de l'art. 30 LEtr, susceptible d'être invoqué par une personne au vu d'une situation personnelle difficile, sera compris dans les raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 LEtr, vu que le « cas de rigueur » de ce dernier article doit se trouver dans une connexité temporelle et matérielle étroite avec la situation résultant directement d'une dissolution de l'union conjugale (ATAF 2017 VII/7 consid. 5.5 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-811/2017 du 20 août 2018 consid. 4.2 ; ATA/490/2020 du 19 mai 2020 consid. 8a).

En d'autres termes, une demande de « cas de rigueur » suite à une décision au sens de l'art. 50 LEtr devra uniquement être considérée comme une demande de réexamen de la décision de non-approbation à la prolongation de l'autorisation de séjour selon l'art. 50 LEtr, si les motifs se trouvent dans un « Zusammenhang », soit dans une relation étroite (temporelle et matérielle) avec la situation résultant de la dissolution de l'union conjugale de la personne concernée (ATAF 2017 VII/7 consid. 5.5.3).

Si, au contraire, les motifs invoqués par l'intéressé pour justifier un cas individuel d'extrême gravité ne devaient avoir aucune connexité avec son union conjugale, respectivement avec la situation dans laquelle il s'était retrouvé suite à la dissolution de son union conjugale, on ne saurait considérer que sa demande d'autorisation de séjour fondée sur un « cas de rigueur » puisse être considérée comme une demande de réexamen d'une décision au sens de l'art. 50 LEtr, mais bien plutôt comme une demande au sens de l'art. 30 LEtr, et dont l'examen devra être laissé à la libre appréciation des autorités compétentes (ATAF 2017 VII/7 consid. 5.5.5).

Aussi, dans le cas d'une demande d'autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité, déposée peu de temps après le refus d'une prolongation de l'autorisation de séjour suite à la dissolution du mariage selon l'art. 50 LEtr, le SEM, lorsqu'il est saisi par le canton, devra déterminer si ce dernier a considéré à juste titre que les éléments invoqués à l'appui de la demande se trouvent dans un lien de causalité étroit avec la dissolution de l'union conjugale justifiant un examen sous l'angle du réexamen (ici, l'autorité sera amenée à examiner un droit de l'intéressé à une autorisation de séjour) ou alors si les motifs invoqués n'ont aucun lien de connexité avec la dissolution de l'union conjugale, sont donc autonomes et justifient un examen de la demande sous l'angle du cas individuel d'une extrême gravité selon l'art. 30 LEtr, c'est-à-dire s'il se trouve dans une procédure d'approbation (ici, l'autorité sera amenée à examiner la requête selon son libre pouvoir d'appréciation) (ATAF 2017 VII/7 consid. 5.6).

b. Dans l'ATAF 2017 VII/7 précité, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a notamment relevé que si la motivation matérielle de la demande du recourant comportait toujours le motif de sa bonne intégration en Suisse, motif déjà invoqué lors de sa demande en prolongation de son autorisation de séjour suite à la dissolution de son mariage, il devait être constaté que la connexité (temporelle et matérielle) avec sa situation suite à la dissolution de son mariage n'était plus du tout donnée s'agissant d'une demande formée sept ans après la décision de l'ODM refusant de donner son approbation à la prolongation de l'autorisation de séjour de l'intéressé, pendant lesquels ce dernier s'était enraciné en Suisse avec tout ce que cela impliquait (consid. 6.1).

c. Dans une jurisprudence récente qui concerne une problématique semblable (ATA/490/2020 précité), la chambre de céans a retenu que l'OCPM et le TAPI étaient en droit de qualifier la demande « de permis humanitaire » du recourant de demande de reconsidération dans la mesure où il présentait, moins de quatre mois seulement après la notification de l'arrêt le concernant, les mêmes éléments et arguments avancés que dans le cadre de la procédure contre la décision de refus de renouvellement de son autorisation de séjour analysée sous l'angle des raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEtr (une bonne intégration en Suisse et l'impossibilité de sa réintégration dans son pays d'origine).

6) En l'espèce, l'arrêt de la chambre de céans du 9 octobre 2018 (ATA/1057/2018) a confirmé de manière définitive la décision de l'OCPM du 17 janvier 2017 révoquant l'autorisation de séjour de la recourante. Dans la décision de l'OCPM et l'arrêt de la chambre administratives précités, la situation de la recourante a été examinée sous l'angle des raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEtr.

Les recourants ont formé la demande litigieuse reçue le 25 avril 2019 par l'OCPM un peu plus de six mois après la notification de l'ATA/1057/2018 précité. S'il convient d'admettre que certains des éléments présentés par la recourante sont les mêmes que ceux analysés dans le cadre de l'ATA/1057/2018 précité, dont en relation avec la durée de son séjour en Suisse et son intégration, tel n'est pas le cas des éléments présentés concernant son fils. En effet, il ressort d'une attestation de parcours scolaire de B______ émise le 17 avril 2019 par le cycle d'orientation D______qu'il se trouve en Suisse depuis au moins le mois de mai 2017 et y est scolarisé.

Cet élément ne se trouve pas en connexité temporelle et matérielle avec la situation de la recourante résultant directement de la dissolution de l'union conjugale avec son époux. Il n'a d'ailleurs jamais été traité ou analysé ni par l'OCPM ni par une juridiction administrative.

La chambre administrative pourrait reprocher à la recourante un manque dans son devoir de collaboration (art. 22 LPA) dans le cadre de la procédure A/541/2017. Toutefois, le service juridique de l'OCPM n'a, de son côté, pas non plus avisé la juridiction administrative de la présence en Suisse du fils de la recourante, quand bien même il était en possession depuis le 23 juillet 2018, soit avant le prononcé de l'ATA/1057/2018 du 9 octobre 2018, d'un formulaire d'annonce de changement d'adresse indiquant qu'il concernait également B______. Les recourants ne doivent par conséquent subir aucun préjudice de cette situation.

La présence en Suisse du fils de la recourante doit ainsi être considérée comme autonome et justifie donc un examen de la situation des recourants sous l'angle du cas individuel d'une extrême gravité selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI.

C'est par conséquent à tort que l'OCPM n'a pas examiné la demande du 25 avril 2019 comme une demande d'autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité considérant que les critères y relatifs avaient déjà été examinés auparavant dans le cadre de sa décision du 17 janvier 2017 et de la procédure judiciaire A/541/2017 portant sur l'examen de l'art. 50 LEtr.

Un examen de la situation des recourants sous l'angle de l'art. 30 al. 1 let. b LEI ne saurait avoir lieu au stade du recours devant la juridiction de seconde instance, tant parce que cette dernière ne doit pas sans motif particulier se substituer aux autorités chargées ordinairement d'une instruction éventuelle que pour ne pas priver le justiciable de la garantie du double degré de juridiction.

Indépendamment de ce qui précède et à propos de l'opération « Papyrus », les recourants ne pourront pas s'en prévaloir dans la mesure où, selon le site internet de l'État de Genève, ce projet pilote a pris fin le 31 décembre 2018, date limite pour le dépôt des dossiers de régularisation auprès de l'OCPM (https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus, consulté le 28 juillet 2020). Les recourants en avaient d'ailleurs conscience puisqu'ils ont partiellement masqué la mention « Papyrus » avec un bandeau de papier sur leur demande du mois d'avril 2019.

7) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis. Le jugement du TAPI du 7 mai 2020, de même que la décision de l'OCPM du 1er novembre 2019 seront annulés. Le dossier sera renvoyé à l'OCPM pour qu'il procède dans le sens des considérants.

8) Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge des recourants, qui obtiennent gain de cause (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité pour la procédure devant le TAPI et celle devant la chambre de céans, sera allouée à concurrence de CHF 1'000.-, à la charge de l'État de Genève (OCPM) (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 juin 2020 par Madame A______, agissant en son nom personnel et en qualité de représentante de son enfant mineur, B______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 mai 2020 ;

au fond :

l'admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 mai 2020 ;

annule la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 1er novembre 2019 ;

renvoie le dossier à l'office cantonal de la population et des migrations pour qu'il procède dans le sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Madame A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'État de Genève (OCPM) ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Caritas Genève, soit pour lui Monsieur Alexandre Schmid, mandataire des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.