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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4253/2019

ATA/760/2020 du 18.08.2020 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;ACTION PECUNIAIRE
Normes : LOJ.132.al2; LOJ.132.al3; LPA.4
Résumé : Action pécuniaire formée par le demandeur en lien avec des prétentions relevant de rapports de travail de droit public. Absence de légitimation active du demandeur, à défaut de prétentions fondées sur le contrat qu’il invoque. Rejet de l’action, dans la mesure de sa recevabilité.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4253/2019-FPUBL ATA/760/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 août 2020

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Werner Gloor, avocat

contre

COMMUNE DE VERSOIX
représentée par Me Christian Bruchez, avocat

 



EN FAIT

1) Entre 1998 et 2005, Monsieur B______, né le ______ 1956, a travaillé, dans diverses fonctions, au service de la commune de Versoix (ci-après : la commune) au bénéfice de contrats de droit privé de durée déterminée.

2) À compter du 1er janvier 2006, M. B______ a été engagé par la commune en qualité d'aide de bureau au bénéfice du statut de fonctionnaire.

3) En août 2018, M. B______ a demandé à bénéficier de la prime versée aux fonctionnaires travaillant depuis vingt ans pour la commune et d'une réévaluation de son traitement afin de bénéficier, à sa retraite, d'une rente vieillesse entière.

4) Le 31 octobre 2018, la commune a refusé d'entrer en matière sur les demandes de M. B______.

5) À compter du 5 novembre 2018, M. B______ a été en incapacité totale de travail pour cause de maladie.

6) Par acte du 19 novembre 2018, enregistré sous cause n° A/4060/2018, M. B______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après ; la chambre administrative) contre la décision de la commune du 31 octobre 2018.

7) Le 4 avril 2019, le conseil administratif a informé M. B______ qu'il envisageait de résilier les rapports de service pour motifs fondés.

8) Le 15 avril 2019, M. B______ s'est opposé à son licenciement, évoquant des pressions dont il avait fait l'objet et des conditions de travail difficiles qui avaient atteint sa santé.

9) Le 17 avril 2019, M. B______ a été reçu par la commune pour un entretien, à l'issue duquel les parties ont convenues de négocier la fin de leurs rapports de travail.

10) Le 23 mai 2019, la commune et M. B______ ont conclu une convention (ci-après : la convention), aux termes de laquelle les parties mettaient fin d'un commun accord à leurs rapports de travail au 31 janvier 2020. M. B______ était libéré de son obligation de travailler dès la signature de la convention (ch. 2). La commune lui versait aux échéances usuelles un traitement complet, 13e salaire inclus, jusqu'au 31 janvier 2020 (ch. 3). M. B______ était autorisé à accepter un nouvel emploi avant l'échéance convenue des rapports de travail, cas dans lequel les rapports de travail prendraient fin de manière anticipée ; si le salaire du nouvel emploi était inférieur au traitement versé par la commune, celle-ci lui verserait la différence de traitement jusqu'au 31 janvier 2020 (ch. 5). Une fin anticipée des rapports de travail n'était en outre possible qu'en présence de justes motifs (ch. 1). M. B______ s'engageait en outre à retirer son recours à la chambre administrative (ch. 9). Les parties déclaraient enfin n'avoir plus aucune prétention à faire valoir l'une envers l'autre résultant de leurs rapports de travail (ch. 13).

11) Le même jour, M. B______ a retiré son recours dans la cause n° A/4060/2018.

12) Le 16 juillet 2019, M. B______ est subitement décédé, laissant pour seul héritier son fils, Monsieur A______, lequel a accepté la succession.

13) La commune a versé le salaire de M. B______ jusqu'au 31 juillet 2019.

14) Le 3 octobre 2019, M. A______ a mis la commune en demeure d'exécuter en totalité la convention et de lui payer, en qualité d'héritier unique de M. B______, d'ici fin octobre 2019, les salaires restant dus, pour un montant de CHF 40'041.60, avec intérêts à 5 % à compter du 1er août 2019, ou, à défaut, de rendre une décision motivée, avec indication des voie et délai de recours.

15) Par acte du 18 novembre 2019, enregistré sous cause n° A/4252/2019, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative pour déni de justice, concluant, « avec suite de frais et dépens », à ce qu'il soit dit que le silence prolongé de la commune valait décision, à l'annulation de celle-ci et à la condamnation de la commune à lui payer le montant de CHF 40'041.60 avec intérêts à 5 % dès le 1er août 2019, subsidiairement au renvoi de la cause à la commune pour décision.

16) Le 18 novembre 2019 également, M. A______ a déposé auprès de la chambre administrative une action en paiement, enregistrée sous cause n° A/4253/2019, concluant, « avec suite de frais et dépens », à ce que la commune soit condamnée à lui payer la somme de CHF 40'041.60, avec intérêts à 5 % dès le 1er août 2019.

La voie de l'action était ouverte. La prétention en cause se fondait ainsi sur un contrat administratif, et non pas sur une décision administrative basée sur le statut du personnel, l'objet du litige résultant du refus implicite de la commune de respecter ses engagements aux termes de la convention.

C'était à tort que la commune se prévalait de la fin des rapports de travail à la suite du décès de son père, en présence de prétentions pécuniaires détachée d'une obligation personnelle, qui tombaient dans la masse successorale du travailleur défunt. En particulier, la convention ne comportait aucune indication selon laquelle, en cas de décès, la commune serait dégagée de ses obligations pécuniaires, son engagement de verser le salaire jusqu'au 31 janvier 2020 étant inconditionnel, ce d'autant que M. B______ avait, pour sa part, retiré son recours et ainsi respecté les termes de cet accord.

17) Le 24 janvier 2020, la commune a conclu à l'irrecevabilité de l'action en paiement de M. A______, subsidiairement à son rejet.

Puisque les prétentions de M. A______ pouvaient faire l'objet d'une décision, comme il l'avait admis en lui demandant d'en rendre une, la voie de l'action n'était pas ouverte, de sorte que celle-ci était irrecevable.

Les prétentions de M. A______ étaient, en tout état de cause, infondées. Même si ce dernier avait acquis de plein droit l'universalité de la succession de son père et qu'il était devenu titulaire de toutes ses créances, les rapports de service avaient pris fin de plein droit au jour du décès de M. B______ et, en l'absence de créance du fonctionnaire portant sur le traitement postérieur au décès, aucun montant ne pouvait passer aux héritier à ce titre. La convention ne dérogeait pas à cette règle, puisqu'elle ne prévoyait aucune clause contraire. Cet accord, intervenu dans le cadre d'une procédure pour licenciement, n'avait pas eu pour but d'indemniser M. B______, mais de prévoir, au lieu du licenciement envisagé, une date de fin des rapports de service et de définir les droits et obligations des parties jusqu'à cette date. Le paiement du traitement jusqu'à l'échéance fixée était ainsi inhérent au fait que les rapports de service devaient perdurer jusqu'au 31 janvier 2020. Si, comme le prétendait M. A______, ladite indemnité était inconditionnelle, alors la convention l'aurait mentionné et aurait prévu que le solde du salaire serait versé en cas de fin anticipée des relations de travail, ce qui n'était pas le cas, seules étant réservées les situations de nouvel emploi et de résiliation pour justes motifs.

18) Le 13 mars 2020, M. A______ a persisté dans les conclusions et termes de son action en paiement.

La convention constituait un contrat de droit administratif, de sorte que la commune ne pouvait en régler le sort par le biais d'une décision unilatérale.

19) La commune ne s'est pas déterminée à l'issue du délai imparti.

20) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) La chambre administrative est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05), correspondant à l'art. 56A al. 1 de l'ancienne loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - aLOJ, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010). Le recours y est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4A, 5, 6 al. 1 let. a et e et 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Sont réservées les exceptions prévues par la loi (art. 132 al. 2 LOJ, correspondant à l'art. 56A al. 2 aLOJ).

Elle connaît en instance cantonale unique des actions fondées sur le droit public qui ne peuvent pas faire l'objet d'une décision au sens de l'art. 132 al. 2 LOJ et qui découlent d'un contrat de droit public. Les dispositions de la LPA en matière de recours s'appliquent par analogie à ces actions (art. 132 al. 3 LOJ, correspondant à l'art. 56G aLOJ).

2) Avant le 1er janvier 2009, la chambre administrative n'était compétente pour connaître des recours contre les décisions concernant le statut et les rapports de service des fonctionnaires et autres membres du personnel de l'État que dans la mesure où une disposition légale, réglementaire ou statutaire le prévoyait (art. 56B al. 4 aLOJ). Quant à l'art. 56G aLOJ, qui réglementait l'ancienne action pécuniaire largement utilisée pour régler le contentieux financier de la fonction publique, sa teneur a été modifiée. Tout d'abord intitulé « action contractuelle » depuis l'entrée en vigueur le 1er janvier 2009 de la modification législative du 18 septembre 2008, et réservé aux prétentions fondées sur le droit public qui ne pouvaient pas faire l'objet d'une décision et qui découlaient d'un contrat de droit public, il est devenu, depuis le 1er janvier 2011, l'art. 132 al. 3 LOJ.

Le but du législateur était de simplifier le contentieux administratif de la fonction publique. Désormais, la voie du recours à la chambre administrative est ouverte en cas de litige entre un agent public et une collectivité publique portant sur des prétentions pécuniaires, dans tous les cas où la détermination relative à celles-ci peut sans difficulté faire l'objet d'une décision ordinaire (MGC 2007-2008/VIII A 6501 p. 6549). La conséquence de cette modification est importante. Le fonctionnaire ne peut plus intenter une action pécuniaire pour des prétentions fondées sur les rapports de service. Il doit formuler ses prétentions auprès de l'autorité qui, selon lui, viole ses droits (art. 4A LPA). L'autorité ouvre alors une procédure qui est régie par la LPA. Après avoir instruit la cause, l'autorité concernée prend une décision sujette à recours. La juridiction administrative n'intervient plus que sur recours contre cette décision. De son côté, l'action contractuelle de l'art. 132 al. 3 LOJ n'est plus une voie de droit ouverte pour ce type de contentieux, étant désormais réservée à celui des contrats de droit public (ATA/152/2020 du 11 février 2020 consid. 1b et les références citées).

Pour que l'action soit recevable, il faut ainsi que les conclusions prises par le demandeur ne puissent faire l'objet d'une décision (ATA/152/2020 précité consid. 1b et les références citées).

3) En l'espèce, à la suite du décès de M. B______, le demandeur, en tant qu'héritier unique, a acquis de plein droit l'universalité de la succession, devenant, à ce titre, titulaire de toutes les créances de son père (art. 560 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210), y compris à l'égard de la défenderesse, ce qui n'est pas contesté par les parties. Le demandeur allègue que le litige concerne l'exécution de la convention, à savoir un contrat de droit administratif, de sorte que seule la voie de l'action serait ouverte pour obtenir le paiement des salaires qui seraient encore dus en application de cet accord. S'il est vrai qu'aucune voie de recours n'est ouverte contre les prétentions formulées par le demandeur sur la base de la convention, la question de la recevabilité de la présente action peut toutefois souffrir de rester indécise, au regard de ce qui suit.

4) Aux termes de l'art. 2 du statut du personnel de la Ville de Versoix du 27 juin 2016 (SP - LC 44 151), applicable aux rapports de service de l'ensemble du personnel communal (art. 1 SP), les rapports de service sont soumis au droit public (al. 1) et sont régis par le SP, les dispositions d'exécution ainsi que, le cas échéant, par des clauses contractuelles (al. 2).

Les fonctionnaires, soit les membres du personnel engagés en cette qualité par le conseil administratif pour exercer, à temps complet ou à temps partiel, une fonction permanente au service de la commune (art. 4 al. 1 SP), ont droit à un traitement versé chaque mois (art. 9 al. 1 SP), qui prend naissance le jour de l'entrée en fonction et s'éteint au moment de la cessation des rapports de service (art. 9 al. 2 SP). En cas de décès d'un fonctionnaire, son conjoint, son partenaire enregistré, ses enfants mineurs ou, à défaut, toute personne qui constituait pour le défunt une charge légale totale, reçoivent une allocation égale à trois mois du dernier traitement du défunt (art. 24 al. 1 SP).

Les rapports de service prennent fin de plein droit sans résiliation au décès du fonctionnaire (art. 63 al. 1 SP), les dispositions de l'art. 24 SP sur les prestations en cas de décès étant réservées (art. 63 al. 2 SP).

5) En l'espèce, le demandeur allègue disposer d'une créance envers la défenderesse au titre du versement du montant de CHF 40'041.60, en exécution de la convention. Il fonde une telle prétention sur la convention, qui, à son sens, lui donnerait droit au versement de la totalité des salaires de son père jusqu'à son échéance, à savoir le 31 janvier 2020, à défaut de disposition contraire y figurant. Un tel raisonnement ne peut toutefois pas être suivi. En effet, la convention était strictement liée à la personne du travailleur et au statut d'employé, comme l'indiquent les dispositions concernant la fin anticipée des rapports de travail (ch. 1 et 5), et faisait aussi dépendre l'obligation de la défenderesse de l'emploi du défunt et de sa capacité de travail. La convention s'inscrivait en outre dans le cadre des rapports de service ayant lié la défenderesse à M. B______ jusqu'au décès de ce dernier, intervenu le 16 juillet 2019. Cet événement a, en application de l'art. 63 al. 1 SP, mis fin de plein droit à ces relations de service, y compris le droit au traitement (art. 9 al. 1 SP), qui a été versé jusqu'au 31 juillet 2019. Il importe ainsi peu que la convention n'ait pas prévu de disposition spécifique, dès lors que les relations entre M. B______ et la commune demeuraient régies pour le surplus par le SP, comme le rappelle du reste l'art. 2 al. 2 SP. La défenderesse n'est dès lors débitrice d'aucun montant à l'égard de son ancien employé, pas davantage qu'à l'égard du demandeur, qui ne dispose ainsi pas de la légitimation active. Il s'ensuit que la demande sera rejetée.

6) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du demandeur (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée, pas plus qu'à la défenderesse, qui est une commune de plus de 10'000 habitants, à même de disposer de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où elle est recevable, la demande formée le 18 novembre 2019 par Monsieur A______ contre la commune de Versoix ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Werner Gloor, avocat du demandeur, ainsi qu'à Me Christian Bruchez, avocat de la commune de Versoix.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, MM. Verniory et Mascotto, Mme Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :