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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2064/2018

ATA/777/2020 du 18.08.2020 sur JTAPI/611/2019 ( PE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2064/2018-PE ATA/777/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 août 2020

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Leonardo Castro, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 juin 2019 (JTAPI/611/2019)


EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1982, est ressortissante d'Iran.

2) Entrée en Suisse le 27 février 2004, elle a été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour pour études en date du 23 mars 2004. Cette autorisation a été renouvelée régulièrement jusqu'au 30 juin 2012.

Elle a d'abord suivi des cours de français, à Genève, de 2004 à 2005, puis une formation de base dans le domaine commercial, qu'elle a achevée en été 2008. Elle a ensuite préparé les examens d'admission à l'université et les a réussis au mois de juin 2019, après quoi elle s'est inscrite à l'Université B______ en vue d'effectuer un bachelor en sciences économiques et sociales, puis a opté pour des études de droit, toujours à l'Université B______.

3) Le 15 décembre 2011, elle a épousé à Genève Monsieur C______, né le ______ 1928, ressortissant suisse.

4) Le 19 juin 2012, M. C______ et Mme A______ ont été auditionnés - séparément - par l'OCPM au sujet de leur relation. Leurs déclarations étaient concordantes.

5) Mme A______ s'est ainsi vu délivrer quelques jours plus tard, soit en date du 26 juin 2012, une autorisation de séjour au motif du regroupement familial.

6) Le 26 octobre 2012, un enquêteur de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM ; auparavant office cantonal de la population) est passé au domicile conjugal à 8h45. M. C______ est venu répondre à la porte, mais n'a pas ouvert et a invité l'enquêteur à revenir à 11h00. À cette heure, les deux époux étaient présents et ont déclaré faire régulièrement vie commune. L'enquêteur a indiqué n'avoir pas pu recueillir d'informations auprès du voisinage.

7) Le 1er novembre 2013, l'enquêteur de l'OCPM est repassé au domicile conjugal. Il a noté les noms des intéressés sur une boîte aux lettres et sur la porte palière d'un logement au 4ème étage. L'enquêteur a rencontré M. C______ qui lui a indiqué faire toujours vie commune avec son épouse. Dans son rapport du 13 novembre 2012, l'enquêteur a mentionné qu'il avait « peine à croire qu'une jeune femme puisse vivre dans l'atmosphère décrépi [sic] de ce logement ».

8) Le 9 décembre 2014, Mme A______ a introduit une requête de naturalisation facilitée auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM ; auparavant office fédéral des migrations).

9) M. C______ a été hospitalisé du 11 juin au 25 septembre 2015, puis il est entré dans un établissement médico-social (ci-après : EMS). Il est décédé le 18 octobre 2016.

10) Le 17 novembre 2016, Mme A______ a annoncé à l'OCPM le décès de son époux, et l'a prié de prolonger son autorisation de séjour et de lui octroyer une autorisation d'établissement de manière anticipée.

11) Le 24 novembre 2016, le SEM a rendu une décision négative dans le cadre de la demande de naturalisation facilitée de Mme A______ au motif qu'un faisceau d'indices tendait à prouver que son mariage ne remplissait pas les exigences de la communauté conjugale telles que requises en matière de naturalisation facilitée.

Le 15 septembre 2010, après six ans de diverses études et après s'être engagée par écrit à quitter la Suisse au 30 août 2015, Mme A______ avait requis et obtenu une ultime prolongation de la durée de son permis d'étudiante afin d'obtenir un bachelor. Le 9 décembre 2014, faisant valoir son mariage avec un ressortissant suisse, elle avait demandé sa naturalisation facilitée. Répondant à un questionnaire écrit, elle avait exposé ne pas avoir encore d'enfant avec son époux, mais qu'ils envisageaient d'en avoir dans l'avenir, qu'elle n'avait récemment entrepris aucun voyage avec son époux par manque d'opportunité et en raison des opérations du fémur qu'il avait subies en 2010 et 2011.

Le 11 mars 2015, suite à une inspection du logement correspondant au domicile indiqué par l'intéressée, les autorités genevoises avaient établi le rapport suivant. « Lors de notre visite à l'adresse mentionnée ci-dessus, nous avons rencontré le conjoint de Mme A______ ; un homme malade, affaibli, âgé de 87 ans qui semblait vivre seul dans un appartement de deux pièces et demie composé d'une chambre à coucher ayant un lit simple une place, un salon, une kitchenette et salle de bain. L'appartement se trouve dans un état de délabrement total et d'insalubrité avancée ; il ne semble pas réellement plausible qu'une jeune femme âgée de 32 ans puisse partager une vie intime dans ces conditions avec M. C______. Le conjoint nous a décrit que lorsque son épouse dort dans le logement, cette dernière ne partage pas le lit de son mari (...) mais coucherait sur un canapé-lit se trouvant dans le salon (...). Nous avons constaté sur le canapé-lit, de nombreuses affaires entreposées dessus qui ne semblent pas correspondre à un lit utilisé régulièrement par la candidate. Nous émettons un fort doute quant aux déclarations faites par le conjoint. Nous avons réclamé à M. C______ de nous fournir des documents personnels de son épouse, tels que décomptes bancaires, assurance, annexes ; il nous a présenté un maigre classeur crasseux, où ne se trouvait à l'intérieur quasi aucun document appartenant à son épouse. Les documents feuilletés et retrouvés dans le bureau du conjoint ne concernent que lui-même (...). Visite de la cuisine de l'appartement, nous constatons que ce lieu s'approprie pour une personne seule et non un couple (...). Monsieur nous déclare que son épouse s'occupe de maintenir cet appartement d'une façon adéquate et propre mais notre constatation est tout autre. Autre point relevé, tous les effets personnels de la candidate semblent poussiéreux, anciens et non utilisés, et nous n'avons quasiment pas trouvé de livres ou documents de cours actuels étant donné que la candidate suit des cours à l'Université B______ et ceci depuis 2008 à ce jour ».

Invitée à se prononcer sur ces observations, l'intéressée avait exposé que son époux « souffrirait de pertes de mémoire par la prise de divers médicaments tels que somnifères ». Après avoir prétendu passer l'ensemble de ses nuits auprès de son mari, sur insistance des autorités genevoises, elle avait déclaré parfois découcher pour dormir chez son frère et sa belle-soeur, dans un appartement de quatre pièces, « ceci afin de ne pas réveiller son conjoint quand il prend des somnifères pour dormir ». Invitée à verser au dossier tout moyen de preuve susceptible de prouver la bonne tenue de son union conjugale, l'intéressée avait exposé les circonstances de sa rencontre avec son futur mari et produit des photos, une attestation pré-imprimée portant la signature de diverses personnes ainsi que des attestations médicales, desquelles il ressortait notamment que son époux avait été hospitalisé dès le 11 juin 2015 avant d'être admis en tant que résident au sein d'un EMS.

Le 8 mars 2016, les autorités genevoises avaient rendu un second rapport suite à une nouvelle inspection. Il en ressortait que le voisinage de l'intéressée ne l'avait pas aperçue depuis un bon moment et que son époux aurait été admis en EMS. Selon l'enquête de voisinage, l'intéressée n'avait jamais été vue régulièrement ; elle passait de temps en temps donner un coup de main, mais ne semblait pas séjourner sur les lieux. Lorsqu'elle se trouvait sur les lieux, elle faisait en sorte d'y être remarquée.

12) Mme A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF), lequel a rejeté ce recours par arrêt du 3 décembre 2018 (F-157/2017).

Une très grande différence d'âge de cinquante-quatre ans séparait les époux. Au moment de la célébration de leur mariage en décembre 2011, la recourante était âgée de 29 ans, tandis que son époux avait atteint l'âge de 83 ans. Cet élément ne suffisait certes pas, à lui seul, pour remettre en question la réalité et l'intensité des liens entre les époux, mais il constituait néanmoins un indice en faveur de l'absence de communauté conjugale effective au moment du dépôt de la requête de naturalisation facilitée.

Les déclarations des intéressés et d'autres pièces au dossier attestaient d'une relation s'apparentant nettement à celle qui peut exister entre un proche aidant ou une aide à domicile et un patient.

Le caractère temporaire du séjour en Suisse de la recourante avant la célébration de son mariage ne pouvait être nié. Arrivée sur le territoire helvétique en 2004, elle avait été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour pour études durant huit ans, soit - en principe - la durée maximale d'une formation autorisée. Elle avait en outre signé, aux mois de juillet 2006 et d'octobre 2010, un engagement formel à quitter la Suisse au plus tard, respectivement, le 30 juin 2008 et le 30 août 2015, engagements non respectés.

Au surplus, la relation entretenue par la recourante avec son époux ne pouvait - à tout le moins dès la survenance des sérieux problèmes de santé ayant affecté ce dernier, voire dès la conclusion du mariage - être assimilée à une union réellement vécue. Le dossier révélait des indices suffisants pour nourrir de sérieux doutes quant à la réalité des liens qui unissaient les époux, le comportement adopté par la recourante tendant davantage à s'assurer des conditions de séjour pérennes en Suisse, étant rappelé que des contacts amicaux, voire même occasionnellement intimes entre époux, n'empêchaient pas de considérer que leur communauté - dans ses composantes spirituelle, corporelle et économique - avait pris fin.

Dans ces circonstances, il ne pouvait être reproché au SEM d'avoir retenu que l'union formée par les époux ne correspondait pas à une communauté conjugale telle qu'envisagée par le législateur fédéral lorsqu'il avait créé l'institution de la naturalisation facilitée.

Non contesté, cet arrêt est entré en force.

13) Le 20 octobre 2017, l'OCPM a prié Mme A______ de lui faire parvenir différentes pièces et de répondre à certaines questions.

14) Le 27 novembre 2017, celle-ci s'est exécutée. Elle a notamment soutenu qu'elle était toujours domiciliée dans l'appartement qu'elle occupait avec feu son époux, que sa famille se composait de ses parents et de ses trois frères, tous domiciliés à Téhéran sauf son second frère, lequel vivait à Genève, qu'elle accordait une importance toute particulière à la notion de famille et aux liens en découlant, de sorte que malgré les contraintes dans un pays conservateur, en décalage complet avec sa mentalité de jeune femme occidentalisée de par la durée de sa présence en Suisse, elle avait régulièrement rendu visite à ses parents et frères vivant en Iran, soit environ deux semaines chaque année depuis 2004. Elle était actuellement suivie par un médecin et se trouvait en incapacité de travail ; elle avait été licenciée au mois d'octobre 2017.

15) Le 28 février 2018, Mme A______ a sommé l'OCPM de se déterminer sur sa demande.

16) Le 8 mars 2018, l'OCPM a informé l'intéressée de son intention de ne pas donner une suite favorable à ses demandes et lui a accordé un délai de trente jours pour faire valoir, par écrit, son droit d'être entendue.

17) Le 23 avril 2018, Mme A______ s'est prononcée sur cette intention, affirmant la réalité de la communauté conjugale de son couple qui n'avait pris fin que par la mort naturelle de son époux.

18) Par décision du 15 mai 2018, l'OCPM a refusé d'octroyer une autorisation d'établissement à Mme A______, subsidiairement de remettre son dossier avec un préavis positif au SEM en vue du renouvellement de son autorisation de séjour. Il a prononcé son renvoi de Suisse et lui a imparti un délai au 15 août 2018 pour quitter la Suisse, son renvoi étant possible, licite et raisonnablement exigible.

Mme A______ ne disposait que d'un statut précaire en Suisse avant la célébration de son mariage avec feu M. C______, dans la mesure où elle ne possédait qu'une autorisation de séjour temporaire pour études et qu'elle aurait été tenue de quitter la Suisse à l'échéance de ses études en l'absence de ce mariage. Elle n'avait ainsi pu rester en Suisse au terme de ses études que grâce à ce mariage. Cet élément, conjugué à l'importante différence d'âge entre les époux (cinquante-quatre ans) et l'absence de vie commune confirmée par les enquêtes effectuées dans le cadre de la procédure de naturalisation, permettait de conclure que l'intéressée avait conclu un mariage de complaisance et qu'elle n'avait jamais voulu fonder une véritable communauté conjugale avec feu M. C______. Les deux précédentes enquêtes effectuées par l'OCPM les 26 octobre 2012 et 1er novembre 2013 n'avaient pas permis d'entrer en contact avec le couple et de confirmer la réalité de l'union conjugale.

L'OCPM n'était pas disposé à lui octroyer une autorisation d'établissement, le permis de séjour ayant été obtenu sur la base de fausses déclarations, soit en invoquant un mariage qui n'était que fictif.

Mme A______ ne séjournait en Suisse que depuis 2004, soit depuis l'âge de 22 ans ; elle était actuellement âgée de 35 ans Cette durée devait être relativisée dans la mesure où elle s'était prévalue d'un mariage de complaisance depuis 2011 et que le séjour antérieur était temporaire. Par ailleurs, elle était retournée en Iran chaque année durant deux semaines depuis 2004 afin d'y rendre visite aux membres de sa famille ; elle avait donc gardé des attaches dans ce pays. Pour le surplus, elle ne pouvait se prévaloir d'une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée au point de devoir admettre qu'elle ne puisse quitter la Suisse sans devoir être confrontée à des obstacles insurmontables dans son pays natal où elle avait vécu les années essentielles pour la formation de la personnalité et, partant, pour l'intégration sociale et culturelle. Elle n'avait pas non plus acquis des connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles qu'elle ne pourrait plus les mettre en pratique en Iran.

19) Par acte du 15 juin 2018, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Elle a conclu, préalablement, à la production d'une copie du dossier en main du TAF et à l'audition de quinze témoins, et principalement à l'annulation de la décision entreprise et à ce qu'une autorisation d'établissement lui soit octroyée ou que son autorisation de séjour soit renouvelée.

20) Par décision du 22 novembre 2018, le TAPI a suspendu la procédure jusqu'à droit connu dans la procédure pendante par-devant le TAF. Cette décision n'a fait l'objet d'aucun recours.

21) Le 5 février 2019, Mme A______ a informé le TAPI de l'arrêt du 3 décembre 2018 du TAF, précisant qu'elle n'avait pas interjeté recours contre cette décision.

22) Par jugement du 28 juin 2019, le TAPI a rejeté le recours.

La durée du mariage avait dépassé le seuil minimum de trois ans, du 15 décembre 2011, date des noces, au 11 juin 2015, date de l'entrée en EMS de feu M. C______, voire au 18 octobre 2016, date de son décès.

Il convenait dès lors de déterminer si le mariage contracté par les époux avait comme seul but d'éluder les prescriptions du droit des étrangers et était dès lors un mariage de complaisance. À cet égard, le TAPI n'entendait pas s'écarter de l'analyse circonstanciée à laquelle avait procédé le TAF et au terme de laquelle la juridiction fédérale avait conclu que l'union formée par la recourante et feu M. C______ ne correspondait pas à une communauté conjugale réellement vécue. En effet, un faisceau d'indices autonomes permettait de retenir le caractère fictif du mariage. En premier lieu, une très grande différence d'âge (cinquante-quatre ans) séparait les époux. En second lieu, les déclarations des époux et d'autres pièces au dossier attestaient d'une relation qui s'apparentait nettement à celle pouvant exister entre un proche aidant ou une aide à domicile et un patient. De plus, malgré ses allégations, le caractère temporaire du séjour en Suisse de Mme A______ avant la célébration de son mariage ne pouvait être nié ; arrivée en Suisse en 2004, elle avait été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour pour études durant huit ans, durée maximale d'une formation autorisée, sous certaines réserves, et avait signé, à deux reprises, un engagement formel à quitter la Suisse, engagements qu'elle n'avait pas respectés. Enfin, le dossier contenait des indices suffisants pour nourrir de sérieux doutes quant à la réalité des liens qui unissaient les époux ; le comportement adopté par Mme A______ tendait davantage à s'assurer des conditions de séjour pérennes en Suisse.

Elle alléguait certes que l'instruction de la demande de naturalisation facilitée n'avait été faite qu'à charge et sur la base de préjugés regrettables, mais elle n'avançait aucun élément concret étayant ses dires ; à teneur du dossier, rien n'indiquait que l'instruction menée dans le cadre de la demande de naturalisation facilitée aurait été effectuée de manière incorrecte, et l'on ne voyait d'ailleurs pas pourquoi tel aurait été le cas. Le TAF n'avait pas abordé cette question dans son arrêt, ce qui laissait penser que Mme A______ n'avait pas fait valoir ce grief devant cette juridiction fédérale. Quant aux divers témoins que la recourante souhaitait faire entendre, ceux-ci ne pourraient pas éclairer les relations privées entre feu M. C______ et la recourante, raison pour laquelle le TAPI avait décidé de ne pas les entendre ; ils ne pourraient en effet que rapporter des éléments extérieurs qui ne pouvaient modifier le résultat de l'analyse des indices en présence faite par le TAF, étant noté qu'un indice supplémentaire était retenu par le TAPI, à savoir l'absence de vie commune des époux ainsi qu'il résultait du rapport du 11 mars 2015 décrivant l'état du logement de feu M. C______.

De plus, pour établir la réalité d'un lien conjugal à un moment donné, il était parfaitement admissible de tenir compte de faits postérieurs à l'octroi de l'autorisation visée, si ces faits constituaient des indices importants pour apprécier rétrospectivement la réalité dudit lien au moment déterminant. Ainsi, le fait que Mme A______ ait obtenu une autorisation de séjour, puis que celle-ci ait été renouvelée en octobre 2014, ne signifiait nullement que l'OCPM ne puisse revenir sur son appréciation du lien conjugal une fois connus les rapports établis pour le compte du SEM.

23) Par acte posté le 2 septembre 2019, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant préalablement à l'audition de témoins, et principalement à l'annulation du jugement entrepris et à l'octroi d'une autorisation d'établissement ainsi que d'une indemnité de procédure.

Lorsqu'elle s'était mariée le 15 décembre 2011, son statut de droit des étrangers n'était pas précaire ; en effet, l'OCPM avait accepté le 2 février 2011 sa demande de renouvellement de son autorisation de séjour pour études, et son plan d'études visant l'obtention d'un master en relations internationales en 2015 avait été entériné.

En 2016, le SEM avait eu des doutes et avait demandé un complément d'enquête au service genevois des naturalisations afin de vérifier si Mme A______ avait toutes ses affaires au domicile conjugal. Les enquêteurs s'étaient contentés d'interroger le voisinage direct et de présenter un témoignage anonyme comme reflétant l'opinion de l'ensemble des locataires de l'immeuble.

Ni le TAF ni le TAPI n'avaient donné suite aux demandes d'audition qui leur avaient été soumises. Or le TAPI reprochait à Mme A______ de ne proposer que des indices extérieurs, alors même qu'il reposait son raisonnement sur de tels indices. En effet, les rapports des enquêteurs n'étaient rien d'autre. La situation administrative de Mme A______ n'avait jamais été contestée auparavant, alors que tous les éléments pertinents du dossier étaient connus lors du mariage déjà.

De nombreux éléments contredisaient un mariage de complaisance, sans avoir été même discutés par le TAPI : le jugement attaqué ne contenait aucun mot sur l'attestation du 21 décembre 2015, aucun sur les lettres de Monsieur D______ et du Docteur E______, aucun sur les efforts de Mme A______ pour que son époux puisse réintégrer le domicile conjugal, aucun sur la passion commune pour la musique, aucun sur le temps séparant leur rencontre et leur mariage (2008-2011), aucun sur les attestations des parents de la recourante, aucun sur la procuration générale, aucun sur les attestations des médecins quant à la présence de la recourante lors des rendez-vous médicaux, aucun sur l'empêchement de voyager pour raisons médicales, aucun sur la relation au crépuscule de la vie de feu M. C______.

Pourtant, ces éléments conduisaient à admettre la réalité de la communauté conjugale des époux, laquelle n'avait pris fin que par la mort naturelle de M. C______, et non par la séparation des époux. Le TAPI s'était dispensé d'un examen rigoureux du cas d'espèce et avait par conséquent versé dans l'arbitraire.

24) Le 16 octobre 2019, l'OCPM a conclu au rejet du recours, se référant au jugement entrepris ainsi qu'à celui du TAF et à ses précédentes écritures.

25) Le 4 décembre 2019, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties et d'enquêtes.

a. Monsieur F______ avait été quelques années auparavant le voisin de Mme A______. C'était à l'avenue G______ en Ville de Genève. Il s'agissait d'un immeuble de sept étages avec des appartements locatifs. Il avait résidé dans cet immeuble au 5ème étage de 2005 à 2015, date à laquelle il avait emménagé dans son domicile actuel de H______. Mme A______ était sa voisine à l'étage supérieur, ceci à partir de 2010 environ. Il l'avait souvent croisée à partir de ce moment. Il prenait en effet souvent l'escalier, qui passait devant tous les appartements et tournait autour de la cage d'ascenseur.

Lorsqu'il avait emménagé, M. C______ était déjà dans son appartement. Il le croisait souvent dans l'immeuble, ou dans le quartier, notamment le parc I______ où ils allaient chacun se promener. Il allait souvent boire un café au café J______, rue K______. Il lui était aussi souvent arrivé de croiser M. C______ et Mme A______ alors qu'ils étaient ensemble, soit en faisant son jogging au parc I______, soit à la rue J______, soit à la rue K______.

En ce qui concernait la nature de leur relation, il ne s'en était pas enquis spontanément car cela concernait leur sphère privée. Parfois il avait rendu des services comme changer un fusible ou s'occuper d'un lavabo. À chaque fois c'était Mme A______ qui l'avait fait entrer, et M. C______ était présent. Il avait ainsi appris qu'ils étaient ensemble.

S'agissant de l'état de l'appartement, ce dernier était encombré et désordonné, mais pas insalubre. M. C______ avait notamment beaucoup de disques car il aimait beaucoup la musique, en particulier le jazz. M. F______ ne pouvait pas dire si Mme A______ avait tout ou partie de ses affaires dans l'appartement. En revanche, elle était très souvent dans ou près de l'immeuble, il lui arrivait de discuter avec elle, et il la croisait souvent dans le bus à proximité, soit le matin, soit le soir lorsqu'il rentrait de son travail. Il connaissait M. C______ depuis 2005 et était allé une ou deux fois chez lui avant 2010, et il avait noté un changement dans l'appartement au fil des ans, notamment une certaine diminution de l'encombrement.

Lorsqu'il les avait vus ensemble, Mme A______ se montrait particulièrement attentionnée à l'égard de M. C______. On voyait que celui-ci se sentait bien accompagné et le manifestait. Cela étant, il n'était pas intime avec eux et ne pouvait pas se prononcer plus en détail. Il se rappelait également qu'à une certaine époque, peut-être en 2011, M. C______ s'était cassé le col du fémur. Il devait faire de la rééducation et prenait ainsi souvent l'escalier pour un étage. À cette occasion, il l'avait davantage croisé, soit seul soit accompagné de Mme A______. Il savait qu'ils étaient mariés, mais ne se rappelait plus à quel moment exact il l'avait appris.

b. Monsieur D______ avait connu Mme A______ environ dix ans auparavant. Bien que retraité, il continuait à remplir des déclarations d'impôt pour le public. Le frère de Mme A______, qui était son client, lui avait envoyé sa soeur.

Lorsqu'il avait connu Mme A______, celle-ci était étudiante. Elle s'était ensuite mariée avec M. C______, tout en restant toujours étudiante en droit à l'Université B______. Ils avaient sympathisé. Même s'il ne s'intéressait pas à la vie privée des gens, pour remplir leur déclaration fiscale il devait parfois être au courant de détails qui relevaient de leur vie privée. Il avait eu l'occasion de rencontrer M. C______. À chaque fois, que ce soit chez lui pour la déclaration d'impôt ou lorsqu'ils avaient pris un café dehors, M. C______ et Mme A______ étaient ensemble.

C'était un couple tout à fait ordinaire, malgré une différence d'âge indéniable. Ils se tenaient la main et se comportaient ensemble comme Monsieur et Madame tout le monde. Il n'avait jamais parlé directement avec M. C______ de sa relation de couple, mais n'avait toutefois jamais aperçu de problème entre eux. Ils étaient souriants et respiraient la joie de vivre.

M. C______ n'avait pas de fortune qui aurait pu éveiller la convoitise d'une personne intéressée. Ces gens vivaient avec le minimum et n'avaient pas de signes extérieurs de richesse ni de comptes bancaires garnis. Ils n'étaient imposables ni sur la fortune ni sur le revenu. M. C______ n'avait sauf erreur qu'une simple rente AVS. Ce qui les liait n'était pas l'argent mais plutôt la musique - ils étaient mélomanes tous les deux et s'étaient connus au Victoria Hall lors d'un concert - et la culture en général.

Mme A______ lui avait demandé si elle pouvait le citer comme référence dans sa demande de naturalisation. Il avait répondu positivement, mais personne ne l'avait contacté.

c. Monsieur L______, né en 1932, était l'ami de M. C______. Il l'avait connu lorsque M. C______ tenait un magasin de disques dans le quartier M______, lui-même étant pharmacien. Quand il l'avait connu, M. C______ était célibataire. Il savait que M. C______ s'était marié pour avoir été son témoin de mariage avec Mme A______. Le mariage avait été célébré à la mairie N______. M. C______ lui avait présenté Mme A______ déjà avant le mariage, et il avait continué à le voir après. Lorsqu'il le voyait après son mariage, c'était généralement avec elle, parfois aussi seul à seul. Elle était étudiante à ce moment-là. Lorsqu'il le voyait, il n'évoquait rien de spécial par rapport à cette relation, ni rien de négatif. Il pensait que M. C______ était heureux ; en tout cas ils étaient tout le temps ensemble. Lorsqu'il les voyait cela avait l'air d'aller entre eux, même si à un certain moment la santé de M. C______ l'avait fait « baisser » un peu.

Il ne savait pas quels étaient leurs intérêts communs. En revanche, ils étaient partis ensemble en vacances. Il allait souvent pour le ou les voir à l'avenue G______ où il y avait un tea-room. Ils se rencontraient aussi parfois au marché à O______. Il n'avait pas demandé pourquoi il épousait une femme aussi jeune. Il avait lui-même une différence d'âge importante avec sa femme, étant de trente-deux ans son aîné. Il allait rarement dans leur appartement, mais lors de ces visites, pour lui l'appartement était propre.

d. Mme A______ a indiqué que ce qui lui avait plu chez M. C______ était qu'il s'agissait d'un monsieur très cultivé. Même s'il n'était pas allé en Iran, il connaissait le pays, et il était passionné par la culture, l'histoire et la poésie. Ils aimaient tous deux le jazz et la musique classique.

Lors du séjour de son mari en EMS, elle cherchait à ce qu'il puisse retourner à leur domicile. Elle avait même contacté la régie pour voir si d'éventuels aménagements seraient possibles. Cependant, son médecin trouvait l'EMS plus indiqué dans son cas et ne voulait pas d'un retour à domicile. Elle allait à cet EMS (P______) cinq à six fois par semaine, ramenant à son mari des habits, des disques ou d'autres choses dont il avait besoin. Ils passaient beaucoup de temps à la cafétéria à discuter, parfois ils mangeaient ensemble.

S'agissant des contrôles du logement conjugal, un inspecteur était venu à trois reprises. La première fois, soit en 2012, l'inspecteur avait sonné. Elle et son mari étaient ensemble dans l'appartement. L'inspecteur les avait vus ensemble et n'avait pas voulu entrer dans l'appartement. En 2013, lorsque l'inspecteur avait sonné, son mari était seul dans l'appartement mais elle était en liaison téléphonique avec lui. Il avait ouvert à l'inspecteur et elle avait entendu la conversation. Là aussi l'inspecteur n'avait pas voulu entrer et s'était contenté des réponses affirmatives de son mari sur le fait qu'elle habitait bien là. En 2015, elle n'était pas là.

Son mari vivait dans l'appartement depuis 1983, c'était un deux pièces. Ils auraient aimé en avoir un plus grand, mais ils aimaient bien le quartier. Ils voulaient aussi le rafraîchir et étaient en train de regarder s'ils pouvaient faire les travaux avec leurs propres deniers. Pour sa part, elle était assez ordonnée et aimait avoir ses affaires dans les armoires, mais son mari aimait avoir les choses à portée de main et était moins ordonné, et elle respectait cela.

26) Le 9 janvier 2020, l'OCPM a persisté dans ses conclusions. Les explications fournies en audience ne permettaient pas de démontrer l'existence d'une véritable communauté conjugale entre les époux. À l'instar du TAPI, il considérait que la relation entre ces derniers s'apparentait à celle pouvant exister entre un proche aidant ou une aide à domicile et un patient.

27) Le 24 janvier 2020, Mme A______ a persisté dans ses conclusions.

À la lecture des témoignages, il ne faisait aucun doute qu'elle partageait sa vie, ses passions et son temps avec son mari. Ces témoignages venaient renforcer l'attestation des voisins et commerçants du quartier ainsi que la lettre du Dr E______ destinée aux autorités de naturalisation.

Le temps séparant la rencontre et le mariage, les liens entre feu M. C______ et sa belle-famille en Iran ainsi que son beau-frère en Suisse, la passion commune pour la musique étaient autant d'éléments qui excluaient le mariage de complaisance.

28) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

 

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario ; ATA/12/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3).

3) Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la LEI, et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant le 1er janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêts du Tribunal fédéral 2C_841/2019 du 11 octobre 2019 consid. 3 ; 2C_737/2019 du 27 septembre 2019 consid. 4.1).

En l'espèce, la demande de renouvellement de l'autorisation de séjour de la recourante a été déposée le 17 novembre 2016, de sorte que c'est l'ancien droit, soit la LEI dans sa teneur avant le 1er janvier 2019, qui s'applique.

4) Est litigieux le bien-fondé du refus de renouvellement de l'autorisation de séjour de la recourante et le prononcé de son renvoi de Suisse.

5) a. La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI).

b. Aux termes de l'art. 42 al. 1 LEI, le conjoint d'un ressortissant suisse ainsi que ses enfants célibataires de moins de 18 ans ont droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité à condition de vivre en ménage commun avec lui. Après dissolution de la famille, le droit du conjoint d'un ressortissant suisse à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu de l'art. 42 LEI subsiste si l'union conjugale a duré au moins trois ans et l'intégration est réussie (let. a) ou la poursuite du séjour en Suisse s'impose pour des raisons personnelles majeures (let. b ; art. 50 al. 1 LEI dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2018).

L'art. 50 LEI, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018, ne trouve application qu'en cas d'échec définitif de la communauté conjugale (ATF 140 II 345 consid. 4 ; 140 II 129 consid. 3.5).

c. La limite légale de trois ans présente un caractère absolu, quand bien même la fin de la vie conjugale serait intervenue quelques jours ou semaines seulement avant l'expiration du délai (ATF 137 II 345 consid. 3.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1111/2015 du 9 mai 2016 consid. 4.1 ; ATA/1211/2017 du 22 août 2017 consid. 7b). Elle se calcule en fonction de la durée pendant laquelle les époux ont fait ménage commun en Suisse (ATF 136 II 113 consid. 3.3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1111/2015 précité consid. 4.1), soit depuis la date du mariage, à condition que la cohabitation ait lieu en Suisse, jusqu'à ce que les époux cessent d'habiter sous le même toit ; la cohabitation des intéressés avant leur mariage ne peut être prise en compte dans la durée de l'union conjugale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_594/2010 du 24 novembre 2010 consid. 3.1 ; 2C_195/2010 du 23 juin 2010 consid. 5.1 ; ATA/1211/2017 précité consid. 7b).

La notion d'union conjugale de l'art. 50 al. 1 let. a LEI, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018, ne se confond pas avec celle du mariage. Alors que celui-ci peut n'être plus que formel, l'union conjugale implique une vie conjugale effective, sous réserve des exceptions mentionnées à l'art. 49 LEI (ATF 137 II 345 consid. 3.1.2 ; 136 II 113 consid. 3.2).

C'est donc la date de la fin de la communauté conjugale qui est déterminante pour calculer si la relation a duré trois ans, et non - le cas échéant - le moment où le divorce est prononcé (Cesla AMARELLE/Nathalie CHRISTEN, in Code annoté du droit de la migration, vol. II : LEI, 2017, ad art. 50 n. 10).

La condition des trois ans au moins d'union conjugale et celle de la réussite de l'intégration sont cumulatives (ATF 140 II 289 consid. 3.8 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_48/2019 du 10 janvier 2020 consid. 7.1 ; ATA/203/2018 du 6 mars 2018 consid. 4a).

6) a. Les droits au regroupement familial prévus à l'art. 50 LEI s'éteignent lorsqu'ils sont invoqués abusivement, notamment pour éluder les dispositions de la loi sur les étrangers ou ses dispositions d'exécution (art. 51 al. 2 let. a LEI). Il y a abus de droit lorsqu'une institution juridique est utilisée pour réaliser des intérêts contraires à son but et que cette institution juridique ne veut pas protéger (ATF 121 I 367 ss ; 110 Ib 332 ss). S'agissant du regroupement familial, il y a abus de droit, notamment, lorsque les époux s'efforcent de donner l'apparence d'un certain contenu au lien conjugal, quitte à faire temporairement ménage commun (ATF 131 II 113 consid. 9.4) ou lorsque le mariage n'existe plus que formellement alors que l'union conjugale est rompue définitivement, quels que soient les motifs de cette rupture (ATF 131 II 113 consid. 4.2).

b. Il y a mariage fictif ou de complaisance lorsque celui-ci est contracté dans le seul but d'éluder les dispositions de la loi fédérale sur les étrangers, en ce sens que les époux (voire seulement l'un d'eux) n'ont jamais eu la volonté de former une véritable communauté conjugale ; l'intention réelle des époux est un élément intime qui, par la nature des choses, ne peut guère être établie par une preuve directe, mais seulement grâce à un faisceau d'indices (ATF 127 II 49 consid. 4a et 5a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_176/2019 du 31 juillet 2019 consid. 8.2). L'autorité se fonde en principe sur un faisceau d'indices autonomes, aucun des critères n'étant souvent à lui seul déterminant pour juger du caractère fictif du mariage (arrêts du Tribunal fédéral 2C_900/2017 du 7 mai 2018 consid. 8.2 ; 2C_1055/2015 du 16 juin 2016 consid. 2.2).

De tels indices peuvent résulter d'événements extérieurs tels un renvoi de Suisse imminent de l'étranger parce que son autorisation de séjour n'est pas prolongée ou que sa demande d'asile a été rejetée, la courte durée de la relation avant le mariage, l'absence de vie commune, une différence d'âge importante, des difficultés de communication, des connaissances lacunaires au sujet de l'époux et de sa famille ou le versement d'une indemnité (ATF 122 II 289 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_22/2019 du 26 mai 2020 consid. 4.1 ; 2C_112/2019 du 26 février 2020 consid. 4.1). Une relation extra-conjugale et un enfant né hors mariage sont également des indices qui plaident de manière forte pour un mariage de complaisance (arrêt du Tribunal fédéral 2C_900/2017 précité consid. 8.4).

c. En présence d'indices sérieux d'un mariage fictif, il appartient à l'intéressé de démontrer, par une argumentation circonstanciée, l'existence d'une relation conjugale réellement vécue et voulue (arrêts du Tribunal fédéral 2C_900/2017 précité consid. 8.2 ; 2C_1060/2015 du 1er septembre 2016 consid. 5.2 ; 2C_177/2013 du 6 juin 2013 consid. 3.4).

7) En l'espèce, le mariage a duré quatre ans et dix mois, soit plus de trois ans. L'intimé, tout comme les premiers juges, considère toutefois qu'il s'agissait d'un mariage de complaisance, ce qu'il convient d'examiner.

8) À titre liminaire, il convient de rappeler que si le TAF s'est prononcé sur la même question, son arrêt ne lie pas la chambre de céans. En effet, bien qu'il soit souhaitable que jugements fédéraux et cantonaux examinant les mêmes questions soient exempts de contradictions, l'arrêt en question a été rendu dans une procédure distincte et sur la base de la législation en matière de nationalité. Il sied de préciser également que, contrairement à la chambre de céans, le TAF n'a pas procédé à l'audition de témoins, ni des parties, mais a fondé ses considérants uniquement sur des pièces et des rapports écrits.

Si l'on examine les indices relevés par le Tribunal fédéral dans sa jurisprudence rappelée ci-dessus, un seul est donné de manière incontestée, à savoir une différence d'âge extrêmement importante entre les époux, soit cinquante-quatre ans. Toutefois, comme l'ont d'ailleurs relevé tant le TAF que le TAPI, un tel élément ne saurait à lui seul déterminer que l'on aurait affaire à un mariage de complaisance.

Ni le TAF ni le TAPI n'ont affirmé clairement que les époux n'auraient pas mené de vie commune ; tout au plus est-il fait référence à un rapport du service des naturalisations de l'intimé selon lequel la recourante a reconnu passer parfois la nuit chez son frère. S'agissant de la réalité de la relation entre les époux ainsi que de leur vie commune, la différence d'âge entre les époux a incité l'autorité à enquêter dès le début du mariage. Ainsi les époux ont-ils été auditionnés le 19 juin 2012, soit six mois environ après la célébration de l'union. Les procès-verbaux d'audition montrent que chaque époux a donné des réponses satisfaisantes au sujet de son conjoint et des circonstances dans lesquelles ils s'étaient connus, si bien que l'autorité intimée a, quelques jours plus tard, accordé à la recourante une autorisation de séjour au motif du regroupement familial. Le service « étrangers » de l'intimé a procédé à des enquêtes sur place en octobre 2012 et novembre 2013, lesquelles ne démontrent en tout cas pas une absence de vie commune malgré quelques doutes émis dans les rapports d'enquête. À cet égard, l'intimé a maintenu l'autorisation de séjour de la recourante pendant toute la durée du mariage.

Les rapports d'enquête rédigés par le service « naturalisations » de l'intimé, émettent des doutes semblables, mais sur un ton apparemment beaucoup plus catégorique. Ces rapports ne figurent toutefois pas au dossier de la présente cause, et en particulier au dossier de l'intimé relatif à la situation de droit des étrangers de la recourante, alors même que, selon la jurisprudence, il faut que l'autorité puisse objectivement avoir des doutes sérieux de conclusion d'un mariage fictif pour que le fardeau de la preuve soit renversé et qu'il appartienne à l'étranger de prouver la réalité de l'union conjugale. Or, les conclusions du TAF se fondent en partie sur ces rapports, qui ne constatent pas à proprement parler une absence de vie conjugale mais mettent celle-ci fortement en doute au vu de l'état prétendument insalubre et de la disposition de l'appartement de M. C______. Le second rapport, du 8 mars 2016, ferait état d'une enquête de voisinage mettant en lumière l'absence récurrente de la recourante au domicile conjugal depuis plusieurs mois - ce qui n'est de toute façon guère probant en l'espèce pour juger de la vie commune puisqu'il est constant que M. C______ n'habitait plus dans l'appartement depuis le 11 juin 2015.

Ces positions très tranchées des rapports d'enquête du service des naturalisations sont toutefois largement contredites par les enquêtes ayant eu lieu devant la chambre de céans. Les trois témoins, dont deux au moins n'ont aucun intérêt à favoriser la recourante, ont confirmé la présence régulière de la recourante dans et autour de l'appartement conjugal, décrivant le couple comme ordinaire, étant « tout le temps ensemble » et se tenant la main. Les témoins ont aussi évoqué des vacances prises ensemble et des intérêts communs, notamment pour la musique, ayant du reste occasionné leur rencontre. Quant à l'appartement conjugal, il a été décrit par M. F______ comme « encombré et désordonné mais pas insalubre », avec, après 2010, « une certaine diminution de l'encombrement », et par M. L______ - ami et contemporain de M. C______ - comme, selon lui, « propre ». La recourante a de surcroît expliqué qu'elle-même aurait souhaité que l'appartement fût plus en ordre, mais que son mari y habitait depuis longtemps et était moins ordonné, ce qu'elle respectait. Elle a enfin donné des précisions, non contredites, sur le temps passé avec son mari lorsque ce dernier s'est retrouvé en EMS, soit de septembre 2015 à octobre 2016. Il résulte donc de l'ensemble du dossier que l'on ne peut tirer la conclusion que la recourante n'aurait pas mené de vie commune avec son mari. Ni les quelques semaines qu'elle a passées en Iran où se trouve encore une bonne partie de sa famille, ni l'admission d'avoir passé quelques nuits chez son frère pour ne pas perturber le sommeil de son mari ne sauraient infléchir ce constat.

Quant au troisième élément sur lequel se sont fondés le TAF et le TAPI, à savoir l'assertion selon laquelle la relation entre la recourante et son mari s'apparentait « à celle pouvant exister entre un proche aidant ou une aide à domicile et un patient », elle est au mieux non étayée et, au pire, choquante. En effet, en tant qu'elle sous-entendrait l'existence d'un échange de prestations, à savoir entre des soins et un mariage permettant d'obtenir un statut de droit des étrangers, rien de tel ne ressort du dossier, et du reste M. C______ n'avait pas besoin de soins particuliers à domicile au moment où les époux se sont connus. Et en tant qu'elle impliquerait qu'une relation où l'un des époux joue le rôle de proche aidant pour son conjoint ayant besoin de soins constants ne constituerait pas une véritable union conjugale, cette affirmation contredit frontalement l'art. 159 al. 3 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), qui prévoit l'obligation d'assistance entre époux. Il est notoire que la nécessité de se voir prodiguer des soins constants peut intervenir à tout âge et à tout moment du fait d'un accident ou d'une maladie, et ne se cantonne pas à l'état que peut induire la vieillesse. Que le conjoint joue dans un tel cas le rôle de proche aidant non seulement ne permet pas de considérer qu'il n'y aurait pas de réelle union conjugale, mais est généralement au contraire perçu comme un comportement loyal, généreux et méritoire.

Le TAF et le TAPI retiennent enfin comme indice tendant à prouver l'inexistence d'une réelle union conjugale le caractère temporaire du séjour en Suisse de Mme A______ avant la célébration de son mariage, dans la mesure où elle séjournait jusqu'en 2011 dans le pays au bénéfice d'une autorisation de séjour pour études. Or, la jurisprudence du Tribunal fédéral ne parle pas du caractère temporaire du séjour en Suisse avant le mariage, mais de l'imminence d'un renvoi de Suisse en raison d'une autorisation de séjour non prolongée ou d'une demande d'asile rejetée, ce qui est bien différent. De ce point de vue, force est de constater que quelques mois avant le mariage, soit le 2 février 2011, l'intimé avait écrit à la recourante pour lui indiquer qu'il acceptait sa demande de prolongation de son autorisation de séjour et validait son nouveau plan d'études qui prévoyait la fin de celles-ci en été 2015. La recourante ne se trouvait dès lors pas, le 15 décembre 2011, en situation de renvoi imminent. Il est par ailleurs pour le moins surprenant que le TAF et le TAPI fassent grief à la recourante de ne pas avoir quitté la Suisse le 30 août 2015 en violation de ses engagements, alors qu'à cette dernière date elle séjournait légalement dans le pays au bénéfice d'une autorisation de séjour.

Aucun autre indice tiré de la jurisprudence du Tribunal fédéral ne se retrouve dans le cas de la recourante. Aucune relation extra-conjugale ne lui a été imputée, et elle n'a pas eu d'enfant hors mariage. Elle ne s'est pas davantage remariée ni remise en ménage avec une tierce personne immédiatement après la mort de son mari. Le versement d'une indemnité n'a jamais été évoqué par quiconque. Le dossier ne fait par ailleurs pas état de difficultés de communication ni de connaissances lacunaires au sujet de l'autre époux : au contraire, les témoins entendus ont souligné la bonne entente entre les époux, et les auditions menées par l'intimé en juin 2012 démontrent que chaque époux connaissait son conjoint, sans quoi une autorisation de séjour au titre du regroupement familial n'aurait pas été aussi vite délivrée. Enfin, la relation des époux avant le mariage a duré trois ans, et ne saurait donc être décrite comme étrangement courte.

En définitive, seule la différence d'âge très élevée entre les époux est avérée, ce qui est insuffisant à fonder un constat d'inexistence d'une union conjugale réellement vécue. Dès lors, le mariage ayant duré plus de trois ans, la première condition posée par l'art. 50 al. 1 let. a LEI est donc remplie, si bien que le recours sera admis partiellement.

Comme déjà exposé, cette condition et celle de l'intégration réussie sont cumulatives. Toutefois, la seconde condition n'a pas été examinée par l'intimé dans sa décision du 15 mai 2018, et n'a dès lors pas fait l'objet de la présente procédure. Il convient donc de renvoyer la cause à l'intimé pour examen de la condition de l'intégration réussie, voire d'autres questions juridiques susceptibles de se poser en l'espèce.

9) Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de CHF 1'000.- sera allouée à la recourante, qui y a conclu, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 septembre 2019 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 juin 2019 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 juin 2019 ;

renvoie la cause à l'office cantonal de la population et des migrations au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Madame A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'État de Genève (office cantonal de la population et des migrations) ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Leonardo Castro, avocat de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.