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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/717/2020

ATA/772/2020 du 18.08.2020 sur DITAI/216/2020 ( DOMPU ) , IRRECEVABLE

Parties : SOCIETE GENERALE D'AFFICHAGE SA / NEO ADVERTISING SA, VILLE DE LANCY
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/717/2020-DOMPU ATA/772/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 août 2020

1ère section

 

dans la cause

 

SOCIÉTÉ GÉNÉRALE D'AFFICHAGE SA
représentée par Me François Membrez, avocat

contre

NEO ADVERTISING SA
représentée par Me Guy Braun, avocat

et

VILLE DE LANCY

représentée par Me Nicolas Wisard

_________


Recours contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 16 juin 2020 (DITAI/216/2020)


EN FAIT

1) Le 11 juin 2019, la Ville de Lancy et la Société générale d'affichage SA (ci-après : SGA) ont signé une convention d'affichage au terme de laquelle la Ville de Lancy concédait à la SGA le droit exclusif de placer des affiches ou autres formes de publicité extérieure et d'installer les supports publicitaires nécessaires sur l'ensemble du domaine public de la Ville de Lancy pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2029.

2) Par acte du 26 février 2020, Neo Advertising SA a interjeté recours contre « la décision d'attribution d'une concession exclusive d'exploitation des procédés de réclame sur le domaine public et privé de la Ville de Lancy, du 11 juin 2019 » auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Elle a conclu préalablement au constat de la nullité de l'attribution de la concession. Subsidiairement, la décision devait être annulée et il devait être ordonné à la Ville de Lancy d'organiser un appel d'offres.

Elle n'avait appris l'existence de ladite concession que le 28 janvier 2020.

3) Le 19 mars 2020, la Ville de Lancy a sollicité l'appel en cause de la SGA. Le contrat était en cours. L'issue de la procédure était susceptible d'affecter sa situation.

4) Au fond, la Ville de Lancy a conclu au rejet du recours.

5) Lors de l'audience devant le TAPI le 11 juin 2020, les parties ont déclaré ne pas s'opposer à l'appel en cause de la SGA.

6) Par décision du 16 juin 2020, le TAPI a ordonné l'appel en cause de la SGA.

7) Par acte du 29 juin 2020, la SGA a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre la décision précitée. Elle a conclu à son annulation et à ce qu'il soit dit que ledit appel en cause ne se justifiait pas.

Le TAPI avait ordonné son appel en cause sans lui donner la possibilité de se déterminer au préalable.

Elle était liée à la Ville de Lancy par un acte de droit privé qui ne pouvait être remis en cause. Une révocation de la convention était exclue. Bien qu'incidente, la décision devait être considérée comme finale pour l'appelée en cause, « en ce sens qu'elle devait exclure définitivement sa qualité d'appelée en cause de la procédure ».

Son droit d'être entendue ayant été violé, la décision devait être annulée. Par ailleurs, aucune des parties ne disposait d'un intérêt à l'appeler en cause, la convention ayant été conclue depuis plus d'une année, ne pouvant pas être résiliée et son exécution étant en cours.

8) Neo Advertising SA a conclu au rejet du recours. L'appel en cause permettait de contraindre un tiers concerné à participer à une procédure. Le fait d'y participer lui permettrait de faire valoir son droit d'être entendue et d'exposer ses griefs éventuels. La société était indéniablement concernée par le litige.

9) La Ville de Lancy a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Elle s'était rendue compte que sa pratique de négociation directe entre la collectivité publique et la SGA était contestable eu égard à la jurisprudence. Or, l'une des questions juridiques principales qui devrait être tranchée par le TAPI avait trait aux conséquences du non-respect des prescriptions de l'art. 2 al. 7 de la loi fédérale sur le marché intérieur du 6 octobre 1995 (LMI - RS 943.02) sur un contrat de concession déjà conclu avec un tiers.

Les conditions de recevabilité d'un recours dirigé contre une décision incidente n'étaient pas remplies.

Par ailleurs, en application de l'art. 43 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), les juridictions n'avaient pas besoin d'entendre les parties avant d'ordonner un appel en cause. Enfin, les conditions de celui-ci, énoncées à l'art. 71 LPA, étaient remplies.

La Ville de Lancy partageait toutefois l'avis que la validité de la concession ne pouvait être remise en cause. Elle se basait sur la théorie dite des deux niveaux qu'elle développait. Le TAPI était en conséquence compétent pour déterminer si l'attribution à la SGA pouvait être effectuée sans appel d'offres mais n'était pas compétent pour trancher les litiges afférents aux contrats de droit public et en particulier aux concessions. Indépendamment d'un effet direct sur le contrat de concession en cours, l'admission de l'une ou l'autre des conclusions de Neo Advertising SA pourrait placer la Ville de Lancy dans une situation juridique qui devrait être opposable à la SGA sans qu'un nouveau procès ne doive être ouvert, sur les mêmes questions, ultérieurement, contre cette dernière.

10) Dans sa réplique, la SGA a persisté dans ses conclusions. La procédure principale ne portait pas sur la validité du contrat mais sur la validité de la décision d'adjudication. Le contrat de concession ne pouvait pas être remis en cause par le recours. Faire participer la SGA à une procédure qui s'annonçait longue et complexe était contraire au principe d'économie de procédure.

11) Sur ce, les parties ont été informées le 11 août 2020 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ -
E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b LPA).

2) Aux termes de l'art. 71 LPA, l'autorité peut ordonner, d'office ou sur requête, l'appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d'être affectée par l'issue de la procédure; la décision leur devient dans ce cas opposable (al. 1). L'appelé en cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties (al. 2).

3) a. Constitue une décision finale au sens de l'art. 90 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) et de l'art. 57 let. a LPA, celle qui met un point final à la procédure, qu'il s'agisse d'une décision sur le fond ou d'une décision qui clôt l'affaire en raison d'un motif tiré des règles de la procédure (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 256 n. 2.2.4.2) ; est en revanche une décision incidente (art. 4 al. 2 LPA) celle qui est prise pendant le cours de la procédure et ne représente qu'une étape vers la décision finale (ATA/613/2017 du 30 mai 2017 et les arrêts cités) ; elle peut avoir pour objet une question formelle ou matérielle, jugée préalablement à la décision finale (ATF 139 V 42 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_567/2016 et 2C_568/2016 du 10 août 2017 consid. 1.3).

b. En l'espèce, la décision entreprise ne met pas fin à la procédure et doit par conséquent être qualifiée d'incidente.

Contrairement à ce qu'allègue la recourante, la décision ne peut avoir un statut de décision incidente pour certaines parties et finale pour d'autres.

4) Sont susceptibles d'un recours les décisions incidentes, si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

5) L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATA/12/2018 précité consid. 4).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un préjudice est irréparable au sens de cette disposition lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 135 II 30 ; 134 II 137 ; 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas, en soi, un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/12/2018 précité consid. 4). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 II 629 consid. 2.3.1 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1 ; 127 I 92 consid. 1c ; 126 I 97 consid. 1b). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 s. ; 133 II 629 consid. 2.3.1).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57
let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/231/2017 du
22 février 2017 ; ATA/385/2016 du 3 mai 2016 ; ATA/64/2014 du 4 février 2014).

Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4).

6) a. En l'espèce, la recourante ne subit aucun dommage irréparable du fait de son appel en cause. Elle ne l'allègue d'ailleurs pas.

De surcroît, conformément à la jurisprudence précitée, la prolongation d'une procédure ou un accroissement des frais de celle-ci n'est pas considéré comme un dommage irréparable.

Enfin, son appel en cause n'empêche pas une décision finale qui lui serait entièrement favorable.

b. La deuxième hypothèse de l'art. 57 let. c LPA relative au principe de l'économie de procédure n'est pas remplie en l'espèce. En effet, les questions juridiques qui se posent doivent être tranchées par le TAPI sauf à priver les parties du double degré de juridiction.

c. Aucune des conditions de recevabilité de l'art. 57 let. c LPA n'est en conséquence réalisée.

Le recours sera déclaré irrecevable.

7) Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée à Neo Advertising SA qui y a conclu et a pris un mandataire (art. 87 al. 2 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure à la Ville de Lancy, dès lors qu'elle compte plus de dix mille habitants et est réputée disposer de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/167/2020 du 11 février 2020 consid. 5c et jurisprudence citée).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 29 juin 2020 par la Société Générale d'affichage SA contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 16 juin 2020 ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de la Société Générale d'affichage SA ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à Neo Advertising SA à la charge de la Société Générale d'affichage SA ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Membrez, avocat de la recourante, à Me Guy Braun, avocat de Neo Advertising SA, à Me Nicolas Wisard, avocat de la Ville de Lancy, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

 

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :