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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2838/2019

ATA/697/2020 du 04.08.2020 ( MARPU ) , ADMIS

Recours TF déposé le 09.09.2020, rendu le 25.02.2021, IRRECEVABLE, 2D_38/2020
Descripteurs : MARCHÉS PUBLICS;APPEL D'OFFRES(MARCHÉS PUBLICS);QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;CONCURRENCE;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : LPA.60; AIMP.1; RMP.16; RMP.17; RMP.19; RMP.24; RMP.42; RMP.43; Cst.29
Parties : ECOSERVICES SA / AEROPORT INTERNATIONAL DE GENEVE
Résumé : Appel d’offres cloisonnant le marché et favorisant l’entreprise en place. Admission du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2838/2019-MARPU ATA/697/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 août 2020

 

dans la cause

 

ÉCOSERVICES SA
représentée par Me Guillaume Étier, avocat

contre

AÉROPORT INTERNATIONAL DE GENÈVE
représenté par Me Bettina Fleischmann, avocate



EN FAIT

1) Écoservices SA (ci-après : Écoservices) est une société anonyme sise à Carouge, inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) du canton de Genève depuis le 13 août 1998. Elle a pour but statutaire l’exploitation d’un bureau de conseil en environnement et sécurité. Monsieur Éric DUBOULOZ en est l’administrateur, avec la fonction de président.

2) Bureau de travaux et d’études en environnement - BTEE SA (ci-après : BTEE) est une société anonyme sise à Sembrancher, inscrite au RC du Bas-Valais depuis le 7 mai 2008 à la suite d’une modification de son siège social. Ses buts statutaires sont multiples, deux d’entre eux étant l’exploitation d’un bureau conseil en écologie appliquée, en ingénierie de l’environnement, en agriculture et en aménagement du territoire, en management environnemental et en développement durable, ainsi que l’exploitation d’un bureau de conseil en sécurité, sûreté, santé, environnement et gestion de crise dans les domaines aéroportuaires, l’exploitation d’unité ou de service de prévention du péril animalier pour les aéroports. Monsieur Stéphane PILLET en est l’administrateur unique, le président et le directeur général.

BTEE assure la protection contre le péril animalier (ci-après : PPA) pour l’Aéroport international de Genève (ci-après : AIG) depuis environ vingt-cinq ans, le dernier mandat de cinq ans lui ayant été attribué en 2013 à la suite d’un appel d’offres.

Selon l’organigramme de BTEE, Monsieur Xavier WOHLSCHLAG y exerce la fonction de conseiller aux affaires aéroportuaires. Jusqu’à sa retraite intervenue dans le courant de l’année 2017, celui-ci était employé par l’AIG en qualité de directeur d’exploitation, l’unité de la PPA lui étant alors rattachée.

3) Le 15 janvier 2019, l’AIG a fait paraître sur le site Internet www.simap.ch (ci-après : simap) un appel d’offres en procédure ouverte relatif au marché de services « Prévention du péril animalier et relevé botanique ». Une visite du site, obligatoire pour soumissionner, était organisée le 23 janvier 2019.

Selon les conditions administratives de l’appel d’offres (ci-après : les conditions administratives), les conditions d’aptitude exigeaient du soumissionnaire notamment de fournir une référence d’une expérience similaire au marché, à savoir, cumulativement, dans un aéroport dont la mixité du trafic était similaire à l’AIG, dans un environnement similaire (faune et flore), durant au moins vingt-quatre mois et ancienne de cinq ans au plus (ch. 2.3.1). L’association de bureaux ou d’entreprises n’était pas permise (ch. 2.3.2). Quant à la sous-traitance, elle n’était admise que pour les prestations d’entretien des armes et d’expert scientifique (ch. 2.3.3). Les critères d’adjudication (ch. 5.1) étaient le prix (35 %), la qualité technique de l’offre (50 % ; composé des sous-critères « méthodologie de gestion du risque animalier » [30 %], « référence de mise en application » [10 %] et « organisation pour l’exécution du cahier des charges » [10 %]), les personnes-clés (10 % ; comprenant les sous-critères « chef d’unité » [5 %] et « expert scientifique » [5 %]), ainsi que la formation (5 %).

4) Le 25 janvier 2019, Écoservices a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cet appel d’offres, concluant à son annulation.

5) Le 5 février 2019, l’AIG a interrompu la procédure d’appel d’offres en vue de reformuler les documents d’appel d’offres.

6) Le 26 février 2019, la chambre administrative a rayé la cause du rôle, le recours étant devenu sans objet.

7) Le 25 juillet 2019, l’AIG a fait paraître sur simap un nouvel appel d’offres en procédure ouverte, soumis aux accords internationaux, relatif au marché de services « PPA et suivi environnemental » (ci-après : le marché), dont la durée était fixée à cinq ans, soit du 1er décembre 2019 au 1er décembre 2024, renouvelable deux fois, à chaque fois pour douze mois. Le marché n’était pas divisé en lots et la sous-traitance ainsi que la communauté des soumissionnaires étaient admises. Les critères d’adjudication étaient le prix (30 %), la qualité technique de l’offre (40 %), les personnes-clés (10 %) et les références (20 %). Le délai pour poser des questions écrites était fixé au 14 août 2019 et celui pour la remise des offres au 11 septembre 2019, à 11h00. Une séance de visite du site, conseillée, était organisée le 6 août 2019, au vu de la particularité du marché.

8) Les documents d’appel d’offres étaient les suivants :

a. Les conditions administratives disposaient que le soumissionnaire devait, sous peine d’exclusion, exercer une activité en rapport avec celle dont relevait l’appel d’offres (ch. 2.3.1). L’association de soumissionnaires n’était pas admise (ch. 2.3.2) et la sous-traitance l’était, sauf pour les prestations d’effarouchement de la faune, de capture d’animaux blessés, d’intervention pour les nids de guêpes, de saisie d’animaux à l’embarquement et aux douanes, de tir des corneilles et des pigeons et leur campagne de capture, de conseil scientifique sur les mesures de prévention passive applicable dans l’enceinte aéroportuaire et ses alentours, de conseil scientifique sur les campagnes de fauches des prairies, des contacts avec les services techniques, de formation sur les aspects de la prévention active, d’encadrement et de gestion des ressources de l’unité PPA et de participation à certains groupes et séances (ch. 2.3.3).

Les critères d’adjudication (ch. 5.1) étaient le prix (30 %), la qualité technique de l’offre (40 % ; composé des sous-critères « C1 - méthodologie de gestion du risque animalier » [20 % et éliminatoire], « C2 - mise en application de la gestion du risque animalier » [10 %] et « C3 - mise en application du suivi environnemental » [10 %]), les personnes-clés (10 % ; composé des sous-critères « D1 - chef d’unité PPA » [5 %] et « D2 - expert scientifique PPA » [5 %]) et les références (20 % ; composé du sous-critère « E1 - référence dans le domaine de la PPA » [15 % et éliminatoire] et « E2 - référence dans le domaine de la gestion de l’environnement » [5 %]). Les offres qui n’obtenaient pas au moins la note 3 pour l’un des critères éliminatoires étaient écartées.

Selon les annexes à la grille multicritères, pour le sous-critère éliminatoire « C1 », le soumissionnaire devait décrire la méthodologie complète qu’il mettait en application pour la gestion de la PPA figurant dans le cahier des charges, notamment le processus permettant d’identifier les causes des risques animaliers, une méthodologie d’évaluation des risques et les moyens pour les maîtriser. Pour le sous-critère « D1 », la personne indiquée devait faire partie intégrante de l’entreprise au moment du dépôt de l’offre, sous peine de se voir attribuer la note 0. Pour le sous-critère « E1 », le soumissionnaire devait apporter la preuve que la référence indiquée concernait la gestion de la PPA sur un site aéroportuaire d’au moins 30'000 mouvements annuels, sous peine de se voir attribuer la note 0 et d’être exclu de la procédure.

b. Le cahier des charges indiquait que l’unité PPA avait notamment la responsabilité de développer, mettre en œuvre et tenir à jour un « plan de gestion du risque animalier » (ci-après : le plan de gestion PPA), d’effectuer et tenir à jour une analyse faunistique et floristique de l’enceinte aéroportuaire et ses alentours directs afin d’identifier les risques animaliers, développer et mettre en œuvre la prévention passive dans le but de rendre le milieu aéroportuaire le moins attractif possible pour la faune, mettre en œuvre la prévention active dans le but de réduire le risque animalier à un niveau acceptable en termes de sécurité, effectuer le relevé statistique des espèces en présence et du nombre d’individus, ainsi que des modifications de l’environnement aéroportuaire et des collisions animalières, analyser et traiter scientifiquement les informations recueillies dans le but de garantir la meilleure information possible sur le risque de péril animalier ainsi que collaborer étroitement avec tous les départements et services de l’AIG et ses partenaires (ch. 3.1).

c. Le modèle de contrat qui devait être conclu avec l’adjudicataire prévoyait notamment que le mandataire s’engageait à reprendre, aux mêmes conditions, le personnel de l’ancien prestataire qui, au moment de l’adjudication, continuait d’exercer les prestations y relatives (art. 10 ch. 1).

d. Le rapport établi le 7 janvier 2013 par BTEE concernant la biodiversité végétale des prairies de l’AIG dressait l’inventaire botanique sur le site en 2012.

9) Par acte déposé le 5 août 2019, Écoservices a recouru auprès de la chambre administrative contre cet appel d’offres, concluant préalablement à l’octroi de l’effet suspensif au recours et à la prise de diverses mesures d’instruction et, principalement, à son annulation.

Dès lors qu’elle entendait soumissionner et qu’elle disposait de toutes les qualités requises pour ce faire, elle avait qualité pour recourir contre l’appel d’offres, qui, sous l’apparence de la neutralité, était totalement fermé, la seule entreprise en mesure de se voir attribuer le marché étant BTEE déjà en charge du mandat depuis plus de deux décennies. Ce marché avait été attribué à une époque où M. WOHLSCHLAG travaillait à l’AIG, l’intéressé entretenant au surplus des liens d’amitié avec M. PILLET, dont l’enfant était son filleul, et travaillant actuellement pour BTEE.

L’appel d’offres portait atteinte aux principes de libre concurrence, d’égalité de traitement et de transparence, puisque seule BTEE était en mesure d’en remplir toutes les conditions en se prévalant de l’expérience et des références nécessaires et éliminatoires dans le domaine de la PPA en zone aéroportuaire, de telles prestations étant, le plus souvent, internalisées dans d’autres aéroports. Ces exigences la limitaient dès lors dans sa possibilité de déposer une offre, voire de se voir adjuger le marché, ce d’autant que le marché n’était pas divisé en lots, malgré l’absence de lien intrinsèque entre les différentes tâches et que le recours à un consortium d’entreprises ou à la sous-traitance n’était pas autorisé pour toutes les tâches relevant de la PPA, ce qui aurait pourtant permis la présentation d’une offre entrant en concurrence avec celle devant être déposée par BTEE.

Elle requérait également la production des documents indispensables à la formulation d’une offre, soit les plans de gestion PPA et de formation des agents PPA, la liste des armes utilisées et des moyens de lutte mis à disposition, dès lors que seule BTEE avait connaissance du site, des personnes et des modes opératoires, ce qui lui donnait un avantage sur ses concurrents.

10) Le 6 août 2019, Écoservices et BTEE ont participé à la visite du site.

11) Le 22 août 2019, l’AIG a fait publier sur simap les réponses aux questions des soumissionnaires, leur indiquant que le plan de gestion PPA ne pouvait leur être remis, étant donné qu’il servirait à l’évaluation des offres. Il leur fournissait toutefois une liste non exhaustive des équipements représentant la majorité des armes utilisées sur le site pour les prestations de la PPA. S’agissant de l’art. 10 ch. 1 du modèle de contrat, celui-ci visait à éviter que des travailleurs, actuellement au nombre de 1,9 emplois plein temps pour une charge salariale annuelle de CHF 160'000.-, se retrouvent sans emploi à la suite du changement de l’entreprise prestataire, mais il ne garantissait pas que le personnel en poste passe à son service, puisque les collaborateurs concernés restaient libres quant à leur choix, étant précisé que ladite clause pouvait être remaniée pour garantir une interprétation et une mise en œuvre conforme à une telle interprétation.

12) Le 23 août 2019, l’AIG a conclu au rejet du recours et de la demande d’effet suspensif.

Aucun motif de récusation n’était réalisé, dès lors que M. WOHLSCHLAG avait pris sa retraite en 2017, à la suite de quoi le département en charge de la PPA avait été réorganisé, l’appel d’offres ayant été élaboré par une équipe multidisciplinaire afin de s’assurer de sa totale indépendance à l’égard de BTEE. Pour ce motif, Monsieur Thomas ROMING, qui n’était depuis le 1er janvier 2019 plus en charge de la problématique de la PPA, n’avait pas été impliqué dans ce processus, vu les liens opérationnels qu’il avait pu entretenir avec les responsables et le personnel de BTEE. À cela s’ajoutait que l’un des rédacteurs de l’appel d’offres n’avait pas été nommé à la tête du département aviation par M. WOHLSCHLAG, mais par son successeur. Les allégations non étayées au sujet d’une prétendue connivence entre MM. PILLET et WOHLSCHLAG étaient dénuées de tout fondement, le fait que ce dernier ait choisi d’occuper sa retraite en participant aux activités de BTEE relevant de sa sphère privée.

Les mesures de gestion environnementale étaient étroitement liées, dans le périmètre aéroportuaire, aux mesures relevant de la PPA, de sorte qu’il se justifiait de confier leur mise en œuvre aux mêmes personnes pour des raisons d’efficacité et d’efficience, ainsi que pour garantir une coordination étroite dans toutes les missions énoncées par le cahier des charges et garantir la sécurité du trafic aérien. Il n’y avait donc pas lieu de scinder le marché en différents lots, pas plus qu’il n’y avait lieu d’autoriser la sous-traitance et les consortiums d’entreprises, générateurs de risques, que la liste des prestations exclues permettait de minimiser en exigeant du prestataire PPA qu’il maîtrise toute la chaîne des opérations, de la conception scientifique à la mise en œuvre sur le terrain, tout en étant à même d’interagir avec les autres acteurs des différentes facettes de sécurité des opération aériennes. Par ailleurs, une éventuelle complexification des relations entre les acteurs en charge de la PPA pouvait avoir un impact sur la certification de l’aéroport.

Les conditions d’aptitude n’étaient pas limitées au seul opérateur en place, puisque d’autres entreprises, en particulier européennes, étaient également spécialisées dans le domaine de la PPA. Le marché n’était ainsi pas réservé à BTEE, ce d’autant que les conditions administratives avaient été reformulées plus largement pour laisser la possibilité aux autres entreprises, dont le champ d’activité ne correspondait pas exactement au cahier des charges de la PPA, de soumettre une offre recevable.

Les critères d’adjudication étaient définis et pondérés autour des enjeux objectifs du marché, qui portait sur le domaine de la PPA. Les sous-critères relatifs au caractère technique de l’offre n’exigeaient pas de juger l’expérience pratique acquise dans le cadre de mandats correspondants ou similaires, mais exprimaient l’importance accordée à ce que l’adjudicataire soit à même de justifier d’une maîtrise complète des concepts et de l’ensemble de la chaîne des opérations de mise en œuvre dans le domaine de la PPA. Le critère des références était également composé de deux sous-critères, dont l’un était éliminatoire, mais qui n’était pondéré qu’à 15 %, ce qui constituait un minimum au regard de l’importance du domaine. Quant à l’autre sous-critère, il permettait de valoriser les compétences de gestion environnementale non strictement liées aux expériences de la PPA.

Il ne se justifiait pas de produire les plans de gestion PPA et de formation des agents PPA, dès lors qu’il n’était pas exigé de l’adjudicataire un simple rôle d’exécutant d’un concept existant, mais attendu de sa part qu’il renouvelle, enrichisse voire modifie le concept de prévention du périmètre animalier. En outre, l’appel d’offres devait permettre de s’assurer que l’adjudicataire bénéficie d’une maîtrise complète du sujet au point de produire lui-même un plan de gestion, au moins en décrivant le concept et les modalités de sa mise en œuvre. Il en allait de même du plan de formation des agents PPA.

13) Par décision du 10 septembre 2019, la présidence de la chambre administrative a octroyé l’effet suspensif au recours et réservé le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

14) Le 14 février 2020, le juge délégué a convoqué les parties à une audience de comparution personnelle et d’enquêtes, qui a eu lieu le 4 mars 2020.

a. Madame Valérie BANY, membre de la direction d’Écoservices, avait travaillé pour l’AIG de septembre 2015 à fin mars 2016 en qualité de spécialiste sécurité incendie et avait, dans ce cadre, observé le travail des agents en charge de la PPA, majoritairement dédié à l’effarouchement des oiseaux. Cette tâche consistait à circuler, au moyen d’un véhicule équipé, sur le tarmac ou en bordure de piste et de provoquer un bruit, soit actionné par des haut-parleurs, soit provoqué manuellement, à la vue d’oiseaux. Il ne s’agissait pas d’une mission particulièrement complexe, laquelle ne nécessitait pas non plus une connaissance étendue des oiseaux, dès lors qu’il s’agissait toujours des mêmes espèces. Les collaborateurs en charge de la PPA n’utilisaient en outre pas des oiseaux de proie pour l’effarouchement. D’autres activités y étaient liées, comme le contrôle des clôtures ou la fauche des prairies, déléguées à des tiers. Au vu de ses observations, elle considérait qu’Écoservices serait en mesure de reprendre l’ensemble de ces tâches. S’agissant de l’appel d’offres de janvier 2019, le nom de M. ROMING était revenu à plusieurs reprises, étant précisé que ce dernier était notoirement proche de M. WOHLSCHLAG qui l’avait mis en poste à la fonction qu’il occupait en décembre 2018. Les contacts dont elle disposait au sein de l’AIG lui avaient en outre fait part de « copinages » au sein de l’entreprise.

b. M. DUBOULOZ a expliqué qu’Écoservices travaillait pour l’AIG depuis 1999 dans différents services, ce qui lui avait permis de constater l’extension des tâches attribuées à BTEE au fil du temps, laquelle s’occupait initialement de la seule PPA, puis s’était vu attribuer des activités liées à la sécurité en matière d’incendie ou de chantiers. Lors des deux visites du site en lien avec les deux appels d’offres, seules étaient présentes BTEE et sa société, laquelle, si le marché lui était adjugé, reprendrait l’équipe de terrain en place. Par ailleurs, même si Écoservices n’avait aucun mandat en cours ni passé pour l’effarouchement des oiseaux, elle était néanmoins en mesure de mener à bien cette activité. Pour assurer une concurrence efficace, le plan de gestion PPA, qui contenait notamment le type d’oiseaux présents sur le site, les périodes durant lesquelles ils s’y trouvaient ainsi que les endroits principaux de nichage dans la région, devait être mis à la disposition de tous les soumissionnaires.

c. Les représentants de l’AIG ont expliqué avoir recouru à une procédure ouverte pour permettre à d’autres entreprises que BTEE de soumissionner, le marché ayant, dans ce but, été restreint aux activités de la PPA. L’appel d’offres ne prévoyait pas une reprise de l’équipe en place en tant que telle, seuls pouvant être repris les membres de celle-ci qui se trouveraient au chômage à la suite du changement d’adjudicataire. Il n’existait aucun lien entre le départ à la retraite de M. WOHLSCHLAG et l’appel d’offres, qui avait été préparé par une équipe pluridisciplinaire. Le plan de gestion PPA n’avait pas à être divulgué, dès lors qu’il devait servir à l’évaluation des offres et à tester la méthodologie. Les données brutes seraient néanmoins communiquées, comme le nombre d’oiseaux ou l’emplacement des sites de nichage.

15) Dans ses observations du 3 avril 2020, Écoservices a persisté dans les conclusions et termes de son recours.

C’était à tort que le marché était qualifié d’ouvert, puisqu’il était destiné à être attribué à BTEE exclusivement, les critères d’appel d’offres étant fermés au point qu’aucune autre société ne pouvait se le voir attribuer. Par ailleurs, le deuxième appel d’offres n’avait été modifié que sur des points de détail par rapport au premier, rédigé par M. ROMING, lequel avait été mis en place par M. WOHLSCHLAG. Tout laissait penser que ce dernier avait influencé l’ensemble du processus, de manière à s’assurer que BTEE conserve le marché. Le refus de la communication du plan de gestion PPA faussait également la concurrence, puisque les soumissionnaires seraient jugés sur leur méthodologie de gestion du risque animalier, soit un critère éliminatoire. Sans ce document et sans disposer de données en matière de faune et de flore, les offres ne pouvaient être rédigées ni comparées, hormis pour BTEE, qui en était l’auteur.

Même si elle ne disposait pas d’expérience en matière d’effarouchement, le recours à un consortium ou à la sous-traitance lui permettrait néanmoins de présenter une offre répondant en tous points au cahier des charges, ce que l’AIG ne désirait pas, en empêchant tout consortium et sous-traitance dans le domaine de la PPA.

Le critère de la référence, éliminatoire, avait un contenu similaire au critère de l’aptitude figurant dans le premier appel d’offres et, même si d’autres sociétés européennes pouvaient prétendre à une expérience en la matière, l’ensemble de l’environnement (aéronautique, faunistique et floristique) était particulier à Genève, de sorte que BTEE était également, de ce point de vue, favorisée.

16) Le 7 mai 2020, l’AIG a également persisté dans les conclusions et termes de ses précédentes écritures.

Les liens amicaux tissés entre MM. WOHLSCHLAG et PILLET n’avaient eu aucune incidence sur la rédaction de l’appel d’offres, lancé bien après le départ à la retraite du premier nommé.

La délimitation du marché était licite et conforme à sa marge d’appréciation, les enquêtes ayant confirmé qu’Écoservices cherchait à faire découper celui-ci sur mesure, sans considération de la logique intrinsèque aux tâches concernées ni des compétences objectivement requises. Il n’y avait ainsi pas lieu de morceler le marché en différents lots, ce qui évitait la multiplication des structures et des interlocuteurs, éléments générateurs de risques qui pouvaient mettre en péril la sécurité du trafic aérien.

17) Le 5 juin 2020, Écoservices a répliqué, persistant dans les conclusions et termes de son recours.

18) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 15 al. 1, al. 1bis let. a et al. 2 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’AIMP du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. a et art. 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01).

Selon la jurisprudence, les documents de l’appel d’offres qui contiennent les conditions fixées par l’adjudicateur font partie intégrante de l’appel d’offres, de sorte que les éventuels vices les affectant doivent être contestés, sous peine de forclusion, à ce stade déjà de la procédure, dans le délai de dix jours dès leur remise, à l’instar de ce qui est prévu pour recourir contre l’appel d’offres lui-même (ATF 130 I 241 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_841/2016 du 25 août 2017 consid. 1.2.2 ; ATA/1814/2019 du 17 décembre 2019 consid. 1).

2) a. La qualité pour recourir en matière de marchés publics se définit en fonction des critères de l’art. 60 al. 1 let. a et b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), applicable sur renvoi de l’art. 3 al. 4 L-AIMP. Elle appartient aux parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée, chacune de celles-ci devant néanmoins être touchées directement par la décision et avoir un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée. Tel est le cas de celle à laquelle la décision attaquée apporte des inconvénients qui pourraient être évités grâce au succès du recours, qu’il s’agisse d’intérêts juridiques ou de simples intérêts de fait (ATA/448/2020 du 7 mai 2020 consid. 3a et les références citées).

Un soumissionnaire potentiel n’a qualité pour recourir que s’il aurait été en mesure de fournir une offre en rapport avec l’objet du marché. Il appartient donc à l’autorité judiciaire d’examiner, pour déterminer sa qualité pour recourir, si la restriction posée à l’objet du marché l’empêchant de soumissionner est ou non admissible (ATF 137 II 313 consid. 3.3, 3.4 et 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_841/2016 précité consid. 4.2). La spécification licite de l’objet du marché devient un point dit doublement pertinent : elle doit être examinée dans le cadre du jugement au fond du litige, mais en même temps elle est importante à titre préjudiciel, pour déterminer qui possède vraiment la qualité pour recourir en fonction du produit ou du service qu’il offre (ATA/1814/2019 précité consid. 2 et les références citées).

b. En l’espèce, la recourante, active selon son but statutaire dans le domaine de l’exploitation d’un bureau de conseil en environnement et sécurité, a exposé ne pas disposer d’expérience dans le domaine de la PPA au sens strict, en particulier en matière d’effarouchement d’oiseaux sur un site aéroportuaire, comme l’exigent pourtant les documents d’appel d’offres, objet du présent litige. Elle considère toutefois que ceux-ci ne seraient pas admissibles s’agissant des critères d’adjudication, qui ne pourraient être remplis que par la société actuellement au bénéfice du marché, lequel devrait en outre être divisé en lots ou, à défaut, permettre la sous-traitance ou la communauté d’entreprises, sous peine de cloisonner le marché et de l’empêcher de soumissionner, alors qu’elle en remplirait toutes les autres conditions. La question de la qualité pour recourir d’Écoservices se confond dès lors avec l’examen au fond du litige, lié à la validité de l’appel d’offres. En effet, s’il est admis que ce dernier a été formulé de manière trop restrictive, empêchant ainsi la recourante d’y participer, alors la qualité pour agir pourra lui être reconnue (ATA/633/2016 du 26 juillet 2016 consid. 6).

3) a. L'AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics des cantons, des communes et des autres organes assumant des tâches cantonales ou communales. (art. 1 al. 1 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a, b et d AIMP).

b. Ces principes sont concrétisés aux art. 16 ss RMP. Ainsi, toute discrimination des candidats ou des soumissionnaires est interdite, en particulier par la fixation de délais ou de spécifications techniques non conformes à l’art. 28 RMP, par l’imposition abusive de produits à utiliser ou le choix de critères étrangers à la soumission (art. 16 al. 1 RMP). Le principe de l’égalité de traitement doit être garanti à tous les candidats et soumissionnaires et dans toutes les phases de la procédure (art. 16 al. 2 RMP). La libre concurrence doit être garantie pour l’obtention des fournitures et des prestations de construction et de services (art. 17 al. 1 RMP). Les personnes appelées à préparer ou à rendre une décision en matière de marchés publics doivent se récuser aux conditions de l’art. 15 LPA (art. 19 RMP).

La garantie d’une concurrence efficace doit en particulier permettre aux soumissionnaires de formuler des offres attractives et implique l’ouverture du marché au plus large cercle d’offrants. Bien que l’autorité adjudicatrice dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans la formulation de son offre, elle est limitée à l’interdiction de la formuler d’une manière qui conduise à une discrimination entre les concurrents potentiels. Pour respecter ce principe, un appel d’offres doit être rédigé autant que possible de manière neutre et la description de la prestation à fournir ne doit pas être rédigée d’une façon qui exclut la majorité des soumissionnaires de la concurrence (ATA/633/2016 précité consid. 5 et les références citées).

c. L’autorité adjudicatrice définit, de manière formelle et transparente, les limites du marché qu’elle entend adjuger en utilisant des critères ou indices tels que le périmètre, la durée, la portée transversale de l’adjudication ou les motifs organisationnels qui justifient son choix (art. 7A al. 1 RMP). Elle ne peut toutefois diviser le marché pour contourner les valeurs-seuils (art. 7A al. 2 RMP).

d. L’autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché ; elle doit les énoncer clairement et par ordre d’importance au moment de l’appel d’offres (art. 24 RMP).

Les critères d’adjudication (ou d’attribution) se rapportent directement à la prestation elle-même et indiquent au soumissionnaire comment l’offre économiquement la plus avantageuse sera évaluée et choisie. Ils doivent être distingués des critères d’aptitude (ou de qualification) qui visent à évaluer les capacités financières, économiques, techniques et organisationnelles des candidats ; bien qu’ils concernent la personne même du soumissionnaire, les critères d’aptitude doivent toutefois également être directement et concrètement en rapport avec la prestation à accomplir, en ce sens qu’ils doivent porter sur des qualifications nécessaires pour mener à bien cette prestation. (ATF 129 I 313 consid. 8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_91/2013 du 23 juillet 2013 consid. 2.2.1). La non-réalisation d’un critère d’adjudication n’est pas éliminatoire, mais peut être compensée par la pondération avec d’autres critères d’adjudication (ATF 140 I 285 consid. 5 ; 139 II 489 consid. 2.2.1 et 2.2.4 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 6).

En vertu de l’art. 43 RMP, l’évaluation des offres dans les procédures visées aux art. 12 à 14 RMP est faite selon les critères prédéfinis conformément à l’art. 24 RMP et énumérés dans l’avis d’appel d’offres et/ou les documents d’appel d’offres (al. 1) ; le résultat de l’évaluation des offres fait l’objet d’un tableau comparatif (al. 2) ; le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l’offre économiquement la plus avantageuse, c’est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix ; outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l’adéquation aux besoins, le service après-vente, l’esthétique, l’organisation, le respect de l’environnement (al. 3) ; l’adjudication de biens largement standardisés peut intervenir selon le critère du prix le plus bas (al. 4).

e. L’art. 42 RMP règle l’exclusion de la procédure. L’offre est ainsi écartée d’office notamment lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non-conforme aux exigences ou au cahier des charges (art. 42 al. 1 let. a RMP). Les offres écartées ne sont pas évaluées (art. 42 al. 3 RMP).

f. La jurisprudence reconnaît une grande liberté d’appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6), de sorte que l’appréciation de la chambre administrative ne peut se substituer à celle de ce dernier, seul l’abus ou l’excès de pouvoir d’appréciation devant être sanctionné (ATF 141 II 353 consid. 3 ;
130 I 241 consid. 6.1). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d’appréciation (ATA/211/2020 du 25 février 2020 consid. 5b).

4) La garantie d’indépendance et d’impartialité découlant de l’art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) s’applique lors de la passation de marchés publics (art. 11 let. d AIMP ; art. 19 RMP ; art. 15 al. 1 LPA). Les membres d’une autorité administrative doivent se retirer et sont récusables par les parties s’ils ont un intérêt personnel dans l’affaire, sont parent ou allié d’une partie en ligne directe ou jusqu’au troisième degré inclusivement en ligne collatérale ou s’ils sont unis par mariage, fiançailles, par partenariat enregistré, ou mènent de fait une vie de couple, représentent une partie ou ont agi pour une partie dans la même affaire ou s’il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité (art. 15 al. 1 LPA).

Appliquée en matière de marchés publics, l’obligation de se récuser concerne non seulement celui qui rend lui-même la décision ou qui y prend part, mais aussi toutes les personnes qui contribuent à l’élaborer (ATA/899/2016 du 25 octobre 2016 consid. 7c). Des liens économiques étroits, tels que des relations de travail ou d’autres rapports commerciaux, ou encore une relation de concurrence, peuvent donner l’apparence de la prévention s’ils sont constatés objectivement et présentent une certaine intensité. Plus ces relations ou liens sont étroits et actuels, plus ils sont susceptibles de constituer un motif de récusation. Lorsqu’un ancien employeur est concerné par la procédure, la question de savoir si l’apparence de la prévention est donnée dépend de la durée des rapports de travail, du laps de temps écoulé depuis la résiliation de ceux-ci, ainsi que de la position occupée par l’ancien employé (arrêt du Tribunal administratif fédéral B-4958/2013 du 30 avril 2014 consid. 5.4.2).

5) a. En l’espèce, à la suite d’un premier appel d’offres « PPA et relevé botanique », interrompu par décision du 5 février 2019, l’intimé a fait paraître, le 25 juillet 2019, un nouvel appel d’offres « PPA et suivi environnemental », non subdivisé en lots et pour lequel la sous-traitance et la communauté des soumissionnaires était admise, hormis pour les domaines énumérés dans les conditions administratives, notamment s’agissant de l’effarouchement de la faune, de la capture d’animaux, du tir d’oiseaux et du conseil scientifique.

b. La recourante conteste en premier lieu l’absence de subdivision en lots du marché, considérant que le domaine relatif à la PPA dite « active » devait être séparé de la PPA dite « passive » ainsi que du « suivi environnemental ». Il ressort toutefois du cahier des charges de l’appel d’offres ainsi que des explications fournies par l’intimé que ces trois aspects sont étroitement liés et ont trait à la PPA au sens large, de sorte que leur subdivision en lots séparés aurait pour conséquence de morceler le marché de manière artificielle. Il n’apparaît ainsi pas que l’autorité adjudicatrice ait excédé ou abusé de sa liberté d’appréciation en ne subdivisant pas le marché en lots distincts, comme le soutient la recourante, de sorte que ce grief sera écarté.

c. La recourante estime que le fait de ne pas admettre la sous-traitance et la communauté des soumissionnaires dans le domaine de la PPA serait de nature à favoriser la société en place, seule en mesure de remporter le marché étant donné qu’elle remplirait exclusivement l’ensemble des critères d’adjudication, grief qui pose la question de l’admissibilité de ces derniers, tels que figurant dans les conditions administratives et précisés par les annexes de la grille multicritères.

Selon ces documents, parmi les critères d’adjudication, les deux sous-critères « C1 » et « E1 » sont éliminatoires pour les offres n’obtenant pas au moins la note 3, ce qui conduit à écarter les offres y relatives de la procédure. Malgré la marge de manœuvre dont dispose l’autorité adjudicatrice, un tel procédé apparaît problématique, dans le sens où il revient à faire de ces critères d’adjudication des critères d’aptitude permettant l’exclusion de la procédure, sans possibilité de compensation par pondération avec d’autres critères d’adjudication et n’apparaît déjà pas neutre sous l’angle du respect de la libre concurrence et de l’égalité de traitement entre soumissionnaires.

Ainsi, dans ce cadre, le critère « références », bien qu’il puisse de manière admissible être utilisé comme un critère d’adjudication et faire l’objet d’une notation (ATA/1413/2019 du 24 septembre 2019 consid. 5a), prévoit, dans sa composante « E1 - référence dans le domaine de la PPA », que le soumissionnaire apporte la preuve d’une gestion de la PPA sur un site aéroportuaire d’au moins 30'000 mouvements annuels selon les annexes à la grille multicritères. Comme l’a relevé la recourante, cette exigence, couplée à celle d’une activité en rapport avec l’appel d’offres (ch. 2.3.1 des conditions administratives), revient à cloisonner le marché, de manière à ne permettre qu’à la société en place de remplir les conditions requises, étant donné les spécificités du domaine et de l’internalisation de ce service dans d’autres aéroports, en particulier en Suisse. L’allégation de l’intimé, selon laquelle d’autres sociétés, notamment étrangères, seraient également actives dans ce domaine et pourraient ainsi soumissionner, doit être relativisée, en l’absence d’un environnement aéronautique, faunistique et floristique similaires à celui faisant l’objet du marché en cause. À cela s’ajoute que, comme l’a relevé le représentant de la recourante devant la chambre de céans, sans être contredit par l’intimé, lors du premier appel d’offres, pour lequel une visite du site était obligatoire, ainsi que pour le deuxième, seules étaient présentes BTEE et la recourante, ce qui montre également la spécificité du marché en cause.

Le sous-critère « C1 – méthodologie de gestion du risque animalier », également éliminatoire, du critère principal de la qualité technique de l’offre, pose les mêmes problèmes, ce d’autant plus en l’absence de production, par l’intimé, du plan de gestion PPA, contenant les données nécessaires pour répondre à ce critère et dont seule BTEE aurait alors connaissance, dès lors qu’elle en est l’auteur. Le refus de l’intimé apparaît d’autant plus incompréhensible qu’elle a annexé aux documents d’appel d’offres un autre rapport, également établi par BTEE, concernant la biodiversité des prairies, qui fait l’objet du sous-critère « C3 – mise en application du suivi environnemental », de sorte que la seule communication, comme l’a indiqué l’intimé devant la chambre de céans, des espèces d’oiseaux présents sur le site et leurs lieux de nichage n’apparaît pas suffisante. Contrairement à ce que soutient encore l’intimé, la production de ce document ne présage pas de la qualité de l’offre présentée et n’empêche pas les soumissionnaires de s’écarter de ce plan, en proposant une solution différente, voire innovante, mais leur permet, de manière égale, d’avoir connaissance de tous les éléments pertinents en vue de pouvoir présenter une offre répondant aux exigences de l’appel d’offres, dans les mêmes conditions. Il en va de même du plan de formation, également établi par BTEE, et qui lui donne aussi un avantage certain sur ses concurrents, aspect sur lequel la sous-traitance n’est d’ailleurs pas admise selon le ch. 2.3.3 des conditions administratives.

S’agissant du critère d’adjudication des personnes-clés, les documents d’appel d’offres sont contradictoires, puisque tout en n’admettant pas la sous-traitance en matière de conseil scientifique, le sous-critère « D1 » exige que seul le chef d’unité PPA fasse partie de l’entreprise, sous peine de se voir attribuer la note 0, à l’exclusion de l’expert scientifique PPA, pour lequel une telle exigence n’est pas requise.

L’ensemble de ces éléments, liés à une absence de possibilité de recours à une communauté de soumissionnaires ou à la sous-traitance pour les points mentionnés dans les conditions administratives – alors même que l’appel d’offres publié sur simap ne contient aucune restriction de ce type – ont pour effet de cloisonner le marché, de manière à ne permettre qu’à un nombre restreint d’entreprises, voire à une seule, à savoir celle en place, de soumissionner, ce qui porte atteinte aux principes de la libre concurrence et d’égalité entre soumissionnaires. L’on peine d’ailleurs à comprendre l’exclusion de la sous-traitance pour les domaines mentionnés par le ch. 2.3.2 des conditions administratives, sauf à réserver le marché à BTEE, les explications fournies par l’intimé en lien avec une multiplication des interlocuteurs ou une absence de maîtrise des concepts et de la chaîne des opérations étant infondées, en présence d’activités en matière de PPA qui, pour la plupart, s’apparentent à des tâches d’exécution pouvant être déléguées voire effectuées par le personnel repris par l’adjudicataire, conformément au modèle de contrat figurant dans les documents d’appel d’offres. Dans ce cadre, l’intimé ne saurait prétendre à une interprétation restrictive de l’art. 10 ch. 1 de ce contrat, ce qui ne ressort pas de son texte, comme elle l’a d’ailleurs admis dans la réponse aux questions des soumissionnaires.

Une telle conclusion s’impose d’autant plus au regard des liens personnels entre l’ancien directeur des opérations à laquelle était subordonnée l’unité de la PPA et BTEE, au sein de laquelle il est désormais actif. Même si, comme le prétend l’intimé, M. WOHLSCHLAG a quitté ses fonctions en cours d’année 2017, un certain nombre de ses subordonnés y sont toujours employés et l'on ne peut exclure, au regard des circonstances, une influence, ne serait-ce qu’indirecte, de ceux-ci, l’appel d’offres du 25 juillet 2019 tel qu’il a été rédigé créant une apparence de partialité non admissible.

L’appel d’offres étant formulé de manière trop restrictive, empêchant la recourante d’y participer, celle-ci dispose dès lors de la qualité pour recourir. Sur le fond, conformément à ce qui précède, le recours doit ainsi être admis et l’appel d’offres du 25 juillet 2019 annulé.

6) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la recourante, à la charge de l’intimé (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 août 2019 par Écoservices SA contre l’appel d’offres de l’Aéroport international de Genève du 25 juillet 2019 portant sur le marché « PPA et suivi environnemental » ;

au fond :

l’admet ;

annule l’appel d’offres de l’Aéroport international de Genève du 25 juillet 2019 portant sur le marché « PPA et suivi environnemental » ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Écoservices SA, à la charge de l’Aéroport international de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guillaume Étier, avocat de la recourante, à Me Bettina Fleischmann, avocate de l’Aéroport international de Genève, ainsi qu’à la commission fédérale de la concurrence.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Husler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :