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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/14/2019

ATA/727/2020 du 04.08.2020 sur JTAPI/992/2019 ( ICC ) , ADMIS

Normes : LHID.12.al1; LHID.12.al3; LCP.80.al1; LCP.80.al4; LCP.82.al1; LCP.84.al1.letf; LCP.85
Résumé : Omission, par le TAPI, de prendre en compte le taux de l’IBGI dans le calcul de celui-ci. Admission du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/14/2019-ICC ATA/727/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 août 2020

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Monsieur A______
représenté par Me Urs Saal, avocat

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 novembre 2019 (JTAPI/992/2019)

 


EN FAIT

1) Monsieur A______ était, selon le registre de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), domicilié à l’avenue B______ à Genève dès le 1er juillet 2001, et ce jusqu’au 1er janvier 2016.

2) En 2003, M. A______ a acquis de sa belle-sœur la moitié du bien immobilier sis à l’avenue B______ pour un montant de CHF 572'000.-, son épouse ayant, durant la même année, reçu l’autre moitié par donation de son père.

3) Par acte notarié du 11 février 2016, M. A______ et son épouse ont vendu ce bien au prix de CHF 2'340'000.-.

4) Par bordereau du 27 avril 2016, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a arrêté l’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers (ci-après : IBGI) dû par M. A______ à CHF 59'800.-, calculé sur la base d’un gain de CHF 598'000.- au taux de 10 %.

5) M. A______ s’est acquitté de ce montant.

6) Le 8 mars 2018, M. A______ a expliqué à l’AFC-GE qu’une partie du prix de vente du bien immobilier avait été utilisée comme dation en paiement d’un appartement, acquis en copropriété avec son épouse au prix de CHF 1'287'000.-, qui devait être livré au printemps 2018, de sorte qu’il pouvait bénéficier de l’imposition différée du gain immobilier.

7) Le 14 mai 2018, l’AFC-GE a confirmé à M. A______ qu’il pourrait bénéficier du remploi, la valeur du bien de remplacement à prendre en considération correspondant à sa quote-part.

8) Par acte notarié du 26 juin 2018, M. A______ et son épouse ont acquis, par moitié chacun, des droits de copropriété dans un immeuble en construction sis sur la parcelle de leur ancien bien immobilier.

9) Le 13 novembre 2018, le notaire qui a instrumenté ladite vente a déposé auprès de l’AFC-GE une demande d’imposition différée du gain immobilier à hauteur de CHF 138'364.- correspondant, pour la quote-part de M. A______, à la valeur du nouvel immeuble (CHF 710'364.-) de laquelle était soustraite la valeur d’acquisition de l’ancien bien immobilier (CHF 572'000.-).

10) Par décision datée du 16 mai 2017 (sic), l’AFC-GE a rejeté cette demande de « révision », en l’absence de remploi, dès lors que le bien immobilier vendu en 2016 avait été loué depuis 2003.

11) Le 3 janvier 2019, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, reçue le 7 décembre 2018, concluant à son annulation et à ce que l’imposition du gain immobilier soit différée à hauteur de CHF 138'364.-.

Il avait vécu avec son épouse dans le bien immobilier avant son acquisition en 2003, et ce jusqu’à sa vente intervenue en 2016, occupant le rez-de-chaussée et louant l’appartement du premier étage. Il remplissait ainsi les conditions pour bénéficier du remploi, comme l’avait d’ailleurs initialement admis l’AFC-GE et aux assurances de laquelle il s’était fié.

12) Le 8 mars 2019, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le fait, pour M. A______, d’avoir mis, même en partie, le bien immobilier en location le privait de la possibilité de demander le remploi, l’intéressé n’ayant au demeurant reçu aucune assurance de sa part.

13) À la demande du TAPI, M. A______ a versé au dossier différents documents, dont des factures d’électricité, d’eau, de gaz et de télécommunication, ainsi que des contrats de bail à loyer portant sur des logements situés dans le bien immobilier, à l’exclusion des plans de celui-ci, qu’il indiquait ne pas posséder.

14) Le TAPI a également requis de l’AFC-GE de lui indiquer, pièces à l’appui, où se trouvait le domicile fiscal de M. A______ durant les années 2001 à 2016, à la suite de quoi cette autorité a produit un extrait du registre de l’OCPM concernant l’intéressé.

15) Le 1er juillet 2019, M. A______ a persisté dans son recours, indiquant que le document produit par l’AFC-GE confirmait que durant la période litigieuse il était bien domicilié à l’adresse où se trouvait le bien immobilier.

16) Le 30 juillet 2019, l’AFC-GE a également persisté dans ses précédentes conclusions, expliquant que M. A______ n’avait pas établi, alors que le fardeau de la preuve lui incombait, qu’il avait occupé le rez-de-chaussée du bien immobilier entre 2001 et 2016, comme il le prétendait. Dans l’hypothèse où des preuves auraient été apportées, le remploi sur la part de M. A______ aurait pu être admis à concurrence de CHF 132'600.-, et non de CHF 138'364.- comme il le demandait.

17) Par jugement du 11 novembre 2019, le TAPI a partiellement admis le recours de M. A______ au sens des considérants.

En produisant un extrait du registre de l’OCPM sans autre explication, l’AFC-GE ne disposait d’aucun moyen de démontrer ou de rendre vraisemblable que M. A______ vivait ailleurs qu’à l’adresse y figurant, aucun élément ne venant contredire ou mettre en doute ses explications, selon lesquelles il occupait le rez-de-chaussée du bien immobilier avec son épouse durant la période litigieuse. Il pouvait ainsi bénéficier du report de l’imposition du gain immobilier, mais à raison de 50 % seulement, dès lors qu’il n’occupait que la moitié du logement. Le montant du gain immobilier dont l’impôt était différé se chiffrait à CHF 66'300.-, correspondant à la moitié du montant de CHF 132'600.- admis par l’AFC-GE, qui devait ainsi être remboursé.

18) Par acte expédié le 12 décembre 2019, l’AFC-GE a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation en tant qu’il lui ordonnait de rembourser à M. A______, au titre de l’IBGI, le montant de CHF 66'300.- au lieu de CHF 6'630.-.

Le montant de CHF 66'300.- représentait le gain immobilier dont l’imposition était différée et ne devait pas être confondu avec le montant à rembourser, que le TAPI avait, de manière erronée et en contradiction avec les dispositions légales applicables, arrêté au même montant. La part de l’impôt à rembourser s’élevait ainsi à CHF 6'630.-, qui correspondait au taux d’impôt de 10 % du gain de CHF 66'300.- dont l’imposition était différée.

19) Le 18 décembre 2019, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d’observations.

20) Le 24 janvier 2020, M. A______ s’en est rapporté à l’appréciation de la chambre de céans au sujet du recours, indiquant que le jugement entrepris comportait effectivement une confusion entre le gain immobilier de CHF 66'300.- dont l’imposition était différée et le montant d’impôt de CHF 6'630.- à rembourser par l’AFC-GE en raison de ce report.

21) Le 19 février 2020, le juge délégué a accordé aux parties un délai au 13 mars 2020 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

22) Le 4 mars 2020, l’AFC-GE a persisté dans son recours, indiquant ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler.

23) M. A______ ne s’est pas déterminé à l’issue du délai imparti.

24) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige a trait à la seule détermination du montant à rembourser à l’intimé au titre de l’IBGI, de CHF 66'300.- comme l’a retenu le TAPI ou de CHF 6'630.- comme le soutient la recourante, la question du remploi et de sa quotité n’étant plus litigieuse à ce stade de la procédure.

3) a. La loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), qui a pour but de désigner les impôts directs que les cantons doivent prélever et fixer les principes selon lesquels la législation cantonale les établit (art. 1 al. 1 LHID), oblige les cantons à percevoir un impôt sur les gains réalisés lors de l’aliénation de tout ou partie d’un immeuble appartenant à la fortune privée d’un contribuable (art. 12 al. 1 LHID). L’art. 12 al. 3 LHID institue le principe du remploi et prévoit que l’imposition est différée, notamment en cas d’aliénation de l’habitation (maison ou appartement) ayant durablement et exclusivement servi au propre usage de l’aliénateur, dans la mesure où le produit ainsi obtenu est affecté, dans un délai approprié, à l’acquisition ou à la construction en Suisse d’une habitation servant au même usage (let. e).

Le législateur fédéral a décrit à l’art. 12 al. 3 LHID, de manière exhaustive, les états de fait qui fondent un report d’imposition. Ceux-ci doivent être repris par les cantons dans leur législation sur l’imposition des gains immobiliers. Le législateur fédéral a en même temps recherché une harmonisation matérielle des législations cantonales en ce qui concerne le report d’imposition et il ne reste donc aux cantons aucune marge de manœuvre (ATF 130 II 202 consid. 3.2 ; ATA/370/2020 du 16 avril 2020 consid. 4b et les références citées).

b. En droit genevois, les dispositions concernant l’IBGI figurent aux art. 80 à 87 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05).

L’art. 80 al. 1 LCP prévoit ainsi que cet impôt a pour objet le bénéfice net provenant de l’aliénation d’immeubles ou de parts d’immeubles sis dans le canton. Est considéré comme aliénation tout acte qui confère à un acquéreur la propriété ou la réelle disposition économique d’un immeuble, soit notamment la vente, l’échange, le partage, l’expropriation et l’apport dans une société (art. 80 al. 4 LCP).

Le bénéfice ou gain imposable est constitué par la différence entre la valeur d’aliénation et la valeur d’acquisition (art. 82 al. 1 LCP). L’impôt est perçu de l’aliénateur ou du bénéficiaire du gain sur le montant global du bénéfice ou du gain net au taux de 10 % lorsqu’il a été propriétaire des biens ou actifs immobiliers ou titulaire des droits immobiliers (réels ou personnels) pendant dix ans au moins, mais moins de vingt-cinq ans (art. 84 al. 1 let. f LCP).

L’impôt est remboursé en cas de remploi du bénéfice résultant de l’aliénation d’un logement (villa ou appartement) occupé par le propriétaire qui aliène (art. 85 al. 1 let. a LCP). Il y a remploi lorsque l’aliénateur utilise le produit de l’aliénation pour acquérir, construire ou transformer un immeuble de même nature, pourvu qu’il ne s’écoule pas plus de cinq ans entre les deux opérations (art. 85 al. 2 LCP). Seul l’impôt relatif au bénéfice qui a été effectivement investi, en plus du montant de la valeur d’acquisition du bien aliéné, est remboursé (art. 85 al. 3 LCP).

4) En l’espèce, le TAPI a considéré qu’aucun élément du dossier ne permettait de contredire les explications de l’intimé, selon lesquelles il était domicilié à l’avenue B______ entre 2001 et 2016 et qu’il occupait, avec son épouse, le rez-de-chaussée de sa villa, tandis que le premier étage était remis en location à des tiers, de sorte qu’il pouvait bénéficier du remploi, mais à raison de 50 % seulement au regard de cette location. Les premiers juges ont ainsi divisé par deux le montant de CHF 132'600.- admis par la recourante à titre de remploi, l’arrêtant à CHF 66'300.-. Ils ne pouvaient toutefois ordonner à la recourante de rembourser ce dernier montant, dès lors qu’ils ont omis de prendre en compte le taux de l’impôt, de 10 % s’agissant d’un bien détenu par l’intimé pendant au moins dix ans mais moins de vingt-cinq ans (art. 84 al. 1 let. f LCP). Il en résulte que c’est bien le montant de CHF 6'630.- qui devait être remboursé par l’AFC-GE à l’intimé, ce que ce dernier a du reste admis.

Il s’ensuit que le recours sera admis et le jugement entrepris annulé sur cet aspect.

5) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu, l’intimé n’ayant pas pris de conclusions tendant au rejet du recours (art. 87 al. 1 LPA). Malgré cette issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée, la recourante disposant de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 décembre 2019 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 11 novembre 2019 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement entrepris en tant qu’il contraint l’administration fiscale cantonale à rembourser à Monsieur A______ le montant de CHF 66'300.- au titre de l’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers ;

dit que le montant à rembourser par l’administration fiscale cantonale à Monsieur A______ est de CHF 6'630.- au titre de l’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers ;

confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, à Me Urs Saal, avocat de l’intimé, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Tombesi, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Husler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :