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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2786/2018

ATA/726/2020 du 04.08.2020 sur JTAPI/728/2019 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 09.09.2020, rendu le 04.03.2021, REJETE, 2C_712/2020
Descripteurs : SOCIÉTÉ ANONYME;DROIT FISCAL;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;IMPÔT SUR LE BÉNÉFICE DES ENTREPRISES;FARDEAU DE LA PREUVE;PROVISION; RÉSERVE; CORRECTION DE VALEUR(DROIT FISCAL);PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : Cst.29.al2; LIFD.57; LIFD.58.al1.leta; LIFD.58.al1.letb; LIPM.11; LIPM.12.leta; LIFD.63.al1.letc
Résumé : Confirmation de la reprise de la provision pour produits différés effectuée par l’AFC-GE. Les conditions d’une opération de « sale and lease back » ne sont pas remplies. Même s’il devait être considéré qu’une telle opération a eu lieu et que les normes comptables exigeraient la constitution d’une provision, celle-ci ne pourrait être admise, notamment du fait qu’elle ne respecte pas le principe de périodicité.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2786/2018-ICCIFD ATA/726/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 août 2020

4ème section

 

dans la cause

 

A______ SA
représentée par KPMG SA, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
19 août 2019 (JTAPI/728/2019)


EN FAIT

1) B______ SA, inscrite au registre du commerce du canton de Genève (ci-après : RC) le 4 mai 2004 a pour but l'acquisition et la détention de participations dans des sociétés actives dans le domaine de l'alimentation ainsi que l'acquisition et la détention de marques et brevets en rapport avec son but. Elle est la société faîtière du groupe C______.

Elle avait pour filiale la société D______ SA (ci-après : D______ ou E______), inscrite au RC le 26 juin 1930, dont le but social était la fabrication, l'achat, la vente de tous produits alimentaires.

2) a. Par acte authentique du 11 juillet 2014, D______ a vendu à la Fondation F______ (ci-après : la fondation), institution de prévoyance professionnelle, un immeuble commercial (ci-après : l'immeuble) sis sur la parcelle n° 1______ dans la commune G______, pour la somme de CHF 17'000'000.-.

Selon l'art. 1 § 2 du contrat, la vente était expressément convenue et étroitement liée à la conclusion, d'une part, d'un contrat de bail signé simultanément aux présentes entre la venderesse (en tant que locataire principale) et l'acquéreur (en tant que bailleur), d'une durée initiale de vingt ans et, d'autre part, d'une promesse de vente, signée simultanément, aux termes de laquelle la venderesse rachètera l'immeuble à l'acquéreur, moyennant certaines conditions.

L'art. 11 stipulait notamment que les frais dudit acte et de son inscription au Registre foncier (ci-après : RF), ainsi que les droits de mutation étaient à la charge de l'acquéreur. La venderesse acquitterait l'impôt sur la plus-value dû en raison de la vente.

b. Le même jour, D______ et la fondation ont signé un contrat de bail à loyer pour une durée de vingt ans, portant sur l'immeuble vendu, afin de permettre à D______ de continuer à y déployer ses activités. Le loyer annuel convenu, indexé exclusivement en cas de hausse de l'indice suisse des prix à la consommation (ci-après : ISPC), s'élevait à CHF 825'600.-. Les frais d'entretien de l'immeuble étaient à la charge de D______.

c. Par un second acte authentique, également daté du 11 juillet 2014, D______ et la fondation ont signé une promesse irrévocable de vente et d'achat de l'immeuble pour le prix de CHF 17'000'000.- indexé uniquement en cas de hausse de l'ISPC. L'exécution de la promesse de vente/achat pouvait être demandée par chacune des parties en tout temps, mais dans un délai maximum de vingt-cinq ans, soit jusqu'en 2039.

Selon l'art. 5 al. 1 de l'acte, le promettant vendeur s'acquitterait après la signature de l'acte de vente définitif de l'éventuel impôt sur la plus-value dû suite à la vente.

3) Par courrier du 30 janvier 2015, D______ a déposé une demande de « ruling » auprès de l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), en proposant de ne pas considérer la vente de l'immeuble comme une réalisation effective. Nonobstant l'inscription du nouveau propriétaire de ce bien au RF, D______ en restait la propriétaire économique. Elle prenait à sa charge toutes les opérations d'entretien et d'investissement sur cet immeuble abritant son usine de production, comme si elle en était restée la propriétaire effective, tout en devenant locataire de l'immeuble selon une opération de « sale and leaseback ». Le bénéfice de la vente s'était élevé à CHF 10'375'666.-, compte tenu de la valeur comptable de l'immeuble de CHF 6'575'634.- et des frais occasionnés par la vente de CHF 48'700.-. Cette somme avait été affectée au remboursement des emprunts hypothécaires pour un montant de CHF 4'100'000.-. Le solde devait être utilisé à des fins d'investissement pour un total de CHF 11'900'000.- et au cas où l'exécution de la promesse d'achat/vente serait demandée. Pour ces raisons, elle proposait que l'immeuble fût « conservé à sa valeur comptable et amorti selon le plan historique ». Une dette serait inscrite au passif en faveur de la fondation. Au niveau du résultat, le loyer serait passé en charge mais indiqué comme intérêts dans l'annexe B de la déclaration fiscale. Lors de l'exercice de l'option, la dette envers la fondation serait annulée. Si toutefois l'AFC-GE considérait la réalisation immobilière comme effective, elle souhaitait pouvoir constituer une provision pour remploi de CHF 10'376'000.- et reporter ainsi l'imposition d'une partie du bénéfice de la vente de l'immeuble sur des biens d'exploitation immobilisés.

4) Le 23 avril 2015, l'AFC-GE a refusé d'accéder à la demande précitée.

L'immeuble avait fait l'objet d'une réalisation effective entraînant une mutation inscrite au RF. Le gain en capital soumis à l'impôt sur le bénéfice des personnes morales était constitué de la différence entre le prix de vente et la valeur comptable de l'immeuble. Le droit fiscal ne contenait pas de disposition permettant d'échapper à cette imposition.

Les conditions permettant de bénéficier d'un remploi n'étaient pas non plus remplies, dès lors que les réfections de l'usine et les rénovations des points de ventes ne pouvaient pas être qualifiées d'actifs immobilisés nécessaires à l'exploitation. La loi prévoyait que l'imposition en cas de remplacement d'immeubles par des biens mobiliers était réservée. Enfin, la question de la déductibilité des frais de rénovation supportés par le locataire devait être examinée lors de la procédure de taxation.

5) Le 23 juin 2015, D______ a fait l'objet d'une scission, avec effet au 1er janvier 2015, en trois entités distinctes, à savoir :

- H______ SA (ci-après : H______), inscrite le 20 juillet 2015 au RC, laquelle avait pour but social, jusqu'au 12 novembre 2018, les services, l'assistance ou les conseils aux sociétés dans lesquelles la société B______ SA avait des intérêts financiers ou commerciaux ;

- I______ SA, inscrite au RC également le 20 juillet 2015, laquelle avait pour but, jusqu'à sa radiation le 25 juillet 2017, l'activité de tous magasins d'alimentation, la vente et le commerce de tous produits alimentaires ainsi que toutes les activités ou opérations en relation ;

- D______, dont la raison sociale est devenue A______ SA (ci-après : A______), laquelle a poursuivi le même but social jusqu'à sa radiation le 14 novembre 2018.

6) Lors de l'opération de scission du 23 juin 2015, H______ a repris l'obligation de rachat de l'immeuble et la provision pour gain différé et A______ a repris l'engagement de location envers la fondation.

7) a. Dans la feuille B « dettes et provisions » de sa déclaration fiscale 2014 déposée en novembre 2015, D______ a mentionné une « provision produits différés » de CHF 9'590'240.-, comptabilisée dans son bilan au 31 décembre 2014.

b. Par bordereaux de taxations datés du 16 mars 2016 et entrés en force, l'AFC-GE n'a pas procédé à une reprise de cette provision.

8) Dans la feuille B « dettes et provisions » de sa déclaration fiscale 2015 déposée en décembre 2016, H______ a mentionné, comme D______ l'année précédente, la « provision pour produits différés » pour un montant de CHF 9'590'258.-, résultant de son bilan au 31 décembre 2015.

9) Par bordereaux de taxation datés du 8 février 2018, l'AFC-GE a fixé l'ICC et l'IFD 2015 de H______ à respectivement CHF 2'340'875.05 et CHF 861'067.- sur la base d'un bénéfice imposable de CHF 10'130'200.- et d'un capital propre imposable de CHF 10'628'789.-.

L'AFC-GE a procédé à la reprise pour le bénéfice net et le capital propre d'un montant de CHF 9'590'258.- correspondant à la « provision pour produits différés ». Cette reprise était motivée comme suit : « provision non admise conformément à votre demande du 30 janvier 2015 ainsi qu'au courrier du
23 avril 2015 de la direction des affaires fiscales ».

10) Par courriers des 23 février et 14 mai 2018, H______ a formé une réclamation à l'encontre de ses bordereaux de taxation ICC et IFD 2015, concluant à leur annulation et à ce que de nouveaux bordereaux, prenant en compte la « provision pour produits différés » de CHF 9'590'258.-, lui soient notifiés. La comptabilisation de cette provision était basée sur une approche économique et justifiée commercialement. L'opération litigieuse était purement financière. Elle pouvait de bonne foi considérer que le droit fiscal s'alignerait sur le droit comptable.

11) Par deux décisions sur réclamation ICC et IFD 2015 du 20 juillet 2018, l'AFC-GE a rejeté la réclamation.

En vertu des principes de réalisation et d'imparité, le produit de la vente de l'immeuble avait bien été comptabilisé dans les états financiers de D______ en 2014, mais avait été compensé par la « provision pour produits différés ». Une telle provision n'était pas admissible car le risque couvert par celle-ci ne pouvait pas être qualifié de certain ni de quasi certain. La provision s'inscrivait dans la perspective de couvrir un risque futur qui n'avait pas pris naissance dans l'exercice commercial au cours duquel elle avait été constituée, violant ainsi le principe de périodicité. Sur le plan fiscal, cette provision s'apparentait à une réserve latente incompatible en particulier avec le principe de sincérité du bilan. La provision n'était pas justifiée par l'usage commercial et, dans l'hypothèse de l'utilisation partielle ou totale de la provision lors des exercices à venir, celle-ci ferait « l'objet d'une restitution au plan du bénéfice à concurrence du montant utilisé, dans la mesure où l'utilisation faite ne revêtirait pas le caractère d'une prestation imposable ».

12) Par acte du 20 août 2018, H______ a interjeté recours contre les décisions précitées par-devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) en concluant, sous suite de frais et de dépens, à leur annulation et à ce qu'il soit constaté que la « provision pour produits différés » est justifiée par l'usage commercial. Elle sollicitait également que soit ordonnées l'audition de témoins ainsi qu'une expertise judiciaire, en vue de déterminer les exigences posées par le droit commercial en matière de leasing financier avec obligation de rachat.

D'un point de vue économique, l'opération de « sale and leaseback » était purement financière. Elle servait à dégager des liquidités afin de rembourser des dettes et entreprendre des travaux de rénovation de l'immeuble et des points de vente. Au lieu de s'en tenir uniquement à la réalisation de l'immeuble et taxer le gain en capital, il fallait considérer les trois contrats (vente, bail à loyer et promesse de rachat) comme un tout indissociable. Par la promesse de rachat de l'immeuble, il était prévu que celui-ci fût restitué au groupe C______. La « propriété économique » n'était dès lors pas passée à la fondation. Pour cette dernière, il s'agissait d'un placement financier équivalant à un prêt dont le rendement de 4.86 % était assuré par les loyers. L'obligation irrévocable de rachat de l'immeuble au même prix correspondait à un remboursement de prêt, de sorte que l'octroi d'un tel prêt ne devait pas générer de bénéfice imposable.

Selon une approche comptable, le Manuel suisse d'audit (ci-après : MSA), les normes SWISS GAAP RPC (ci-après : les normes RPC ; Recommandations relatives à la Présentation des Comptes) et les normes comptables International Financial Reporting Standards (ci-après : IFRS) prévoyaient qu'en cas d'opération de « sale and leaseback » les comptes ne devaient pas faire apparaître de gain au compte de résultat. En contrepartie, le preneur de leasing devait payer des loyers correspondant aux annuités d'un emprunt et constituer une provision devant être dissoute sur la durée du bail (leasing) de vingt ans pour un montant annuel s'élevant approximativement à CHF 518'381.-. Il fallait dès lors considérer ces recommandations comme des normes comptables impératives. Cette provision n'était pas prévue pour des risques certains, mais pour un engagement certain et irrévocable de rachat convenu lors de la conclusion des contrats précités en 2014. Dès lors que la provision était justifiée commercialement, l'AFC-GE ne disposait pas de règles fiscales correctrices spécifiques lui permettant de réintégrer un montant de CHF 9'590'258.- sur le bénéfice et le capital imposables.

En outre, elle pouvait « logiquement et raisonnablement » considérer de bonne foi, au regard de la chronologie des faits et de l'argumentaire développé par l'AFC-GE dans sa décision du 23 avril 2015, que cette dernière accepterait
« l'alignement » entre le droit comptable et le droit fiscal, ce d'autant plus au vu des décisions de taxation 2014 entrées en force.

Enfin, elle sollicitait la nomination d'experts, afin qu'ils se déterminent sur la question et rendent un rapport d'expertise.

13) Par acte du 12 novembre 2018, A______ et H______ ont fusionné pour former une nouvelle entité exploitée sous la raison sociale « A______ SA »
(ci-après : A______ SA ou la contribuable) dont le but est la fabrication, l'achat et la vente de tous produits alimentaires.

14) Par acte authentique du 5 décembre 2018, la fondation a déclaré vendre à A______ SA l'immeuble, suite au droit d'emption exercé par cette dernière, ainsi que deux cédules hypothécaires au capital de CHF 5'000'000.- chacune, en vue de la vente par celle-ci de l'immeuble à un tiers. La date d'exécution de la vente devait être fixée d'entente entre les parties, mais devait être simultanée avec la vente de l'immeuble par A______ SA à un tiers. Le bail entre A______ SA et la fondation restait en vigueur jusqu'à la date d'exécution de l'acte de vente. La vente était consentie pour un prix de CHF 17'000'000.-.

15) Dans sa réponse du 15 janvier 2019, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

L'opération en cause ne pouvait être qualifiée de « sale et leaseback » dès lors que le loyer correspondait au prix du marché et ne contenait aucune composante de remboursement susceptible d'être porté en déduction du prix de rachat de l'immeuble (prix d'exercice du droit de réméré). Ce prix de rachat ne pouvait être ajusté qu'à la hausse de l'ISPC, alors que le leasing financier se caractérisait par la prise en compte des redevances et intérêts versés par le preneur de leasing, impliquant une valeur de rachat (valeur résiduelle) inférieure à celle du début du contrat. Il ne pouvait pas non plus s'agir d'un contrat de prêt, puisque celui-ci n'impliquait aucunement un transfert de la propriété de l'objet prêté.

La « provision pour produits différés » de CHF 9'590'258.- constituée pour neutraliser le gain immobilier net de CHF 10'367'634.- n'était pas justifiée par l'usage commercial. Le gain résultant de la vente de l'immeuble avait bien été réalisé au cours de l'exercice 2014, à la date de conclusion du contrat de vente. En vertu du principe de l'étanchéité des exercices, l'absence de reprise de la provision lors de la taxation 2014 ne liait pas l'AFC-GE pour les années fiscales subséquentes. La contribuable ne pouvait pas se prévaloir de la bonne foi, dès lors qu'elle n'avait reçu aucune assurance de l'AFC-GE et que sa manière de présenter ses comptes et son attitude au regard de la décision de refus du « ruling » n'avait « pas été d'une absolue exemplarité ». Enfin, elle s'opposait à une longue et coûteuse expertise qui n'apporterait aucun élément nouveau.

16) Par réplique du 28 mars 2019, A______ SA a maintenu l'ensemble des conclusions de son recours du 20 août 2018.

Reprenant ses explications et argumentation précédentes, elle a souligné que l'un des quatre critères alternatifs du leasing financier prévus par le SWISS GAAP RPC 13 (ci-après : la norme RPC 13) était rempli en l'occurrence, à savoir que la propriété de l'objet en leasing est transférée à l'échéance du contrat au preneur de leasing. Il s'ensuivait qu'en application des dispositions spécifiques du droit commercial pour ce type d'opérations, une provision pour produits différés devait être constituée.

17) Par duplique du 13 juin 2019, l'AFC-GE a persisté dans les considérants et conclusions de sa réponse du 10 décembre 2018.

18) Par jugement du 19 août 2019, le TAPI a rejeté le recours.

La question de savoir si les conditions d'un « sale and leaseback » étaient remplies pouvait rester indécise. Par acte authentique du 11 juillet 2014, E______ avait vendu l'immeuble à la fondation. Cette vente avait généré un gain en capital de CHF 10'375'666.-, normalement soumis à l'impôt sur le bénéfice des personnes morales. E______ avait cependant neutralisé ce bénéfice immobilier par la constitution d'une « provision pour produits différés », reprise par la contribuable lors de la scission de E______. Or, le droit fiscal ne contenait aucune disposition légale réglant expressément ce genre d'opération comptable. La vente et le transfert de propriété de l'immeuble avaient bien eu lieu en 2014. La recourante avait dès lors acquis un droit ferme à recevoir en contrepartie le prix de vente de
CHF 17'000'000.- et réalisé ainsi un bénéfice immobilier normalement taxable lors de cette même année.

Étant donné que le loyer de l'immeuble n'était pas exigible avant son échéance mensuelle, il y avait lieu de considérer que la provision litigieuse avait été constituée en 2014 en vue d'une utilisation future, pour faire face à des charges de loyers que l'entreprise devait supporter en raison de son activité commerciale. Ainsi, cette provision devait faire partie du revenu imposable et ne pouvait être déduite de ce dernier avant que la société n'ait à supporter les charges en cause, suivant le principe de périodicité, ainsi qu'en vertu du principe d'imparité applicable en matière comptable. Quand bien même la provision serait justifiée commercialement en vertu de certaines normes comptables, le droit fiscal ne pouvait l'admettre, dès lors qu'elle portait sur des dépenses futures et qu'elle s'apparentait à une réserve latente non admise fiscalement.

19) Par acte du 20 septembre 2019, A______ SA a interjeté recours contre le jugement précité par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation, à ce qu'il soit constaté que la provision pour produits différés était justifiée par l'usage commercial, qu'elle ne constituait pas une réserve latente arbitraire et que la réintégration de ladite provision à son bénéfice et à son capital imposables était contraire aux principes de déterminance et de la bonne foi. Elle concluait également à l'octroi d'une indemnité de procédure, et sollicitait en outre que soit ordonnée l'audition des représentants de l'organe de révision en charge de la révision de D______ en 2014, ainsi qu'une expertise judiciaire en vue de déterminer les exigences posées par le droit commercial en matière de leasing financier avec obligation de rachat.

La recourante a réitéré son argumentation selon laquelle la provision constituée était exigée par le droit comptable et que dès lors, l'application d'une règle correctrice applicable aux provisions tolérées était injustifiée et sans fondement. Les recommandations de la norme RPC 13 dans le cas des opérations « sale and leaseback » constituaient une norme spécifique du droit comptable qui prévalait sur le principe général d'imparité. Les comptes 2014 de E______ ne violaient ainsi aucune norme impérative de droit commercial. C'était à tort que l'AFC-GE et le TAPI avaient considéré qu'une réserve latente arbitraire avait été constituée, puisque les normes RPC interdisaient la constitution de telle réserve latente et que les comptes litigieux appliquaient lesdites normes. La provision litigieuse était une provision couvrant les engagements de l'exercice. L'engagement était certain mais son montant était encore indéterminé en raison de la clause d'indexation figurant dans le contrat de bail.

Elle a repris pour le surplus son argumentation relative à la bonne foi.

Une expertise judiciaire devait être ordonnée afin qu'un expert se prononce sur l'exigence imposée par le droit commercial suisse de comptabiliser une provision pour produits différés dans le cadre de l'opération de « sale and leaseback » et sur le caractère impératif de maintenir cette provision, respectivement de n'effectuer qu'une dissolution partielle pendant la durée du bail.

20) Le 20 décembre 2019, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Il n'y avait pas d'opération de « sale and lease back » dans le cas d'espèce, dès lors qu'elle ne ressortait ni clairement de la déclaration fiscale 2014 de E______ ni de ses comptes financiers audités et joints à sa déclaration fiscale. Les divers contrats conclus entre E______ et la fondation n'avaient d'ailleurs pas été annexés à la déclaration fiscale 2014 de E______. L'immeuble vendu n'avait pas été présenté à l'actif du bilan audité joint à la déclaration, et la conclusion des différents contrats n'avait pas été effectuée moyennant le paiement d'une quelconque redevance, ce qui était inhabituel dans le cadre de la conclusion d'un tel leasing. Le loyer prévu dans le contrat de bail conclu entre E______ et la fondation ne pouvait être assimilé au paiement d'une redevance mais bien à un loyer, dès lors que ce dernier était conforme au marché et n'avait rien d'excessif.

Contrairement à ce qu'avait retenu le TAPI, le bénéfice immobilier n'avait pas été, en tant que tel, neutralisé par la constitution d'une provision en 2014, mais avait été provisionné à hauteur de CHF 10'108'658.-, la somme de
CHF 258'984.- ayant quant à elle été portée en diminution des loyers versés à la fondation. Ce procédé était insolite au regard des principes régissant l'établissement régulier des comptes.

Même à considérer que l'opération soit qualifiée de « sale and leaseback », ce qui était contesté, les conditions d'un tel contrat n'étaient plus remplies en 2015, dès lors que H______ ne prenait plus à sa charge l'ensemble des obligations liées à l'opération financière revendiquée. C'était en réalité A______ qui avait repris les engagements découlant du contrat de bail. La provision querellée n'était aucunement justifiée par l'usage commercial, en raison des principes d'imparité, de périodicité et en l'absence d'un risque certain ou quasi-certain.

De plus, rien ne justifiait la comptabilisation d'une provision si élevée, ce d'autant plus qu'entre 2014 et 2015, l'ISPC avait varié à la baisse. À supposer que les obligations liées au bail aient été assumées par H______, l'AFC-GE ne pouvait que suivre le TAPI en ce qu'il avait retenu que la provision en cause portait sur des dépenses futures et qu'elle s'apparentait ainsi à une réserve latente non admise fiscalement.

21) Le 28 février 2020, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Il n'existait aucune obligation de mentionner la vente d'un immeuble et de joindre le contrat de vente y relatif, ni même le contrat de bail, dans une déclaration fiscale ou dans les états financiers statutaires. Un lecteur averti des comptes statutaires 2014 de E______ pouvait en outre clairement identifier la vente de l'immeuble par le mouvement significatif du poste « immeuble et terrain » et la constitution d'une provision pour produits différés. L'AFC-GE était en outre parfaitement au courant de ladite vente compte tenu notamment de la demande de ruling déposée le 30 janvier 2015. Il ne pouvait ainsi être conclu à l'inexistence d'une opération de « sale and lease back » au motif que l'AFC-GE ne pouvait appréhender cette opération comme telle.

L'absence de la composante « remboursement » dans les redevances payées à la fondation pouvait paraître inhabituelle, mais il ne s'agissait pas d'une condition essentielle à la qualification d'une opération de « sale and lease back ». Il existait cinq conditions non cumulatives permettant de déterminer si une opération pouvait être qualifiée de leasing financier en vertu de la norme RPC 13. Elle maintenait que la condition (iii) était remplie, à savoir que la propriété de l'objet en leasing était transférée à l'échéance du contrat au preneur de leasing.

S'agissant de la comptabilisation de l'opération dans les comptes 2014 de E______, elle rappelait qu'en vertu des recommandations émises par le MSA et la norme RPC 13 quant aux leasings financiers, une opération de « sale and leaseback » devait être sans effet sur le résultat. C'était donc à juste titre qu'une provision pour produits différés de CHF 10'367'634.- avait été comptabilisée pour neutraliser le gain comptable et ainsi ne pas avoir d'effets sur le compte de résultat. Le fait que le gain en capital de CHF 10'367'634.- et la provision de
CHF 10'108'658.- ne ressortent pas de manière distincte et séparée mais soient présentés en net dans le compte de pertes et profits 2014 ne relevait que d'une question de présentation des comptes et n'entachait en rien la qualification de l'opération.

Suite à la scission intervenue en 2015, il était logique, du point de vue économique, de transférer d'une part l'obligation de rachat de l'immeuble et la provision pour produits différés à H______, chargée des activités commerciales et immobilières, et d'autre part les droits et obligations découlant du contrat de bail à A______, laquelle exploitait les locaux. H______ et A______ faisaient partie du même groupe, dont l'actionnaire commun était B______. L'opération de « sale and leaseback » devait donc être traitée de manière globale et consolidée au sein du groupe.

Contrairement à ce que prétendait l'AFC-GE, la provision litigieuse était donc justifiée commercialement, car requise par le droit comptable. L'autorité ne pouvait réintégrer une telle provision au motif qu'il s'agissait d'une réserve latente arbitraire, étant donné que la norme comptable qui exigeait la comptabilisation d'une telle provision interdisait justement les réserves latentes arbitraires. Aucune règle fiscale correctrice ne pouvait donc être revendiquée.

22) Le 15 mai 2020, l'AFC-GE a persisté dans les considérants et conclusions de sa réponse.

La condition de la norme RPC 13 à laquelle se référait la recourante n'était pas remplie, puisque le preneur du leasing initial, soit D______, n'était pas le même à la fin de l'opération, soit A______ SA. Après la scission de D______ en 2015, c'était H______ qui s'était vu transférer la promesse de vente et d'achat de l'immeuble et donc la provision pour produits différés en cause. Dans le même temps, cette dernière n'avait plus assumé les loyers dus par D______, dès lors que c'était A______ qui avait gardé l'activité de production, utilisé l'immeuble et repris l'engagement de location envers la fondation.

23) Le 3 juin 2020, la recourante a relevé que l'AFC-GE considérait que la condition de la norme RPC 13 n'était pas remplie. Or, cet argument tombait à faux dès lors que, à la lumière des différentes réorganisations du groupe C______, le preneur de leasing initial, soit D______, était la même entité que celle qui avait exercé son droit de réméré le 5 décembre 2018, soit la recourante.

24) Le 8 juin 2020, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

25) L'argumentation des parties sera reprise, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieuse la reprise de la provision pour produits différés de CHF 9'590'258.- comptabilisée par H______ pour l'année fiscale 2015.

3) La recourante sollicite, à titre de mesures d'instruction, l'audition des représentants de l'organe de révision en charge des comptes 2014 de E______ et qu'une expertise judiciaire soit ordonnée pour se prononcer sur l'exigence imposée par le droit commercial suisse de comptabiliser une provision pour produits différés dans le cadre de l'opération de « sale and leaseback » et le caractère impératif du maintien de cette provision pendant la durée du bail, respectivement du leasing.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3), de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; 138 V 125 consid. 2.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 ; 136 I 265 consid. 3.2 ; 135 II 286 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_544/2014 du 1er avril 2015 consid. 3.1 ; 1C_582/2012 du 9 juillet 2013 consid. 2.1 et les arrêts cités).

Le juge peut cependant renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas, que la preuve résulte déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu'il parvient à la conclusion que ces preuves ne sont pas décisives pour la solution du litige, voire qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion. Ce refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 136 I 229
consid. 5.3 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 125 I 127 consid. 6c/cc in fine ; 124 I 208 consid. 4a et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral du 8C_702/2014 du 16 octobre 2015 ; 8C_19/2015 et 8C_24/2015 du 9 septembre 2015 consid. 4 et 5).

Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 138 IV 81 consid. 2.2 ; 134 I 83 consid. 4.1 et les arrêts cités ; 133 II 235 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_835/2014 du 22 janvier 2015 consid. 3.1 ; 1C_148/2012 du 26 juin 2012 consid. 3.1 ; 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2).

Le droit d'être entendu comprend le droit de faire administrer des preuves. Toutefois, l'autorité peut mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves proposées, elle a la conviction que celles-ci ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 136 I 229 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_19/2015 et 8C_24/2015 précité consid. 4 et 5).

b. En l'espèce, les mesures d'instruction sollicitées par la recourante ne visent pas à permettre d'établir des faits, mais à apporter au dossier une position juridique. Saisie d'un recours, la chambre administrative applique le droit d'office (art. 69 al. 1 LPA), sans être liée par l'argumentation juridique des parties. La recourante a par ailleurs pu s'exprimer à de nombreuses reprises par écrit et faire valoir ses arguments, tant en procédure non contentieuse que devant le TAPI et la chambre de céans. Elle a également pu verser au dossier les pièces qu'elle jugeait nécessaires pour l'issue du litige. La chambre administrative dispose ainsi d'un dossier complet lui permettant de statuer en toute connaissance de cause. Il ne sera par conséquent pas donné suite aux autres requêtes de la recourante.

4) a. Les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (ATA/191/2020 du 18 février 2020
consid. 4b ; ATA/379/2018 du 24 avril 2018 et les références citées).

b. En l'espèce, le présent litige porte sur la taxation 2015, tant en matière d'ICC que d'IFD. La cause est ainsi régie par le droit en vigueur durant ces périodes, à savoir, s'agissant de l'IFD, par les dispositions de la LIFD et, pour ce qui est de l'ICC, par celles de la loi sur l'imposition des personnes morales du
23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15).

c. La question étant traitée de manière semblable en droit fédéral et en droit cantonal, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1).

5) a. Selon les art. 11 LIPM et 57 LIFD, l'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Les amortissements et les provisions qui ne sont pas justifiés par l'usage commercial sont considérés comme bénéfice net imposable (art. 12 al. 1 let. e LIPM et 58 al. 1 let. b LIFD). L'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net, tel qu'il découle du compte de pertes et profits établi selon les règles du droit commercial (art. 57, 58, al. 1 LIFD ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 224).

Tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l'usage commercial sont ajoutés au bénéfice imposable (art. 58 al. 1 let. b LIFD), telle par exemple une provision non justifiée. L'art. 58 al. 1 let. a LIFD énonce également le principe de l'autorité du bilan commercial (ou principe de déterminance), selon lequel le bilan commercial est déterminant en droit fiscal, et sur lequel il sera revenu ci-après.

b. Les cantons doivent imposer l'ensemble du bénéfice net, dans lequel doivent notamment être inclus les charges non justifiées par l'usage commercial, portées au débit du compte de résultat, ainsi que les produits et les bénéfices en capital, de liquidation et de réévaluation qui n'ont pas été portés au crédit du compte de résultat (art. 24 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14).

c. À Genève, le 30 mars 2016, est entrée en vigueur la nouvelle teneur de plusieurs dispositions de la LIPM dont notamment l'art. 12 LIPM, adopté le
29 janvier 2016 par le Grand Conseil. La LIPM ne comprend aucune disposition transitoire prévoyant notamment l'application de la nouvelle teneur desdites dispositions aux causes pendantes au moment de son entrée en vigueur. Il sera ainsi fait application des dispositions légales pertinentes dans leur teneur antérieure aux décisions de taxation en cause.

Selon l'art. 12 let. a LIPM, constitue le bénéfice net imposable celui qui résulte du compte de pertes et profits augmenté de certains prélèvement énoncés aux art. 12 let. b à i LIPM. L'art. 12 LIPM, même rédigé différemment, est de même portée que l'art. 58 al. 1 LIFD (ATA/380/2018 du 24 avril 2018 et les arrêts cités).

d. Selon l'art. 63 al. 1 LIFD, des provisions peuvent être constituées à la charge du compte de résultat pour les engagements de l'exercice dont le montant est encore indéterminé (let. a), les risques de pertes sur des actifs circulants (let. b) et les risques de pertes imminentes durant l'exercice (let. c). En ICC, les provisions justifiées par l'usage commercial sont également admises en déduction du bénéfice (art. 13 let. e LIPM).

e. L'admissibilité d'une provision au plan fiscal suppose qu'elle soit justifiée par l'usage commercial et qu'elle ait été dûment comptabilisée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_455/2017 du 17 septembre 2018 consid. 6.3).

Est justifiée par l'usage commercial toute provision portée au passif du bilan qui exprime le fait que le résultat de l'exercice ne peut pas être tenu pour définitif ; cette correction prévient le risque que le résultat ne soit pas conforme à la réalité et qu'une perte apparaisse ultérieurement, qui existait déjà au moment du bouclement des comptes. Encore faut-il que ce risque de perte soit réel, concret et imminent (arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 3.1).

Dans la mesure où une provision ne peut avoir pour objet que des pertes imminentes (art. 63 al. 1 let. c LIFD), les provisions pour des charges futures ainsi que pour risques ou investissements futurs ne sont pas admissibles (arrêts du Tribunal fédéral 2C_478/2011 du 10 novembre 2011 consid. 2.1 ; 2C_581/2010 précité consid. 3.1). Pour être acceptées, les provisions doivent prévenir des pertes imminentes ou parer à des risques menaçants découlant d'engagements ou de charges encourues, et non pas couvrir des risques aléatoires (Division Études et supports/AFC, juin 2012, « L'imposition des personnes morales », in Informations fiscales éditées par la Conférence suisse des impôts CSI, ch. 411.3, p. 56).

Le droit fiscal ne permet pas la constitution par le biais de provisions de réserves latentes, pourtant tolérées en droit commercial (ATF 103 Ib 366 ; Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2ème éd., 2017, n. 15 ad art. 63 LIFD). En particulier, les provisions constituées en vue d'une utilisation future, notamment pour faire face à des dépenses que l'entreprise devra supporter en raison de son activité à venir, constituent des réserves ; en tant que telles, elles font partie du revenu imposable et ne sauraient être déduites de ce dernier avant que la société n'ait à supporter les charges en cause, conformément au principe de périodicité du droit fiscal (arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 précité consid. 3.1 et les arrêts cités). Le droit fiscal n'admet ainsi pas la diminution artificielle du bénéfice par le biais de provisions injustifiées (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1101/2014 du 23 novembre 2015 consid. 3).

Les provisions constituées en prévision de risques potentiels ne sont pas conformes à l'usage commercial. Pour être acceptées, les provisions doivent prévenir des pertes imminentes ou parer à des risques menaçants découlant d'engagements ou de charges encourues et non pas couvrir des risques aléatoires (Division Études et supports/administration fédérale des contributions, juin 2012, L'imposition des personnes morales, in Informations fiscales éditées par la Conférence suisse des impôts CSI, ch. 411.3, p. 56).

Les provisions pour les engagements de l'exercice au sens de l'art. 63 al. 1 let. a LIFD doivent reposer sur un contrat ou sur une loi. Cela comprend les engagements conditionnels, pour autant que la réalisation de la condition soit très vraisemblable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 précité consid. 3.1). Cette catégorie de provisions contient celles pour garanties et pour dommages-intérêts (Message sur l'harmonisation fiscale, FF 1983 III, p. 177 ; Robert DANON, op.cit. ad art. 63 n. 19) ainsi que les provisions pour litige ou constituées pour des affaires en cours (Robert DANON, op.cit. ad art. 63 n. 19 et 20).

f. Deux conditions doivent être réunies pour que les provisions soient
admises : les faits qui sont la cause du risque de perte doivent trouver leur origine au cours de l'exercice clos pendant la période de calcul (en d'autres termes, les événements qui sont la cause d'une dépense effective ou vraisemblable dont le montant est indéterminé à la date de clôture du bilan, doivent s'être produits durant l'exercice commercial en cours : arrêts du Tribunal fédéral 2A.90/2001 du 25 janvier 2002 consid. 3.2 = RDAF 2002 II 315 ; 2C_945/2011 du 12 octobre 2012 consid. 2.2) ; et le risque de perte doit être certain ou quasi certain, mais non nécessairement définitif. Par ailleurs, l'appréciation du risque doit être faite en tenant compte de tous les faits connus à la date du bouclement des comptes, et non de faits ultérieurs qui viendraient confirmer ou infirmer le montant de la provision (arrêts du Tribunal fédéral 2C_581/2010 précité consid. 3 ; 2C_392/2009 du 23 août 2009 consid. 2.1 et les références citées ; ATA/223/2020 du 25 février 2020 consid. 4c).

Lorsque des provisions, qui ont été passées en charge du compte de résultat, ne sont pas admissibles, l'autorité fiscale est en droit de procéder à la dissolution de la provision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 précité consid. 3.1). La dissolution d'une provision est susceptible d'intervenir dès qu'elle n'est plus justifiée commercialement, engendrant une correction en défaveur du contribuable (Danielle YERSIN/Yves NOËL [éd.], Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2008, n. 41 et 67 ad art. 58 LIFD).

g. S'agissant des déductions autorisées par la loi, leur caractère d'exception à l'impôt doit entraîner une interprétation restrictive de leur nature et de leur étendue (ATA/858/2018 du 21 août 2018 ; ATA/958/2014 du 2 décembre 2014 et les références citées).

6) Le droit fiscal et le droit comptable suisses poursuivent des objectifs différents. Le premier recherche une présentation qui fasse ressortir au mieux le résultat effectif et la réelle capacité contributive de l'entreprise, tandis que le second est avant tout orienté sur la protection des créanciers et fortement marqué par le principe de prudence (ATA/778/2016 du 13 septembre 2016 consid. 8 et les références citées). Dans ce contexte, les règles correctrices fiscales figurant à
l'art. 58 al. 1 let. b et c LIFD visent à compenser le fait que le résultat comptable puisse s'éloigner de la réalité économique ; elles assurent une imposition du bénéfice qui tienne compte au mieux de la réelle situation patrimoniale d'une société. Par leur intermédiaire, le droit fiscal cherche à se rapprocher d'un système fondé sur le principe de l'image fidèle (« true and fair »), comme celui prévalant dans les normes de comptabilité internationales (Pierre-Marie GLAUSER, Apports et impôt sur le bénéfice, vol. 2, 2005, p. 96-97).

Les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales, à moins que le droit fiscal ne prévoie de règles correctrices spécifiques. L'autorité peut en revanche s'écarter du bilan remis par le contribuable lorsque des dispositions impératives du droit commercial sont violées ou des normes fiscales correctrices l'exigent (ATF 137 II 353 consid. 6.2 ; 136 II 88 consid. 3.1 ; 119 Ib 111 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_645/2012 du 13 février 2013 consid. 3.1).

7) Le leasing immobilier est un contrat mixe. Il consiste dans la cession à long terme de la jouissance d'immeubles à vocation industrielle ou commerciale, moyennant paiement d'une redevance permettant l'amortissement de la chose et à l'échéance duquel le preneur de leasing dispose, en règle générale, de trois options, soit la conclusion d'un contrat prolongeant le leasing, la restitution ou au contraire l'acquisition de l'objet en vertu d'un droit d'emption qui lui est accordé (ATF 132 III 549 consid. 1 et 2.1.2, DB 2007 n. 25 ; François BOHNET/ Marino MONTINI, Droit du bail à loyer, 2010, ad art. 253 CO, n. 91).

8) a. Les normes RPC sont largement diffusées en Suisse. Elles font partie des normes comptables reconnues par le Conseil fédéral qui doivent être appliquées par certaines entreprises selon les art. 962a et 963b de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220 ; Conseil fédéral, Ordonnance sur les normes comptables reconnues du 21 novembre 2012, art. 1). De nombreuses entreprises ont fait le choix de présenter leurs comptes annuels ou leurs comptes consolidés conformément aux normes RPC, soit sur une base volontaire, soit en application du nouveau droit comptable (Vincent DOUSSE/Daniel OYON, Mise en oeuvre des SWISS GAAP RPC, EF 3/16 p. 136).

b. Selon le MSA citant les normes RPC, une opération de vente et relocation (« sale and leaseback ») doit être présentée sans effet sur le résultat. Bien que la loi ne soit pas explicite à cet égard, il n'est pas non plus approprié, dans les comptes établis conformément au CO, qu'un bénéfice ait une incidence sur le résultat, même si la vente représente une réalisation objective dans le cadre d'une opération de vente-relocation. Dans le cas d'une interprétation juridique d'une opération de vente-relocation, le produit de la vente obtenue serait considéré comme réalisé. En revanche, une considération économique tient compte du fait que le produit de la vente représente le cas échéant une compensation pour des paiements de leasing excessifs à verser. De ce point de vue, un éventuel écart entre la valeur maximale légale et le prix de vente le plus élevé doit être inscrit au passif et dissous dans le compte de résultat pendant la durée du contrat de leasing (Manuel suisse d'audit, Tenue de la comptabilité et présentation des comptes, éd. 2014, p. 199, IV.2.15.4).

c. La recommandation SWISS GAAP RPC 13 concernant les transactions de leasing distingue deux catégories de leasing : le leasing financier et le leasing d'exploitation. Cette distinction se base sur des critères économiques (§ 2 de la recommandation). Selon les explications relatives à ce § 2 contenues dans la recommandation SWISS GAAP RPC 13, le point de vue économique place la substance d'un contrat au-dessus de sa forme juridique. Ainsi, la propriété juridique n'est pas prise en considération, mais bien les droits et risques liés à l'utilisation économique de l'objet en leasing.

Selon le § 3 de la recommandation, d'une manière générale, il y a opération de leasing financier lorsque l'un des critères suivants est rempli :

- lors de la conclusion du contrat, la valeur escomptée des versements de leasing ainsi qu'un éventuel paiement de solde (option d'achat) correspondent approximativement au coût d'acquisition ou à la valeur nette du marché de l'objet en leasing ;

- la durée de leasing présumée ne s'écarte pas de manière substantielle de sa durée économique d'utilisation ;

- la propriété de l'objet en leasing est transférée à l'échéance du contrat au preneur de leasing ;

- l'éventuel paiement d'un solde (option d'achat) à la fin du contrat de leasing est substantiellement inférieur à la valeur nette du marché au début du contrat.

Toutes les transactions de leasing ne pouvant être qualifiées de leasing financier sont à considérer comme leasing d'exploitation (explications sur § 3).

Le leasing financier est porté au bilan et doit y figurer séparément. La valeur comptable nette des objets en leasing activés par leasing financier et le montant total des passifs en résultant doivent apparaître au bilan ou dans l'annexe (§ 4 de la recommandation).

Selon les explications relatives à ce § 4, les versements de leasing doivent être répartis en une composante de remboursement et une composante d'intérêts. La composante d'intérêts comprend également les autres coûts courants. La composante de remboursement (amortissement) doit être déduite des engagements découlant du leasing et les intérêts et autres coûts doivent être enregistrés dans le résultat de la période.

9) a. Pour décider du caractère commercialement justifié d'une opération, il faut adopter le point de vue de la société en cause, celui du groupe de sociétés auquel elle appartient n'étant pas admissible (arrêts du Tribunal fédéral 2C_985/2012 et 2C_986/2012 du 4 avril 2014 consid. 2.3). En effet, le droit suisse ne connaît pas à l'exception de quelques dispositions de véritable droit des sociétés de groupe et traite chaque société comme une entité juridiquement indépendante disposant de ses propres organes, lesquels doivent effectuer des opérations dans l'intérêt de la société concernée (art. 717 al. 1 CO) et non pas dans celui du groupe, d'autres sociétés ou de son détenteur majoritaire de parts (ATF 110 Ib 593).

Dans un groupe toutefois, les opérations entre sociétés doivent intervenir comme si elles avaient lieu avec des tiers dans un environnement de libre concurrence (principe du « dealing at arm's length » ou du « Drittvergleich »). Cette règle trouve son point d'ancrage dans celle de la « justification
commerciale » de l'art. 58 al. 1 LIFD qui veut qu'une société se comporte envers ses actionnaires ou toute personne la ou les touchant de près, comme le ferait un commerçant prudent qui, dans ses relations d'affaires avec des tiers, adopte une position adéquate dans l'intérêt de la société. En d'autres termes, la société qui passe des actes juridiques avec ses actionnaires ou toute personne la ou les touchant de près doit le faire dans les mêmes conditions que celles auxquelles elle aurait accepté de traiter avec des tiers dans les mêmes circonstances, faute de quoi l'opération est contraire au principe du « dealing at arm's length » et ne s'explique que par les relations privilégiées entre les parties (arrêts du Tribunal fédéral 2C_985/2012 et 2C_986/2012 précité consid. 2.3 ; 2C_291/2013 du 26 novembre 2013 consid. 4). Cela vaut tant pour le choix des formes juridiques que pour la fixation des montants (ATF 119 Ib 116 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.355/2004 du 20 juin 2005 consid. 2.2, RF 60/2005 p. 963).

b. Bien que la loi exige dans certains cas la tenue de comptes consolidés,
ceux-ci ne sont pas directement pertinents pour la détermination du résultat imposable. En effet, ils ne concernent par définition pas uniquement la société contribuable et ne peuvent dès lors pas servir à l'imposition de son bénéfice
(RF 61/2006 p. 486, 489).

10) Le principe d'imparité, selon lequel les produits sont comptabilisés au moment de leur réalisation et les charges dès qu'elles deviennent actuelles
(ATF 116 II 533 consid. 2a/dd), est une concrétisation du principe de la prudence (ATF 136 II 88 consid. 5.4).

11) a. La procédure administrative est régie essentiellement par la maxime inquisitoire, selon laquelle l'autorité définit les faits pertinents et les preuves nécessaires, qu'elle ordonne et apprécie d'office. Cette maxime doit cependant être relativisée par son corollaire, à savoir le devoir des parties de collaborer à l'établissement des faits (ATF 128 II 139 consid. 2b ; 120 V 357 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_205/2012 du 6 novembre 2012 consid. 2.1). Conformément au principe général de procédure consacré à l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), il incombe en effet à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'il est le mieux à même de connaître, notamment parce qu'ils ont trait spécifiquement à sa situation personnelle
(ATF 125 IV 161 consid. 4 ; 120 Ia 179 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_205/2012 précité consid. 2.1 ; 1B_152/2008 du 30 juin 2008 consid. 3.2). Le Tribunal fédéral a même qualifié cette obligation de « devoir de collaboration spécialement élevé » lorsqu'il s'agit d'éléments ayant trait à la situation personnelle de l'intéressé, puisqu'il s'agit de faits qu'il connaît mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 1C_58/2012 du 10 juillet 2012 consid. 3.2 et la référence citée ; 2C_703/2008 du 8 janvier 2009 consid. 5.2 ; 2C_80/2007 du 25 juillet 2007 consid. 4 et les références citées).

Le droit genevois de procédure administrative prévoit par ailleurs que les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits dans les procédures qu'elles introduisent elles-mêmes, dans celles où elles y prennent des conclusions indépendantes ainsi que dans les autres cas prévus par la loi (art. 22 LPA applicable par renvoi de l'art. 2 al. 2 LPFisc).

b. En matière fiscale plus spécifiquement, il appartient à l'autorité fiscale de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; 2C_319/2014 du 9 septembre 2014 consid. 2.2 ; ATA/1197/2018 du 6 novembre 2018 consid. 3a ; ATA/809/2015 du 11 août 2015 consid. 6d). Ces règles s'appliquent également à la procédure devant les autorités de recours en matière fiscale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_986/2013 du 15 septembre 2014 consid. 5.1.4 ; 2C_47/2009 du 26 mai 2009 consid. 5.4).

12) La recourante expose en premier lieu que les recommandations du MSA de la norme RPC 13 dans le cas spécifique des opérations de « sale and leaseback », qui imposent de lisser le gain résultant de la vente sur la durée du leasing, constituent une norme spécifique du droit comptable qui prévaut sur le principe général d'imparité. Elle considère que les comptes 2014 de E______ ne violent ainsi aucune norme impérative du droit comptable, de sorte que la provision litigieuse devait être admise.

Se pose au préalable la question de savoir si une opération de leasing financier dite « sale and leaseback » a effectivement eu lieu et si celle-ci impliquait obligatoirement, selon les règles du droit comptable, la comptabilisation de la provision litigieuse.

En l'occurrence, il n'est pas contesté que les trois contrats du 11 juillet 2014 relatifs à l'opération qualifiée par la recourante de « sale and leaseback », ce que conteste l'AFC-GE sur laquelle s'est fondée H______ pour constituer la provision litigieuse en 2015 ont été conclus entre deux parties, à savoir la fondation et D______. À teneur desdits contrats, D______ a vendu l'immeuble à la fondation pour un montant de CHF 17'000'000.-, la fondation a remis à bail l'immeuble pour une durée de vingt ans à D______, moyennant le versement d'un loyer annuel de CHF 825'600.-, sous réserve d'indexation, et les parties ont conclu une promesse irrévocable de vente et d'achat de l'immeuble pour le prix de CHF 17'000'000.-, indexé uniquement en cas de hausse de l'ISPC, dont l'exécution pouvait être demandée par chacune des parties en tout temps, mais dans un délai maximum de vingt-cinq ans. Il n'est pas non plus contesté que suite à la scission de D______ survenue en 2015, H______ a repris l'obligation de rachat de l'immeuble et la provision litigieuse, tandis que A______ a repris les droits et obligations découlant du contrat de bail, à savoir notamment le paiement du loyer. Ainsi, force est de constater que suite à l'opération de scission, survenue durant l'exercice litigieux, H______ ne prenait pas en charge le loyer de l'immeuble. Ce faisant, elle ne pouvait prétendre être liée à une opération de « sale and leaseback » pour justifier la comptabilisation de la provision litigieuse alors qu'elle n'assumait en réalité plus une partie des obligations y relative au
31 décembre de l'exercice litigieux.

Contrairement à ce que relève la recourante, l'opération de « sale and leaseback » ne saurait être traitée de manière globale aux motifs que H______ et A______ font partie du même groupe C______ , qu'elles ont pour actionnaire commun B______ et qu'elles sont sises dans le même canton. En effet, comme cela ressort de la jurisprudence susmentionnée, le droit fiscal suisse ne connaît pas, sauf disposition légale expresse, de régime spécial pour les groupes de sociétés, de sorte que les opérations entre sociétés d'un même groupe doivent intervenir comme si elles étaient effectuées avec des tiers.

Pour le surplus, le fait que les raisons de la scission aient été purement économiques et organisationnelles, comme le relève la recourante, ne change rien aux considérations qui précèdent.

En conséquence, il ne sera pas examiné plus en avant les questions de savoir si l'opération découlant des trois contrats conclus le 11 juillet 2014 peut être qualifiée de « sale and leaseback », ni si des normes de droit comptable commandaient la constitution de la provision litigieuse.

13) a. En toute hypothèse, même s'il devait être considéré qu'une opération de « sale and leaseback » a effectivement eu lieu et que des normes comptables imposeraient la constitution d'une provision, la provision pour produits différés litigieuse ne saurait être admise pour les motifs qui suivent.

La recourante expose que la provision litigieuse entrerait dans le champ d'application de l'art. 63 al. 1 let. a LIFD, en vertu duquel la déduction de provisions couvrant les engagements de l'exercice dont le montant est encore indéterminé est autorisée. Selon elle, l'engagement est certain, mais son montant est indéterminé en raison de la clause d'indexation figurant dans le contrat de bail.

b. Selon la recourante, la provision litigieuse, constituée pour la première fois en 2014 pour un montant pratiquement équivalent au gain immobilier résultant de la vente de l'immeuble le 11 juillet 2014, doit être dissoute dans le compte de résultat des comptes statutaires sur la durée du bail, soit sur vingt ans, pour un montant annuel d'approximativement CHF 518'381.-.

Or, comme indiqué précédemment, suite à la scission intervenue en 2015, H______ n'assumait plus à l'issue de l'exercice litigieux la charge de loyer auprès de la fondation. Elle n'était dès lors pas fondée à comptabiliser une provision en lien avec un engagement dont elle n'avait plus la charge. D'autre part, il ressort des explications de la recourante que la provision litigieuse visait à éviter que le gain provenant de la vente de l'immeuble en 2014 n'ait une incidence sur le résultat de l'année et ainsi à opérer un « lissage » de ce montant sur la durée du bail. Or, une provision constituée en 2015 et calculée en fonction du gain réalisé en 2014 ne répond pas au principe de périodicité. Indépendamment de ce qui précède, comme rappelé ci-avant, l'inscription d'une provision constitue une correction qui vise à prévenir le risque que le résultat ne soit pas conforme à la réalité et qu'une perte apparaisse ultérieurement, qui existait déjà au moment du bouclement des comptes. Or, en l'occurrence, la provision litigieuse n'a pas été constituée en 2015 dans le but de prévenir une perte mais de neutraliser le gain réalisé suite à la vente survenue en 2014. Même à considérer que la provision litigieuse ait été constituée non pas pour neutraliser le gain réalisé suite à la vente de l'immeuble mais pour faire face aux charges de loyers à venir, elle ne serait pas non plus admissible compte tenu du fait que H______ n'assumait plus cette charge de loyer en 2015. En outre, le montant du loyer annuel convenu dans le contrat de bail du 11 juillet 2014 pouvait uniquement varier en fonction de l'indexation de l'ISPC. Comme le relève l'AFC-GE, le montant des loyers qui aurait pu varier en raison de la clause d'indexation ne justifiait ainsi pas la comptabilisation d'une provision si élevée.

Pour le surplus, contrairement à ce que relève la recourante, le fait que les normes IFRS ou RPC prévoient l'obligation de constituer une provision pour produits différés, n'empêche pas les autorités fiscales de réintégrer une telle provision au motif qu'il s'agit d'une provision non admissible, cette possibilité étant expressément prévue par la loi. En effet, comme relevé dans la jurisprudence précitée, les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales, à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices spécifiques.

C'est ainsi à raison que le TAPI a confirmé la reprise de la provision pour produits différés effectuée par l'AFC-GE.

14) La recourante considère que selon la chronologie des faits et de l'argumentaire développé par l'AFC-GE dans sa décision du 23 avril 2015 refusant le « ruling » sollicité, elle pouvait de bonne foi considérer que l'alignement entre le droit comptable et fiscal serait accepté, ce d'autant plus au regard des décisions de taxation 2014 de D______.

15) En droit public, le principe de la bonne foi est explicitement consacré par l'art. 5 al. 3 Cst., en vertu duquel les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi (ATF 144 II 49 consid. 2.2 p. 52). De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9 in fine Cst. (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1).

Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 et les références citées).

Le principe de la bonne foi régit aussi les rapports entre les autorités fiscales et les contribuables. Le droit fiscal est toutefois dominé par le principe de la légalité, de telle sorte que le principe de la bonne foi ne saurait avoir qu'une influence limitée, surtout s'il vient à entrer en conflit avec le principe de la légalité (art. 5 et 9 Cst. ; ATF 131 II 627 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 8.1).

16) En matière fiscale, en application du principe de l'étanchéité (ou de l'indépendance) des exercices comptables et des périodes fiscales, l'autorité n'est pas liée pour l'avenir par une taxation notifiée pour une période fiscale déterminée ; à ce défaut, elle risquerait de se trouver indéfiniment liée par une erreur ou une omission qu'elle aurait pu commettre initialement (arrêt 2C_383/2011 du 31 octobre 2011 consid. 3.3).

17) La recourante expose notamment qu'en refusant, suite à sa demande de « ruling », de lisser le gain lié à la vente de l'immeuble sur vingt ans au motif qu'aucune disposition ne permettait de s'écarter du droit comptable, et en le refusant à nouveau dans le cadre de sa taxation, alors que les normes RPC 13 rendaient obligatoire la constitution de la provision litigieuse, l'AFC-GE avait eu un comportement contradictoire. Or, à teneur de la décision du 23 avril 2015, l'AFC-GE n'a pas refusé le « lissage » du gain au motif qu'aucune disposition ne permettait de s'écarter du droit comptable, mais en raison du fait qu'il existait un gain en capital devant être soumis à l'impôt sur le bénéficie des personnes morales, le droit fiscal ne contenant aucune disposition permettant de s'écarter de ce résultat. La chambre de céans peine également à suivre la recourante quand elle prétend qu'elle pouvait déduire de la décision de refus de « ruling » du 23 avril 2015 que la comptabilisation de sa provision serait admise. Ladite décision indiquait au contraire ce qu'elle relève elle-même dans son recours que la vente de l'immeuble avait généré un gain en capital soumis à l'impôt sur le bénéfice des personnes morales. Ainsi, la recourante ne saurait se fonder sur ladite décision pour prétendre qu'elle pouvait de bonne foi présumer que la comptabilisation de la provision litigieuse serait admise.

Par ailleurs, la recourante n'a pas démontré que l'AFC-GE lui aurait fait une quelconque promesse quant au maintien de la provision litigieuse.

Pour le surplus, comme cela ressort de la jurisprudence précitée, le fait que l'AFC-GE ait, par erreur, admis la provision litigieuse en 2014, mais l'ait refusée en 2015, ne viole pas le principe d'étanchéité des exercices comptables, dès lors qu'en matière fiscale, l'autorité n'est pas liée par une erreur ou une omission commise les années précédentes.

Ce grief sera dès lors également écarté.

18) Il résulte de ce qui précède que le recours, mal fondé, doit être rejeté.

19) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 septembre 2019 par A______ SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 août 2019 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d'A______ SA un émolument de CHF 2'500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ SA, au Tribunal administratif de première instance, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Tombesi, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Husler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :